vendredi 30 novembre 2007
Par xerbias,
vendredi 30 novembre 2007 à 07:49 :: Faits politiques
D'habitude, les personnalités politiques se lancent à la conquête d'un poste en mettant en place une stratégie, en usant de toutes leurs aptitudes et en entretenant un dialogue avec les électeurs dans le but de récolter leurs voix. Une fois l'opération couronnée de succès, elles s'installent à leur nouveau poste, font ce qu'ils pensent être juste et à l'approche de la fin de leur mandat, s'inquiètent de devoir relancer le lourd processus de la campagne électorale. Si tout cela apparaît normal, il n'y manque pas moins une tâche qui a une véritable utilité, celle de poursuivre tout au long du mandat la campagne. Car si la personnalité politique a le sentiment de faire ce pour quoi elle a été élue, il n'en reste pas moins que le citoyen est inquiet de l'utilisation qui est faite du pouvoir qu'il a délégué pendant la durée d'un mandat. Tout le dialogue entre les personnalités politiques et les électeurs apparaît trop cyclique pour qu'il soit pris vraiment au sérieux par ces derniers. Un député peut recevoir les habitants de sa circonscription dans une permanence, mais cela ne suffit pas pour en faire un dialogue avec l'ensemble de la population, qui n'a lieu que pendant le temps d'une campagne électorale. Le cas est pire dans le cas d'un gouvernement ou d'un Président de la République, qui sont les représentants de la nation dans sa totalité.
La rupture de ce dialogue en fait une véritable difficulté dans l'accomplissement des tâches entreprises par le pouvoir politique. La légitimité de l'action est bien sûr plus évidente si celle-ci bénéficie d'une approbation forte. Les citoyens souhaitent pouvoir juger en temps réel de l'action de leurs responsables, et pouvoir leur transmettre des messages. De leurs côtés, les responsables politiques ont le besoin d'expliquer ce qu'il font et de comprendre l'état d'esprit de leurs concitoyens. Pour que ces objectifs soient remplis, il est nécessaire que le dialogue ne s'interrompe plus. L'un des conseillers de Jimmy Carter, Patrick Caddell, avait établi le besoin d'une campagne électorale qui ne s'arrête pas pour obtenir l'approbation du peuple jour après jour. Le terme de campagne permanente fut ainsi forgé, et repris par les démocrates américains.
La campagne permamente est le style de présidence assumé par Nicolas Sarkozy. "Je dis ce que je fais, et je fais ce que je dis" est l'un de ses leitmotivs. Cela se traduit par un activisme constant, la plupart du temps relayé par les médias, qui ont assez peu le choix puisque c'est manifestement lui qui fait l'actualité jour après jour. Cela se comprend, vu l'ampleur des changements qu'il souhaite opérer sur la société française. Mais le fait qu'il soit davantage présent dans les médias que son Premier ministre ou que ses prédécesseurs l'ont été exaspère certaines personnes, qui ont tôt fait d'accuser les médias de complicité. Mais le reproche est bien souvent uniquement de l'ordre de l'attaque politique. Il reste que les campagnes politiques sont l'occasion d'ébullitions intellectuelles et sociales, et pour forger, il faut que le fer soit chaux. Le risque est à chaque fois de retomber dans l'immobilisme. Voilà pourquoi la campagne permanente peut en fait être un élément de progrès. L'heure n'est certainement pas à la démobilisation du simple fait que l'élection présidentielle est passée.
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mercredi 28 novembre 2007
Par xerbias,
mercredi 28 novembre 2007 à 22:32 :: General
Après une première journée de grève à la RATP et à la SNCF en octobre (qui s'était en fait étalée sur quatre jours), les salariés de ces deux entreprises publiques ont à nouveau fait grève pendant une dizaine de jours. Il peut paraître étonnant que cela n'ait pas duré plus longtemps, lorsque l'on sait que les syndicats promettaient de faire durer le "mouvement social" aussi longtemps que le gouvernement ne retirerait pas son projet de réforme de leur avantageux système de retraite. Mais les grévistes ne bénéficiaient pas du tout de la sympathie du reste de la population. Et surtout, les directions de la SNCF et de la RATP ont décidé d'ouvrir leur portefeuille pour offrir de généreuses compensations financières aux changements de régimes de retraite. Il n'est pourtant pas exclu que la grève reprenne, dans la mesure où le gouvernement ne retirera pas la réforme en question, alors que c'est bien là l'exigence des syndicats.
Le souhait de Nicolas Sarkozy qu'il n'y ait ni vainqueur, ni vaincu dans le conflit en cours apparaît assez naïve. Des syndicats comme SUD ou la CGT se considèrent exclusivement comme des forces de lutte, et continueront de brandir des menaces de grève tant que leurs innombrables revendications ne seront pas satisfaites. Le gouvernement s'est malgré tout montré assez bienveillant avec eux. Si les jours de grève ne sont plus payés, la charge représentée sur ceux du mois de novembre sera quand même étalée sur les feuilles de paie de décembre et de janvier, rendant plus indolore là grève pour les grévistes. Et alors que Nicolas Sarkozy avait promis le service minimum dans les transports en commun, ces derniers temps ont montré qu'il n'y avait rien de tel. Certes, la loi ne sera applicable qu'à partir du 1er janvier prochain. Mais fallait-il attendre aussi longtemps, plus de six mois après les élections, pour le faire appliquer ? Surtout que le texte en question est bien peu ambitieux. Cela se limite à déclarer 48h à l'avance si l'on fait grève, et à organiser un vote à bulletin secret pour prolonger la grève après huit jours de conflit. Il y a de quoi être circonspect sur les effets qu'auraient eus de telles mesures dans les dernières grèves. Cela peut permettre de mieux prévoir le trafic, mais les nuisances liées au manque de train, de bus ou de tramways demeurent. Ce qui se traduit par des rames encore plus surchargées que d'habitudes lorsqu'il y en a, l'impossibilité pour les personnes âgées de prendre les transports en commun lorsque le chaos règne comme ce fut le cas, de nombreux travailleurs ne pouvant se rendre sur leur lieu de travail et perdant ainsi des journées entières de salaire, des temps de transports démentiels pénalisant d'abord ceux qui vivent dans les banlieues, et d'une façon générale, la quasi impossibilité de se déplacer.
Entre les habituels retards, annulations et suppressions d'interconnexions, les usagers des transports en commun ont déjà l'impression d'avoir le droit à un service minimum permanent, même les jours de non grève. Pourtant les transports en commun servent l'intérêt général, c'est bien pour cela que la SNCF et la RATP sont des entreprises publiques. Si ce sont des services tellement indispensables à la communauté que l'Etat a cru bon de devoir les gérer lui-même, ce n'est certainement pas pour qu'ils ne soient pas assurés de façon périodique. Il faut en tirer les conclusions, et oser affirmer qu'il faut avoir une exigence de service maximum dans les transports en commun. Personne ne peut se permettre qu'ils ne fonctionnent plus. Cela a évidemment des conséquences : les grèves dans des services aussi cruciaux pour l'intérêt de la population ne doivent plus se traduire par des interruptions de service. Et si cela passe par des limitations du droit de grève, qu'il en soit ainsi. Le droit de grève est bien sûr reconnu par la constitution, mais dans ces termes : "le droit de grève s'exercent dans le cadre des lois qui le réglementent". Eh bien il est temps de le réglementer là où c'est vraiment nécessaire, c'est-à -dire lorsqu'il nuit à l'intérêt général.
La raison d'être de la SNCF ou de la RATP n'est ni d'être un investissement donnant droit à un rendement aux investisseurs, ni d'être un employeur. La raison d'être de ces deux entreprises est d'avant tout transporter les gens, ensuite les marchandises. Pour le métro, une solution pourrait être à terme l'automatisation de toutes les lignes parisiennes. La ligne 14 a prouvé sa force et son utilité pour les usagers ces dernières semaines. C'est un exemple à reproduire, et il est heureux que ce soit actuellement à l'étude pour un nombre croissant de lignes.
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lundi 26 novembre 2007
Par xerbias,
lundi 26 novembre 2007 à 23:21 :: Pensée politique
Au cour du mandat de George W. Bush, le néo-conservatisme aura été une force idéologique de premier plan, réussissant à lancer une guerre en Irak alors qu'elle n'était amenée par aucun fait de guerre direct. Les néo-conservateurs sont un courant de pensée puissant, pas forcément dominant dans la population américaine, mais remarquablement bien introduit parmi ses élites. Leur vision du monde part sur la base d'un refus du relativisme moral : ils considèrent que le mal et le bien existent en tant que tels, qu'il est possible de discerner entre les deux, et qu'il faut appliquer le bien contre le mal. Ce qui relève du bien, c'est le droit au bonheur, la liberté, la démocratie... bref, ce qui fait la société américaine. Celle-ci est donc un modèle pour le monde, et les Américains ont comme mission de faire partager leur mode de vie aux pays subissant des dictatures. A ce titre, le rayonnement des Etats-Unis est indispensable pour influencer les autres pays à les suivre, et l'Amérique doit même oeuvrer pour renforcer son hégémonie, et ainsi constituer une force d'attraction suffisante pour entraîner le monde entier derrière elle.
D'un point de vue politique, le néo-conservatisme s'est d'abord constitué dans le cadre de la guerre froide, pour lutter contre l'immobilisme prévalant face à l'URSS. Les néo-conservateurs prônaient la prise d'initiative face à la menace soviétique, et n'hésitaient pas à considérer l'usage de la force militaire comme nécéssaire pour atteindre des buts justes. Ils ne croient d'ailleurs pas au multi-latéralisme, facteur d'inaction et de compromission. Les néo-conservateurs sont idéalistes dans la mesure où ils refusent de laisser leurs idéaux entâchées et où ils considèrent que chaque pays suit le chemin du progrès, mais ils se veulent également réalistes sur les moyens d'arriver à leurs fins, en pensant que seul le rapport de force est de nature à sécuriser des avancées avec les dictatures. Ronald Reagan, en augmentant le budget militaire américain dans les années 80, est ainsi crédité de l'effondrement du bloc soviétique qui n'a pu suivre cet effort.
Après le succès face aux soviétiques, les néo-conservateurs semblaient ne plus avoir d'ennemi. Mais il restaient encore bien des dictatures hostiles aux Etats-Unis à travers le monde. L'Irak, l'Iran, la Corée du Nord, l'Afghanistan, la Lybie... Ils surveillaient chacun de ces pays. La montée de l'islamisme leur a fait prendre conscience d'une nouvelle menace contre le monde libre, et c'est ainsi qu'ils ont pu s'imposer au lendemain du 11 septembre 2001. Et aujourd'hui encore, s'ils ont obtenu que les Etats-Unis agissent directement contre les "Etats voyous", ils ne se méfient pas moins de pays plus imposants, plus solides mais se révélant comme de possibles challengers de la suprématie américaine. La Chine et la Russie sont ainsi à nouveau considérés avec prudence, voire suspection.
L'échec de la guerre en Irak a notablement diminué leur influence. Mais leur doctrine garde une certaine force aux Etats-Unis, et elle reste comme une pensée de fond pour bon nombre d'hommes politiques républicains. Dès lors, il ne serait pas étonnant qu'elle ressurgisse avec toute sa force en cas de crise internationale. Il est difficile de transformer un tel idéalisme en des conceptions plus subtiles.
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samedi 24 novembre 2007
Par xerbias,
samedi 24 novembre 2007 à 20:50 :: Europe
Le projet d'union méditerranéenne défendu par Nicolas Sarkozy et son conseiller Henri Guaino surprend les capitales européennes, qui ne s'attendaient pas à voir un nouveau grand projet mis sur la table à la grâce d'une campagne présidentielle française. Malgré des réticences initiales des deux côtés de la Méditerranée, la pensée principale s'est révélée être un "pourquoi pas" lorsque fut décidé le rattachement du concept au Processus de Barcelone, signifiant ainsi que c'est toute l'Union Européenne qui allait entrée dans cette nouvelle union, plutôt que les seuls membres ayant des côtés sur la mer en question.
Le contenu de l'union méditerranéenne n'est pas une préoccupation majeure : ce serait certainement l'occasion de faire une zone de libre échange entre l'Europe et des pays d'Afrique du Nord, du Proche-Orient et de l'Asie mineure. Ce à quoi pourrait se greffer certains projets concrets, tels que la gestion des voies maritimes. Enfin, tout le processus pourrait contribuer à favoriser la paix entre les pays concernés, à l'heure où certains se font peur à force d'aligner les incompréhensions. Mais justement elle ne pourrait probablement pas aller plus loin : les différences de conception politiques sont trop marquées, et il n'y a aucune chance que les différents peuples concernés acquiescent au moindre partage de souveraineté. Il faut dire que certains pays arabes sont des dictatures historiques, et le clivage politique de quelques pays se fait entre les islamistes et les nationalistes. Cela ne peut être en aucun cas un terrain fertile pour une union véritablement politique.
Néanmoins, ces collaborations peuvent être utiles à tout le monde, et dès lors elles ne doivent pas être négligées. L'union méditerranéenne peut être le partenariat privilégié entre l'Union Européenne et des pays non-européens qui avait déjà été évoqué par des personnalités politiques européennes depuis bien longtemps. Certains pays, comme la Turquie ou le Maroc, n'ont pas vocation à entrer dans l'Union Européenne, mais peuvent apporter et bénéficier des avantages inhérent à ce nouveau type d'union. Alors que l'Union Européenne ne peut plus veiller à la fois s'élargir et approfondir ses politiques, elle peut en revanche progresser dans ses affaires internes, et créer un nouveau partenariat, bien moins contraignant, avec les pays qui ne sont pas en Europe mais avec lesquels elle souhaite entretenir d'excellentes relations fertiles. Et il faut assumer dès le départ cet aspect là de l'union méditerranéenne, sous peine d'être menacé par des malentendus encore plus dangereux s'ils se révèlent trop tard.
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jeudi 22 novembre 2007
Par xerbias,
jeudi 22 novembre 2007 à 22:49 :: Faits politiques
Pendant la dernière campagne présidentielle française, François Bayrou a voulu se désolidariser de la droite, l'alliée traditionnel du centre. Son but étant de rester le leader de son propre camp, il ne voulait pas devenir l'allié de la gauche pour autant. De ce fait, il s'excluait de lui même de toute majorité. Pour sortir de cette situation inconfortable, il énonça une stratégie audacieuse pour avoir une majorité dont il serait le chef : à ce moment-là , seuls ses plus ardents supporters le soutenaient, mais une fois qu'il serait élu, toutes les personnes de bonne volonté accepteraient de travailler avec lui pour changer les choses en France dans une sorte d'unité nationale, hors de la tension entre la droite et la gauche qui serait l'une des causes des difficultés du pays. A l'époque, ce scénario apparaissait comme hautement hypothétique. Mais lorsque, dans l'émission "J'ai une question à vous poser", Nicolas Sarkozy fut interrogé sur ce thème, il répondit qu'il menait alors une campagne où il exposait clairement ses idées et ses plans pour la France, mais qu'une fois élu, il aurait à coeur de rassembler au delà des frontières politiques pour mener ses réformes. C'est ce qu'il appelait l'ouverture.
Et comme il l'avait annoncé, il a réussi à augmenter le nombre de ses alliés alors qu'il se positionnait pourtant comme clairement à droite. Si un bon nombre des personnes qui vinrent à lui par l'ouverture le firent après ses victoires électorales, certaines l'avaient également rejoint pendant sa campagne. Ainsi, le centriste André Santini n'avait pas hésité à annoncer son soutien en sa faveur alors que François Bayrou grimpait spectaculairement dans les sondages. D'une manière générale, l'ouverture apparaît comme une manoeuvre politique redoutée, alors qu'elle permet d'ouvrir le champ politique. Ceux qui décident de travailler avec la droite alors qu'ils en étaient en théorie interdits l'ont fait en général par conviction, justement en tant que personnes de bonne volonté souhaitant sincèrement changer les choses en France. Et pourtant, François Bayrou ne cesse de persifler contre ceux qui l'ont quitté du fait de l'ouverture, alors qu'il attendait clairement que d'autres fassent la même sorte de mouvement. Pour lui, le véritable problème est qu'il ne fut pas fait en sa faveur.
Ceux qui ont accepté les propositions de l'ouverture l'ont souvent fait à la suite d'une analyse stratégique. Est-ce dans l'opposition que l'on a le plus de chances d'apporter les solutions que l'on souhaite voir appliquer ? Quelqu'un comme Jean-Marie Bockel avait de toutes façons beaucoup de mal à se faire entendre dans son propre parti. Gilles de Robien ne voulait plus être soumis à la stratégie improductive du cavalier seul de François Bayrou à l'UDF. Evidemment, parfois, le mouvement prend des airs de trahison. L'essai d'Eric Besson contre Ségolène Royal ne serait pas autant apparu comme une basse manoeuvre si celui-ci avait refusé d'entrer au gouvernement de François Fillon par la suite. Quant à Hervé Morin, il fut particulièrement étonnant de le voir quitter François Bayrou, alors qu'avec Marielle de Sarnez, il ne s'était illustré que comme un inlassable défenseur du président de l'UDF. Son changement de cap entre les deux tours ne passe pas comme autre chose que pour une inquiétude pour son avenir personnel. Il est vrai que les députés UDF avaient peu de chance de se faire réélire sans alliance avec la droite après la défaite de François Bayrou. Mais dans ce cas, cela pose la question de la conviction avec laquelle ils l'ont suivi pendant la campagne.
Si l'ouverture gêne l'opposition, ce n'est qu'une de ses conséquences, mais ce ne pouvait être son seul but. Au moins parce qu'en terme de dégât collatéral, elle gêne presque autant les politiciens de droite, bien peu ravis de voir ceux qui n'avaient pas fait campagne pour le gagnant, contrairement à eux, être "récompensés" à leur place. Le problème fondamental dans cette histoire est de voir les portefeuilles ministériels comme une récompense, alors qu'ils devraient être vus par tous comme une charge lourde de responsabilités. De plus, les différents camps politiques devraient commencer par ne plus considérer que leurs adversaires représentent le mal absolu, des personnes avec une interminable guerre est en cours. Ce n'est pas forcément faire l'unité nationale que de penser ainsi, mais c'est au moins avoir une vision plus saine du débat politique.
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mardi 20 novembre 2007
Par xerbias,
mardi 20 novembre 2007 à 23:54 :: Monde
Le 26 septembre 2006, un chef d'Etat se déplaçait pour la première fois dans l'émission humoristique "The Daily Show", diffusée sur le câble aux Etats-Unis. A la fin de chaque émission, un invité est interviewé par Jon Stewart. Ce jour-là , c'est Pervez Musharraf qui se présenta, n'hésitant pas à venir jusque dans une émission aussi peu sérieuse pour faire la promotion de son livre, qui sortait à l'époque aux Etats-Unis. Jon Stewart se montra tout de même surpris que celui-ci ait voulu venir dans sa modeste émission. Il y avait de quoi : Pervez Musharraf dirige le Pakistan, un pays de 160 millions d'habitants pour le moins troublé géopolitiquement parlant. Le Pakistan est en effet en conflit régulier avec l'Inde à propos de la région du Cachemire, et surtout, une partie importante du nord du pays n'est pas contrôlé par l'Etat, mais plutôt par des extrémistes islamistes qui sévissaient autrefois en Afghanistan. La façon dont Pervez Musharraf dirige le Pakistan n'est pas non plus anodine. Son accession au pouvoir est le résultat d'un coup d'Etat en 1999, et d'une manoeuvre politique non constitutionnelle en 2001. Jusqu'au 11 septembre 2001, il était considéré avec une grande méfiance par les pays occidentaux. Mais à la suite de la chute des tours jumelles, il prit la décision de ne pas s'opposer à la guerre qu'allait mener les Etats-Unis en Afghanistan, alors que les deux pays sont pourtant très proches. Ce faisant, il évite d'être une cible du courroux américain, mais devient violemment contesté par les islamistes.
Ces derniers mois, tous ces dossiers sont restés chauds. Les élections présidentielles devaient d'abord donner une véritable légitimité à Pervez Musharraf. Mais sa candidature fut contestée devant la Cour Suprème. Et devant la perspective d'un désavoeu, il a préféré instauré l'état d'urgence, limitant les libertés individuelles et mettant de côté les institutions politiques pour conserver le pouvoir. Pour ce nouveau coup d'Etat, il a utilisé comme prétexte le danger terroriste. Le terrorisme est réel au Pakistan, mais cela ne justifiait pas vraiment ce mouvement. La communauté internationale a bien évidemment réagi de façon négative, préférant les processus démocratiques sans entourloupes. Les Etats-Unis ont demandé des explications à leur allié. Mais jusqu'où peut-on remettre en cause Pervez Musharraf ? S'il est remplacé par quelqu'un qui garde la même ligne de fermeté face à l'islamisme, il ne sera pas regretté. Mais il serait hasardeux que de dire qu'il n'y a pas de risque islamiste au Pakistan.
Il est plus agréable de traiter avec des pays démocratiques dont la morale est claire. Mais le Pakistan est un exemple de ces pays clés pour l'évolution du monde où les choix à faire laissent des arrières goûts désagréables. En l'occurrence, si l'on peut encourager Pervez Musharraf à faire les choses de la façon la plus transparente possible, il est difficile de lui demander plus, dans la mesure où jouer avec le Pakistan revient à jongler avec de la nitroglycérine. Après tout, le Pakistan a eu la mauvaise idée de se doter de la bombe atomique. Veiller à ce qu'elle ne tombe pas dans les mains de personnes encore plus irresponsables n'est qu'un des aspects à prendre en compte dans sa façon d'agir avec le Pakistan.
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dimanche 18 novembre 2007
Par xerbias,
dimanche 18 novembre 2007 à 14:04 :: Economie
Le modèle de société proné par les économistes néoclassiques est celui où une très forte concurrence règnerait. Ils considèrent en effet que les problèmes économiques proviennent tous de déséquilibres sur les marchés, et ces désiquilibres résulteraient tous d'obstacles à la concurrence. Si celle-ci était la seule force à l'oeuvre, elle suffirait en fait à attribuer à chaque agent économique la rémunération qu'il mérite, une rémunération insuffisante étant le signal qu'une marchandise est en excès, et donc qu'il faut produire sur un autre marché où les rémunérations sont importantes. Le modèle optimal de société est celle où sont appliqués les cinq critères de la concurrence pure et parfaite. Ces critères sont presque indissociables de la théorie néoclassique des marchés à l'équilibre et sont donc très connus. Il s'agit de l'atomicité des agents économiques (un très grand nombre de vendeurs et d'acheteurs fait qu'aucun ne dicte sa loi aux marchés), l'homogénéité des produits (les produits sont substituables), la transparence de l'information (chacun peut savoir gratuitement quels sont les niveaux de rémunérations pour chaque marchandise), la libre entrée et sortie du marché et la libre circulation des facteurs de production (pour que l'équilibre puisse se faire de façon presque instantanée).
Ces cinq conditions à l'établissement de la concurrence pure et parfaite sont très difficiles à retrouver toutes ensembles dans la réalité, et la concurrence pure et parfaite a ainsi pu être qualifiée de chimère d'économiste, alors que dans la véritable vie économique ce sont les oligopoles voire les monopoles qui dominent les marchés. Il y a pourtant quelques marchés sur lesquels on se rapproche fortement de la concurrence pure et parfaite. C'est par exemple les produits financiers se trouvant en bourse, et au premier lieu les marchés d'actions. Les autorités des marchés financiers forcent les entreprises qui ont une grande partie de leur capital au flottant à donner régulièrement des informations sur l'état de leurs finances et de leurs activités. L'offre et la demande d'actions pour chaque entreprise (tout du moins pour celles qui connaissent des volumes de transaction important) sont constamment comparées pour donner le cours de l'action par le mécanisme du commissaire priseur (aujourd'hui fait de façon automatiques par les systèmes informatiques des bourses modernes). Le nombre d'acheteurs et vendeurs d'action est immense, la spéculation augmentant d'autant plus, et le nombre de transactions est considérable. Ainsi, les marchés boursiers respectent la concurrence pure et parfaite, et lorsque l'on voit que les grandes bourses se félicitent de la liquidité qui règne sur les marches qu'elles organisent, on se rend compte que cette concurrence pure et parfaite est tout à fait consciente et organisée.
Mais aujourd'hui, on peut également retrouver des éléments de la concurrence pure et parfaite sur Internet : l'espace virtuel rend possible la rencontre d'un grand nombre de vendeurs et d'acheteurs. Seulement l'information sur les différentes offres pourrait se révéler compliquée. C'est pour cela que sont nés les comparateurs de coûts. Mais le meilleur système sur ce critère reste celui des ventes aux enchères en ligne. A ce titre, eBay se démarque par son très grand nombre d'agents regroupés sur la même place de commerce et le volume des transactions observées. Il est possible à chacun de voir quels sont les résultats de la quasi-totalité de ces transactions, ce qui de facto fait naitre des cours pour chaque produit. En fin de compte, les seuls produits non substituables sont ceux qui sont particulièrement rares, mais le système d'enchères permet à nouveau de mettre en rapport l'offre et la demande et de donner le bon prix, celui d'équilibre, sur chaque marchandise. Et justement, l'une des révolutions d'eBay est ce nouveau mode de commerce qui découle de cette abondance de produits mis en vente et de vendeurs, permettant une concurrence entre eux bénéfique à tout le monde. Dans ce cadre-là , le mécanisme d'un marché fortement concurrentiel tient ses promesses.
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vendredi 16 novembre 2007
Par xerbias,
vendredi 16 novembre 2007 à 21:47 :: Pensée politique
Depuis 1997, le parti conservateur est dans l'opposition en Grande-Bretagne. La victoire de Tony Blair sur John Major a forcé ce parti, celui de ceux qu'on appelle les "tories" outre manche, à entamer une longue traversée du désert. Il leur est difficile de revenir au pouvoir, alors que le gouvernement semble donner satisfactions aux électeurs. C'est que le blairisme a su appliquer une troisième voie salvatrice pour le pays, bien éloignée de l'ancienne posture que le Labour adoptait dans les années 70 : celle d'un parti contrôlé par des syndicats se situant nettement à la gauche de l'échiquier politique. L'inertie entraînée par les blocages syndicaux et l'absence d'audace des gouvernements successifs avaient porté la Grande-Bretagne à une situation désastreuse à l'époque. Pour sortir de cet extrème, Margaret Thatcher a utilisé des solutions clairement libérales économiquement parlant. Elles l'étaient parfois trop, mais la politique se devait d'être radicale pour sortir des anciens blocages. Le génie de Tony Blair fut de prendre le parti d'adoucir les politiques mises en places par Margaret Thatcher, tout en en conservant la plus grande partie. Ainsi, la Grande-Bretagne put connaître à la fois la prospérité économique et une amélioration des conditions de vie. Dès lors, les tories ne gardaient plus que le côté radical, et se voyaient déposséder de la possibilité de recommander une politique centriste, sinon à s'aligner sur le Labour.
Cela fait donc dix ans qu'ils errent à la recherche d'une nouvelle doctrine politique, changeant de dirigeant au fur et à mesure des défaites électorales. Et depuis 2005, c'est David Cameron qui est responsable de son parti. Sa jeunesse devrait pouvoir donner une impression de renouveau, face à un Gordon Brown au pouvoir depuis 10 ans, et étant plus que lui d'une quinzaine d'années. Mais le parti conservateur a un bilan, même en étant dans l'opposition. Le parti a fortement soutenu l'envoi de troupes en Irak aux côtés des Américains. Et aujourd'hui, c'est l'envoi de ces troupes par le gouvernement travailliste qui est la décision la plus contestée par l'opinion britannique. Difficile pour les conservateurs de se différencier à ce niveau là . Par contre, le domaine où ils se font le plus remarquer est celui de la construction européenne. Si la Grande-Bretagne est eurosceptique en général, le parti conservateur est aujourd'hui le fer de lance de l'opposition à l'intégration européenne. Conformément à la vision de Margaret Thatcher, les conservateurs critiquent l'Union Européenne pour ses politiques communes, ils préféreraient qu'elle se contente d'être un marché commun avec une déréglementation toujours plus poussée. Exactement l'inverse des conceptions qui prédominent de côté-ci de la Manche. A l'heure où Tony Blair semble être le grand ami de Nicolas Sarkozy, le parti conservateur n'a pas vraiment d'échos en France. D'une manière générale, rares sont ceux qui sont enthousiastes vis-à -vis de leur retour au pouvoir.
Les tories pourraient toutefois remporter les prochaines élections générales, pas sur leurs propres propositions, mais comme souvent, en comptant sur l'usure du pouvoir en place. Néanmoins, ils pourraient tout à fait poursuivre la même politique les travaillistes. Après tout, à l'après guerre, les conservateurs mettaient en place des politiques proches de celles défendues par les chrétiens démocrates dans le reste de l'Europe, en dehors des questions internationales. Aujourd'hui, on en est pas si loin en Grande-Bretagne, dans un pays qui semble avoir trouvé la formule magique de la prospérité. Pour ce qui de la construction européenne, on trouve bien quelques conservateurs pro-européens. A vrai dire, l'euroscepticisme des conservateurs n'est que le symptôme de celui de tout un pays. Plutôt que d'espérer que les élites britanniques changent d'avis pour le bien de leur peuple, ce sont surtout les consciences de chaque citoyen qu'il faut faire évoluer, pour qu'ils découvrent où est leur intérêt.
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mercredi 14 novembre 2007
Par xerbias,
mercredi 14 novembre 2007 à 23:25 :: Europe
Le fédéralisme au niveau européen peut être un excellent moyen de prolonger la construction européenne, dans le sens où il permettrait aux citoyens européens de s'approprier les mécanismes de décision de l'Union Européenne. Le but est de prendre en compte leur avis par des procédures démocratiques, et de favoriser leur sentiment d'appartenance à un même ensemble, pour qu'ils prennent conscience d'une communauté de destins entre les différents peuples d'Europe. Seulement, il faut être réaliste. Parmi les partisans du fédéralisme européen, il en existe certains qui trouvent que le concept de nation n'a apporté que des guerres, et donc militent pour la disparition des nations, d'abord au niveau de l'Europe, et dans l'idéal au niveau de l'humanité. Peut-être ne se sentent-elles pas elles-mêmes concernées par le concept de nation, mais c'est une grave erreur que de le sous estimer et de le prendre de haut. Il est même assez vain de vouloir lutter contre ce concept.
L'Histoire a montré qu'il n'était pas possible de faire vivre dans un seul pays plusieurs nations différentes. De telles situations existent, mais ne sont pas viables sur le très long terme, sur plusieurs siècles. En Europe, on l'avait constaté par exemple avec l'Empire d'Autriche-Hongrie, ou avec la question des Balkans. Encore aujourd'hui, les déchirements entre les Wallons et les Flamands actuellement montrent l'impossibilité d'unions forcées entre des peuples bien distincts. C'est quelque chose dont il faut tenir compte dans la construction européenne. L'Etat nation est aujourd'hui indépassable, et cela veut dire que pour les décisions les plus importantes, telles que l'adoption de traités institutionnels ou l'entrée de nouveaux membres, chaque Etat composant l'Union Européenne doit donner son accord. Il est donc hors de question d'imposer à un pays des décisions sur les principes mêmes de l'Union qu'il n'accepterait pas. Car dans une telle éventualité, c'est un sentiment d'incompréhension et de rejet profond qui éclaterait au sein de la population du pays concerné. L'Union Européenne ne doit pas s'opposer aux Etats nations, elle doit leur être complémentaire, toujours sur le principe qu'il faut prendre les décisions au niveau où elles sont le plus pertinentes.
On pourra objecter que le concept de nation est en fin de compte assez récent, ne datant que du début du XIXème siècle, et qu'il doit justement être dépassé comme la nation avait fait oublier les identités régionales. Seulement, les identités régionales ne sont pas mortes, c'est juste la force du lien établi par la nation qui s'est posée au-dessus et les a rendues moins perceptibles. Quelqu'un peut avoir des attaches pour son quartier, son terroir, sa région, son pays et pour l'Europe à la fois, sans que l'une de ces attaches nuise à une autre. C'est pour cela que d'une part il est souhaitable qu'il y ait un sentiment d'appartenance des citoyens européens à un même espace géographique, et d'autre part que ce lien en construction ne se fasse pas en opposition à ceux qui existent déjà . Car ce serait dans une telle situation que le rejet voire les risques de violence seraient les plus grands.
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lundi 12 novembre 2007
Par xerbias,
lundi 12 novembre 2007 à 21:03 :: Faits politiques
En politique, être ambitieux est souvent en atout. Au moins pour le bien de sa carrière, c'est même une nécessité. Mais est-ce pour autant quelque chose de souhaitable ? La réponse est simple : il faut que l'ambition serve des convictions, et pas seulement une progression personnelle. Vouloir grimper les échelons sans vouloir par la même occasion servir l'intérêt général rend l'exercice vain, et celui qui l'accomplit méprisable. En affichant depuis longtemps son désir de devenir Président de la République, Nicolas Sarkozy a parfaitement assumé son ambition, et s'est ainsi exonéré de l'accusation d'hypocrisie. Jean-François Copé croit suivre cette démarche, en débordant à son tour de certitudes quant à son propre avenir présidentiel, n'hésitant pas à en parler dès maintenant. Certes, à ce niveau là au moins, on ne peut pas dire qu'il fasse de la langue de bois. Mais lorsque son action d'aujourd'hui n'est faite que dans un seul but, c'est à dire son propre avancement, en en oubliant l'intérêt de la France, il y a un vrai problème.
Jean-François Copé est devenu un symbole lorsqu'il décida d'entrer dans un cabinet d'avocats d'affaires. Il est désormais le symbole du politicien qui cumule les rôles jusqu'à l'excès. Député à l'Assemblée Nationale, il y a un rôle important en étant président de groupe (celui de l'UMP en l'occurrence). Il est aussi maire d'une ville d'une taille conséquente, Meaux. Et il est aussi président de communauté d'agglomération. Et il faut rajouter à cela le fait qu'il est conseiller régional (depuis sa campagne ratée pour les régionales en Ile de France en 2004). En sachant qu'il a aussi une famille, on se rend facilement compte qu'il n'a techniquement pas le temps pour bien assumer tous ces rôles. Et qu'après tout, d'autres pourraient s'en occuper sans que cela nuise à l'intérêt général. Dès lors, le rôle néfaste du cumul des mandats apparaît rapidement. Surtout qu'il ne serait pas envisageable à l'étranger. Les politiciens essaient tant bien que mal de le justifier en affirmant qu'être maire en plus d'être parlementaire permet de ne pas se couper de la vraie vie. Mais absolument rien ne condamne un parlementaire à se couper du peuple, et à abondonner sa circonscription. En fin de compte ce jeu apparaît pour ce qu'il est : le fait de miser sur plusieurs tableaux et de se garantir des rôles publics en cas de défaite à telle ou telle élection.
Aujourd'hui encore, nombreux sont les ministres ou secrétaires d'Etat à se présenter aux municipales. C'est leur droit, mais s'ils viennent à devenir maire, il faudra qu'ils en tirent les conséquences en abandonnant leur portefeuille. En fait, on peut envisager qu'un élu ait un job à plein temps, et éventuellement avoir un rôle consultatif, mais pas exécutif. Dans ce cas on peut être maire et conseiller régional ou général, à condition de ne pas avoir de responsabilités exécutives dans ces assemblées. Un parlementaire pourrait être également simple conseiller municipal. Ce serait le même cas que celui d'un travailleur ordinaire choisissant de s'engager pour la communauter à travers la vie publique en dehors de ces horaires de travail. Au delà , il y a un problème.
Pour avoir beaucoup cumulé, Nicolas Sarkozy ne risque pas de proner une attitude exemplaire sur ce sujet. Jacques Chirac avait également cumulé de façon improbable les postes de maire de Paris et de député de la Corrèze (en plus d'être président du RPR), mais cela ne l'avait pas empêché de vouloir de ses ministres le respect d'une règle de non cumul. Ségolène Royal, s'est retirée de son poste de député en ne se représentant pas, après avoir été élue présidente de région. Mais elle aura quand même cumulé trois ans, et si elle a fait cette promesse de non cumul, c'est bien parce qu'elle considérait ne pas arriver dans une situation où elle aurait du l'appliquer, pensant se faire élire à l'Elysée. D'une manière générale, presque personne n'évite le cumul. Et c'est encore un élément supplémentaire qui rend les Français circonspects quant à leur représentants politiques. Et dans les grands partis, ils ont peu le choix : à chaque fois, le candidat a déjà une responsabilité, mais ne promet jamais de la quitter en cas d'accession à une plus importante.
Photo : Reuters
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samedi 10 novembre 2007
Par xerbias,
samedi 10 novembre 2007 à 12:42 :: Monde
Lorsqu'Angela Merkel et la CDU ont commencé à s'inquiéter au sujet des fonds souverains, pendant l'été dernier, il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que cette inquiétude se partage de l'autre côté du Rhin, en France. C'est notamment lors d'un sommet entre la chancellière allemande et le président français que le sujet est apparu, tous deux arrivant facilement à s'entendre sur la nécessité d'améliorer la transparence des fonds spéculatifs et des fonds souverains, laissant entrevoir une méfiance envers des forces financières immenses aux motivations obscures. Car les fonds souverains sont justement des fonds d'investissement détenus par des Etats, des Etats à la puissance économique telle qu'elle leur permet d'avoir une épargne à investir à l'étranger. Il n'est en effet pas inhabituel de voir des gouvernements investir dans les entreprises de leur propre pays. C'est le propre des nationalisations, totales ou partielles, accomplies dans le but d'implémenter de nouvelles politiques sociales, de contrôler des secteurs habituellement détenus par le secteur privé, ou de constituer des champions nationaux dans la compétition économique internationale. Mais pour un Etat, investir directement dans des entreprises étrangères est plus inhabituel.
Les fonds souverains ne sont pas vraiment nouveaux, mais c'est l'ampleur que certains d'entre eux prennent et leurs choix d'investissement qui attirent de plus en plus l'attention. Et de même que l'intervention de l'Etat peut être faite pour aider un champion national, on peut imaginer sans mal qu'elle peut être faite pour faire avancer les intérêts stratégiques d'un pays, qu'ils soient économiques ou mêmes liés à des questions d'influence ou de sécurité. Certains pays comme la Chine ou l'Arabie Saoudite donnent l'impression, par leurs idéologies d'Etat et leur vision affirmée de la défense de leurs intérêts nationaux, qu'ils peuvent avoir des stratégies pour faire prévaloir leur puissance économique de par le monde. Profitant chacun de balances commerciales largement excédentaires, ces deux pays disposent de liquidités abondantes qu'ils choisissent d'investir dans les économies du monde entier, à travers des fonds souverains. Cette puissance financière alliée au patriotisme économique laisse la porte ouverte à de nombreuses craintes. Dès lors, ce serait abaisser sa garde que de laisser ces fonds souverains agir comme ils le souhaitent et de les laisser prendre le contrôle d'entreprises stratégiques.
Les Etats-Unis, l'Allemagne ou la France ont donc raison de prendre la menace des fonds souverains au sérieux. Car si le capitalisme libéral est censé être un jeu où ne règnent que les lois de l'offre et de la demande, et le critère de compétitivité, il serait naïf que de croire que des Etats pourraient s'abstenir de donner dans l'interventionnisme si cela peut favoriser leurs intérêts stratégiques de long terme, quitte à ce que cela nuise aux performances économiques à court terme de leur investissements. Si les pays occidentaux n'ont pas forcément les moyens d'avoir leurs propres souverains pour peser d'eux-mêmes dans ce domaine, ils peuvent au moins veiller aux investissements réalisés par les fonds souverains étrangers pour en étudier les implications, et ils peuvent aussi ne pas s'interdire d'intervenir pour défendre ponctuellement les intérêts de leurs propres entreprises.
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jeudi 8 novembre 2007
Par xerbias,
jeudi 8 novembre 2007 à 20:40 :: General
En 1993, Edouard Balladur a fait passer les salariés du privé de 37 ans et demi de cotisation pour la retraite à 40 ans. En 2003, ce fut le tour du régime général de la fonction publique. Aujourd'hui, il ne reste plus que les régimes spéciaux. Ceux qui en relèvent continuent de cotiser 37 ans et demi (en théorie, car certains cheminots peuvent partir en retraite à 50 ans, ce qui ne garantit même pas une telle durée de cotisation), et voient leur pension calculée sur leur salaire des six derniers mois, contres les 25 meilleures années dans le privé. Les régimes spéciaux sont complètement déficitaires, ce qui signifie qu'ils sont renfloués par les régimes de ceux qui travaillent plus longtemps, et c'est bien ce qui est profondément injuste. Lorsque François Fillon, alors simple sénateur, avait lancé en 2006 qu'en cas d'élection de la droite à la présidentielle, elle réformerait les régimes spéciaux, les syndicats concernés s'étaient lancés dans une "grève préventive" à la simple énonciation de l'hypothèse. Cela laissait bien imaginer les troubles qui suivraient si le gouvernement aurait suffisamment de courage pour s'atteler à une réforme aussi nécessaire. En effet, une bonne partie des cheminots et leurs syndicats n'hésitent pas un instant lorsqu'il faut sacrifier l'intérêt général sur l'autel de leurs intérêts particuliers. Le but est alors de nuire à la société suffisamment (en faisant grève) pour que celle-ci tolère la nuisance habituelle qu'elle lui cause (par le maintien des régimes spéciaux). Ils profitent d'une forte capacité de nuisance pour se bénéficier de règles particulièrement inéquitables.
Voilà pourquoi il faut la faire, cette réforme des régimes spéciaux. Et puisque ceux qui la combattent veulent en profiter pour s'assurer d'une nouvelle période de blocages en tous genres, il faut également faire comprendre que l'ancienne ère de l'immobilisme doit désormais prendre fin. En matière de retraite, l'équité doit prévaloir. En 2008, il est prévu que les cotisations passent progressivement de 40 à 42 ans, toujours pour permettre le financement d'une population qui vit plus longtemps. Ce serait alors 42 ans pour tous. On peut imaginer certains aménagements pour ceux dont le travail est si pénible que leur espérance de vie en est réduite. De même pour les pompiers et les militaires, dont le métier est de risquer sa vie pour l'intérêt général. Ce n'est en tous cas pas le cas des salariés de la RATP ou de la SNCF, loin de là . Comme ils vivent aussi longtemps que tout le monde (voire même ont une espérance de vie légèrement supérieure), leur départ à la retraite à un âge aussi faible fait qu'ils ont les plus grandes durées de vie en retraite en France. Cela permet au passage de relativiser la pénibilité supposée des métiers qu'ils effectuent.
Mais si c'est 42 ans pour tous, cela ne saurait être plus pour certains s'ils ne le souhaitent pas. En 2003, à la suite des négociations entre le gouvernement et la CFDT, la réforme a stipulé le fait que pour ceux qui avaient commencé à travailler très tôt pouvaient désormais prendre leur retraite une fois ces 42 ans de cotisation atteints, l'âge de 60 ans atteint ou non. Cette mesure fut peut être coûteuse (par rapport aux rentrées financières qu'auraient représentées les années de cotisations nécessaires pour atteindre 60 ans), mais elle est parfaitement juste. A ce titre, elle ne saurait être remise en cause. François Chérèque, dirigeant de la CFDT, s'est insurgé à raison lorsque François Fillon a voulu mettre ce dossier sur la table. Parce que ce dont a besoin le système de retraites, c'est d'équité. Une équité qui fasse que chacun remplisse sa part du contrat, ce qui veut dire travailler plus pour les bénéficiaires des régimes spéciaux, et pouvoir partir en retraite pour ceux qui ont d'ores et déjà cotisé 42 ans.
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mardi 6 novembre 2007
Par xerbias,
mardi 6 novembre 2007 à 22:39 :: Pensée politique
La chancelière allemande Angela Merkel est obligée de gouverner en coalition avec la gauche allemande, alors qu'elle vient de la droite. Le résultat des dernières élections légistlatives n'ont en effet pas donné de majorité claire dans ce pays. Pour que cette coalition tienne, chacun des camps est poussé au compromis, donnant naissance à des solutions si tièdes qu'elles apparaissent comme de la compromission pour tous. Dans un tel cadre, il est évidemment difficile pour les forces en présence de se différencier, alors qu'elles se méfient profondément l'une de l'autre. Pourtant, tant les sociaux démocrates que les chrétiens démocrates ont une identité affirmée. Celle de ces derniers a été forgée par des décennies de combats portés par des figures aussi emblématiques que Konrad Adenauer ou Helmut Kohl.
L'exemple de Konrad Adenauer aide à se rappeler que la démocratie chrétienne est un courant très ancien dans le paysage politique allemand, Adenauer ayant commencé sa carrière au sein du parti du centre, le parti qui a représenté les idées de la démocratie chrétienne dès la refondation de l'Allemagne en 1870. On peut d'ailleurs remarqué que, à l'instar de ce qu'il s'est passé en France, la démocratie chrétienne a commencé au centre de l'échiquier politique avant de passer progressivement à droite. Les idées sont d'ailleurs proches : les chrétiens démocrates allemands ont eux aussi milité pour un Etat décentralisé et se sont appuyés sur une pratique pragmatique du pouvoir. D'un point de vue économique, ils défendent une vision qui pourrait être qualifiée de sociale libérale : une économie capitaliste de marché attentive à ne pas laisser d'exclus sur le bord de la route, sans pour autant verser dans l'Etat providence. Mais aujourd'hui, si les chrétiens démocrates forment bien le coeur du premier parti de la droite allemande, la CDU, et de sa version bavaroise, la CSU, ils travaillent dans ces pays en compagnie des libéraux et des conservateurs, rappelant ce qu'il se fait dans l'UMP française, ou plutôt ce que l'UMP essaie de transposer.
Un autre point commun entre Konrad Adenauer et Helmut Kohl est la conviction du besoin d'une union européenne, une conviction qui rassemble l'ensemble des chrétiens démocrates. Konrad Adenauer avait reconstruit l'Allemagne sur des bases saines, et la construction européenne était l'une de ces bases. C'est ainsi qu'il a travaillé avec entrain à la reconciliation franco-allemande, devenant un homme d'Etat de l'ampleur de de Gaulle en France. Helmut Kohl, pour sa part, réussit à mettre en oeuvre la réunification de manière pacifique, et de manière si efficace que l'ancienne RDA fut incorporée à la République Fédérale d'Allemagne, et donc à l'Union Européenne, en une période record. Et encore de nos jours, Angela Merkel fait preuve d'une habilité admirable pour faire avancer la construction européenne. Cela montre l'apport fondamental de la démocratie chrétienne non seulement à l'Allemagne, mais aussi à l'Europe. Et quand l'on sait que la CDU et la CSU sont des partis ayant un nombre très élevé d'adhérents, il est difficile de ne pas admirer un tel courant d'opinion, aussi populaire et aussi dévoué à l'intérêt général. Ce doit être un modèle pour les partis français, et pour le centre droit français en particulier.
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dimanche 4 novembre 2007
Par xerbias,
dimanche 4 novembre 2007 à 12:37 :: Europe
Au début des années 50, Jean Monnet lança l'idée d'une mise en commun des forces militaires européennes alors que les risques de conflit avec le bloc de l'est étaient extrèmement élevés. L'idée était d'une part d'avoir une alliance très solide entre pays d'Europe occidentale, et d'autre part de permettre le réarmememnt de l'Allemagne en mettant son armée sous un contrôle commun. Ainsi, en même temps que se mettait en place la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) entre la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, une union militaire européenne était en construction entre ces mêmes pays à travers ce qui devait s'appeler la Communauté Européenne de Défense (CED). La discussion sur ce sujet commence en 1950, pour arriver à un accord entre gouvernements le 27 mai 1952. A cette époque déjà , la CED est placée dans le cadre des institutions de la CECA, et fait partie du plan plus vaste que représente l'OTAN, l'alliance de tout le bloc occidental.
Le plan est prometteur, mais s'avère finalement trop ambitieux. En effet, le débat sur l'entrée dans la CED est vif en France, et à l'époque de la IVème République, c'est à l'Assemblée Nationale que se déroulent les échanges verbaux musclés. Si les chrétiens démocrates et une partie des socialistes et des radicaux s'activent en faveur de la ratification du traité en question, les députés communistes luttent contre, principalement parce que l'objectif final est d'avoir les moyens de lutter contre les soviétiques. Ils sont rejoints en cela par les gaullistes, qui souhaitent préserver la souveraineté de la France sur son armée. Même si la France a obtenu de pouvoir ne déléguer qu'une partie de ses troupes à la CED, le fait que la structure soit placée sous commandement américain à travers l'OTAN s'avère fâcheux. Et pour beaucoup de Français, la perspective de réarmer l'Allemagne alors que les souvenirs de la guerre sont encore si frais n'a rien d'évident. C'est ainsi que la CED finit par être repoussée par la France en 1954, et à l'instar de ce qu'il se passera pour le Traité Constitutionnel Européen 50 ans plus tard, c'est tout l'édifice qui s'effondre.
Evidemment, l'Allemagne n'est pas empêchée de se réarmer pour autant. C'était d'une part nécessaire dans le cadre de la guerre froide, et il fallait de plus sortir de ce cadre de défiance entre elle et la France pour faire avancer la réconciliation. Mais la principale victime de l'affaire est la perspective même de politique européenne de la défense. Certes, celle-ci n'a rien d'évident. Et cela d'abord car rares sont les situations de politique étrangère où tous les pays européens parlent d'une même voix, chacun étant tributaire de sa propre tradition dipolomatique et d'impératifs de politique intérieure. Mais il reste que l'idée de politique européenne de défense est pertinente, dans ce qu'elle peut permettre d'atteindre plus facilement une masse critique suffisante en terme de troupes, de faciliter les programmes d'investissements en recherche et en investissement, ou bien d'amplifier la voix de l'Europe qui est bien faible quand elle est divisée sur la scène internationale. Aujourd'hui, chaque armée européenne reconnaît la nécessité d'une mise en commun des forces militaires. Pourtant, si celle-ci est actuellement possible, c'est surtout dans le cadre de l'OTAN, qui reste l'instrument des Etats-Unis. Un instrument qui peut parfois avoir sa pertinence, mais qui limite l'indépendance de l'Europe.
Aujourd'hui, comme à l'époque de la CED, la question de l'OTAN reste donc centrale dans la définition d'une politique européenne de défense. C'est d'ailleurs l'occasion de constater que la question a en fin de compte peu avancé en 50 ans. A ce titre, la CED représente une belle occasion manquée, au vu du retard qui s'accumule sur une problématique pourtant pas négligeable. A l'heure où les institutions européennes semblent devoir se stabiliser après le Traité de Lisbonne, il est temps de travailler sur certains des grands dossiers de politique européenne qui ont été trop oubliés par le passé. La politique européenne de défense en fait partie.
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vendredi 2 novembre 2007
Par xerbias,
vendredi 2 novembre 2007 à 23:48 :: Faits politiques
La France est une démocratie représentative. Le mandat impératif est d'ailleurs proscrit dans sa Consitution. Mais cela veut alors dire que le peuple élit ses représentants uniquement sur leur personnalité : en effet, au moment du choix, si un candidat n'est constitutionnellement pas tenu de faire ce qu'il a annoncé avant l'élection, sur quoi peut se reposer l'électeur ? Il ne lui reste alors que la bone mine du candidat. Mais celui-ci ne garantit pas pour autant sa bonne mine, ou la constance de sa personnalité. S'il se fait élire sur la base du fait qu'il est un homme généreux, il pourra être arrogant et égocentrique pendant tout son mandat sans que cela ne lui pose problème. Normalement, le bilan est fait lors de l'élection suivante. Et en cas de déception, il ne reste plus aux électeurs qu'à faire un nouveau pari sur la bonne impression laissée par tel ou tel candidat.
Ce système peu satisfaisant n'est évidemment pas appliqué en politique. Les électeurs peuvent légitimement demander aux candidats ce qu'ils pensent sur les différents sujets, et ce qu'ils comptent faire. Certes, les élus ne sont pas constitutionnellement tenus de faire ce qu'ils ont annoncé en tant que candidat. Mais qu'il y ait une parfaite indépendance entre ce qu'ils ont dit et ce qu'ils font ensuite a le don d'exaspérer une bonne partie des électeurs, qui considèrent que l'élection est le moment où l'on choisi le meilleur des candidats non seulement sur sa personnalité, mais aussi sur ses convictions et son projet. Dès lors, est-ce trop demander aux responsables politiques d'être constants dans leurs appréciations, sous peine que le peuple se sente floué et méprisé, dans le sens où il est tenu pour incapable de songer correctement aux affaires publiques ? Le mandat représentatif pris au pied de la lettre ne peut que favoriser la rupture du lien entre les gouvernants et les gouvernés.
Nicolas Sarkozy a fait campagne dès son intronisation sur un programme, qu'il a répété inlassablement pendant des mois. A l'intérieur de ce programme, on trouve des mesures attendues et nécessaires depuis bien longtemps, dont l'absence de courage politique a empêché jusque là l'adoption. Il s'est engagé sur ce programme, et de ce fait, son but sera de ne pas être pris en défaut dessus. Il n'a donc pas le choix, il doit appliquer ce programme pour lequel il a été élu, et c'est justement la légitimité d'une élection à forte participation dont il a été le vainqueur clair qui lui permet de l'appliquer. Nicolas Sarkozy doit désormais appliquer son programme. Il l'appliquera. Il a cinq années pour cela, et au bout de cette période, on fera les comptes. Il le sait certainement mieux que quiconque, il vaudra mieux à ce moment là que l'on ne puisse pas lui faire de reproche sur ce point. Si jamais il venait à manquer de courage, pour au bout du compter manquer au peuple français, ce ne serait pas seulement sa fin politique, ce serait aussi un nouveau coup dur pour le système politique français.
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