Cela avait été l'une des promesses de la campagne électorale de Jacques Chirac pour la présidentielle de 2002 : la perspective d'un service minimum en cas de grève dans les services d'intérêt général avait même beaucoup pesé dans la balance pour ceux qui avaient voté pour le candidat sortant dès le premier tour. Pourtant, celui-ci, marqué par une incroyable volonté de ne pas faire de vagues auprès des syndicats, avait décidé de prendre du recul par rapport à cette promesse. Elle a été alors ramené à un simple service garanti, c'est-à-dire une meilleure information des voyageurs dans les transports en commun, le domaine où la question est la plus sensible. Les exigences en matière de trafic à assurer ne relevaient plus que de la négociation entre les entreprises et les salariés, un jeu qui ne tient pas compte des intérêts des voyageurs. Alors que les anciens électeurs de Jacques Chirac étaient déçus, voir amers de voir les espoirs douchés, surtout lorsqu'ils souffraient autant qu'avant dans les transports en commun dans les nombreuses grèves qui ont eu lieu lors du dernier quinquennat, notamment avec la réforme des retraites en 2003. Constatant cela, Nicolas Sarkozy a décidé de remettre la mesure sur son propre programme en 2007, annonçant une approche plus volontariste de la question.

Une fois celui-ci au pouvoir, il charge le ministre du travail Xavier Bertrand de mettre en place la mesure dès le début du mandat. Evidemment, les syndicats s'opposent totalement à une telle éventualité. Le droit de grève est inscrit dans la constitution, et ils en usent à satieté, très souvent jusqu'à l'abus, pour obtenir ce qu'ils revendiquent. Les services publics sont des services d'intérêt général si importants qu'il a été décidé que leur exécution ne pouvait relever des aléas du privé. Si l'on est cohérent avec cette idée, alors il faut tout faire pour qu'ils fonctionnent en permanence. Et en particulier dans les transports en commun, qui permettent aux gens de se déplacer, qui leur donne une liberté fondamentale, celle de se mouvoir. Ils sont déjà suffisamment mis en difficulté par les contraintes techniques ou météorologiques, pour qu'ils soient en plus régulièrement mis à terre par d'incessants conflits sociaux. Et dans des entreprises comme la SNCF, c'est peu de dire que la "lutte sociale" est devenue depuis longtemps une culture d'entreprise. Alors que le gouvernement se penchera en 2008 sur les régimes spéciaux de retraites très avantageux de certaines catégories de fonctionnaires et d'employés du secteur public, il est nécessaire que les négociations se fassent de façon apaisée, et non pas dans le cadre de grèves préventives qui ont d'ailleurs déjà commencé. Car si le droit de grève est un droit, le droit de se déplacer et de travailler l'est aussi. Les grèves ne doivent pas gêner les usagers des transports en commun jusqu'à régulièrement faire de leur vie un enfer.

Plus que jamais le service minimum est donc nécessaire. Alors que les syndicats se montrent menaçants, Xavier Bertrand ne doit pas faire du service minimum un texte vague qui ne change rien, mais aboutir à un vrai résultat : que les conséquences des grèves aient le moins de répercussions possible pour les usagers. A l'heure actuelle, la loi prévue n'est déjà que modérément ambitieuse : les grévistes doivent se déclarer individuellement 48 heures à l'avance, et au bout de huit jours de grève, la grève doit être reconduite au scrutin à bulletin secret. Ce n'est vraiment pas ce que l'on peut appeler une atteinte au droit de grève, mais cela suffit pour rendre furieux les syndicats, qui s'émeuvent que l'on veuille "diviser" les travailleurs, et empêcher que leurs absences aient le maximum de conséquences négatives possibles. Ils reconnaissent par là même qu'une partie des grévistes ne fait grève que poussés, voire forcés par leurs collègues, et que le scrutin à bulletin secret donnerait des adhésions différentes à la grève. En plus de vouloir perpétuer cette sorte de tyrannie opérée envers les leurs, les syndicats refusent qu'ils soient indiqués que les jours de grève ne soient pas payés. Ils préfèrent évidemment que leurs actions n'aient de conséquences négatives que pour leurs employeurs, mais surtout pour ceux qui n'ont rien à voir dans leur conflit : leurs clients, leur raison d'être. On ne peut donc se permettre de reculer davantage sur le sujet, et en la matière, ce n'est pas une obligation de moyen que le gouvernement doit respecter, mais bel et bien une obligation de résultat.