Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

samedi 21 août 2010

Robin des bois, héros du libéralisme

Le héros légendaire Robin des bois (Robin Hood, en version originale) est souvent considéré comme une icône du partage, de la solidarité et pour certains des valeurs socialistes. Selon l'expression consacrée, il serait celui qui "vole aux riches pour donner aux pauvres". Seulement, aucune version du mythe ne décrit cela. Dans les faits, il est le héros de toute autre chose. Le roman Atlas Shrugged met ainsi le doigt sur cette contradiction remarquable au détour d'un dialogue.

Ce que fait Robin des bois, c'est de voler l'argent des énormes impôts extorqués par le shérif de Nottingham pour le compte du roi Jean sans terre, pour le redonner aux particuliers. Robin des bois reprend donc le produit des impôts à l'Etat, pour le reverser aux particuliers. L'injustice qu'il combat, c'est les taux d'imposition trop élevés. Ce faisant, Robin des bois apparaît comme un héros du libéralisme, face à un Etat appauvrissant les agents économiques et les réduisant à la misère. Dit comme cela, ça paraît évident. On pourra dès lors corriger tous ceux qui se méprennent !

lundi 16 août 2010

Achevons le marxisme

Le philosophe Yvon Quiniou a fait publier une tribune dans le journal Le Monde où il accuse l'essayiste Guy Sorman de confondre le communisme avec les régimes qui se sont autoproclamés communistes. Selon Yvon Quiniou, le seul communisme est le marxisme, et celui-ci n'a jamais été appliqué. Le philosophe très engagé à gauche déclare ainsi :

"Tout cela pèse encore d'un poids terrible sur notre situation politique et empêche d'admettre à la fois que l'idée communiste est généreuse, moralement exigible, et qu'elle n'est pas morte puisqu'elle n'a jamais existé dans les faits."

Tous ceux qui attribueraient les crimes des communistes au communisme seraient donc dans l'erreur, une erreur très répandue. Citant les textes de Marx pour s'appuyer, il explique que le communisme n'ayant jamais été appliqué, il faut donc continuer de le revendiquer. Sur une partie de son raisonnement, il n'a pas tord : la vision qu'a eu Marx n'a jamais été appliquée dans les faits. La dictature du prolétariat qu'il préconisait était loin d'être l'étape finale du communisme, et ne s'accompagnait probablement pas de tous ces horribles meurtres et exactions commises par les dictateurs, bien peu en prise avec le prolétariat eux-mêmes. Mais là où Yvon Quiniou se trompe lourdement, c'est en croyant que le communisme puisse être autre chose.

En France, les communistes continuent d'avoir pignon sur rue ce qui est incroyable. Ils ont une multitude de partis politiques, sont influents dans les syndicats, les activistes de tout poil, et bien sûr dans une certaine intelligentsia, comme le montre si bien à propos notre philosophe. Tout ce petit monde continue de se comporter comme si le communisme n'avait pas été fondamentalement invalidé par l'Histoire. De très nombreux pays ont été gouvernés par des régimes d'inspiration communiste, à tel point que l'on a pu considérer à une période qu'ils formaient la moitié du monde. Ce n'est pas une minorité d'entre eux qui se sont presque aussitôt mués en dictatures terribles et sanglantes, c'est plus qu'une majorité : c'est la totalité. Pour une fois, il n'y a pas une seule exception. De l'Europe à l'Afrique, de l'Asie à l'Amérique centrale ou du sud, tous les régimes communistes ont opprimé leur population et nui à leurs conditions de vie. Ceux qui s'en sont sortis le mieux économiquement parlant, sont ceux qui ont laissé ou rétabli des éléments d'économie capitaliste.

Karl Marx a pu se croire aussi scientifique qu'il le voulait, ses thèses n'étaient qu'une utopie folle, pouvant générer de l'espoir il fut un temps, mais dont l'application en toute connaissance de cause aujourd'hui relève de l'irresponsabilité. Le système décrit ne peut tout simplement pas fonctionner, c'est ce que l'on a vu à chaque tentative, c'est pour cela qu'il prend systématiquement une forme grotesque et horrible. En sciences, quand une expérience n'aboutit pas au résultat souhaité, on en tire les conclusions. Il faudrait le faire pour le communisme. C'est dès les hypothèses qu'il était dans l'erreur, en prenant l'homme pour ce qu'il n'est pas.

Le communisme n'a pas d'avenir. En fait, il n'a pas non plus de présent. Nous devons encore supporter les râles d'un mort vivant, répétant inlassablement les mêmes rengaines apprises il y a longtemps. L'étude du communisme peut être intéressante, comme une curiosité. Mais il est temps d'arrêter de croire que le communisme est souhaitable. Ce n'est plus l'heure de jouer aux illusions, et faire comme si le marxisme était encore quelque chose de crédible. Il faut l'achever, et enfin, passer définitivement à autre chose. Cela n'a que trop tardé.

dimanche 1 août 2010

Atlas Shrugged

Il est un livre qui est totalement inconnu en France, mais qui de l'autre côté de l'Atlantique a connu un succès tel qu'il a eu une grande influence dans la société toute entière. Atlas Shrugged est un énorme roman écrit par Ayn Rand, et publié en 1957 aux Etats-Unis. A travers la fiction, il s'agit d'un plaidoyer constant d'Ayn Rand pour sa philosophie et sa morale. Le roman conte le chemin de croix de Dagney Taggart, vice-présidente d'une compagnie de chemins de fer, dans une Amérique au bord du socialisme. Autant le dire tout de suite, tous les personnages se classent aisément en trois catégories :

- les méchants : ce sont tous d'horribles geignards incompétents, et qui, pour obtenir des places qu'ils ne méritent pas, font en sorte de profiter du travail des autres et de blâmer autrui lorsque quelque chose ne va pas. Ce sont des adeptes du relativisme (considérant que rien n'est sûr) mais aussi du socialisme. Ils estiment ainsi que les entrepreneurs ne doivent leur réussite que grâce à la société et qu'ils doivent impérativement leur en rendre les fruits. Leur plus grand avantage est qu'ils arrivent à faire en sorte que les gens compétents culpabilisent pour être meilleurs que les autres.

- les héros : ce sont des esprits géniaux, beaux, doués d'une capacité de travail hors du commun... et généralement décrits comme sociopathes. C'est bien simple, tout ce qui a été créé sur Terre l'a été par la volonté de ce genre de personnes. Alors que le monde entier devrait se prosterner devant leur supériorité, il s'avère qu'ils ont été constamment exploités pour donner à la société le produit de leur intelligence, sans en être vraiment récompensé, allant même jusqu'à être dénigrés par l'idéologie dominante.

- les gens ordinaires. Parfois du côté des héros, souvent manipulés par les méchants, ils n'ont, à vrai dire, qu'une place tout à fait mineure dans la société décrite par Ayn Rand.

Nous sommes donc dans le manichéisme le plus complet. Et Ayn Rand présente un monde au bord de l'écroulement, où tout va de plus en plus mal. On comprend rapidement où elle veut en venir : à force d'exploiter de façon ingrate l'intelligence des héros pour des motifs inavouables (en théorie la générosité, en réalité la paresse et l'incompétence), les méchants découragent les héros. De ce fait, la société bénéficie de moins en moins de leurs largesses, alors qu'ils étaient indispensables au fonctionnement de l'économie. Il s'avère même que bon nombre d'entre eux ont décidé de faire grève, de se retirer du monde pour créer une nouvelle société paradisiaque fondée sur l'égoïsme dans un endroit caché dans les montagnes du Colorado. Les héros sont Atlas, le titan qui porte le ciel sur ses épaules, mais un Atlas qui à force d'être déçu, laisserait tout tomber.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une fois qu'Ayn Rand a une idée en tête, elle n'en démord pas. Sa philosophie est l'"objectivisme". Cela consiste à considérer que tout est rationnel, que la réalité peut parfaitement être appréhendée, et que dire le contraire est une crime contre l'esprit tout puissant. Comme il n'y a qu'une seule réalité, un seul point de vue est digne d'intérêt. Cela explique la façon virulente qu'elle a de caractériser ses ennemis, tous ceux qui ne partagent pas sa foi en l'individualisme. Car comme l'esprit humain est omnipotent, il faut le laisser travailler, et donc que chaque individu soit parfaitement libre. Cela veut dire qu'il ne vit que pour lui, et non pour les autres, et qu'il ne tente pas de faire faire quelque chose à autrui sans que celui-ci ne le veuille lui-même. La seule vraie règle est le droit à la propriété : chacun doit pouvoir bénéficier du fruit de son travail. Et même, de façon idéale, aucun service ne doit être rendu gratuitement. Tout a un coût.

A force de ne reconnaître en l'argent que la concrétisation du mérite d'un individu, le roman nie certains faits jusqu'au ridicule. Ainsi, la question de l'héritage est abordée de façon bien étrange. L'un des personnages principaux est l'héritier d'une immense fortune dans les mines de cuivre, mais plutôt que d'hériter, va faire en sorte de racheter l'entreprise familiale par sa propre création d'entreprise (sans aucune aide), et tout cela à l'âge de vingt ans environ. Dagney Taggart hérite de la compagnie de chemin de fers avec son frère, mais doit uniquement à ses propres compétences la survie de l'entreprise. La plupart des héros sont des self made men, partis de rien, étant arrivés au sommet par leurs propres moyens, mais handicapés par le poids de la collectivité.

Dans une logique aussi individualiste, la seule forme d'interaction possible est l'échange, l'échange au sens premier : la transaction. Quand un homme et une femme s'aiment, c'est uniquement dans cette approche transactionnelle. Ce qu'ils retirent de l'autre a suffisamment de valeur pour eux pour qu'ils donnent d'eux-mêmes en retour. Evidemment, ce n'est possible que pour les héros, conscients de leur valeur. Pour les autres, les relations humaines ne sont que des pertes de temps ineptes.

Atlas Shrugged propose donc une grande vision de l'homme. Un homme libéré des autres. Ayn Rand s'en prend vivement à tous ceux qui essayent de contraindre autrui à suivre des règles de vie préétablies, par la force ou par la superstition.
  • Par la force, comme le fait l'Etat, qui ne devrait pas vraiment exister, si ce n'est pour défendre la propriété contre les pillards. Avec toutes ses lois, l'Etat ne fait que restreindre la liberté, et se transforme en pillard lui même.
  • Par la superstition, comme le fait la religion. Elle aussi ne fait que mettre toute sortes de restrictions à la liberté de l'individu, profitant de l'angoisse née du vide. Or il ne saurait être question de paradis ultérieur, ce serait tromper la vérité. Il est possible en revanche de se créer son propre paradis personnel sur Terre.
Tout au long du roman, les pages se suivent et se ressemblent. Le monde ne peut vivre sans les esprits géniaux d'une petite minorité, le pillage systématique dont ils font l'objet et l'ingratitude des masses aboutit à un suicide collectif plus ou moins conscient. C'est une charge extrêmement violente contre le marxisme, le socialisme, la générosité et toute forme de collectivité. Ayn Rand remplit son livre d'une haine brûlante envers tous ceux qu'elle considère comme inférieurs. Cela révèle d'ailleurs d'un étonnant complexe de supériorité de sa part, dans la mesure où elle n'est en fin de compte restée connue que pour des œuvres pleines d'amertumes, où les personnages ne sont pas à la place qu'ils devraient être. Sa vision des choses à sens unique ne laisse pas d'espace pour la contradiction. L'idéologie présente relève donc d'un extrémisme totalement assumé, elle serait forcément dangereuse si elle venait à être appliquée.

Il n'est donc pas étonnant que ce livre ne soit pas connu en France, et n'y ait jamais été traduit. Il entre en contradiction frontale avec le système de valeurs cher aux Français. Aux Etats-Unis, il continue de se vendre très bien. C'est même une base du libertarianisme, un courant de pensée notable en Amérique. Le mouvement des Tea Parties s'y réfère toujours. La différence culturelle entre les deux côtés de l'Atlantique apparaît plus clairement à la lumière d'un tel livre. Il faut en être conscient.

free hit counter