Une petite polémique a lieu en ce moment sur le fait que Michel Drucker ne souhaite pas inviter Marine Le Pen dans son émission, alors qu'il y a déjà reçu Olivier Besancenot. En filigrane, se pose à nouveau la question de savoir si l'extrême gauche est plus "fréquentable" que l'extrême droite. Comme personne ne pose la question à l'extrême droite, on peut déjà entendre les réponses de la gauche et de l'extrême gauche. Et ces réponses sont assez simples : les deux extrêmes n'ont rien à voir l'un avec l'autre. L'un est raciste, lorsque l'autre est purement idéaliste ou simplement radical (dans le sens déterminé). Ainsi, les positions politiques s'étaleraient sur un axe gauche/droite, où l'extrême gauche serait le point des plus hauts et nobles idéaux (à commencer par l'égalité totale entre chacun), et tout déplacement vers la droite serait synonyme de compromission avec les bas sentiments (tel que l'égoïsme, l'individualisme), de corruption, ou même de vilénie absolue (normalement dans le cas de l'extrême droite, mais ça peut arriver assez vite avec les différentes visions personnelles).

Dans le cas de la scène politique française, cela donne une représentation assez traditionnelle, sur un axe, conformément à la disposition des parlementaires dans l'hémicycle. Voici donc l'axe de la politique française :



Mais cette représentation, pour traditionnelle qu'elle soit, oublie un élément important. Cela peut paraître comme une évidence, mais parfois, il peut être important de redire ce genre de choses : les extrêmes se rejoignent. Chaque bout de cet axe est en contact avec l'autre, formant un cercle qui est la véritable nature de la politique. Le voici :



Bien sûr, l'un des débats fondamentaux de la politique française est de savoir quel est le bon dosage entre liberté et égalité, ou plus concrètement, de savoir si la politique doit être plus interventionniste ou plus libérale. C'est la principale distinction entre l'UMP et le PS. Cela forme l'axe horizontal de ce cercle. Mais au delà du bipartisme, pour les autres partis ou courants politiques, il est aussi nécessaire de déterminer d'autres critères. En l'espèce, dans la partie supérieure du cercle, c'est peut-être le pragmatisme, ou plutôt la modération qui l'emporte sur le reste. Il est impossible d'être parfaitement au centre, cela s'est toujours vérifié. Mais il existe des formations de centre gauche ou de centre droit, en fonction de leurs choix d'alliance.

Par contre, dans la partie inférieure du cercle, c'est le radicalisme obtus qui l'emporte, la volonté de faire plier la réalité à sa vision des choses. Plus on descend sur cet axe vertical, et plus on est prêt à tout pour arriver à ses fins. C'est le moment où des privations de liberté sont décidées envers les opposants politiques, où la liberté de la presse est mise à mal, ou la démocratie n'est plus respectée. Et à cet égard là, Lutte Ouvrière ou le Nouveau Parti Anticapitaliste ne sont pas en reste avec le FN, loin de là. La "dictature du prolétariat", érigée en dogme, est la clé permettant tous les excès, tous les abus envers les "ennemis de classe". Pour créer une égalité factice, la liberté est purement et simplement supprimée.

L'Histoire fut riche d'enseignements sur la similitude entre extrême gauche et extrême droite. Dans les deux, on retrouve un État omniprésent, une dictature violente, une doctrine érigée en clé de voute de la société. Et cela a eu des répercussions concrètes. Alors que dans les années 30, les militants communistes et fascistes s'opposaient souvent violemment les uns aux autres, l'une des fiertés des communistes étaient justement d'être les plus éloignés possibles des fascistes sur un axe plat. Mais c'était justement oublier que les deux groupes, dans leurs folies, finissaient par se rejoindre. Le pacte Molotov/Ribbentrop, entre les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne nazie et de l'URSS communiste, en est le symbole évident. On aurait pu croire qu'ils n'avaient rien en commun, mais ils trouvaient parfaitement à s'entendre, d'abord pour ne pas se faire la guerre, ensuite pour se partager la Pologne, en l'envahissant par les deux bouts. Seule l'invasion de l'URSS décidée par Hitler permit plus tard aux communistes de se réveiller, et de se proclamer à nouveau comme champions de la lutte contre le fascisme.

Normalement, dans la théorie marxiste, après la dictature socialiste, il devrait y avoir la véritable société communiste. Dans ce cadre, tout devrait appartenir à tout le monde (et non seulement à l'État), et tout le monde serait parfaitement libre, libéré du joug des propriétaires du capital. Certains penseurs d'extrême gauche ont même mis en avant un idéal anarchiste, un monde libéré de toute obligation formelle. Cela rejoint d'ailleurs une autre forme d'extrémisme, celle des libertariens, qui rêvent également de libertés absolues et totales. La seule variation entre les deux étant la question de la propriété privée. Aucune de ces deux variantes n'a été mise en place au cours du passé, tout simplement parce que cela bloque auparavant. Au bout du compte, que ce soit en passant par l'extrême droite ou par l'extrême gauche, cela se termine à chaque fois par des camps meurtriers de prisonniers. Que l'extrême gauche fasse la même chose que l'extrême droite pour des idéaux supérieurs ou considérés comme plus nobles ne fait aucune différence. C'est toujours le même obscurantisme, la même haine de l'opposant. Et c'est pourquoi Besancenot vaut Le Pen et que le NPA vaut bien le FN.