Réflexions en cours

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lundi 26 novembre 2007

Les néo-conservateurs

Au cour du mandat de George W. Bush, le néo-conservatisme aura été une force idéologique de premier plan, réussissant à lancer une guerre en Irak alors qu'elle n'était amenée par aucun fait de guerre direct. Les néo-conservateurs sont un courant de pensée puissant, pas forcément dominant dans la population américaine, mais remarquablement bien introduit parmi ses élites. Leur vision du monde part sur la base d'un refus du relativisme moral : ils considèrent que le mal et le bien existent en tant que tels, qu'il est possible de discerner entre les deux, et qu'il faut appliquer le bien contre le mal. Ce qui relève du bien, c'est le droit au bonheur, la liberté, la démocratie... bref, ce qui fait la société américaine. Celle-ci est donc un modèle pour le monde, et les Américains ont comme mission de faire partager leur mode de vie aux pays subissant des dictatures. A ce titre, le rayonnement des Etats-Unis est indispensable pour influencer les autres pays à les suivre, et l'Amérique doit même oeuvrer pour renforcer son hégémonie, et ainsi constituer une force d'attraction suffisante pour entraîner le monde entier derrière elle.

D'un point de vue politique, le néo-conservatisme s'est d'abord constitué dans le cadre de la guerre froide, pour lutter contre l'immobilisme prévalant face à l'URSS. Les néo-conservateurs prônaient la prise d'initiative face à la menace soviétique, et n'hésitaient pas à considérer l'usage de la force militaire comme nécéssaire pour atteindre des buts justes. Ils ne croient d'ailleurs pas au multi-latéralisme, facteur d'inaction et de compromission. Les néo-conservateurs sont idéalistes dans la mesure où ils refusent de laisser leurs idéaux entâchées et où ils considèrent que chaque pays suit le chemin du progrès, mais ils se veulent également réalistes sur les moyens d'arriver à leurs fins, en pensant que seul le rapport de force est de nature à sécuriser des avancées avec les dictatures. Ronald Reagan, en augmentant le budget militaire américain dans les années 80, est ainsi crédité de l'effondrement du bloc soviétique qui n'a pu suivre cet effort.

Après le succès face aux soviétiques, les néo-conservateurs semblaient ne plus avoir d'ennemi. Mais il restaient encore bien des dictatures hostiles aux Etats-Unis à travers le monde. L'Irak, l'Iran, la Corée du Nord, l'Afghanistan, la Lybie... Ils surveillaient chacun de ces pays. La montée de l'islamisme leur a fait prendre conscience d'une nouvelle menace contre le monde libre, et c'est ainsi qu'ils ont pu s'imposer au lendemain du 11 septembre 2001. Et aujourd'hui encore, s'ils ont obtenu que les Etats-Unis agissent directement contre les "Etats voyous", ils ne se méfient pas moins de pays plus imposants, plus solides mais se révélant comme de possibles challengers de la suprématie américaine. La Chine et la Russie sont ainsi à nouveau considérés avec prudence, voire suspection.

L'échec de la guerre en Irak a notablement diminué leur influence. Mais leur doctrine garde une certaine force aux Etats-Unis, et elle reste comme une pensée de fond pour bon nombre d'hommes politiques républicains. Dès lors, il ne serait pas étonnant qu'elle ressurgisse avec toute sa force en cas de crise internationale. Il est difficile de transformer un tel idéalisme en des conceptions plus subtiles.

vendredi 16 novembre 2007

Les tories britanniques

Depuis 1997, le parti conservateur est dans l'opposition en Grande-Bretagne. La victoire de Tony Blair sur John Major a forcé ce parti, celui de ceux qu'on appelle les "tories" outre manche, à entamer une longue traversée du désert. Il leur est difficile de revenir au pouvoir, alors que le gouvernement semble donner satisfactions aux électeurs. C'est que le blairisme a su appliquer une troisième voie salvatrice pour le pays, bien éloignée de l'ancienne posture que le Labour adoptait dans les années 70 : celle d'un parti contrôlé par des syndicats se situant nettement à la gauche de l'échiquier politique. L'inertie entraînée par les blocages syndicaux et l'absence d'audace des gouvernements successifs avaient porté la Grande-Bretagne à une situation désastreuse à l'époque. Pour sortir de cet extrème, Margaret Thatcher a utilisé des solutions clairement libérales économiquement parlant. Elles l'étaient parfois trop, mais la politique se devait d'être radicale pour sortir des anciens blocages. Le génie de Tony Blair fut de prendre le parti d'adoucir les politiques mises en places par Margaret Thatcher, tout en en conservant la plus grande partie. Ainsi, la Grande-Bretagne put connaître à la fois la prospérité économique et une amélioration des conditions de vie. Dès lors, les tories ne gardaient plus que le côté radical, et se voyaient déposséder de la possibilité de recommander une politique centriste, sinon à s'aligner sur le Labour.

Cela fait donc dix ans qu'ils errent à la recherche d'une nouvelle doctrine politique, changeant de dirigeant au fur et à mesure des défaites électorales. Et depuis 2005, c'est David Cameron qui est responsable de son parti. Sa jeunesse devrait pouvoir donner une impression de renouveau, face à un Gordon Brown au pouvoir depuis 10 ans, et étant plus que lui d'une quinzaine d'années. Mais le parti conservateur a un bilan, même en étant dans l'opposition. Le parti a fortement soutenu l'envoi de troupes en Irak aux côtés des Américains. Et aujourd'hui, c'est l'envoi de ces troupes par le gouvernement travailliste qui est la décision la plus contestée par l'opinion britannique. Difficile pour les conservateurs de se différencier à ce niveau là. Par contre, le domaine où ils se font le plus remarquer est celui de la construction européenne. Si la Grande-Bretagne est eurosceptique en général, le parti conservateur est aujourd'hui le fer de lance de l'opposition à l'intégration européenne. Conformément à la vision de Margaret Thatcher, les conservateurs critiquent l'Union Européenne pour ses politiques communes, ils préféreraient qu'elle se contente d'être un marché commun avec une déréglementation toujours plus poussée. Exactement l'inverse des conceptions qui prédominent de côté-ci de la Manche. A l'heure où Tony Blair semble être le grand ami de Nicolas Sarkozy, le parti conservateur n'a pas vraiment d'échos en France. D'une manière générale, rares sont ceux qui sont enthousiastes vis-à-vis de leur retour au pouvoir.

Les tories pourraient toutefois remporter les prochaines élections générales, pas sur leurs propres propositions, mais comme souvent, en comptant sur l'usure du pouvoir en place. Néanmoins, ils pourraient tout à fait poursuivre la même politique les travaillistes. Après tout, à l'après guerre, les conservateurs mettaient en place des politiques proches de celles défendues par les chrétiens démocrates dans le reste de l'Europe, en dehors des questions internationales. Aujourd'hui, on en est pas si loin en Grande-Bretagne, dans un pays qui semble avoir trouvé la formule magique de la prospérité. Pour ce qui de la construction européenne, on trouve bien quelques conservateurs pro-européens. A vrai dire, l'euroscepticisme des conservateurs n'est que le symptôme de celui de tout un pays. Plutôt que d'espérer que les élites britanniques changent d'avis pour le bien de leur peuple, ce sont surtout les consciences de chaque citoyen qu'il faut faire évoluer, pour qu'ils découvrent où est leur intérêt.

mardi 6 novembre 2007

L'apport de la CDU

La chancelière allemande Angela Merkel est obligée de gouverner en coalition avec la gauche allemande, alors qu'elle vient de la droite. Le résultat des dernières élections légistlatives n'ont en effet pas donné de majorité claire dans ce pays. Pour que cette coalition tienne, chacun des camps est poussé au compromis, donnant naissance à des solutions si tièdes qu'elles apparaissent comme de la compromission pour tous. Dans un tel cadre, il est évidemment difficile pour les forces en présence de se différencier, alors qu'elles se méfient profondément l'une de l'autre. Pourtant, tant les sociaux démocrates que les chrétiens démocrates ont une identité affirmée. Celle de ces derniers a été forgée par des décennies de combats portés par des figures aussi emblématiques que Konrad Adenauer ou Helmut Kohl.

L'exemple de Konrad Adenauer aide à se rappeler que la démocratie chrétienne est un courant très ancien dans le paysage politique allemand, Adenauer ayant commencé sa carrière au sein du parti du centre, le parti qui a représenté les idées de la démocratie chrétienne dès la refondation de l'Allemagne en 1870. On peut d'ailleurs remarqué que, à l'instar de ce qu'il s'est passé en France, la démocratie chrétienne a commencé au centre de l'échiquier politique avant de passer progressivement à droite. Les idées sont d'ailleurs proches : les chrétiens démocrates allemands ont eux aussi milité pour un Etat décentralisé et se sont appuyés sur une pratique pragmatique du pouvoir. D'un point de vue économique, ils défendent une vision qui pourrait être qualifiée de sociale libérale : une économie capitaliste de marché attentive à ne pas laisser d'exclus sur le bord de la route, sans pour autant verser dans l'Etat providence. Mais aujourd'hui, si les chrétiens démocrates forment bien le coeur du premier parti de la droite allemande, la CDU, et de sa version bavaroise, la CSU, ils travaillent dans ces pays en compagnie des libéraux et des conservateurs, rappelant ce qu'il se fait dans l'UMP française, ou plutôt ce que l'UMP essaie de transposer.

Un autre point commun entre Konrad Adenauer et Helmut Kohl est la conviction du besoin d'une union européenne, une conviction qui rassemble l'ensemble des chrétiens démocrates. Konrad Adenauer avait reconstruit l'Allemagne sur des bases saines, et la construction européenne était l'une de ces bases. C'est ainsi qu'il a travaillé avec entrain à la reconciliation franco-allemande, devenant un homme d'Etat de l'ampleur de de Gaulle en France. Helmut Kohl, pour sa part, réussit à mettre en oeuvre la réunification de manière pacifique, et de manière si efficace que l'ancienne RDA fut incorporée à la République Fédérale d'Allemagne, et donc à l'Union Européenne, en une période record. Et encore de nos jours, Angela Merkel fait preuve d'une habilité admirable pour faire avancer la construction européenne. Cela montre l'apport fondamental de la démocratie chrétienne non seulement à l'Allemagne, mais aussi à l'Europe. Et quand l'on sait que la CDU et la CSU sont des partis ayant un nombre très élevé d'adhérents, il est difficile de ne pas admirer un tel courant d'opinion, aussi populaire et aussi dévoué à l'intérêt général. Ce doit être un modèle pour les partis français, et pour le centre droit français en particulier.

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