Voici le genre de choses que l'on rencontre incessamment : une personne énervée par un sujet quelconque déclare qu'elle n'en revient pas que ce qui la chagrine arrive en "France, le pays des droits de l'homme". Chose remarquable, la France n'est décrite comme pays des droits de l'homme que pour affirmer que la France les respecte bien peu. Ces mots ne sont jamais prononcés dans un contexte positif. Le but est toujours d'expliquer que la France devrait avoir honte de son comportement. C'est même devenu une technique commune et peu subtile de se plaindre en accusant la communauté. En fait, on croirait que c'est devenu une malédiction. Et le plus souvent, cela ne rime à rien.

Déjà parce qu'à force de subir cette matraque, voilà bien longtemps que la France ne se décrit plus comme le pays des droits de l'homme. Ceux qui l'attaquent sur ce thème tentent donc de remettre en cause une qualité que le pays ne s'attribue de toute façon pas. Ensuite, parce que les droits de l'homme ne sont pas une notion réservée à un seul pays, et sont donc universels. La France n'est pas plus le pays des droits de l'homme que l'Allemagne ou le Canada, par exemple. Ces deux pays ne sont pas encombrés de ce genre d'étiquette, et n'en respectent pas moins les mêmes règles favorisant la liberté de leurs citoyens que nous.

Il faut en outre savoir de quels droits de l'homme on parle. La France reconnaît les droits de l'homme comme principe fondateur de sa société (ce dont elle n'a pas à tirer une gloire particulière, c'est tout à fait normal). Et c'est la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui a valeur légale, en étant inscrite dans sa Constitution. Cette déclaration est un engagement pour la liberté des citoyens, une liberté qui s'accomplit sous l'application de la loi, expression de la volonté générale. Tel est l'objet des 17 courts articles de cette déclaration. Ils sont d'une grande sagesse, et doivent guider l'action de tout à chacun.

Le problème est que les droits de l'homme sont devenu depuis un alibi pour l'application d'un certain type de doctrines politiques. La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est moins pertinente dans la mesure où elle cherche à forcer l'implémentation de l'Etat providence dans tous les pays du monde. A force d'être trop spécifique, elle en perd de sa force. Elle évoque beaucoup moins le nécessaire respect de la loi. En la lisant, on se rend bien vite compte qu'aucun pays ne la respecte intégralement... Et ce qu'il se passe, c'est que les droits de l'homme sont de plus en plus instrumentalisés pour le compte d'un camp politique, qui n'hésite donc plus à s'en prévaloir pour tout et n'importe quoi. En France, la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) est complètement noyautée par des militants de gauche, qui ne s'en cachent d'ailleurs plus vraiment.

La LDH se permet ainsi de signer des tracts appelant à la manifestation contre le "modèle ultra-libéral fondé sur le laisser faire, l'accumulation des profits à court terme par une minorité, la spéculation financière, la répartition inégale des richesses, un système commercial injuste, le recours à l'endettement irresponsable et/ou illégitime, le productivisme, le pillage des ressources naturelles, la privatisation des services publics et la militarisation des rapports internationaux...". Cette signature est placée aux côtés de celles de partis politiques comme le Parti Communiste Français, le Parti de Gauche ou le Nouveau Parti Anticapitaliste. Le danger, c'est qu'à force d'impliquer une cause telle que les droits de l'homme exclusivement dans un camp politique, jusqu'à l'extrême, la force des droits de l'homme se perdent. Et en les invoquant tellement à déraison, on ne fait que les galvauder plutôt que vraiment encourager à les respecter.