Cela aura pris plusieurs mois, mais les primaires américaines ont finalement accouché d'un candidat pour novembre prochain : ce sera Mitt Romney. Certes, il n'a pas encore le nombre de délégués adéquats pour l'emporter, et deux autres personnes, Newt Gingrich et Ron Paul, sont encore officiellement dans la course. Mais Mitt Romney est désormais le seul à pouvoir remporter la Convention républicaine en Floride, et tout le parti se rallie derrière lui. Par rapport à ses adversaires, presque tous des seconds couteaux, il est étonnant que Mitt Romney ait mis tant de temps à l'emporter. Le fait est qu'il doit gérer la volte face entre gouverneur du Massachusetts, où il devait tenir des positions modérées, avec le rôle de champion des républicains, où il se doit d'adhérer à chacune des lubies de la droite américaine. Il lui a été reproché, comme il y a quatre ans, d'être inconstant sur ses positions, et il n'y a guère de doutes qu'il s'agira encore d'une ligne d'attaque de Barack Obama.

Mitt Romney sort affaibli des primaires, et ses chances sont très minces pour l'élection de novembre. Barack Obama a été un bon président, son charisme est intact, il a globalement remporté ses affrontements avec les républicains, et surtout, il y a le sentiment que le souffle de l'Histoire qui le soutient. Son grand projet d'autrefois était d'apporter du bipartisanisme à Washington, pour que démocrates et républicains se reparlent de nouveau, et travaillent ensemble pour améliorer l'Amérique. Seul problème : pour parler à deux, il faut être deux, et les républicains n'étaient pas disposés à s'accorder avec lui sur quoi que ce soit. Les institutions américaines favorisent désormais les blocages, et la vie politique est aussi bloquée que possible de nos jours.

Pour que Barack Obama perde cette élection, il faudra qu'il fasse de grosses erreurs. A priori, il y aura donc beaucoup moins de suspens qu'en 2008 (où le vrai enjeu se trouvait entre lui et Hillary Clinton), 2004 et 2000 (les élections "too close to call"). Mais ce que l'on pourra ressurgir pendant cette campagne, et qui pourrait être traité par les candidats, c'est cette division profonde qui coupe les Etats-Unis : les républicains sont plus à droite que jamais, alors que les démocrates s'affirment eux aussi de plus en plus à gauche. Les chaînes d'information en continu Fox News et MSNBC exposent à leur façon cette coupure, en faisant de l'information éditorialisée 24 heures sur 24. Les deux camps se haïssent, ne se parlent plus, et n'ont quasiment plus rien en commun. Certes, ils ont tous le même drapeau, mais on peine à voir une même nation. Comme cette division est parfois nettement marquée géographiquement suivant les Etats, on se dit que cela ressemble un peu aux divisions qui traversent les pays européens. Ici, la construction européenne en est considérablement plus compliquée, mais là-bas, c'est un pays entier qui n'est plus vraiment géré.