Maire de Paris depuis onze ans maintenant, Bertrand Delanoë s'est montré constant dans sa politique anti-voitures. C'est le résultat de la sociologie actuelle de la capitale, qui se traduit notamment par la relative influence des Verts (bien supérieure là que dans les campagnes) et l'état d'esprit des conseillers municipaux élus. Pour la majorité des Parisiens, il semble donc que la voiture, ça pollue et ça prend de la place. A la place, vive les transports en commun et les circulations douces. Ce mantra obsessionnel s'est traduit d'une part par l'accent mis sur le service municipal de location de vélos Vélib', et d'autre part par la guerre sans pitié aux véhicules privés. Les projets actuels (suppression des voies sur berges, baisse de la vitesse sur le périphérique, interdiction des véhicules les plus anciens, et éventuellement interdiction du trafic) continuent de pointer du doigt l'automobiliste comme nuisance qu'il faut supprimer. On retrouve en fait une question traditionnelle : une ville n'est-elle qu'à ses habitants ?

En tant que tel, on peut comprendre les Parisiens dans leurs combats anti-voitures. Ils ont tout à portée de main, les distances ne sont pas si grandes dans Paris, et le maillage des stations de métro y est vraiment exceptionnel. Ils doivent vivre avec une pollution certaine, et les rues y sont toujours pleines de voitures. Seulement, la situation est bien différente pour les non Parisiens. Conséquence du jacobinisme, bien des choses ne se trouvent qu'à Paris, et le réseau de routes nationales est d'ailleurs construit en étoile avec la capitale comme centre. Un très grand nombre de banlieusards doivent se rendre à Paris ou y passer pour travailler, et pour eux, le vélo n'est vraiment pas une solution vu les distances. Les lignes de RER sont de belles infrastructures, mais elles offrent toutes un service catastrophique et elles sont quotidiennement surchargées. En fait, heureusement qu'une bonne proportion des gens prennent leur voiture, car s'ils prenaient tous RER ou Transilien, tout exploserait. Comment peut-on encore dire "les gens n'ont qu'à prendre les transports en commun", quand ceux-ci souffrent de sous-investissements chroniques depuis des décennies et ne tiennent d'ores et déjà plus ?

Voilà un point qui ne concerne pas les Parisiens, et donc reste peu traité. Les habitants d'au-delà du périphérique sont traités comme des intrus qui nuisent à la tranquillité rêvée de la capitale. C'est du reste la même chose partout : le propriétaire d'une maison souhaitera que la rue dans laquelle il habite soit peu passante et que la vitesse y soit basse, mais il souhaitera également pouvoir aller vite dans les autres rues, où il n'a rien d'autre à faire que la traverser. C'est ainsi que se multiplient partout dos d'ânes et limitations à 30 km/h, qui plaisent au riverain mais énervent l'automobiliste... la même personne, suivant là où il se trouve.

Toujours est-il qu'à Paris, le maire s'y prend dans le mauvais ordre. Il devrait commencer par s'assurer que l'offre de transports en commun est bien à même de prendre en charge le passage de tous (on en est très très loin) avant de se lancer dans ces croisades anti-voitures. En attendant, cette politique favorisera les embouteillages et desservira les moins fortunés, ne pouvant déjà plus habiter dans Paris.