La preuve par le fait divers
Aucune preuve de l'effet nocif de la violence
n'existerait
Cet argument s'appuie sur le fait que des centaines
d'enquêtes, depuis trente ans, ont donné des résultats fragmentaires,
parfois contradictoires.
Il n'y aura d'ailleurs jamais de mesure «
mécanique» possible puisque de nombreux facteurs influent sur le
comportement et qu'il est difficile d'isoler le paramètre « télévision ».
En outre, on ne sait rien sur les effets à long terme. Les expériences en
laboratoire ne sont, en ce domaine, qu'exceptionnelles et pas faciles à
réaliser.
Et pourtant, des recherches menées aux États-Unis montrent,
par exemple, que, dans un groupe de foyers, la violence familiale a
diminué de 37 p. 100 en moyenne pendant la semaine où les émissions
violentes ont été supprimées. D'autres études comparatives ont révélé
que la moyenne des comportements agressifs augmentait de 25 p. 100, la
violence des «gentils» étant autant incitative que celle des « méchants »,
lorsque l'on doublait pendant huit jours la dose de violence.
Les
Japonais ont prouvé que, plus l'image est rapide, plus elle est violente
et choquante, plus le spectateur regarde et en oublie de zapper. Plus la
publicité est donc rentable. D'où ces téléfilms japonais et ces
dessins animés nuls et agressifs. Nul besoin de scénario, ni d'histoire,
ni même de person-nages. On se tape dessus. Ni bons ni méchants, à quoi
cela servirait-il ? Ça coûterait plus cher d'avoir une histoire, il
faudrait même payer un écrivain... Juste un décor et du
bruit !
Une enquête américaine, faite par Brandon Cesterwal,
professeur de science du comportement à Washington, a montré que le taux
des assassinats au Canada a considérablement augmenté dix à quinze ans
après l'introduction de la télévision dans ce pays. Cette période
correspondrait au laps de temps nécessaire pour que les enfants de la
télé-violence atteignent l'âge adulte.
En juin 1989, à Aix-en-Provence,
un crime atroce est commis par Xavier, seize ans, qui poignarde son copain
et la mère de celui-ci. Un après-midi, les adolescents se mettent à jouer
avec la collection d'armes blanches du frère aîné Ils commencent à
simuler des gestes d'escrimeurs. « Soudain, Pierre-Henri m'a blessé à la
main, raconte Xavier. Je suis devenu fou... » Il étouffe son copain avec
un coussin et le tue puis il descend à la cuisine et poignarde
sauvagement la mère. Comment cet enfant est-il passé aussi vite de la
placidité à la violence ? se demande le psychiatre. Et pourtant un détail
dans le récit, un témoignage : « Il était assez taciturne, raconte son
ami, toujours dans sa chambre à regarder au magnétoscope surtout des films
d'horreur en compagnie de Xavier.»
Un garçon fragile, gorgé de
films d'horreur, qui bascule dans le passage à l'acte?
(Ségolène Royal dans Le
ras-le-bol des bébés zappeurs, p 98 et 99)
Analyse : Voilà les preuves que nous montre
Ségolène Royal pour répondre à l'objection qui consisterait à dire que ce
n'est pas parce qu'on regarde de la violence à la télévision que l'on
devient violent soi même. La preuve est faite par le fait divers : si l'on
peut penser que cela s'est passé une fois, c'est que ce doit être une loi
de la nature. Ou comment faire d'un exemple une règle.
L'autre preuve c'est que le nombre des assassinats
a augmenté au Canada quinze ans après l'introduction de la télévision.
Difficile de croire sérieusement en un tel résultat, alors qu'on pourrait
trouver des dizaines d'autres explications à ce phénomène.
Mais en qualifiant les dessins animés
japonais de nuls et agressifs, et surtout sans scénario, elle
montre une nouvelle fois qu'elle ne les a pas regardés et qu'elle
parle de quelque chose qu'elle ne connait qu'au travers de préjugés
confus.