Le quotidien économique Les Echos a révélé il y a quelques jours que 105 826 personnes ont été indemnisées par le régime des intermittents du spectacle, ils ont touché 1,276 milliard d'euros, alors que les cotisations s'élevaient à 223 millions d'euros. D'où un déficit de plus d'un milliard d'euros. Le régime de chômage des intermittents du spectacle n'est donc financé qu'à 17 %, laissant place à un trou béant dans les finances publiques. Du côté de l'Etat, on est pourtant prêt à ce que cela perdure. Il y a bien eu deux réformes en 2003 et 2007, mais si elles ont créé beaucoup d'agitations de la part des intermittents, elles n'ont rien changé concrètement. La Fédération CGT du Spectacle se dit elle prête à une nouvelle "véritable réforme", mais c'est en fait la question de l'opportunité du maintien de ce régime qui se pose.

En effet, quelle est la raison d'être du régime des intermittents du spectacle ? Avec aussi peu de cotisations par rapport aux indemnisations, il est peu probable qu'une quelconque réforme le mette à l'équilibre. Cet énorme déficit est donc d'ordre structurel. Cela veut aussi dire qu'il est voulu. Ce serait un moyen pour l'Etat de financer la politique culturelle en renflouant annuellement ce trou. D'après les intermittents eux-mêmes, ces indemnisations généreuses serait un moyen pour faire financer par la collectivité les répétitions et permettre des périodes d'inactivité aux artistes. Sauf que le régime des intermittents est loin de ne financer que les artistes.

Dans les chaînes de télévision, la très grande majorité de ceux qui assurent les tâches de production bénéficient du régime des intermittents. Caméramans, preneurs de son, infographistes... tous sont intermittents. Des entreprises stables usent et abusent quotidiennement du régime des intermittents, qui permet de diminuer leurs coûts, et qui est aussi très arrangeant pour les employés. Le seul grand perdant, c'est la collectivité qui finance tout cela indistinctement, soit le plus grand nombre. Et même dans les spectacles vivants, pourquoi les répétitions ne seraient-elles pas payées par le producteur, alors que cela fait partie du travail ?

Le régime des intermittents du spectacle est une spécificité française. Dans les autres pays, être acteur ou infographiste est un métier comme un autre, donc obéissant aux mêmes contraintes, et bénéficiant des mêmes droits. Ce déficit structurel est trop lourd pour pouvoir être pris en charge par l'Etat indéfiniment. Des négociations entre patronat et syndicats commencent sur l'assurance chômage, le gouvernement devrait en profiter pour annoncer qu'il ne renflouera plus ce déficit. Il y aurait alors de grande chances que cela signe l'arrêt de ce régime. Evidemment, reversés dans le régime général, ceux qui étaient autrefois intermittents représenteraient probablement encore un coût, mais au moins celui-ci serait largement moins important.