Réflexions en cours

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jeudi 29 octobre 2009

Le traumatisme prévisible de l'extinction de la télévision analogique

La semaine dernière, Alain Méar, l'un des membres du CSA, a estimé en commission de l'Assemblée Nationale que 500 000 foyers pourraient être en zone d'ombre de la télévision numérique terrestre à terme. Cela signifie que lorsque la transition de la télévision analogique à la numérique sera complète sur l'ensemble du territoire français, ces foyers ne pourront plus capter les signaux analogiques sur lesquels ils se reposaient, et n'auront pas à disposition de signaux numériques. Le diffuseur TDF porte plutôt ce chiffre à 1,3 millions. En fait, la loi prévoit une couverture de 95 % de la population à terme. Les 5 % restants seront condamnés à ne plus pouvoir recevoir la télévision que par une parabole. Les ménages les plus modestes devraient pouvoir recevoir une aide de l'Etat pour faire cette coûteuse dépense, mais cette transition risque d'être de toute façon assez difficile. Aujourd'hui, ce sont les discours optimistes qui prévalent, en mettant des taux d'équipement en télévision numérique déjà importants, mais le plus dur est encore à venir.

En effet, ces statistiques considèrent que si une télévision dans le foyer est connectée à une source de télévision numérique (TNT, câble, satellite ou ADSL), alors ce foyer est prêt. Mais ce sont l'ensemble des postes de télévision qui doivent être reliés au numérique, et ça ne se fera pas tout seul. Après des décennies où les normes sont restées les mêmes, le parc de télévision est colossal. Tout n'a pas encore été jeté, et de très nombreux foyers ont deux voire trois téléviseurs, parfois plus. Et si un foyer modeste a deux téléviseurs, il ne sera aidé que pour l'achat d'un seul adaptateur.

De plus, le changement technique en lui-même n'ira pas forcément de soi pour tout le monde. Si la qualité d'image du numérique est meilleure, les éventuelles détériorations de la transmission ont un impact beaucoup nuisible, avec des effets mosaïque bloquant rapidement l'image totale. Pour beaucoup de monde, tous ces changements vont se faire dans l'incompréhension. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir comment cela se passe pour ceux qui tentent de passer au numérique dès aujourd'hui : la multiplicité des cas particuliers (immeubles, sites montagneux et protégés par exemple) fait que ce changement n'est pas évident. En 2002, la transition à l'euro dut se faire rapidement et après plusieurs années de campagnes de sensibilisations intensives, mais quelques années après le souvenir n'est pas forcément joyeux dans la population.

En ce qui concerne celui qui arrive pour la télévision, les premières extinctions du signal analogique arrivent pour 2010, et de timides publicités commencent tout juste à pointer leur bout du nez. C'est assez léger. Que se passera-t-il, quand des centaines de milliers de personnes, en rentrant un jour de leur travail, se rendront compte que leurs téléviseurs n'affichent tout d'un coup plus rien ? Ils risquent de mal vivre cette remise en cause de la télévision, le premier loisir des Français. Il vaudrait mieux ne pas prendre à la légère ce soucis bien prévisible.

lundi 19 octobre 2009

Vision cynique de l'abstention

Au second tour de l'élection législative d'hier, la participation n'a été que de 34 %. Quelques semaines plus tôt, pour celle organisée dans la circonscription de Rambouillet, elle était de 25 %. Bien sûr, les élections partielles ont fréquemment de tels résultats d'abstention. Mais aux dernières européennes, seuls 40 % des inscrits s'étaient présentés aux urnes. Aux Etats-Unis, la participation tourne fréquemment autour des 50 %. Dans ces anciennes démocraties, le droit de vote semble être considéré comme quelque chose de définitivement acquis, presque accessoire, vu comment autant de gens semble peu s'en soucier. Autrefois en France, et aujourd'hui encore dans bien des pays, des gens sont morts et meurent encore pour le droite de vote, pour avoir la possibilité d'organiser des scrutins libres ouverts à tous. Mais tout cela ne sonne que comme une ennuyeuse leçon de morale pour tous ceux qui trouvent toujours mieux à faire plutôt que de se préoccuper de la vie publique.

Dès lors, on peut considérer que la légitimité des élus est plus faible, et même, de façon plus générale, que la démocratie est moins forte, vu que la population la soutient de moins en moins. Certains abstentionnistes peuvent prétexter qu'ils font en fait un acte politique, qu'ils envoient un message. Quelque soit ce message, il est incompréhensible. Si c'est pour signifier un refus de l'ensemble des candidats qui se présentent, le vote blanc peut exprimer cela. Contrairement aux idées reçues, il est parfaitement comptabilisé lors des dépouillements et de la publication des résultats. Il n'en est pas fait davantage état, car pour déterminer le choix, il faut bien se baser sur les suffrages exprimés. Chacun peut pourtant se présenter se présenter aux élections si les candidats qui se présentent ne suffisent pas. C'est donc bien un mépris pour le système démocratique qui apparaît ici, ce qui n'est pas déçoit, forcément.

Mais en prenant un point de vue totalement cynique, on peut voir les choses différemment. Quelqu'un d'uniquement rationnel et d'égoïste pourrait considérer qu'après tout, l'abstention lui profite. En effet, en diminuant le nombre de voix à une élection, le poids de chacune augmente. Donc, plus il y a d'abstention, et plus l'influence de chaque votant augmente. Au final, le manque de considération des uns pour la démocratie permet à ceux qui restent d'avoir un pouvoir plus grand sur eux. Les cyniques peuvent donc se réjouir de la bêtise des abstentionnistes, qui leur donne le contrôle de fait sur ces derniers. Cette décision inconsciente peut paraître tragique. Mais elle n'est en aucun cas inéluctable...

lundi 5 octobre 2009

Résultat de la "votation" bidon : 100 % des gens contre sont contre

Les médias accordent beaucoup d'attention à un coup de communication monté par la gauche et les syndicats. Une "votation" organisée ce week-end concernant le statut de La Poste aurait rencontré des résultats très clairs, défavorables à une privatisation. Si l'événement peut paraître spectaculaire, il n'a absolument aucune valeur, tant il n'a rien d'un vote. L'utilisation du terme "votation" est à cet égard assez significatif. Le terme n'a plus vraiment de sens précis en France, c'est un ancien mot renvoyant à l'action de voter. Mais ici, il n'y a pas de collège électoral, de garants de la sincérité du scrutin, et à vrai dire, d'alternative. Une seule solution est possible, le "non". Les organisateurs de l'événement, tels que Sud PTT, sont directement intéressés dans les enjeux présentés. De fait, ceux qui tiennent les urnes et les scrutateurs sont tous d'un seul bord. L'urne en question trône entre deux affiches appelant à s'exprimer contre, et d'une manière générale, ne s'y rendent que ceux qui sont contre. Un meilleur terme pour mieux organiser l'opération aurait été "plébiscite", et les organisateurs montre ici leur vision de la démocratie, celle où tout le monde est d'accord avec eux (les résultats sont presque à 100 % conformes à leur opinion). C'en est en fait une sinistre parodie.

Et si ces résultats et les conditions de cette espèce de scrutin n'étaient pas suffisants pour montrer son aspect totalement bidonné, la question posée suffit pour s'en rendre compte : "Le gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser, êtes-vous d'accord avec ce projet ?" Dès l'énoncé, on tombe sur un mensonge grotesque. Il n'a jamais été question de privatiser La Poste, cette menace imaginaire n'étant brandie que pour permettre de combattre le changement de statut de La Poste, qui demeura une entreprise entièrement détenue par l'Etat français. Toute cette pseudo consultation est fondamentalement malhonnête, et son seul enseignement est que ceux qui sont contre sont contre (quelque chose dont il n'est pas question). C'est en fin de compte assez irréel, et sans répercussion.

Certains commentateurs rebondissent sur ce coup médiatique pour poser la question d'un référendum d'initiative populaire. Il faudrait déjà souhaiter qu'il y ait quelque chose de concret à discuter dans ce cas. Mais plus généralement, ce doit être un instrument utilisé avec les plus grandes précautions et la plus grande parcimonie. Des paniques populaires spontanées ou organisées sont facilement instrumentalisées, et peuvent avoir des conséquences dommageables et durables. L'inconvénient de l'initiative populaire par rapport à celle d'un gouvernement est que la diversités des initiateurs fait qu'il ne peut y avoir de plan d'ensemble dans les décisions prises, et si elles doivent être répétées dans différentes directions, font perdre toute cohérence aux politiques publiques.

C'est d'ailleurs l'un des problèmes qui font que la Californie a traversé une situation de quasi faillite. Il y est assez simple de déposer des "propositions" soumises aux votes, à l'initiative de n'importe quel lobby ou association. Tous les deux ans, les Californiens sont appelés à voter sur tout un lot de questions indépendantes lancées par divers groupes, dont les résultats s'imposent aux autorités élues. Bien souvent, cela a pour effet de créer de nouvelles dépenses ou de nouvelles organisations, sans contreparties en terme de rentrées financières, ce qui a contribué à mettre à mal les finances publiques californiennes. Sans compter le défaut inhérent à ce genre de référendums : la forte tendance à voter sur la base de facteurs sans vraiment en rapport avec la question posée.

Raison de plus de ne pas faire n'importe quoi en France. Mais visiblement, des promoteurs d'intérêts particuliers ont l'air bien décidé à se lancer dans les délires les plus invraisemblables, en commençant par se croire grand démocrates... oubliant qu'ils le sont seulement à la mode soviétique, où une seule réponse existe, et où la question est biaisée.

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