Réflexions en cours

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mercredi 29 novembre 2006

Le gaullisme aujourd'hui

René Rémond a brillamment exposé les différences entres les différentes familles de la droite française, en opposant notamment la droite bonapartiste à la droite orléaniste, la première se retrouvant d'une façon contemporaine dans le gaullisme, la deuxième dans le libéralisme. La création de l'UMP a pourtant mis une fin à la logique d'affrontement qui prévalait entre les différentes composantes du centre droit français. Mais les traditions de ces pensées politiques subsistent : ainsi, Nicolas Sarkozy est souvent considéré comme un libéral, ce qui a tendance à déplaire à ceux qui se considèrent chiraquiens, ou de façon plus noble gaulliste. Le désir de Michelle Alliot-Marie de se présenter à l'élection présidentielle relève d'une volonté de proposer une offre authentiquement gaulliste aux Français. Le RPR s'était d'ailleurs fondé en se considérant explicitement héritier du gaullisme, qui promeut une vision sociale de l'économie, ainsi qu'un fort attachement à l'intérêt national français. Ainsi, Michelle Alliot-Marie représenterait une forme plus interventionniste de la droite que celle de Nicolas Sarkozy, suspecté d'être libéral, et donc favorable à la loi de la jungle de l'offre et de la demande. Si Nicolas Sarkozy n'hésite pas en effet à en appeler à l'effort individuel pour l'amélioration des conditions de vie, il serait difficile de dire qu'il est un libéral pur et dur, à tel point que la presse étrangère le voit comme à peine différent sur ce plan des autres hommes politiques français. En effet, son passage par le Ministère de l'économie et des finances aura été marqué par un interventionnisme assumé en matière économique, comme lorsqu'il décida d'épauler temporairement Alstom, l'un des champions industriels français, le temps de ses difficultés.

En fusionnant avec une partie de l'UDF et avec Démocratie Libérale, il est difficile de dire que l'âme du RPR existe encore, même si tous ses anciens ténors sont encore aux hauts niveaux de la politique actuelle. En fait, l'UMP représente le centre et la droite française, avec une orientation républicaine et pro-européenne. Dès lors, le gaullisme est une des pensées de l'UMP, ce n'est pas la seule pour autant. La différence entre l'UMP et les alliances électorales précédentes est le fait qu'il n'y a plus vraiment de "vrai" gaulliste ou de "vrai" libéral : une personnalité politique ne se définit plus comme cela, car elle doit intégrer les différentes pensées de sa famille politique dans son raisonnement. Loin d'être un effort à faire, il s'agit d'une conséquence naturelle de l'union. Ainsi, si Michelle Alliot-Marie a de grands mérites et une vision claire de politiques à appliquer, en se définissant comme gaulliste uniquement il lui manque de nombreux angles d'analyses disponibles à la droite ou au centre-droit français. Et ce d'autant plus que certaines familles de pensée, certes plus modestes, mais dignes d'intérêts comme le radicalisme représenté par le Parti Radical Valoisien, participent aussi à cette union.

D'une façon plus générale, on peut s'interroger sur la signification concrète du gaullisme aujourd'hui. Si cette famille politique tournée vers l'interventionnisme, le souci social, l'exception française a une longue histoire relevant d'une tradition bonapartiste, il faut bien comprendre que le principal mérite du vrai gaullisme, c'était De Gaulle. C'est en effet par son talent, ses convictions, sa façon de faire et sa personnalité que les principes qu'il énonçait étaient applicables. Sa pensée politique était naturellement taillée sur mesure pour qu'elle soit appliquée par lui, et ce d'autant plus qu'elle pouvait surtout suivre ses actions comme des justifications a posteriori. En somme, il est bien dur d'être gaulliste sans De Gaulle. Le terme gaulliste valait surtout comme partisan du Général dans sa conduite des affaires, mais en fin de compte il n'y a pas de lignes claires sur la façon de gérer les affaires en son absence. Et ce d'autant plus qu'il savait lui-même être très pragmatique, acceptant ainsi la construction européenne tout simplement parce qu'il en était de l'intérêt de la France. Sa méfiance occasionnelle pour elle ne saurait être transformée comme une ligne de conduite par des héritiers obnubilés par le monument politique qu'il représentait. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan se montre particulièrement dogmatique lorsqu'il attaque l'Union Européenne en invoquant un gaullisme figé depuis plus de 35 ans. C'est pour cela que si un héritage de la pensée politique demeure, il ne saurait y avoir de gaullisme "pur" dans un monde qui a changé sans la pierre angulaire de cette pensée, le Général De Gaulle lui-même. Pour combler les failles ainsi crées, la possibilité de se pencher sur des analyses différentes permet d'offrir un éventail de possibilités élargi, et donc d'avoir une vision plus fine du monde actuel. Et c'est ce dont aura besoin le prochain Président ou la prochaine Présidente de la République française.

mardi 7 novembre 2006

Le libéralisme avec Malthus

Thomas Malthus était un pasteur et un économiste du début du XIXème siècle. Proche de Ricardo, il se fait connaître par un essai de démographie où il expose le fait que le développement de l'agriculture n'arrive plus à suivre la croissance du nombre d'humains. Il ne voit que deux issues à ce problème. L'une d'elle est la solution qu'il prône, soit diminuer le nombre de bouches à nourrir en faisant diminuer le nombre des naissances par divers moyens, tels que l'abstinence ou un allongement de l'âge moyen où l'on se marie. Ce sont les politiques malthusiennes de contrôle des naissances qui sont encore appliquées aujourd'hui dans de nombreuses situations, comme dans le cas de la politique de l'enfant unique en Chine. L'autre issue des crises de surpopulation est moins débattue, mais elle est pourtant intéressante. Elle est appelée catastrophe malthusienne. Si la population dépasse trop la quantité de nourriture disponible, alors l'issue sera funeste. Cela se traduira par des famines, des guerres ou des épidémies qui feront des ravages dans la population.

La catastrophe n'est pas arrivée dans les termes énoncés par Malthus. D'une part, les progrès réalisés dans l'agriculture ont été meilleurs que prévus. Ensuite, par le biais de la transition démographique, le taux de natalité a fini par bien diminuer. Enfin, l'application de politiques malthusiennes a été une solution dans de nombreux pays. Mais la possibilité subsiste, elle a d'ailleurs été constatée au sein de populations animales. Du reste, si elle peut encore arriver pour des questions de nourriture, une catastrophe malthusienne est beaucoup plus envisageable pour des questions d'énergies, comme le pétrole, ou bien d'eau.

Mais on peut voir la catastrophe malthusienne sous un autre angle, celui de la forme la plus développée du libéralisme économique, résultant de l'offre et de la demande. En effet, la théorie néo-classique enseigne qu'aucune intervention n'est nécessaire, le marché faisant automatiquement ajuster l'offre à la demande. En l'occurrence, en cas de chômage massif, cela veut dire que le nombre de travailleurs excède celui des emplois. Normalement, le prix du travail devrait baisser de telle façon à ce que l'offre de travail diminue. Ainsi, tant qu'il y aura du chômage, les rémunérations diminueront. Au bout d'un moment, tout le monde aura du travail pour une rémunération quasi-inexistante. Cette rémunération ne sera pas suffisante pour nourrir les travailleurs, qui en toute logique, mourront. Au fur et à mesure des morts, le nombre des travailleurs diminuera, jusqu'à faire réaugmenter les rémunérations, et qu'elles atteignent un montant suffisant pour qu'elles permettent les travailleurs de survivre. C'est d'ailleurs ce que Marx analyse en évoquant le lumpenprolétariat, où le salaire offert aux travailleurs ne dépasse pas le montant strictement nécessaire pour qu'ils puissent reconstituer leur force de travail.

Bien sûr, la vision de morts courantes et ordinaires dans les ajustements du libéralisme du fait d'un déséquilibre ne peut que déranger. Mais il faut bien se rendre compte que c'est là l'aboutissement de cette logique, aussi terrifiant que cela soit. Heureusement, de nombreux organismes viennent en aide aux miséreux pour leur éviter au maximum de mourir. Ils sont nécessaires, mais pas prévus par la théorie libérale poussée à son paroxysme. Et c'est justement le point qu'elle ne doit jamais atteindre. Si le libéralisme est nécessaire, comme tout, il faut qu'il y ait un dosage dans son application.

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