Réflexions en cours

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lundi 19 mai 2008

Reaganomics !

Pendant toute la campagne des primaires républicaines aux Etats-Unis, la référence aura été Ronald Reagan, un Président aujourd'hui vu comme populaire, dont la victoire écrasante sur Walter Mondale en 1984 lors de sa réelection illustre le succès de sa politique et l'appui de celle-ci par les Américains. Pour autant, tout n'a pas toujours été facile pour Ronald Reagan : en 1976, il avait tenté de ravir la nomination républicaine au Président sortant, mais sans légitimité populaire, Gerald Ford. Les primaires furent difficiles, s'étirant jusqu'à la Convention. Lors de la couverture de celles-ci, les télévisions françaises qualifiaient Ronald Reagan de candidat de l'extrême droite, du fait de son libéralisme économique et de son hostilité envers les soviétiques. Gerald Ford gagna la nomination, mais perdu l'élection présidentielle. Son successeur, Jimmy Carter, fut battu à son tour par Ronald Reagan en 1980, après avoir enfin obtenu la nomination républicaine. Et avant d'écraser Walter Mondale en 1984, Ronald Reagan dut faire face à la perte de sièges républicains au Congrès en 1982. Il n'était donc pas si populaire que ça deux ans après son arrivée.

Mais la force de Ronald Reagan fut d'arriver à faire la synthèse sur le long terme des trois grandes familles de pensée des républicains. Il était farouchement conservateur et favorable aux valeurs prônées par la religion chrétienne. Il agissait pour les intérêts américains dans la géopolitique internationale en adoptant une stratégie particulièrement ferme face à l'URSS, ce qui constituait la doctrine des néo-conservateurs d'alors. Enfin, il martelait sans cesse ses convictions libérales, voulant des réductions d'impôts et la généralisation du laissez-faire en matière économique, une politique qui fut baptisée du nom de reaganomics.

Ronald Reagan avait ainsi des conceptions économiques proches des économistes libéraux et monétaristes. Son leitmotiv était issu de la courbe de Laffer, c'est à dire qu'il pensait qu'en réduisant les taux d'imposition, la création de richesse allait augmenter, guidée en cela par l'intérêt personnel, et qu'en conséquence, l'augmentation des recettes fiscales issue de cette augmentation de la création de richesse allait dépasser les baisses issues directement de la baisse des taux. Il considérait également qu'un gouvernement sain n'était pas en déficit, en préconisait de baisser le niveau de dépenses de l'administration fédérale. Dans son esprit, telle serait la voie de la croissance économique américaine. Et sa présidence a particulièrement bien correspondu à la décennie des années 80, qui étaient marquées mondialement par le libéralisme et la déréglementation.

Cette synthèse américaine est toujours d'actualité aujourd'hui. Les trois idéologies la composant peuvent toutefois s'en écarter. Les conservateurs chrétiens peuvent parfois sembler indifférent à la politique économique mise en place. Les néo-conservateurs veulent une armée forte, et donc coûteuse, ce qui nuit aux finances publiques. Les libéraux peuvent aussi avoir des considérations sur les thèmes de sociétés, ne voyant pas de problème à des choses comme le mariage homosexuel. Mais le libéralisme de Ronald Reagan est purement économique et non sociétal. Et du reste, la volonté de réduire les dépenses a bien failli suite à l'augmentation des dépenses militaires, ce qui a fait croitre le déficit public américain vers de nouveaux records. Sa réduction des impôts financée par l'augmentation du déficit lui valut même d'être considéré comme un keynésien par quelques économistes.

Son successeur, George H. W. Bush, fit face à une grave crise économique, et l'augmentation des impôts qu'il mit en œuvre fut très impopulaire et lui couta sa réélection en 1992. Mais un grand nombre d'Américains restent nostalgiques de Ronald Reagan, après une présidence de George W. Bush. L'administration de celui-ci est composée de membres de chacune des trois familles de pensée, mais il ne semble pas y avoir de personne arrivant à adhérer pleinement aux trois à la fois. En comparaison, Ronald Reagan reste l'homme de la synthèse.

mardi 6 mai 2008

Le culte de l'homme providentiel

Dans quelle mesure une seule personne peut changer les choses pour tout un peuple ? Certes, chacun a son libre arbitre, et les décisions sont prises d'abord par des personnes individuelles, avant de constituer une volonté publique. Mais l'échelle d'un seul homme semble souvent trop petite pour envisager les événements historiques, tellement il y a de facteurs qui rentrent en compte dans les destinées d'un pays. Karl Marx ne voyait rien en termes d'individus, mais tout en terme de mouvements, de forces collectives structurelles succédant les unes aux autres par des relations de causalité implacables, et la vie de tous les jours ne lui apparaissait que comme la chronique d'événements d'une Histoire déjà écrite. Pourtant, il arrive que certaines personnes arrivent à faire la différence, à bouleverser l'Histoire telle qu'elle semblait aller, et parfois même à changer le monde par leur propre volonté. C'est évidemment le cas des prophètes les plus célèbres, mais en dehors du champ religieux, il arrive aussi que des êtres marquent suffisamment l'Histoire et soient reconnus des siècles plus tard pour leur contribution positive exceptionnelle. Si l'on peut penser à des personnalités comme Jeanne d'Arc ou Louis Pasteur, le champ politique est néanmoins le premier concerné dans la mesure où il offre aux individus le pouvoir nécessaire pour introduire de grands changements.

De l'époque de la monarchie, certains noms de roi sont restés, comme celui d'Henri IV, alors que d'autres sont tombés dans l'oubli. Avoir le pouvoir n'est pertinent que pour ce que l'on en fait, et il y a une différence entre se contenter d'en hériter, et décider d'en faire un véritable usage, de préférence pour l'intérêt général du pays bien sûr. Les exemples de personnalités qui ont réussi à prendre le pouvoir et à agir sans y être a priori destinée enflamment bien davantage les imaginations. Cela arrive plus facilement lors des époques troublées, où, de l'obscurité, émerge un leader, dont les qualités personnelles permettent d'obtenir l'autorité suffisante pour jeter de nouvelles bases, et recréer la puissance d'un pays. Ceux qui relèvent de cette catégorie sont des noms illustres aujourd'hui, tels que Napoléon Bonaparte, et encore plus Charles de Gaulle.

Ce dernier est un exemple parfait d'homme providentiel. Colonel anonyme pendant l'entre deux-guerre, il avait défendu l'usage des blindés dans l'armée, sans succès, mais avec raison. Après quelques rares succès au début de la deuxième guerre mondiale, il est appelé au gouvernement par le président du Conseil Paul Reynaud, l'un des seuls à l'avoir écouté les années précédentes. Il est alors fait général, mais alors que l'armistice est demandé par le maréchal Pétain, il part à Londres et appelle à la résistance lors de l'appel du 18 juin. Il devient alors le chef de la France qui s'oppose aux Allemands. En 1958 à nouveau, il incarne le recours, et met fin à la guerre d'Algérie et fonde la Vème République, plus stable et plus efficace que la IVème, à laquelle il s'est opposée.

Après coup il est difficile de ne pas reconnaître l'influence qu'ont eu de tels hommes sur l'Histoire. Beaucoup de citoyens les voient comme des sauveurs, et regrettent qu'il n'y ait pas davantage de personnes de cette dimension. Ils les recherchent pourtant, et peuvent s'enthousiasmer pour telle ou telle personne s'ils croient qu'elle peut réellement changer les choses par l'élan qu'elle donne. Nicolas Sarkozy ou François Bayrou bénéficient sans nul doute de cet effet. Mais il y a une certitude absolue chez les êtres humains : personne n'est parfait, et il ne peut y avoir de "despotisme éclairé", où un être au dessus du lot ordonnerait un nouvel ordre des choses en s'appuyant sur sa profonde sagesse. C'est une leçon qu'il faut garder à l'esprit, car c'est justement ce point qui fait que la démocratie est le moins pire des régimes : les limitations au pouvoir donné permettent d'éviter les dangereuses sorties de routes de personnalités considérés comme providentielles. Car si le général de Gaulle apparait après coup comme un sauveur pour la France, en 1940, c'était bien le maréchal Pétain qui bénéficiaient de ce type de ferveur. Avec des conséquences déplorables. Sur le moment, il peut être difficile de tout savoir. C'est pour cela que les gardes fous doivent rester en place.

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