Des dessins animés japonais bas de gammes
« Notre ambition est de faire appel aux auteurs
français; ils savent raconter de jolies histoires qui, tout en étant à
vertu éducative, sont extrêmement distractives [...]. Il est facile de
faire une programmation pour enfants, il existe des kilomètres de dessins
animés, notamment en Extrême-Orient, [...] extrêmement violents pour la
plupart. Telle n'est pas notre intention», ajoutait l'auteur de cette
irréprochable déclaration. Et de préciser que des psychologues, des
éducateurs, des sociologues, ainsi, qu'un... conseil de jeunes,
assureraient la qualité de la programmation enfantine.
L'auteur de
cette proclamation inspirée ? Francis Bouygues, devant la CNCL, au moment
des condi-tions pour l'attribution de TF. Résultat ? Plus de 90 p. 100 de
séries et dessins animés japonais bas de gamme, sur TF1, et une exclusive
affaire de gros sous. Oubliées les promesses en béton faites un matin à la
CNCL. Abandonnées les jolies histoires, enterré le conseil des jeunes. «
Metalder » a eu raison de Francis.
TF1, AB Productions et Dorothée :
quand les enfants servent d'appâts
« Les Chevaliers du Zodiaque », «
Ken le Survivant », « Dragon Ball », « Bioman », « Spielvan », défilent
quotidiennement sur TF1, et, pendant l'été (« Dorothée Vacances »), on
fait encore moins cher : on ressort « Goldorak », probablement déjà
largement amorti sur toutes les télévisions du globe; « Giraya» et aussi «
Metalder », deux séries japonaises stupides et violentes à côté desquelles
« Bioman » fait presque « haut de gamme ». Le tout suivi, chaque jour de
cet été par Les rues de San Francisco, l'inévitable série policière. Bref
on enrage devant un tel gâchis. Comment ne pas penser à tous ces gosses
des banlieues, cloîtrés entre quatre murs de béton, privés de vacances, et
qui n'ont que la télévision pour rêver et pour s'évader, enfants abreuvés
de violence, de laideur, de médiocrité.
Pauvre monsieur Bouygues, vous avez
imprudemment dit « ni japonais, ni violent »? Ce n'est que coups,
meurtres, têtes arrachées, corps électrocutés, masques répugnants, bêtes
horribles, démons rugissants. La peur, la violence, le bruit. Avec une
animation minimale. Des scénarios réduits à leur plus simple
expression.
Comme s'il ne fallait laisser aucun répit. Dévider toujours et toujours des images
soi-disant pour enfants : des faux dessins animés jusqu'aux pâles copies
des téléfilms pour adultes. Pourquoi ne
pas introduire un minimum d'alternance dans le choix des séries ?
Pourquoi ne pas y intercaler des rediffusions françaises? Pourquoi ne pas
donner un peu d'accalmie avec du cirque, du sport pour jeunes, avec...
mille choses parmi les meilleures productions déjà diffusées ou celles des
télés voisines (émissions de la BBC par exemple)?
Il existe pourtant de bonnes séries de
science-fiction : « Tom Sawyer », et aussi « Conan » (A2). Et de
bons dessins animés français : « Touni et Litelle » (TF1), ou «
Demetan, la petite grenouille » (FR3, en coproduction japonaise)... Sans
parler des stocks de produits de qualité détenus par l'INA.
(Ségolène Royal dans Le ras-le-bol des bébés zappeurs, p 44 à
46)
Analyse : "Goldorak", "Dragon Ball", "Les
Chevaliers du Zodiaque", voilà ce que recouvre les "dessins animés
japonais bas de gamme" que conspue Ségolène Royal. Quels
succès ils ont eu pourtant ! Pourtant, dans l'esprit de Ségolène
Royal, les enfants ne sont pas capables de faire la part des choses, et
gobent tout ce qu'on leur donne. Pourquoi alors certaines séries
fonctionnent mieux que d'autres ? En fait, pourquoi TF1 avait-elle une
aussi bonne audience ?
"Dragon Ball" et les "Chevaliers du Zodiaque"
montraient de jeunes héros qui dépassaient les épreuves à force
de courage et de persévérance. C'était bien le scénario et les
personnages qui faisaient les adorer par autant de
téléspectateurs. Ces séries ont ouvert la voie à
l'animation et la bande dessinée japonaises par leur succès, et
encore aujourd'hui, un grand nombre de mangas sont inspirées
par elles. Il semble bien que les enfants que Ségolène Royal voulait
protéger n'ont pas vu la même chose qu'elle en regardant ces
programmes.
Au passage, dans ce qu'il faut faire, "Tom Sawyer" est qualifié de série de science-fiction. C'est
d'une part faux, et de plus assez étonnant vu que cette
série est tirée d'un roman mondialement connu, écrit
par Mark Twain. Il est incroyable en fait que Ségolène
Royal ne connaisse pas ce livre. Elle semble également ignorer également que "Tom Sawyer"
et "Conan" sont deux dessins animés japonais, quant à "Demetan",
cette série devient française par sa volonté alors qu'elle est entièrement japonaise.