Réflexions en cours

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dimanche 31 octobre 2010

Le culte du marché : un panthéisme

En philosophie, le panthéisme est une vision de l'univers selon laquelle tout est Dieu. La somme de chaque être, chaque poussière, chaque atome qui existe formerait Dieu. Dans ce cas, il ne saurait être vraiment question d'une conscience et donc d'une volonté divine. Les événements arrivent par la conséquence de ceux qui les précèdent. Inutile dès lors de trouver impénétrables les voies du Seigneur : il n'y en a pas. Il n'y a que des volontés isolées et individuelles, se confrontant les unes aux autres comme les atomes interagissent entre eux dans une réaction moléculaire. C'est en voyant le résultat que l'on comprend ce qu'il s'est passé. Ce qui est est donc la conséquence de toutes les interactions qu'ont eues toutes les petites parties de l'univers entre elles. Rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme. Au final, on peut s'étonner que l'existence perdure sans volonté unifiée, mais on peut également se réjouir de l'efficacité d'un tel système... si l'on oublie les phases difficiles de destruction, qui ne sont qu'une forme de transformation moins plaisante que les autres.

En réfléchissant bien, on peut retrouver les caractéristiques d'une vision panthéiste des choses dans la célébration du marché, telle qu'elle est faite par la doctrine économique classique (aujourd'hui, dite libérale, voire libertarienne). En effet, selon celle-ci, il y a un très grand nombre d'agents économiques, et ils interagissent constamment entre eux. Le lieu de ces interactions, plus ou moins virtuel, est le marché. Pour de nombreux économistes, chaque agent passe son temps à évaluer son intérêt selon ses propres critères, l'évaluant et se liant avec les autres agents. Il n'y a aucune volonté collective globale, mais seulement des volontés individuelles très atomisées.

Malgré cela, cette théorie explique que ces volontés individuelles isolées finissent par faire l'intérêt collectif global en interagissant entre-elles, sans même qu'elles le souhaitent. Tel le miracle de la nature, le miracle du marché fait prospérer tout le monde. Cela peut passer par divers mécanismes. Il y bien sûr le principe de l'avantage comparatif de Ricardo, légitimant une ouverture complète des échanges internationaux, la concurrence et l'analyse des avantages comparatifs respectifs indiquant à chacun ce qu'il doit faire. Il y a aussi la "destruction créatrice", chère à Schumpeter, selon laquelle toute crise économique permet de planter les graines de la croissance suivante, de façon presque automatique et souvent aux dépends des agents économiques. Mais le principe de base qui s'inscrit le mieux dans cette analyse reste bien celui de la main invisible, théorisé par Adam Smith. Cette métaphore, fondement de la théorie économique libérale, explique que les intérêts particuliers finissent par former l'intérêt général, sans même que les agents économiques aient à s'en soucier.

On retrouve donc bien là les caractéristiques d'une philosophie panthéiste. Le Dieu est ici est le marché, il a beau ne pas disposer d'une volonté propre, il agit tout de même pour sa permanence, et son moyen d'action est la bien nommée main invisible. Si l'on retrouve les caractéristiques d'une religion, comment s'étonner dès lors que certains lui vouent un culte ?

dimanche 17 octobre 2010

La Vague

En 2008, l'un des films qui a rencontré le plus de succès en Allemagne fut La Vague. Jürgen Vogel y joue un professeur de lycée aux tendances anarchistes, contraint de faire un cours pendant une semaine sur l'autocratie. Il décide alors d'exposer les caractéristiques d'une dictature en en formant une à petite échelle dans sa classe. Pour cela, il commence par établir des règles strictes de comportement en classe. Il faut par exemple se lever pour prendre la parole. C'est le pouvoir par la discipline. Il montre également le pouvoir par l'unité, en faisant se rapprocher les élèves par différents moyens. Il les change de place, pour casser les clans dans la classe. Il leur fait porter une tenue unique, en l'occurrence, une chemise blanche. Il accepte l'établissement d'un autre signe de reconnaissance, un salut mimant une vague, le nom de groupe que les élèves se sont donnés.

Les élèves sont les premiers surpris de la façon dont se déroule le cours. Ensemble, ils se sentent plus forts. La discipline et la pression de la communauté amoindrit leurs préoccupations égoïstes antérieures. Leurs projets extra-scolaires, comme une pièce de théâtre ou l'équipe de water polo, fonctionnent mieux. Riches ou pauvres, Allemands de l'ouest ou de l'est, d'origine allemande ou étrangère, ils partagent tous quelque chose. Tim, qui se sentait autrefois exclu du reste des lycéens, est désormais défendu face à ceux qui le martyrisent. L'expérience leur apparaît d'autant plus bénéfique qu'elle se passe sur une base de volontariat : chacun est libre de quitter le cours quand il le souhaite. En revanche, les membres du groupes ne comprennent pas lorsque l'un d'entre eux ne respecte pas sciemment les règles, et remet en question les vertus du projet.

Au fur et à mesure, les élèves du cours d'autocratie se prennent de plus en plus au jeu. Ils proposent à d'autres personnes d'adhérer à cette philosophie. Ceux qui n'en sont pas sont exclus de leurs activités de groupe, et parfois même mal vus. Lorsqu'une opposition apparaît contre leur groupe, ils réagissent même violemment. Le professeur se sent alors complètement dépassé par les évènements. Il décide d'y mettre un terme dans un final dramatique.

Ce film est inspiré par des événements ayant eu lieu en 1967 en Californie. Un livre et un téléfilm en avaient notamment déjà été tirés. Même s'il pousse parfois à l'exagération, il a comme grand mérite de montrer comment naît une dictature. Il ne suffit pas d'un leader charismatique disposant d'une autorité forte. La première condition est d'abord celle de l'anéantissement de l'individualisme, des individualités. Face aux angoisses de chacun, le mouvement de groupe apporte un confort, une base solide, des valeurs, des certitudes. Telles étaient les fondements des nationalismes ou des activismes révolutionnaires marxistes. Les participants échangent leurs interrogations personnelles contre des certitudes collectives.

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