Lorsque le temps est calme et la mer apaisée, les conditions sont réunies pour favoriser les voyages en bateau d'immigrés clandestins vers les terres de l'Union Européenne. Dans ces critères, l'été 2006 a été particulièrement propice pour les départs depuis les côtes africaines jusqu'aux îles Canaries, qui ont de ce fait été rapidement submergées par l'immigration clandestine. Celle-ci passait auparavant par les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila en Afrique du Nord. Mais l'Espagne a du renforcer grandement ses mesures de sécurité pour rendre moins perméables ses frontières et se préserver d'un flux d'immigrants incontrôlable. Néanmoins, plutôt que de passer par le Sahara, les immigrants d'Afrique noire ont désormais trouvé un autre point faible : les îles européennes, en passant par la mer. Il faut dire que pour ceux qui arrivent à mettre un pied en terre européenne, la législation leur est particulièrement bienveillante : aucune expulsion immédiate, il leur est donné la chance de tenter des procédures de régularisation, qui, le temps de leur durée, leur donnera un titre de séjour provisoire, qu'elles soient un succès ou non. Il leur est également donné une somme d'argent, et ils sont le plus souvent envoyés en métropole espagnole, pour ne pas surcharger les îles Canaries. Dès lors, si un arrêté de reconduite à la frontière est prononcé à son égard, l'immigrant a eu tout le temps qu'il fallait pour se fondre dans la masse des sans-papiers, n'ayant aucun titre au séjour, mais restant clandestinement par le non-respect des lois.

Cette situation est inacceptable pour plusieurs raisons. D'abord, le voyage en lui-même : il est extrêmement dangereux pour les immigrants, qui laissent pourtant des sommes considérables à des passeurs peu scrupuleux, des sommes qui seraient mieux utilisées dans le développement local dans les villes ou villages d'origines des immigrants. Ensuite, l'immigration clandestine représente une faute originelle pour les immigrants qui ne respectent pas les lois des titres de séjour, qui ont été justement faites pour que l'immigration se fasse de façon saine tant pour les pays de départ que pour les pays d'accueil. On peut certes s'interroger sur la misère qui pousse les Africains à prendre de tels risques, alors que la situation d'un immigré clandestin est fort logiquement difficile dans le pays où il s'installe. Il y a d'abord une ignorance des conditions de vie des personnes sans papiers dans les pays européens. Cette ignorance relève tant du rêve béat, que de la honte de ceux qui s'y trouvent déjà qui se refusent à expliquer à leurs proches restés au pays que leur investissement donne si peu de résultats. La pauvreté pousse de nombreux jeunes hommes à croire en cette illusion. Il faut donc supprimer l'illusion, en expliquant clairement les conséquences d'une telle immigration. Il faut évidemment aussi s'attaquer à la pauvreté. Quelles en sont les sources ? Nombreux sont ceux qui évoquent la dégradation des termes de l'échange entre pays sous développés et pays développés, dans la mesure où les premiers produiraient avant tout des matières premières, qui permettraient d'avoir de moins en moins de pays manufacturés en provenance des pays développés. C'est une explication à prendre compte, mais les pays d'Afrique noire connaissent tout de même une certaine croissance économique. Mais cette croissance ne se traduit pas forcément en développement des conditions de vie, de par les politiques bancales souvent adoptées dans ces pays. Le fait est surtout que cette croissance économique ne suffit pas à l'accroissement de la population.

En effet, s'il y a tellement de jeunes gens désespérés vis à vis de leur situation, c'est qu'ils sont en grand nombre pour des ressources économiques qui ne suivent pas, d'où la tentation du départ. A partir de cette constatation, l'idée d'une politique malthusienne apparaît comme pertinente. Dans des pays comme le Sénégal ou le Mali, le taux de croissance de la population est proche de 3 % par an, ce qui est considérable. Le nombre d'enfants par femmes dépasse les 5 enfants, ce qui fait une population qui augmente rapidement et est très jeunes, sans que le développement économique puisse suivre. Si l'accroissement de la population est souvent un facteur de croissance économique, il arrive un moment où les infrastructures économiques ne peuvent plus suivre et fournir un bon emploi à chacune de ces jeunes personnes, et ce d'autant plus lorsque les fondamentaux sont peu solides. Autrefois, les pays européens qui avaient une forte transition démographique voyaient leurs jeunes générations participer à l'exode rural et émigrer dans des terres autrefois relativement vierges comme les Etats-Unis. L'exode rural n'est désormais plus supportable en Afrique noire, vu les bidonvilles énormes qu'il a générés, et il n'y a plus de terres vierges. Il faut d'autant plus se resservir des leçons du passé, et se déterminer à adopter de vraies politiques de contrôle de naissances dans de tels pays, sous peine qu'ils soient condamnés à la misère. Malheureusement, il n'existe pas de volonté politique pour de telles mesures, et il n'y a même pas encore de débat public sur une telle opportunité.

En attendant, les conséquences néfastes de l'immigration clandestines se poursuivent. Ainsi l'île française de Mayotte connaît elle une situation semblable à celle des Canaries, à la différence près que les immigrants comoriens ne sont pas conduits en métropole française. Ils sont donc très nombreux à résider à Mayotte, et ce d'autant plus que les femmes enceintes comoriennes viennent à Mayotte dans le but avoué de donner naissance à un enfant qui pourra revendiquer plus tard la nationalité française, et donc donner un statut régulier à ses parents. Un tel détournement des lois généreuses françaises du droit du sol provoque une colère légitimes des Mahorais, de moins en moins nombreux proportionnellement parlant sur leur propre île. En effet, l'afflux de Comoriens est de plus en plus difficile à vivre pour eux, et des problèmes concrets se posent, comme la gestion des maternités, les plus actives de France, ou l'enseignement à dispenser à des enfants en grande partie étrangers, outre la création de fait d'un second bloc ethnique sur une petite île. L'exaspération des Mahorais est telle qu'ils en sont à demander une remise en cause partielle du droit du sol pour faire face à cette situation exceptionnelle, et François Baroin, le ministre des DOM-TOM, recherche activement une solution alors que la métropole semble se sentir peu concernée. Ainsi, que ce soit aux Canaries ou à Mayotte, il faut prendre le problème de face et trouver des solutions à l'ampleur du problème de ces îles, quitte à remettre en cause les conditions d'accueil des immigrants clandestins.