Réflexions en cours

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dimanche 23 juin 2013

Obama is watching you

Par rapport au scandale Wikileaks, la révélation du programme d'espionnage PRISM est bien plus troublante. Après tout, balancer une quantité énorme de transmissions diplomatiques internes au département d'Etat américain avait certes le fâcheux effet d'afficher les pensées de l'administration américaine, mais montrait également que les personnes concernées pouvaient se tromper, et après tout, personne ne pouvait affirmer faire mieux que les Etats-Unis en terme de double langage. "Parler de façon diplomatique" est bien un synonyme de "être hypocrite", et ça vaut pour tout le monde.

En revanche, dans le cas de PRISM, on tombe dans le genre de choses que seuls les Etats-Unis peuvent commettre, et qui sont au désavantage de tout le monde, Américains compris en fin de compte. L'administration Obama a en effet un accès libre aux données des différents géants de l'Internet américains, autant dire la plupart. Plus de secret, plus de vie privée face à l'Etat américain, celui-ci peut tout consulter de façon discrétionnaire, sans contrôle.

Quand ils étaient dans l'opposition, c'était exactement le genre de dérives auxquelles Barack Obama et Joe Biden s'opposaient. Mais arrivée au pouvoir, ils ont non seulement repris et poursuivi les programmes d'espionnage massif hérités du Patriot Act de George Bush, mais ils les ont également fait se développer. Alors ils pourront affirmer que leur raison d'être est la lutte contre le terrorisme, mais voilà, il n'y a aucun moyen d'en être sûr, vu que tout est secret. En théorie, c'est supervisé par le Congrès, mais rien ne ressort de là non plus. Sans aucune transparence, pas de "check and balance". Quelle est cette démocratie où ses propres citoyens sont constamment espionnés en toute opacité ? Le Président américain estime qu'il s'agit là du bon équilibre entre sécurité et respect de la vie privée. Il faut croire que dans ce bon équilibre, le bon niveau de vie privée est "aucune", reste à savoir si c'est vraiment utile à la sécurité du plus grand nombre, ou bien à qui cela profite vraiment.

En tant que telle, cela ravira les paranoïaques de tout poil, puisque l'ampleur de ce programme confirme de nombreuses sombres peurs. On se retrouve plongé en plein 1984, où toute notre vie est épiée, analysée par un système insondable. On nous dit que c'est pour notre bien, de faire confiance, mais cela se prête à toutes les dérives possibles en l'absence de contrôles. Les citoyens non Américains, innocents et même de pays alliés aux Etats-Unis ont encore moins de possibilités de s'inquiéter du programme PRISM, alors qu'ils en sont l'objet direct, les victimes quotidiennes. Cela rappelle bien des souvenirs aux Allemands de l'ex-RDA, qui croyaient s'être enfin débarrassés de la Stasi il n'y a pas si longtemps.

Mais aux Etats-Unis, le souci des politiciens est surtout de faire payer celui qui a révélé ce scandale, et le voilà qualifié de traître. Il n'a pourtant rien fait pour aider une puissance étrangère ni des terroristes, il a montré une dérive antidémocratique inquiétante, parfaitement contraire aux valeurs mêmes des Etats-Unis. Décidémment, le retour de l'idéalisme promis par Barack Obama est bien loin. Celui-ci, en bon Big Brother, pourra d'ailleurs bientôt compter sur le télécran, cet appareil essentiel à la domination des masses dans 1984. Il permet de regarder et d'être surveillé à la fois. Concrètement, il s'appellera "XBox One". Sous des airs de console de jeu, ce produit Microsoft permettra de filmer la population à tout moment, et devait obligatoirement être connecté à Internet quotidiennement. Sachant que les données collectées par Microsoft finissent aux mains du gouvernement américain, on avait enfin bouclé la boucle. Heureusement, les protestations homériques des consommateurs ont fait reculer la firme de Redmond. Mais pour combien de temps encore ?

mardi 22 janvier 2013

L'Europe est divisée ? L'Amérique l'est tout autant !

Hier, Barack Obama prêtait serment pour son second mandat. Son discours d'investiture fut une présentation de son programme pour les quatre prochaines années, qu'il aurait peut-être du faire plus souvent pendant sa campagne. Quoi qu'il en soit, il semble que l'ère du centrisme soit finie, il veut une politique qui régulera davantage la vente d'armes automatiques, qui ne touchera pas à la redistribution et qui s'oriente vers le mariage gay. Autant de points qui annoncent des batailles homériques avec la Chambre des représentants, encore solidement républicaine.

Le Président des Etats-Unis a toute légitimité de vouloir appliquer son programme. Mais le point majeur de sa candidature en 2008, plutôt que ces objectifs, c'était bien de prôner une politique apaisée et bipartisane, où républicains et démocrates se parleraient de nouveau. Quatre ans plus tard, la guérilla politicienne continue de plus belle, et cela semble bien parti pour continuer. Les accords pour trouver des budgets dans le cadre de cette cohabitation deviennent de plus en plus difficiles. Une date limite avait été fixée au 31 décembre 2012 pour régler des questions budgétaires majeures, elles ont eu du mal à démarrer et on eu lieu jusque dans la nuit du réveillon et même le lendemain, alors qu'un échec représentait un risque énorme pour l'économie mondiale. Une des solutions trouvée fut de... reporter à deux mois plus tard une partie des enjeux.

Voilà le genre de négociations auxquelles les Européens sont généralement habituées. Combien de sommet européen devant régler les difficultés de l'euro qui se sont achevés en pleine nuit, voire même sans compromis ? A vrai dire, on commence à croire que les décisions se sont toujours prises comme ça dans la construction européenne, en tout cas lors des dernières décennies. C'est que l'Union Européenne est traversée par des contrastes culturels forts, dépassant souvent celui pan-européen entre la gauche et la droite. Le nord a tendance a voir des finances publiques plus rigoureuses, quand le sud vit souvent au dessus de ses moyens. Les pays de l'est sont très atlantistes, alors que plusieurs pays de l'ouest, la France en tête, cherche à créer une voie en dehors des Etats-Unis. Les petits pays veulent une Union Européenne qui leur permettrait de jouer au plus haut niveau tout en gardant un rôle important, quand les grands pays cherchent à ce que les petits se contentent de se ranger derrière eux. Et à cela, il faut rajouter amitiés et contentieux du passé, le résultat de deux millénaires d'Histoire... Pas étonnant qu'il soit souvent si difficile de s'accorder.

Mais il s'avère qu'aux Etats-Unis, plus ça va, et plus le fossé se creuse au sein de la population. Chaque année, démocrates et républicains s'éloignent les uns des autres, et les possibilités de compromis deviennent presque inexistantes, alors le système de gouvernement américain repose sur ça. Pire, le compromis est vécu comme une compromission, une trahison qui sera sanctionnée par les électeurs. Les blocages se multiplient. Or lorsqu'on analyse la vie politique américaine, on se rend compte que ces clivages politiques sont également des clivages géographiques. Au sein des Etats eux-mêmes, les districts et circonscriptions sont découpés de telle manière à ce qu'ils soient assurés d'être remportés par l'un ou l'autre camp. Et de toute façon, les Etats sont de plus en plus ancrés dans un camp ou l'autre. La Californie ou New York sont solidement démocrates, quand le Texas ou le Missouri sont fermement républicains. A tel point qu'une élection présidentielle ne se décide plus que dans quelques Etats clés, les autres étant systématiquement attribués aux différents camps avant l'élection, de façon quasi-certaine.

Le Congrès américain est donc le théâtre d'affrontement entre différentes cultures qui traversent la société américaine. Il s'y manifeste le ressentiment de vastes zones géographiques du pays les unes envers les autres, et par exemple, pour les républicains de la campagne américaine, être de San Francisco ou du Nord Est américain veut dire être déconnecté des vraies valeurs américaines. Et c'est à cause de ces dissensions que les accords sont de plus en plus difficiles à trouver, au point de voir le système politique américain ressembler au fonctionnement des institutions européennes. Alors cela donnera peut-être du baume au cœur aux Européens ou désespérera les Américains, mais Etats-Unis et Union Européenne tendent bien à se ressembler davantage, ces derniers temps...

dimanche 13 janvier 2013

C'est la guerre, non ?

Alors on nous avait dit que la Françafrique c'était fini, que l'on n'était plus dans l'ère où la France faisait la police dans les guerres civiles ayant lieu dans ses anciennes colonies africaines... On a du se tromper alors. Puisqu'en se réveillant samedi matin, les Français apprenaient que la France s'était engagée militairement dans la guerre civile malienne pour défendre le sud par rapport au nord contrôlé par les islamistes. Le pompon étant que l'on n'avait déjà un mort du côté de nos troupes.

Alors on nous avait spécifiquement dit que la France était opposée à ce qu'elle intervienne militairement elle-même au Mali : si comme l'ensemble de la communauté internationale elle s'inquiétait du pouvoir croissant des islamistes, elle souhaitait que l'Afrique gère elle-même le problème plutôt que d'y prendre part directement. Un rôle de conseil et de formation pouvait être envisagé de la part de la France, pas de prendre part aux combats. Quand Dioncounda Traoré, Président du Mali par intérim a demandé l'appui militaire de la France, le ministre français Kader Arif expliquait vendredi que la précipitation ne servait à rien, affirmant "il ne peut pas y avoir là une espèce d'engagement qui pourrait avoir lieu dans l'urgence sans tenir compte de ce que sont les positions à l'échelle internationale". Moins de 24 heures plus tard, nos troupes étaient déjà au combat. Nul doute que tout pu être préparé dans ce laps de temps sans que ce soit dans l'urgence...

On avait voulu retirer nos troupes d'Afghanistan dès 2012 (même s'il en reste encore à l'heure actuelle), quitte à abandonner nos alliés, car on ne voulait plus risquer la vie de nos soldats. Nous voilà donc à intervenir au Mali contre des ennemis de la même nature que ceux d'Afghanistan, en prenant des risques bien réels, et cette fois-ci... tout seuls. Cela durera le temps qu'il faudra nous dit le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, peut-être des mois. Pour résumer : on en sait rien.

D'ailleurs, dans toute cette improvisation, on ne sait pas grand chose. Le sujet n'est quasiment pas évoqué par la presse internationale. Il n'y a pas de journalistes sur le terrain, semble-t-il. On fait les choses à l'aveuglette. Avant d'intervenir en Libye, on avait mis du temps pour se préparer, mais ce fut efficace. Et puis il ne s'agissait que d'attaques aériennes, alors qu'au Mali, nous avons bien des troupes combattantes au sol. Réalisant qu'une intervention militaire au Mali provoquerait l'exécution de tous les otages français détenus par des islamistes, une opération commando a été tentée dans l'urgence dans la nuit de vendredi à samedi pour libérer l'un deux en Somalie. Résultat : un échec, la mort d'un de nos militaires, un autre disparu, et probablement la mort de l'otage également.

Pour rappel, nous intervenons militairement au Mali car les Maliens ne sont pas capables de reprendre le contrôle de leur pays. L'armée malienne était trop occupée à faire des coups d'Etat. Quelques mois après le début de l'insurrection islamiste, l'armée a en effet renversé le Président Amadou Toumani Touré, et cette petite sauterie a permis aux islamistes de gagner beaucoup de terrain alors que l'Etat était ainsi ébranlé. Comme l'armée n'arrivait à rien gérer elle-même, le pouvoir civil est revenu sur le devant de la scène, avec l'arrivée du président de l'Assemblée nationale malienne Dioncounda Traoré comme Président par intérim. Mais en décembre dernier, la junte militaire continuait d'intervenir politiquement, changeant le Premier ministre. La situation pourrait être plus saine...

Mais pourquoi s'en soucier ? Après tout, on nous dit que l'intervention militaire française a l'appui de la communauté internationale et entre dans le cadre des résolutions du conseil de sécurité de l'ONU. L'appui de la communauté internationale, c'est sûr : les puissances occidentales n'ont, comme nous, aucune envie de voir naître un nouvel état islamiste (comme l'était l'Afghanistan autrefois), et sont bien contentes de ne pas avoir à s'y coller. Que ce soit dans le cadre des résolutions de l'ONU l'est moins : celle visée, la 2085 du 20 décembre 2012 (il y a trois semaines), parle d'une Mission Internationale de Soutien au Mali sous conduite Africaine (MISMA). Il s'agit bien d'une force purement africaine, dont l'Etat major n'était pas encore constitué quand notre intervention a commencé. Le reste du monde devait s'en tenir à un soutien logistique et financier. En bref, il n'était pas prévu que la France se retrouve dans une nouvelle guerre, mais il semble bien que ce soit la situation actuelle sans que l'on réalise ce que cela implique. La confusion règne.

Alors pour être clair : il ne s'agit pas de dire que la France se devait de rester inactive sur le dossier malien, ni qu'il faille éviter tous risques à nos troupes, bien au contraire. L'ensemble de la classe politique française soutient cette intervention car elle en comprend les raisons (le risque que le Mali soit perdu aux islamistes) et qu'elle ne souhaite pas fragiliser l'armée au moment où elle passe à l'action et que nos soldats risquent leur vie. Seulement, il aurait été préférable que l'on soit davantage informé sur cette question et que l'on ne nous dise pas le contraire de ce qu'il se passe réellement. Car on a désormais la très désagréable impression de naviguer à vue sur des questions de vie ou de mort, alors que celles-ci pouvaient être anticipées depuis quelques mois et qu'elle peuvent nous engager pour une longue période. Si la tête des armées françaises il y a un manque de solidité, ce sont nos hommes sur le terrain qui en paieront les conséquences.

lundi 10 décembre 2012

Alerte au tsunami à la télévision japonaise

Nous sommes vendredi dernier, après 17h au Japon. Sur la NHK, l'emblématique chaîne publique japonaise, c'est l'heure de l'expression officielle des partis politique. Les dirigeants des partis secondaires ont le droit à une dizaine de minutes, alors que les élections législatives approchent. Après Yukiko Kada du Parti du Futur du Japon (créé une dizaine de jours auparavant sur la base d'une politique anti-nucléaire), c'est au tour de l'ancien ministre Yoshimi Watanabe de prendre la parole au nom de sa formation, "Votre Parti". Difficile de faire plus austère que ce programme : sur fond beige, assit à une table grise, le politicien parle face à la caméra, avec seulement deux infographies indiquant qui il est et le nom de son parti. Derrière lui, une dame traduit ses paroles en langue des signes.

Soudain, une troisième écriture en rouge vif se superpose au nom du parti, elle dit "Alerte au tremblement de terre". Une seconde plus tard, un autre visuel préempte largement le visage du tremblement de terre, il y est réécrit "Alerte au tremblement de terre", on y voit également une carte sommaire indiquant l'épicentre, ainsi que les préfectures concernées par l'alerte. En même temps, une sonnerie très particulière retentit à plusieurs reprises pour attirer l'attention du téléspectateur, puis une voix répète "Alerte au tremblement de terre". Il est 17h19, la vidéo politique se poursuit en fond, mais en moins d'une minute, l'antenne bascule sur un présentateur en studio. Au ton de sa voix, on le sent stressé, il répète l'alerte au tremblement de terre. Les inscriptions indiquent que le tremblement de terre a commencé à 17h18, et vu les images de l'extérieur, malgré la nuit, on voit quand même qu'il est toujours en cours. Le présentateur donne les consignes de sécurité, et donne l'alerte au tsunami pour les préfectures du nord est du Japon. Toujours nerveux, il donne le comportement à adopter (se réfugier en hauteur et loin des berges). Puis, une première carte indique le littéral potentiellement touché, en jaune il y a éventuellement danger, en rouge, le risque est plus grand. En l'occurrence, le rouge concerne la préfecture de Miyagi, au nord de Fukushima. Des ondulations sonores retentissent, elles doivent probablement permettre d'enclencher certains dispositifs d'alertes automatiques reliés à la télévision publique.

Le présentateur, très pressé, ainsi que les infographies mettent l'accent sur l'alerte au tsunami. Cinq minutes seulement après le début du tremblement de terre, des premières estimations tombent, indiquant l'heure estimée d'arrivée du tsunami et la hauteur attendue de la vague. Pour celle de Miyagi, c'est pour 17h40, avec une vague d'un mètre. Pour les autres en jaune, cela devrait faire 50 cm, et arriver jusqu'à 18h. Le présentateur exhorte les téléspectateurs concernés à agir de toute urgence face l'arrivée de la vague. Les caméra commencent déjà à surveiller les côtes du Japon, alors que la magnitude du tremblement de terre est affichée. 10 minutes après le tremblement de terre, toutes ces informations ont déjà été répétées de nombreuses fois.

Les six principales chaînes privées ne sont pas en reste. Toutes font retentir cette même sonnerie et font apparaître la carte des préfectures concernées. Plusieurs donnent l'antenne dans la minute à un studio où un présentateur donne informations et consignes de sécurité, alors que le tremblement de terre est toujours en cours et que les projecteurs bougent. Des caméras donnent une vue sur les rédactions, où cela bouge, mais où chacun s'affaire pour faire face à la situation. Alors que la NHK interrompt ses programmes pendant deux heures face à l'événement, pour les télévisions privées, cela peut aller de plusieurs minutes à pas d'interruption du tout, mais alerte et consignes sont incrustées dans tous les programmes.

Bien que fort, le tremblement de terre passe pour anodin pour la plupart des Japonais. Seuls quelques blessés sont à déplorer. Le tsunami d'un mètre a fait très peu de dégâts, et les milliers de personnes évacuées ont pu regagner leur domicile sans problème. Six heures plus tard, toutes les communications avaient repris et le retour à la normal était intégral. Le système d'alerte, se déclenchant juste avant que les secousses commencent à se faire ressentir, a fonctionné à merveille. La réactivité et le professionnalisme des médias japonais ont été admirables pour cette première alerte majeur depuis le tsunami de mars 2011. Certes, les Japonais sont habitués à ce risque et connaissent bien les procédures pour faire face, mais ce souvenir récent a augmenté les inquiétudes, tout en permettant de perfectionner encore la marche à suivre dans ces moments là. On ne retiendra pas la date du 7 décembre 2012. Tant mieux.

lundi 3 décembre 2012

Comme d'habitude en Israël

Ehud Barak a annoncé quitter la politique à la fin de la législature. Il n'a que 70 ans, autant dire qu'il pouvait encore avoir bien des années devant lui selon les standards de la politique israélienne. Comme tant d'autres, il est arrivé à la politique par la voie militaire, après une carrière qui l'a mené à la tête des armées. Comme tant d'autres, il s'est montré flexible idéologiquement. Quand Ariel Sharon devenait de plus en plus flexible pour favoriser la paix au Proche Orient, lui est passé du travaillisme à une alliance avec le jusqu'au boutiste Netanyahu. Il ne manquera pas. De toute façon, en Israël, rien ne change.

On a encore eu dernièrement un nouveau round d'hostilités entre Israéliens et Palestiniens, en l'occurrence sur la bande de Gaza. Missiles et roquettes sont tombés de part et d'autres sur la population civile, assurant de nouvelles tragédies, et le renforcement de haines ancestrales. Un accord entre le Hamas et le gouvernement israélien a temporairement mis fin aux combats, jusqu'à la prochaine fois. Du côté de la Cisjordanie, Mahmoud Abbas a réussi ce que la Palestine soit considérée comme un Etat observateur aux Nations Unies. Concrètement, cela ne changera pas grand chose, mais Israël et les Etats-Unis étaient contre, donc la Palestine considère cela comme une victoire. Mais Israël riposte en déclarant vouloir construire encore plus de colonies dans les territoires occupés et en bloquant l'argent collecté au nom de la Palestine. En janvier prochain, des élections auront lieu en Israël et Benjamin Netanyahu en est le grand favori, alors qu'il est sur une ligne prônant aucune concession.

Pour résumer, rien n'est fait pour faire progresser la paix, Israël continue de penser qu'un jour les Palestiniens leur laisseront la place d'une manière ou d'une autre, et les Palestiniens continuent de souhaiter la destruction d'Israël. C'est comme d'habitude en Israël...

Ceux qui veulent la paix au Proche Orient sont minoritaires, chaque camp est appuyé par des alliés importants qui ne voient plus les choses sous un angle rationnel. Mépris et ressentiments sont les moteurs d'un conflit qui n'en finit pas, et qui ne donne plus aucune indication qu'il puisse prendre fin un jour. Finis, les espoirs de processus de paix, les accords d'Oslo vont bientôt avoir 20 ans, et tout l'optimisme que l'on pouvait ressentir à l'époque a complètement disparu. Ceux qui maugréaient ont fini par avoir le dernier mot, et il est désormais probable que rien ne soit résolu à la fin de ce siècle, à moins qu'un peuple ne commette un génocide envers un autre, ce qui n'est évidemment en aucun cas une issue souhaitable. Pourquoi alors continuer à s'intéresser à ce conflit maudit ? Ce n'est pas là bas que l'avenir se joue. Ou plutôt : ce n'est pas là bas que l'avenir doit se jouer.

mercredi 7 novembre 2012

Plus d'espoir

Barack Obama restera Président des Etats-Unis pour les quatre années à venir. C'est un grand soulagement pour les millions de démocrates américains, ainsi que pour la plus grande partie des pays monde, qui le voyaient comme le candidat le plus proche de leurs idées. C'est un soulagement, car cette élection a été très disputée, bien plus que ce que l'on aurait pu penser il y a quatre ans. En 2008, il s'agissait de l'élection d'un Président incarnant l'espoir et le changement, la conjonction de son apparence physique et de son talent oratoire laissait croire à bien des gens qu'il serait un Président historique, une figure transformative pour l'Amérique. Pour ce qu'on a vu jusqu'à présent, ce n'est pas le cas.

Barack Obama s'est présenté à l'origine pour montrer aux jeunes noirs que eux aussi pouvaient accomplir leur rêve, qu'aucun métier ne leur était inaccessible. A cela s'est ajouté la volonté de faire de la politique autrement, sur des bases non partisanes. L'Amérique pouvait être unie, pensait-il, et c'est en l'affirmant haut et fort lors de son discours à la convention démocrate de 2004 qu'il devint instantanément une célébrité. Il ne l'a pas prouvé par les actes. Pendant ces quatre années au pouvoir, il n'a pas réussi à faire bouger les lignes, et le climat politique est resté aussi malsain qu'autrefois à Washington. Il n'a pas réussi non plus à vraiment améliorer la situation économique néfaste dont il a hérité. Ses réformes progressistes ont été réduites à la portion congrue, il a réussi à faire passer sa réforme de la sécurité sociale lorsqu'il avait encore le contrôle du Congrès, mais après les élections de mi-mandat, plus rien n'a été possible. On peut le comprendre, les déceptions ont été nombreuses, et cette personnalité qui devait être historique est redevenu un Président comme un autre aux yeux des Américains.

Un Président sortant est toujours favori dans les élections présidentielles américaines, mais certains se démarquent par rapport aux autres. Ainsi, Ronald Reagan avait remporté 49 Etats sur 50 en 1984, et avait obtenu 19 points de plus que son adversaire. Aujourd'hui encore, Ronald Reagan est considéré comme une référence dans la politique américaine, à tel point que son nom est désormais à tort et à travers pour appuyer n'importe quel argument. De son côté, Barack Obama fera probablement mieux que la réélection de George W. Bush (qui était sur le fil du rasoir), mais la carte des résultats montre un pays toujours aussi sévèrement divisé. Il n'aura pas l'aura de Ronald Reagan. Et cette faiblesse se retrouve dans la façon dont il a mené sa campagne électorale.

Finie, l'Amérique bipartisane. Finis aussi, les discours plein d'inspiration. Il a fait la même chose que son adversaire lors de cette campagne, soit bombarder les Etats clés de publicité négatives critiquant violemment son adversaire. L'argument n'était plus de le reconduire, mais d'éviter un plus grand mal. Le champ des candidats républicains était pourtant d'une extraordinaire faiblesse, et même Mitt Romney, le plus solide d'entre eux, avait eu bien des peines à s'en sortir. Il a fallu attendre le discours de Bill Clinton, à la convention démocrate, pour que Barack Obama soit dans la position dans laquelle on l'attendait. Et ce qu'il avait gagné grâce à un autre, il l'a presque perdu de par sa propre faute, en se montrant peu impliqué lors du premier débat avec Mitt Romney. A l'heure actuelle, en nombre de voix décomptés, il est même en dessous de son adversaire, bien qu'en ayant gagné l'élection en remportant l'Ohio.

Que fera Barack Obama pendant ces quatre prochaines années ? On ne sait pas trop. Si les démocrates ont conservé le Sénat, les républicains contrôlent toujours la Chambre des représentants. Cela veut dire que le blocage institutionnel a encore de beaux jours devant lui. Il est certain que la politique de Mitt Romney, influencée par des républicains bien plus féroces que lui, aurait été dommageable pour la majorité. Alors on se réjouit de la victoire de Barack Obama, pour ce qu'il n'est pas. Voilà ce qu'est l'espoir aujourd'hui.

jeudi 13 septembre 2012

Un grand coup de pub stupide

Un hurluberlu a voulu montrer son rejet de l'Islam en faisant un film sur le prophète Mahomet. Rien que sur ce concept, c'est une provocation envers les musulmans, puisque c'est aller contre leur interdit de représenter Allah ou Mahomet. Mais comme il n'a pas voulu faire les choses à moitié, il a représenté Mahomet de la pire des façons possible, un escroc immoral et violent. 13 minutes de ce "film" ont été mises en ligne, et si cela a vraiment eu un budget de 5 millions de dollars comme affirmés, la première question est de savoir où ils sont passés tellement le résultat respire l'amateurisme à tout point de vue. En définitive, la vidéo peut parfaitement être résumée en un seul mot : "ridicule". En tant que tel, cela ne mérite que d'être oublié par ceux qui l'ont vue, et en fait ne mérite même pas d'être vue.

Mais si cette vidéo est sortie de l'anonymat, c'est qu'il s'est trouvé des musulmans pour s'en énerver. Là où il aurait du y avoir mépris, il y a eu colère, et bien pire, colère violente. Dans plusieurs villes, des musulmans ont protesté contre ce film, et en Libye et en Egypte, ces manifestations n'étaient plus du tout pacifiques puisqu'il s'agissait de prendre d'assaut le consulat américain de Benghazi et l'ambassade américaine du Caire respectivement. Evidemment, les Etats-Unis en tant que pays ne sont pour rien dans cette affaire, seulement l'auteur de la vidéo réside en Californie. A Benghazi, quatre personnes ont été tuées, dont l'ambassadeur américain.

On peine encore à déterminer précisément ce qui s'est passé. Etait-ce des islamistes organisés, ou bien de simples musulmans fous furieux ? Dans les deux cas, toute l'opération est d'une stupidité sans nom. Tout d'abord parce qu'est parfaitement contre productif pour leur cause. La vidéo montre des musulmans qui massacrent des chrétiens ? Pourquoi alors protester contre elle en allant tuer des chrétiens ? Si le but était de montrer que l'Islam est une religion de paix et d'amour, c'est raté. L'assaut du consulat de Benghazi semble au contraire donner raison à une vidéo pourtant inepte. L'image donnée est celle de l'extrémisme, de l'absence de pensée et de la furie violente sans distinction. En outre, en réagissant de façon si disproportionnée, cela donne un coup de projecteur incroyable au film en question, qui sinon serait resté dans l'anonymat le plus total. Les protestants violents ont fait un grand coup de pub stupide aux islamophobes. Stupide au niveau des actes, stupide au niveau des conséquences.

dimanche 19 août 2012

Ayn Rand Paul Ryan

Le candidat républicain Mitt Romney a choisi le représentant Paul Ryan pour être son colistier lors de la prochaine élection présidentielle, et donc en cas de victoire, son vice président. Celui-ci dirige la commission du budget à la chambre des représentants, il est en vu non seulement pour son relatif jeune âge (14 ans d'ancienneté mais seulement 42 ans), mais aussi pour avoir proposé un plan de réduction des dépenses très sévère début 2011, taillant à la hache dans tous les programmes de sécurité sociale. Il est bien plus marqué idéologiquement que Mitt Romney, et de ce fait, lui permet d'accentuer le contraste entre le ticket démocrate et le ticket républicain.

On peut distinguer trois grandes tendances chez les républicains américains : les sociaux conservateurs (chrétiens avant tout, menant le combat sur les questions sociales), les néo-conservateurs (désignation faute de mieux, mais ils s'intéressent avant tout à la politique internationale) et les libéraux économiques. Paul Ryan fait partie de cette dernière catégorie. Pour ceux-là, augmenter le moindre impôt est une hérésie, et tous les problèmes de déficits publics doivent se régler uniquement par une baisse des dépenses. Dans leur esprit, diminuer le rôle de l'Etat est le meilleur moyen d'assurer les libertés. Ce n'est pas loin du libertarianisme cher à Ron Paul, qui a eu un beau succès aux primaires. Ce représentant du Texas se fait maintenant vieux pour pouvoir représenter l'avenir, mais ses campagnes présidentielles sont un investissement pour son fils, Rand Paul, sénateur du Kentucky. Rand Paul aura la possibilité de parler à la convention républicaine se déroulant à la fin du mois, et nul ne doute qu'il reprendra le flambeau laissé par son père, et se présentera un jour à son tour à la présidentielle pour que les républicains se convertissent au libertarianisme.

La figure marquante de la pensée libertarienne, c'est Ayn Rand, auteur du roman Atlas Shrugged, publié en 1957. Paul Ryan avait affirmé avoir été beaucoup influencé par ce livre, et souhaitait que les stagiaires travaillant avec lui le lisent. Quant à Rand Paul (né en 1963), on s'est même demandé s'il n'avait pas reçu son prénom du nom de la passionaria du libertarianisme, vu les fortes convictions de son père dans ce sens. En tout cas, il en étudié l'œuvre de près.

Lors de l'élection de George W. Bush en 2000, on avait beaucoup parlé de l'influence des sociaux conservateurs dans la politique américaine. Cette fois-ci, il n'est pas dit que Mitt Romney, mais l'influence du libertarianisme est d'ores et déjà non négligeable. Ayn Rand, Rand Paul, Paul Ryan, quatre prénoms pour désigner trois personnes, tel un signe de la propagation de ce courant d'idées...

Après vérification, il n'existe pas (encore) de Paul Ayn. Cela aurait été curieux !

dimanche 13 mai 2012

Fou, Breivik ? Bien au contraire !

Le procès d'Anders Behring Breivik est au centre de l'actualité norvégienne, un an après son attentat et son effroyable massacre. Vu l'ampleur du cas, c'est également un sujet d'actualité internationale. La question de la santé mentale de Breivik est au cœur du procès, parait-il. S'il n'est pas considéré responsable car fou, il passera le restant de ses jours à l'asile. S'il l'est, il passera plusieurs décennies en prison, voire plus, puisqu'il y resterait tant qu'il serait considéré dangereux. Et en fin de compte, le fait que ce soit sa santé mentale qui soit l'enjeu du procès en dit plus sur le reste de la société que sur lui-même. En effet, cela prouve seulement notre incapacité à envisager qu'un homme puisse avoir des idées et des comportements si éloignés des nôtres... d'où notre besoin de le faire passer pour "fou".

Mais pour ce que l'on sait de cette affaire, nous ne sommes pas dans un cas de perte de la raison. Il n'a pas obéi à des voix qui, un beau matin, lui ordonnaient de massacrer des gens. Il n'a pas commis ses actes par impulsion, l'entendement obscurci par des pensées totalement incohérentes. Au contraire. Nous voilà dans le cas d'un homme qui a usé de raisonnements tout au long du processus qui l'a mené jusqu'à cette tuerie. C'est bien pour prouver cela qu'il avait mis en ligne sur Internet un ouvrage détaillant l'ensemble de ses raisons, sa façon de procéder, le problème qu'il estimait devoir résoudre, les données de ce problème, et son plan pour y arriver. D'un bout à l'autre il est resté cohérent avec lui-même. Encore maintenant, il doit être ravi de pouvoir faire la promotion de ses idées à travers ce procès très médiatisé.

Evidemment, le problème qu'il expose n'est pas le bon, et, ce qui est pire, sa méthode ne consiste qu'à tuer des gens qui n'ont pas de vrai rapport avec ce qu'il croit combattre. Plus qu'une défaillance de sa raison, son souci est la défaillance de son système de valeurs. C'est le moins que l'on puisse dire que d'affirmer qu'il n'a aucun rapport avec le notre. Ce système de valeurs est tellement aux antipodes de celui du reste de la société qu'il nous apparaît comme parfaitement horrible, difficilement envisageable, à rejeter vigoureusement... Mais lui, dans son système de valeurs prônant la supériorité de l'occident et la lutte contre ses ennemis perçus par tous les moyens, il se sent parfaitement à l'aise. Du reste, on a peu accusé les nazis ou les terroristes islamistes d'avoir perdu la raison.

Tous les gens comme Breivik sont difficilement compatibles avec la société, puisqu'ils la rejettent si violemment. Breivik a déjà prévenu qu'il consacrera toute sa vie à sa "cause", le fait qu'il soit en vie est déjà du bonus par rapport à ses plans. Il restera donc éternellement dangereux, et ne pourra donc jamais être libéré. Son extrême marginalité ne doit pas nous leurrer : il reste un humain, et oui, comme on peut le voir, un humain peut être un massacreur froid. Cela n'est pas rassurant, et cela n'a rien de valorisant pour notre espèce, mais cela doit nous rappeler quelque chose de fondamental : la raison n'est jamais le but, mais seulement le moyen.

samedi 5 mai 2012

Quelques messages du peuple libyen

C'était l'année dernière :












mardi 17 avril 2012

En novembre, une élection exposant les divisions des Etats-Unis

Cela aura pris plusieurs mois, mais les primaires américaines ont finalement accouché d'un candidat pour novembre prochain : ce sera Mitt Romney. Certes, il n'a pas encore le nombre de délégués adéquats pour l'emporter, et deux autres personnes, Newt Gingrich et Ron Paul, sont encore officiellement dans la course. Mais Mitt Romney est désormais le seul à pouvoir remporter la Convention républicaine en Floride, et tout le parti se rallie derrière lui. Par rapport à ses adversaires, presque tous des seconds couteaux, il est étonnant que Mitt Romney ait mis tant de temps à l'emporter. Le fait est qu'il doit gérer la volte face entre gouverneur du Massachusetts, où il devait tenir des positions modérées, avec le rôle de champion des républicains, où il se doit d'adhérer à chacune des lubies de la droite américaine. Il lui a été reproché, comme il y a quatre ans, d'être inconstant sur ses positions, et il n'y a guère de doutes qu'il s'agira encore d'une ligne d'attaque de Barack Obama.

Mitt Romney sort affaibli des primaires, et ses chances sont très minces pour l'élection de novembre. Barack Obama a été un bon président, son charisme est intact, il a globalement remporté ses affrontements avec les républicains, et surtout, il y a le sentiment que le souffle de l'Histoire qui le soutient. Son grand projet d'autrefois était d'apporter du bipartisanisme à Washington, pour que démocrates et républicains se reparlent de nouveau, et travaillent ensemble pour améliorer l'Amérique. Seul problème : pour parler à deux, il faut être deux, et les républicains n'étaient pas disposés à s'accorder avec lui sur quoi que ce soit. Les institutions américaines favorisent désormais les blocages, et la vie politique est aussi bloquée que possible de nos jours.

Pour que Barack Obama perde cette élection, il faudra qu'il fasse de grosses erreurs. A priori, il y aura donc beaucoup moins de suspens qu'en 2008 (où le vrai enjeu se trouvait entre lui et Hillary Clinton), 2004 et 2000 (les élections "too close to call"). Mais ce que l'on pourra ressurgir pendant cette campagne, et qui pourrait être traité par les candidats, c'est cette division profonde qui coupe les Etats-Unis : les républicains sont plus à droite que jamais, alors que les démocrates s'affirment eux aussi de plus en plus à gauche. Les chaînes d'information en continu Fox News et MSNBC exposent à leur façon cette coupure, en faisant de l'information éditorialisée 24 heures sur 24. Les deux camps se haïssent, ne se parlent plus, et n'ont quasiment plus rien en commun. Certes, ils ont tous le même drapeau, mais on peine à voir une même nation. Comme cette division est parfois nettement marquée géographiquement suivant les Etats, on se dit que cela ressemble un peu aux divisions qui traversent les pays européens. Ici, la construction européenne en est considérablement plus compliquée, mais là-bas, c'est un pays entier qui n'est plus vraiment géré.

jeudi 8 mars 2012

Poutine de retour sans être parti

De nos jours, on peut distinguer une démocratie par trois critères : liberté de se présenter aux élections, liberté d'expression et sincérité des scrutins. A l'aune de ces critères, la Russie n'en est pas une. En effet, à la dernière présidentielle, plusieurs candidats ont été empêchés de se présenter alors qu'ils étaient les plus menaçants pour le pouvoir en place. Le Kremlin contrôle en grande partie les médias, et veille à ce qu'ils lui soient favorables. Et selon les observateurs, le scrutin à été trafiqué dans de nombreux bureaux de vote. La Russie n'est peut-être pas une dictature en bonne et due forme, mais il s'agit quand même d'un pouvoir autoritaire qui veille à ne pas être trop contesté. C'est pour cela que quand Vladimir Poutine annonçait pendant son deuxième mandat de Président que, conformément à la Constitution, il ne chercherait pas à rester en place, on doutait franchement de sa parole.

Alors en effet, il n'est pas resté Président de la Fédération de Russie en 2008, mais il a envoyé son Premier ministre Dmitri Medvedev prendre sa place, alors que lui-même redevenait Premier ministre. Néanmoins, tout le monde était bien conscient qu'il gardait le pouvoir effectif en Russie, et que Dmitri Medvedev n'était que son valeureux homme de main. Et constitutionnellement, rien ne les empêchait d'échanger à nouveau de bureaux quatre ans plus tard. C'est ce qu'ils ont fait sans sourciller, et Vladimir Poutine vient donc d'être élu Président. Il est de retour à ce poste, sans l'avoir vraiment quitté. La seule différence, c'est que maintenant un mandat six ans au lieu de quatre. En faisant deux mandats, il pourrait durer jusqu'en 2024. Il n'aura alors que 72 ans, et pourrait continuer ce petit manège jusqu'à sa mort. Au moins, avec des mandats plus longs, il aura moins d'élections à trafiquer.

Vladimir Poutine s'est fait élire au premier tour avec une majorité énorme pour montrer que c'était l'indiscutable patron. Après cela, il est difficile de soutenir que la Russie est une authentique démocratie. De nombreux russes, lorsqu'ils comparent leur vie politique avec celles européennes, s'en inquiètent et protestent. Pourtant, si la Russie était vraiment une démocratie, cela ne voudrait pas dire que Vladimir Poutine ne remporterait pas les élections. Là est justement le paradoxe : il n'a pas besoin d'éliminer ses opposants, de bâillonner la presse et de trafiquer les votes. Il pourrait tout à fait se faire élire à la régulière. Certes, son total de voix serait nettement moins élevé, et il serait obligé de passer par un second tour contre un adversaire coriace. Mais Vladimir Poutine reste quelqu'un de populaire, dont l'action a permis de changer la Russie. En mieux, pensent les Russes.

S'ils comparent la Russie d'aujourd'hui aux démocraties européennes, ils la comparent aussi à la Russie d'hier, dans les années 90. A cette époque, ils la voyaient ravagée par les mafias, humiliée sur le plan international, en perdition sur le plan économique. En bref, c'était le chaos. La sortie du totalitarisme soviétique ne s'était pas bien passé, et les Russes ont, en majorité, appréciés que le pays ait été repris en main d'une main forte. Le nationalisme russe, qui s'exprimait autrefois masqué derrière la propagande soviétique, n'avance plus masqué désormais, et le retour de l'autorité soulage de larges pans de la population. Pour les démocrates russes, le travail à faire, c'est donc surtout de démontrer que leur retour aux affaires ne signifierait pas une résurgence de l'anarchie.

dimanche 19 février 2012

Kennedy Président en 2024 ?

Il est grand, photogénique et a le sourire facile. Il est jeune, a une chevelure rousse abondante, c'est d'ailleurs cette figure de rouquin qui rappelle immédiatement ses origines irlandaises. A 31 ans, Joseph Patrick Kennedy III commence une carrière politique. Il vient d'annoncer sa décision d'être candidat pour devenir représentant du Massachusetts au Congrès, à la place de Barney Frank, l'illustre figure démocrate experte dans la législation financière. Et ce faisant, il signe le retour du nom Kennedy en politique américaine. Et tout bien considéré, c'était peut-être son tour.

Normalement, en démocratie, les fonctions ne se transmettent pas de père en fils. Mais aux Etats-Unis il existe de véritables dynasties familiales qui ne semblent pas déranger les promoteurs de la méritocratie. Dans la famille Kennedy, le goût de la politique est insufflé très tôt, il n'est donc pas étonnant qu'ils soient nombreux à se lancer dans la partie, quitte à former un véritable archétype. Le patriarche, Joseph Patrick Kennedy Sr., aurait voulu être candidat à la Présidence lui-même, mais sa position pacifiste pendant la seconde guerre mondiale le mit hors jeu. On sait comment il reporta ses espoirs sur ses fils, notamment sur John Fitzgerald, son cadet, après la mort tragique de son aîné, Joseph Patrick Jr. Et chez les Kennedy, on semble suivre une espèce de tradition qui ressemble un peu à la primogéniture mâle. Quand un Kennedy s'éclipse, le suivant vient prendre le relais. Quand John fut tué, son frère Robert devint sénateur, et fut tué à son tour en 1968 lors de sa propre campagne pour la présidence. Le benjamin, Ted, également sénateur, présenta sa candidature à la Présidence au mauvais moment, en 1980, alors que le démocrate Jimmy Carter se représentait. Il gaspilla sa chance.

Ce fut alors au tour de la génération suivante d'arriver au premier plan. Le plus vieux de leurs enfants, Joseph Patrick Kennedy II, le fils de Robert, fut ainsi élu représentant du Massachusetts en 1986. Ses perspectives étaient bonnes, mais il s'empêtra dans des scandales personnels. En conséquence, il dut se retirer des élections de 1998, alors qu'il envisageait de devenir gouverneur. Ted Kennedy, patriarche à son tour de la famille, mourut en 2009 alors qu'il était encore sénateur. Joseph Patrick II refusa de se présenter pour reprendre son siège. Et Patrick Kennedy, le fils de Ted qui siégeait à la chambre des représentants un peu par hasard depuis 1995, décida alors de ne pas se représenter.

Début 2011, il n'y avait donc plus aucun Kennedy engagé dans la politique nationale américaine. C'était une première depuis des temps presque immémoriaux. C'était certainement aussi le signal qu'il y avait de la place pour un nouveau Kennedy. Et c'est à ce moment là que Joseph Patrick Kennedy III, le fils de Joseph Patrick Kennedy II (il faut bien suivre) fit un discours éloquent pour une nouvelle vision de la politique. Dès lors la machine à spéculer se remit en marche. Il avait toujours laissé cette possibilité ouverte, et il était même surprenant qu'il ne se présente pas pour un siège au Congrès dès 2010. Non seulement il a la tête de l'emploi, mais il a également un CV impeccable : Stanford, Harvard, volontaire en République Dominicaine, assistant du procureur... C'est à croire que tout son parcours a été dicté par la perspective d'une future carrière politique.

L'annonce de sa candidature a très bien été accueillie. Il est très haut dans les sondages, les fonds pour sa campagne abondent, et tout le clan Kennedy le soutient. Fiancé, il a l'avantage de ne traîner (encore) aucun scandale, un gros point positif pour quelqu'un qui porte ce nom. Comme le Massachusetts reste globalement ancré du côté démocrate, il est donc le grand favori pour remporter cette élection. Et vu son jeune âge, on ne peut s'empêcher de spéculer sur la suite des événements. A terme, il pourrait lui aussi se lancer dans une campagne présidentielle, après être passé par un poste plus prestigieux comme sénateur ou gouverneur. En 2016 ou en 2020, le nouveau Joe Kennedy serait encore trop jeune pour un tel poste. Certains y voient déjà le gouverneur de New York, Mario Cuomo, lui-même ex-mari d'une des filles de Robert Kennedy. Mais en 2024 ou en 2028, il aurait le bon âge pour incarner un Président vigoureux et charismatique. C'est une longue échéance. Mais le nom Kennedy fait encore parler de lui.

dimanche 22 janvier 2012

Guerre économique en Iran

Le dernier rapport de l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) sur l'Iran fut loin d'être positif, c'est le moins que l'on puisse dire. Le pays progresse dans sa quête de l'arme nucléaire, et s'approcherait même du but. Israël, cible directe d'éventuels projectiles de la sorte, est d'ores et déjà sur le pied de guerre, et menace de commencer les bombardements d'un instant à l'autre. Le reste des pays occidentaux ont une approche différente. Il s'agit de la mise en place de nouvelles sanctions. Bien sûr, cela fait plus de trente ans que l'Iran est l'objet de sanctions de toute sorte. Mais ces dernières années, elles ont été particulièrement sévères, avec des effets sensibles sur l'économie iranienne. Celle-ci est sur la voie du délabrement, et la population ressent l'impact non pas d'une guerre militaire conventionnelle, mais bien d'une guerre économique qui est d'ores et déjà en cours.

Et avec les conclusions apportées par ce rapport de l'AIEA, cela ne risque pas de s'améliorer. L'Union Européenne et le Japon vont désormais arrêter d'acheter le pétrole iranien. Certes, il restera d'autres clients potentiels, mais selon la loi de l'offre et de la demande, les prix baisseront fortement. Alors que 80 % des revenus de l'Iran proviennent du pétrole, voilà qui asséchera encore plus l'économie iranienne. Les décisions politiques prises par le pouvoir iranien a dès lors des conséquences très concrètes pour la population, et le doute s'installe dans la population. Le pays s'oriente vers un cul de sac.

C'est pour échapper à de telles sanctions que l'Iran a voulu faire pression sur les pays occidentaux, en menaçant de fermer le détroit d'Ormuz, passage important pour l'acheminement du pétrole. C'est en fait un aveu de faiblesse, puisque l'Iran ne ferait pas de telles menaces s'il n'était pas acculée. En prenant en otage une part importante du pétrole mondiale, il cherche à préserver ses intérêts, mais le blocage en lui-même desservirait le pays. En outre, il s'agit d'un casus belli évident, et chercher à prendre le contrôle d'une zone ne relevant pas de ses eaux territoriales l'exposerait à la répression armée de ses opposants, notamment américains mais pas seulement. On arriverait à une situation inverse à celle irakienne. En Irak, les Etats-Unis ont déclenché le conflit sur le concept de guerre préventive. Là, ce serait l'Iran qui forcerait les hostilités en mer. Mais il s'agit là de guerre conventionnelle, et l'on peut douter de la capacité de résistance de l'armée iranienne lors d'une bataille navale face aux Etats-Unis, qui ont plus de porte-avions que tout le reste du monde réuni.

Personne n'a donc vraiment intérêt à ce qu'il y ait une escalade de la violence. L'idéal serait que les islamistes iraniens cèdent, par pression diplomatique ou sous la pression de la population. Malheureusement, les élections présidentielles de 2009 ont été trafiquées, et le voile vaguement démocratique qui perdurait a disparu. Les dirigeants ne sont pas soumis au peuple par les urnes, et à moins d'une révolte populaire, ne changeront pas de ligne de conduite. Difficile d'être optimiste dans une telle situation, et c'est le peuple iranien qui subit le premier les conséquences de tout ça.

lundi 16 janvier 2012

Ron Paul, l'idole des jeunes

"Dans les années 70, Nixon avait dit aujourd'hui, nous sommes tous keynésiens. Je rêve d'un jour où nous dirons aujourd'hui, nous sommes tous Autrichiens !" Ces mots marquaient un moment marquant du discours que Ron Paul prononçait le soir du caucus républicain en Iowa, il y a de cela deux semaines. Il faisait référence à l'école autrichienne économie, farouche partisane du libéralisme. Aux Etats-Unis, il en est lui-même le combattant le plus acharné. Représentant du Texas au Congrès, il s'est à nouveau présenté à la présidentielle cette année. En lice dans les primaires américaines, il est arrivé deuxième à la fois en Iowa et dans le New Hampshire, un résultat significatif. Il dépasse ainsi tous les candidats qui ont été plus en vue les mois précédents, mis à part Mitt Romney, le probable futur nominé.

Par rapport aux autres candidats, il a un mérite flagrant : celui de la cohérence. Ses convictions libertariennes ne font aucun doute, il ne saurait être accusé d'adopter une posture pour avoir des voix. D'ailleurs, il ne se fait probablement aucune illusion sur ses chances à la présidentielle. Il ne sera pas nominé, mais par rapport à il y a quatre ans, son score progresse, ce qui signifie que ses idées sont plus répandues. Il n'hésite pas à être à la marge de son parti sur des questions importantes. Toujours partisan d'un Etat le plus minimaliste possible, il se prononce contre les opérations militaires américaines à l'étranger, alors que se montrer belliciste est plutôt bien vu chez les autres candidats (cela prouve les capacités de commandant en chef).

Les années précédentes, d'autres candidats avaient obtenu un soutien fort des jeunes pour leurs engagements clairs et leur refus de la guerre en Irak. Howard Dean avait ainsi été un candidat démocrate influent pendant les primaires de 2004, pour ces raisons. C'est son opposition à la guerre qui permit à Barack Obama de se démarquer des autres sénateurs, qui s'y étaient presque tous montré favorables. Curieusement, de l'autre côté du prisme politique, les mêmes convictions (bien que pour des raisons différentes) apportent les mêmes effets. Les militants de Ron Paul sont dévoués et énergiques, bien plus que chez les autres candidats. Grâce à eux, il pourra continuer son plaidoyer du libertarianisme jusqu'à la fin des primaires, il est sûr qu'ils seront toujours là pour le soutenir. Son fils, Rand Paul, est d'ores et déjà sénateur, et s'apprête à poursuivre le combat quand lui, du haut de ses 76 ans, ne le pourra plus.

Aux Etats-Unis, le libertarianisme est toujours une idée neuve. Comme le fut le communisme chez nous, cette doctrine économique poussée à l'extrême offre une solution incroyable à tous les problèmes. Et comme toutes les utopies, elle ne pourra jamais être totalement appliquée. Mais il est déjà intéressant de noter qu'elle pourrait avoir de plus en plus d'influence dans les décennies à venir.

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