Réflexions en cours

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mercredi 31 mai 2006

Si vis pacem, para bellum

Dans son dernier livre, François Hollande évoque la diminution des crédits affectés à la défense nationale comme une possible piste pour dégager des marges budgétaires. Il reprend une ancienne idée de la gauche, qui se méfie de l'armée en la suspectant de favoriser la guerre. Pour un gouvernement qui recherche la paix et de l'argent, l'équation se résoudrait donc par une baisse des moyens financiers accordés aux armées. Le raisonnement s'appuierait notamment sur le fait que depuis la chute de l'URSS, il ne serait plus nécessaire de rester aussi sourcilleux sur notre défense, dans la mesure où la Russie ne serait plus un danger. Le raisonnement peut quand même paraître surprenant : s'il est vrai que les risques de conflits entre Etats ont diminué depuis la fin de la guerre froide, la situation géopolitique est loin de paraître apaisée de façon globale. Aux chocs symétriques, où deux armées s'opposent de façon frontale, suivent les affrontements asymétriques, où des armées font face à des guérillas diffuses, incapables d'affronter frontalement les grands pays, mais néanmoins aptes à les user considérablement. Il ne faut pas non plus négliger l'attitude de pays franchements hostiles à l'occident, qu'il serait irresponsable de négliger.

Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépares la guerre) est un ancien proverbe qu'il peut être bon de se rappeler constamment. Préparer la guerre, ça ne veut pas forcément dire la faire. Il convient surtout de rester toujours à l'affût, de ne pas se laisser aller à croire que tout est acquis. La stratégie de dissuasion nucléaire a permis d'éviter le conflit entre les Soviétiques et les occidentaux, ce modus vivendi a succédé à la stratégie réaliste d'équilibre des forces qui permit la paix au XIXème siècle, sous l'inspiration de Metternich. Là, il ne s'agit que d'avoir des armées prêtes à répondre à toute alerte, capables d'agir sans sourciller en cas de besoin. Et les occasions peuvent surgir à n'importe quel moment.

Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis subirent une attaque terroriste considérée avec raison comme un acte de guerre. Les responsables de cette attaque étaient soutenus par un régime hostile, incarné par le gouvernement taliban de l'Afghanistan. A l'époque, la situation n'était pas difficile à juger, et rares sont ceux qui critiquent même aujourd'hui la décision d'anéantir le régime taliban. Les Etats-Unis et ses alliés se sont donc rapidement convenus sur l'attaque de l'Afghanistan, et leurs capacités militaires leur permirent d'intervenir rapidement. Ils purent donc se battre aux côtés des forces libres du Nord que dirigeait le commandant Massoud, et renverser ce gouvernement. Aujourd'hui encore, les alliés restent en poste en Afghanistan pour stabiliser le pays autour de son nouveau gouvernement élu de façon démocratique, et empêché le retour au pouvoir d'extrémistes bellicistes. Lors de la guerre du Golfe, l'Irak a attaqué le Koweït car il savait précisément que ce petit pays n'était pas en moyen de se défendre. Pour éviter les ennuis, il faut donc que les pays éventuellement hostiles comprennent qu'il est inutile de vouloir s'en prendre à l'intégrité du territoire national. Seule une politique de vigilance permanente ne sous-estimant aucun risque permet de maintenir des effectifs armés suffisants et adaptés afin de dissuader de possibles ennemis de tenter leur chance à agresser notre pays. Il est d'ailleurs assez terrifiant que lorsque l'Allemagne nazie se réarmait dans les années trente, la France ait longuement tardé à prendre la mesure de la menace. Cela ne faisait qu'augurer l'étendue du désastre qu'une position trop pacifiste a permise, comme la débâcle de 1940 l'a montré.

Nous devons donc faire face à plusieurs menaces : d'abord, les pays hostiles disposant d'armées. C'est le cas avec l'Iran, qui se cache à peine de vouloir l'arme nucléaire alors que rien ne laisse penser que son gouvernement puisse être assez sage pour disposer d'une arme aussi destructrice. C'est aussi le cas avec la Corée du Nord, qui elle se targue même de l'avoir, et dont les névroses de son chef suprême laissent craindre le pire. Mais il y aussi la menace de la guérilla, que doivent affronter nos armées en Afghanistan, ou bien celle encore plus difficile à gérer, celle des kamikazes, car la raison est exclue du domaine de l'ennemi. On voit en Israël ou en Irak les difficultés que ceux-ci posent. Les armées doivent être donc prêtes à faire face à chacune de ces menaces. Des soldats issus de la conscription n'étaient plus en mesure de pouvoir le faire, l'armée a donc du se professionnaliser pour acquérir les connaissances et l'expérience nécessaires à la gestion de ces situations. Les effectifs de l'armée professionnelle augmentent donc, les investissements en matériel militaire également, étant donné la sophistication croissante des armes et des moyens utilisés pour répondre au mieux à ce genre de menaces. Bref, le moment n'est certainement pas venu pour la défense nationale de se voir couper les crédits. Le plus sage serait de lui donner les moyens nécessaires à son efficacité, car nous ne pouvons nous permettre d'encourir le moindre risque, d'avoir le moindre doute aux moments où des vies sont en jeu.

mardi 30 mai 2006

Casseurs ethniques

Dimanche dernier, rue des rosiers à Paris, une bande d'une trentaine d'hommes est venue avec une attitude hostile, en cherchant explicitement la bagarre avec la LDJ. Ils se présentèrent comme appartenant à un groupuscule sectaire prônant la suprématie des noirs et leur domination à venir sur le monde, et ils accusaient la LDJ d'avoir agressé des noirs. Ils voulaient donc faire une démonstration de force en provoquant des combats de rue. En dehors même du discours fondamentalement raciste que ce groupuscule véhicule, il reste l'existence d'une milice ethnique qui ne peut qu'inquiéter. Inutile de citer ici cette organisation, ce serait faire de la publicité pour elle, et c'est ce que ces membres recherchent. Il y a d'ailleurs d'autres organisations du même type, au service d'ethnies différentes : il y a par exemple celles qui sont liées au FN, ou encore la LDJ, à la doctrine très peu pacifiste. Evidemment, dans chacun dans ces cas, ces actions sont condamnées par ceux qu'elles sont censées protégées. Il n'y a aucun doute sur la volonté de vivre ensemble de chacune des composantes de la France. Malheureusement, on retrouve toujours des minorités d'excités racistes qui souhaitent la guérilla urbaine pour faire valoir leurs sombres vues.

Aucun acte délictueux ne peut être toléré. On ne peut admettre que des bandes usent de la violence et fassent régner la violence pour un oui ou pour un non, voire pour aucune raison. La nuit dernière, une émeute a éclaté à Montfermeil, rappelant celles de novembre dernier. Durant ces tristes nuits, de nombreuses bandes avaient attaqué des édifices publics et les locaux d'entreprises, brûlé des voitures et des écoles, agressé des passants innocents, et affronté les forces de l'ordre. A la suite de ces événements, on a vu surgir toute sorte de sociologues, d'homme politiques ou de membres d'associations aveuglés par leur naïveté. Ils tentèrent de justifier ces émeutes, en évoquant pèle mêle la mort de deux adolescents qui avaient pris la décision incompréhensible de fuir dans un transformateur électrique, les propos tenus par le Ministre de l'Intérieur, ou bien la condition sociale des émeutiers.

Il faut répondre deux choses. Premièrement, les émeutiers ne se souciaient aucunement des retombées politiques de leurs actes, puisque ceux-ci répondaient au seul impératif de nuisance envers la société. Aucune revendication, aucun slogan n'a agrémenté ce que certains ont perçu comme une "lutte", au contraire de ce qui s'est passé lors de mai 1968. Aucun sentiment de classe non plus, puisque ce qu'ils détruisaient étaient les voitures de leurs voisins, l'école qui permet à leurs petits frères de grandir, les bus qui leur permettent de se déplacer. Seul prévaut l'envie de faire du mal, de faire comme les plus forcenés d'entre eux et de soulager leur ennui par la destruction. Deuxièmement, même s'ils avaient eu des motifs de mécontentement, rien ne justifie de mettre à feu et à sang le pays lorsque celui ci est démocratique. On peut imaginer des révolutions populaires pour instaurer la démocratie, mais si celle-ci est en place, elle doit s'appliquer : si un problème se pose, les pouvoirs publics doivent s'en occuper. S'ils ne sont pas jugé efficaces, il est possible de les changer lors des élections. Dans ce cadre, on ne peut admettre l'usage de la violence, là où le bulletin de vote suffit. Mais ceux qui aiment détruire ne vont pas voter, car ils n'ont absolument aucune notion de citoyenneté. Il est certes bien triste d'imaginer la façon dont vivent ceux qui n'ont aucune morale. Il ne doit jamais être trop tard pour les remettre sur le bon chemin. Néanmoins, chacun doit comprendre que le dialogue n'est pas possible dans la violence. Ceux qui la commettent doivent être punis, car la force doit rester à la disposition de l'autorité publique.

Vivre ensemble n'est pas toujours facile, et les différences d'opinions sont souvent sujettes à affrontements. Les bases de notre système démocratique reposent sur la participation de chacun et le dialogue, ce que la violence exclue. Il est donc nécessaire qu'elle soit punie en tous cas, quelles que soient les excuses qu'on peut lui donner.

lundi 29 mai 2006

Des lobbys

A Bruxelles, les lobbyistes professionnels ont un accès permanent tant à la Commission européenne qu'au Parlement européen. Ils sont consultés par les commissaires pour que ces derniers puissent prendre leurs décisions, et rencontrent fréquemment les députés européens pour faire valoir les intérêts des clients de lobbys lors des votes. Les lobbyistes sont justement embauchés par des entreprises ou des associations économiques sectorielles pour qu'ils s'attellent à convaincre les preneurs de décisions, en l'occurrence les personnalités politiques, d'adopter des mesures qui aillent dans le sens de leurs intérêts. Dans la capitale européenne, il semble que leur présence ne pose pas de problème. C'est assez étonnant dans la mesure où les lobbys profitent ouvertement des méandres de la bureaucratie et qu'ils apparaissent donc comme particulièrement obscurs, contraires à l'idée de transparence dans les institutions européennes. C'est fâcheux, un an après le rejet du traité constitutionnel européen, il serait temps de faire le ménage sur les points qui affaiblissent la construction européenne lorsqu'ils la desservent. Les lobbys en sont clairement les parasites, vu le flou des moyens qu'ils adoptent pour "convaincre" les responsables politiques, voire pour leur forcer la main.

Nous avons vu comment le lobbying est facteur de corruption avec l'exemple des Etats-Unis. Le scandale généré par représentant républicain texan Tom DeLay est révélateur : par les nombreux cadeaux qu'il en recevait et par les prises de position qu'il adoptait, il y avait la place pour qu'il puisse être accusé de corruption. Il le fut, et dut quitter son siège au fil de ses ennuis judiciaires. Le lobbyiste Jack Abramoff, impliqué dans cette affaire, l'est aussi dans des dizaines d'autres, montrant ainsi le caractère malsain de la pratique. Il faut dire qu'aux Etats-Unis, le financement des partis politiques par les entreprises est possible et encore plus malsain à vrai dire. Dans ces conditions, comment imaginer que les décisions sont prises avec comme objectif l'intérêt général, et non les intérêts particuliers de ces puissantes entreprises ? Dans de nombreuses situations, comme les manufacturiers du tabac, des armes à feu ou du matériel militaire, le doute ne devrait pas être permis. Et lorsque Microsoft échappe aux poursuites judiciaires pour ses abus de position dominante par la seule force de ses nombreux avocats procéduriers et de ses lobbyistes à l'"influence" terrifiante, il y a vraiment de quoi remettre en cause ce système.

Il ne s'agit évidemment pas de défendre aux entreprises ou aux associations de défendre leurs intérêts. Ils peuvent être part de l'information des décideurs. Il s'agit surtout qu'elles le fassent elles même en fait. Que des syndicats patronaux ou ouvriers confrontent leurs intérêts, il n'y a alors que du dialogue social qui doit être encouragé pour aboutir à des politiques efficaces. Que des associations d'entreprises discutent avec les consommateurs sur la réglementation de leurs offres, c'est le meilleur moyen d'arriver à la solution la plus pertinente. Mais envoyer des inconnus négocier en tête-à-tête et avec insistance une réglementation complaisante pour leurs clients, c'est un déni de transparence. Que dire alors, des députés européens qui rencontrent plus souvent des lobbyistes que les simples citoyens des pays dont ils sont les représentants ?

Si l'Union Européenne est en difficulté ces temps-ci, c'est notamment du fait qu'elle est perçue comme trop libérale et trop éloignée des préoccupations des citoyens européens. Il serait dès lors difficile d'affirmer que les lobbys vont dans le bon sens. Il faut remettre le citoyen et l'intérêt général au coeur de la démarche européenne. A Bruxelles, il y a des centaines de cabinets de lobbyistes représentants des milliers de groupes d'intérêts. Ils sont certes beaucoup moins nombreux qu'à Washington, mais ce n'est pas une orientation qu'il est souhaitable d'adopter. Au contraire, il convient d'assainir ce milieu, pour ne laisser subsister les seules associations transparentes, discutant directement avec les groupes aux intérêts opposés. Cela évitera au moins aux responsables politiques d'être les arbitres de compétitions répugnantes de "celui qui dépense le plus pour imposer ses intérêts". La transparence et la prédominance de l'intérêt général doivent être des règles absolues dans le fonctionnement de l'Union Européenne, les lobbyistes n'y ont donc pas leur place.

dimanche 28 mai 2006

Dettes et déficits

En 2005, la dette publique française a encore augmenté, en passant de 64,6 % du PIB à 66,6 %. Dis comme cela, ça ne parait pas bien grave pour la plupart des gens, mais le montant de la dette a des conséquences. En l'occurrence, il s'agit de la charge de la dette, le remboursement des emprunts contractés par la France plus ses intérêts. Il ne faut certes pas oublier que le déficit public est généré tant par l'Etat que par les collectivités locales et les administrations publiques (le trou de la sécu est assez célèbre). Mais rien qu'au niveau du budget de l'Etat, la section "remboursements et dégrèvements" représenteront plus de 20 % des dépenses, avec 68 milliards d'euros. Le déficit, lui, est de 48 milliards. Cela veut dire que nous sommes condamnés à nous endetter pour payer nos dettes. Cela veut aussi dire que sans une dette aussi forte, l'Etat aurait davantage de crédits pour ses politiques publiques, ou bien pourrait baisser d'autant les impôts. Cela a de quoi laisser songeur...

Les critères de Maastricht prévoient que la dette publique doit être inférieure à 60 % du PIB, et le déficit public à 3 %. La Commission européenne se soucie davantage du second critère, car chaque déficit entraîne un emprunt pour le combler, donc une dette supplémentaire. Tant que les nouvelles dettes de la France seront supérieures aux dettes remboursées, la dette globale continuera d'augmenter, et avec les intérêts. Il est possible pour l'Etat d'emprunter, mais ce devrait être limité aux stricts investissements, qui s'amortissent ou qui entraînent des revenus supplémentaires par la suite. Or une grande partie du déficit de l'Etat provient de dépenses de fonctionnement, ce qui n'est pas sain. Il est donc nécessaire de réduire fortement la dette de la France, pour pouvoir plus tard dégager des marges de manoeuvre en ayant des charges de remboursement moins lourdes. Il est difficile de changer brusquement les comportements en ce qui concerne les collectivités locales et les administrations publiques. Mais pour l'Etat, cela suppose évidemment de faire en sorte que le budget soit équilibré, et donc réduire son train de vie.

A ressources équivalentes, la charge de la dette finira donc par fondre, et libérer ainsi des moyens qui a termes seront plus que proportionnels à l'argent économisé par la réforme de l'Etat. Certes, il ne sera plus possible de vouloir relancer artificiellement la croissance par le déficit. C'est pour cela que la Banque Centrale Européenne doit jouer le jeu elle aussi : en étant sûre que les critères de Maastricht, elle pourra et devra faire en sorte que sa politique monétaire prenne davantage en compte le facteur de la croissance économique, au lieu du seul contrôle de l'inflation. Mais en premier lieu, c'est en France qu'il est nécessaire d'avoir le courage nécessaire pour faire gagner en productivité l'Etat.

Project for the New American Century

C'est probablement ce qui se rapproche le plus d'une conspiration mondiale. Le think tank Project for the New American Century a été créé à la fin des années 1990 pour promouvoir la domination de l'Amérique sur le monde au XXIème siècle. Cette assemblée de néo-conservateurs souhaite que les Etats-Unis restent une puissance militaire très forte, afin de pouvoir garder la main sur les affaires mondiales et les orienter dans leur sens, avec l'intime conviction que ce qui profite aux Etats-Unis profite au monde entier. Il n'est donc pas étonnant de compter dans leurs rangs de multiples faucons, la plupart affiliés au parti républicain. En effet, puisque c'est la posture rigide de Ronald Reagan qui a permis à l'Amérique de l'emporter contre l'URSS, pourquoi devrait-elle relâcher ses efforts contre ses nouveaux ennemis, en l'occurrence les terroristes islamiques, ou de façon plus vaste tous ceux qui ne sont pas explicitement ses alliés ?

En fait de conspiration mondiale, on fait mieux : l'organisation n'est pas vraiment secrète, puisqu'elle se permet même d'avoir un site web expliquant au curieux ses prises de position. Néanmoins, le détail de ses effectifs montre du très beau monde, et en fait un organisme particulièrement influent. Voyons un peu : du côté des hommes politiques, on compte un ancien vice-président (Dan Quayle, qui l'était de George Bush père), le frère du président actuel (Jeb Bush), un ancien candidat à l'investiture républicaine (Gary Bauer), le secrétaire à la défense (Donald Rumsfeld), le vice-président actuel (Dick Cheney)... Chez les diplomates, on peut trouver entre autres l'ambassadeur des Etats-Unis aux Nations-Unies (John Bolton), l'ambassadeur américain en Irak (Zalmay Khalilzad), le président de la Banque Mondiale (Paul Wolfowitz), le secrétaire d'Etat adjoint (Robert Zoellick) et son prédécesseur (Richard Armitage), sans oublier des géopolitologues tels que Richard Perle ou Francis Fukuyama.

Ils ont tous souhaité la guerre en Irak, et comme ils sont en bon nombre aux postes de décisions clés, le lobbying en sa faveur n'a pas été problématique. Ceux qui n'étaient pas aux avant postes ont pu se concentrer à la justification de cette guerre au reste de la population américaine. Les difficultés actuelles en Mésopotamie les ont sûrement affaiblies. Mais ils gardent des convictions fortes. Ce sont celles des néo-conservateurs, qui ont établi une doctrine géopolitique nouvelle à la suite des enseignements de Leo Strauss. Par leur détermination, ils s'éloignent de la Realpolitik préconisée par Henry Kissinger. Et ils ne craignent certainement d'entrer en guerre si dans leur esprit il le faut pour atteindre leurs objectifs. Car leur puissance militaire fondera leur influence diplomatique, et à travers celle-ci, ils installeront à travers le monde la démocratie et ce qu'ils estiment être ses corollaires : le capitalisme, la liberté voire le libéralisme, et la non-hostilité envers les Etats-Unis. On peut d'ailleurs s'interroger sur le degré d'application que peut avoir cette doctrine avec les pays qui ont des intérêts opposés des leurs. C'est d'ailleurs l'aspect le plus inquiétant de la réflexion du PNAC : on peut comprendre qu'ils veuillent défendre les intérêts américains, mais en prônant une diplomatie trop "musclée", on voit s'éloigner les possibilités de dialogue en cas de différent, ce qui souvent contribue à aggraver les situations.

Il y a aujourd'hui de nombreux cas où les occidentaux sont presque à couteaux tirés avec des pays tiers. On peut citer les relations difficiles avec l'Iran, la Corée du nord, la Jordanie... Il y a aussi des conflits entre pays non-occidentaux qui risquent de dégénérer suivant le comportement des Etats-Unis et de ses alliés. Que faire, en effet, si un jour, la Chine décide une fois pour toute de reprendre Taiwan ? Il y aussi l'affrontement entre l'Inde et le Pakistan à propos du Cashmire, et bien sûr le proche orient en guerre permanente. Il ne convient donc pas d'aborder ces situations avec angélisme. Et pour ne pas se voiler la face, il ne faut pas négliger l'entretien des forces militaires. Mais il n'est pas souhaitable de prendre l'initiative de guerres aveugles, comme il a été fait avec l'Irak. L'idée de guerre préventive est donc à bannir. Les forces militaires doivent être en alerte pour réagir aux chocs qui peuvent arriver, mais non pour les provoquer. Et surtout, lorsqu'il existe des organisations internationales pour régler les différents, il est triste de penser immédiatement à utiliser la force pour obtenir gain de cause.

samedi 27 mai 2006

Pas d'amnistie pour les hommes politiques

Le climat est morose à l'Elysée, Jacques Chirac parait ces derniers temps comme un homme abattu, qui a du mal à se remettre de l'échec du référendum européen, et ce d'autant plus que les malheurs de son Premier ministre l'ont affaibli lui aussi. Le champ des pouvoirs du Président de la République est limité, il est d'autant plus observé lorsqu'il les utilise. Amnistier Guy Drut, ancien champion olympique du 110 mètres haies et ancien ministre des sports également, pouvait difficilement ne pas passer pour une faute. Guy Drut avait été condamné dans une obscure affaire d'emploi fictif à une peine de prison avec sursis. C'était gênant pour le Comité International Olympique, qui l'a suspendu pour des motifs éthiques.

Mais il ne faut pas oublier que Guy Drut n'a pas été condamné pour ses activités sportives, il l'a été dans le cadre des positions influentes qu'il occupe. Le fait qu'il soit député depuis 1986 fait de lui un pur homme politique. C'est donc un homme politique qu'on amnistie en invoquant une gloire éphémère acquise il y a trente ans. C'est aussi un proche du Président que celui-ci sort deus ex machina des ennuis judiciaires. Il est alors évident que cette décision est déplorable, car elle ne fera que donner l'impression aux Français que les politiciens sont au-dessus de la justice, en profitant de lois qu'ils ont votées dans leur propre intérêt. L'amendement visant à faire rentrer les sportifs dans le cadre des grâces présidentielles a été en effet voté en début de législature par les députés actuels, dont Guy Drut, son premier bénéficiaire. Rien que ça aurait du dissuader le Président de le faire. C'est donc une catastrophique éthique qui a eu lieu, et les motifs visant à l'expliquer sont d'autant plus navrants.

L'idée était de pouvoir faire rentrer à nouveau Guy Drut au sein du CIO pour assurer l'influence de la France au sein de cet organisme. Cela parait amusant, au vu de l'échec infligé à la candidature française l'été dernier... qui a été expliquée déjà par le manque d'influence. Il n'est plus question de présenter de candidature française désormais, étant donné qu'il semble établi que le CIO est déterminé à ne pas organiser les Jeux Olympiques en France, au vu des plusieurs refus successifs essuyés par elle. Et si le but est de garder trois français au CIO, rien n'interdisait de faire remplacer Guy Drut par un autre ancien champion olympique. L'amnistie n'avait donc aucune pertinence.

Il est intéressant au passage de voir ô combien le CIO veut avoir une façade d'organisme reposant sur de fortes bases éthiques, alors que les désignations d'Atlanta, Salt Lake City et Londres ont été le résultat au mieux de lobbyings puissants et malsains, au pire de corruption. Toute cette affaire est donc une double tartufferie : d'une part de la part de Jacques Chirac, de l'autre de la part du CIO.

dimanche 21 mai 2006

Sur la peine de mort

Un adolescent a été tué à coup de machette parce qu'il n'avait pas donné de cigarette à un passant. Le meurtrier a été condamné à 25 ans de prison ferme, dont les deux tiers sont incompressibles. Cela a provoqué la colère des proches de la victime, qui n'a pas compris pourquoi il devrait y avoir une quelconque clémence de la part du tribunal par rapport à la perpétuité demandée par le procureur. Les morts violentes récentes et consécutives de deux jeunes enfants ont également suscité l'émoi. A chaque fois, il est demandé à ce que cela ne se passe plus jamais.

Le Front National cherche à profiter de la douleur des proches des victimes et de l'émotion générée dans la population par des faits-divers aussi atroces en faisant campagne pour l'un de leurs chevaux de bataille, le rétablissement de la peine de mort. Il est infâme de vouloir capitaliser sur la douleur d'autrui, et en l'occurrence, la peine de mort ne représente en aucun cas une solution. En effet, il ne fait que jouer sur un réflexe de vengeance qui ne soulage jamais la victime ou ses proches. Et ce n'est pas la mort du coupable qui va alléger leur peine, ou sinon ce serait bien facile. Il importe que les coupables soient punis pour plusieurs raisons : en premier lieu, établir le fait qu'il y a une justice, et que l'innocent qui a été victime d'un crime est reconnu en cet état, et que le coupable est mis au ban de la société. Il en découle la punition, d'abord pour que le coupable souffre en retour des actes qu'il a commis, ensuite pour dissuader d'éventuels criminels en puissance en les effrayant vis à vis des conséquences qu'auraient leurs actes sur leur propre personne. Enfin, il convient de protéger la société des personnes dangereuses en en les éloignant, tant qu'elles restent dans des dispositions malveillantes.

Les partisans de la peine de mort s'inscrivent dans cette démarche, mais ils oublient deux choses. D'une part, il existe malheureusement un risque d'erreur dans chaque système judiciaire, les exemples en sont nombreux, il suffit de s'en référer à la récente affaire d'Outreau pour cela. Dès lors, comment peut-il y avoir une peine aussi définitive que la mort, alors qu'il est souvent difficile de prouver absolument la culpabilité de quelqu'un ? Les jurés doivent s'en référer à leur intime conviction pour prendre une décision, mais cela parait assez léger dans les situations de non-retour engendrées par la condamnation à mort. Or on ne peut admettre de la justice qu'elle commette des injustices qui ne peuvent être réparées d'aucune manière. La condamnation à la prison permet de rouvrir un dossier, de faire un nouveau procès si un élément troublant fait son apparition, et éventuellement une réhabilitation et des réparations peuvent être possibles en cas d'erreur. Il y a certes du temps perdu, et le condamné à tort perd déjà quelque chose de précieux, mais il garde au moins la vie. En cas de peine capitale, nulle résurrection possible. C'est donc un risque que l'on ne peut pas se permettre de prendre.

Ensuite, et en mettant de côté le risque d'erreur judiciaire, le coupable condamné à mort s'en sort lui finalement facilement : la mort n'est l'affaire que d'un instant, ce n'est pas lui le plus touché par sa propre mort, mais ses éventuels proches. Le principe de proportionnalité de la punition serait beaucoup mieux respecté si la réclusion criminelle à perpétuité était vraiment à vie. Actuellement, il s'agit seulement d'une peine de prison de 35 ans, où les remises de peines peuvent jouer. Nous avons vu avec la condamnation de Zacarias Moussaoui qu'aux Etats-Unis, il existe une condamnation à perpétuité où le coupable est véritablement enfermé jusqu'à la fin de ses jours, dans des prisons où il n'y a pas un grand souci de son épanouissement personnel. C'est une catégorie de peine qui serait beaucoup plus opportune à défendre, car la condamnation à vie aurait une véritable signification. Cette peine est plus contraignante pour un criminel, car elle oblige le coupable à vivre avec la conséquence de ses actes et à souffrir de la privation de sa liberté jusqu'à sa mort. La société est également sûre d'être protégée d'une personne nuisible. Et s'il y a erreur judiciaire, il est encore possible de libérer l'éventuel innocent, et de tenter de le rétablir dans sa vie précédente.

Lorsque la peine de mort a été abolie, cela avait été fait contre l'avis de la majorité de la population. Elle peut encore être envisageable lors de situations exceptionnelles, qui pourraient se limiter aux périodes de guerre, mais elle ne convient pas aux temps de paix. Ceux qui veulent une justice moins clémente peuvent souhaiter une véritable peine d'emprisonnement à perpétuité, mais pas la peine de mort, injuste dans la peine et trop risquée.

vendredi 19 mai 2006

La Turquie n'est pas en Europe

Le débat a duré une quarantaine de minutes, et n'est même pas arrivé au vote. Hier, l'Assemblée Nationale se penchait sur la question du génocide arménien, déjà reconnu, et surtout de la possibilité d'interdire son négationnisme. Il est assez savoureux de remarquer que le Parti Socialiste a déposé un projet de loi légiférant sur l'Histoire, alors qu'il avait justement rejeté celui qui visait à reconnaître officiellement les bienfaits apportés par la colonisation française. Si c'était le droit qu'ont les hommes politiques à énoncer l'Histoire qui était alors en question, qu'en est-il aujourd'hui ? Un autre aspect amusant de ce projet de loi est qu'il est l'exact contraire de ce qui est en Turquie, où pour le coup il est interdit d'affirmer que les Turques aient pu commettre un génocide sur le peuple arménien lors de la première guerre mondiale. La Turquie a d'ailleurs menacé la France de représailles diplomatiques si jamais ce projet de loi venait à être adopté, et c'était bien le seul argument qu'a faiblement défendu Philippe Douste-Blazy en exhortant les députés de rejeter le texte. Il faut dire que la Turquie n'entretient déjà pas des relations de premier ordre avec la France. En cause, la loi française contre le port du foulard islamique à l'école, mal vu par le président de la Turquie, un islamiste "modéré" à la tête d'une république pourtant laïque. En cause aussi, cette reconnaissance du génocide arménien. En cause surtout, le fait qu'une grande majorité de la population française refuse l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne.

Jacques Chirac défend pourtant corps et âme cette candidature, allant même contre la volonté des Français en acceptant d'ouvrir des négociations d'adhésion en décembre 2004. Il n'a qu'un seul argument pour la défendre : rejeter la demande turque amènerait à favoriser l'émergence du courant islamiste, qui deviendrait à terme dangereux pour l'occident selon les préceptes du choc des civilisations. C'est aussi l'argument évoqué par Michel Rocard, autrefois pourtant un Européen convaincu. Comment vouloir faire adhérer la population à cette adhésion avec comme seul argument celui du chantage ? Si la Turquie n'entre pas, y compris de force dans l'Union Européenne, elle voudra nous affronter. Voilà l'argument développé. Il ne suffit évidemment pas. D'abord, parce que si l'on veut nous faire croire que la Turquie est un pays développé qu'on nous le dit, y compris sur les fondements démocratiques, elle ne serait pas autant menacée par les extrémistes islamistes. Ensuite, la Turquie a tout le loisir de développer sa propre zone d'influence avec les pays d'Asie centrale, dont elle est plus proche. En fait, les arguments développés par les Britanniques, grands défenseurs eux aussi de la candidature turque, sont moins hypocrites. Pour eux, la seule fonction que doit avoir l'Union Européenne est celle d'une zone de libre échange, et n'a pas vocation à développer de politiques communes. Et vu que l'adhésion de la Turquie affaiblirait grandement les dernières possibilités de construire une Europe politique, cela ne peut qu'aller dans le bon sens pour eux. Ce n'est donc pas étonnant que les Etats-Unis militent eux aussi pour cette adhésion, alors que ce ne sont pas leurs affaires : ils préfèrent évidemment une Europe faible.

Si c'est uniquement pour faire du libre échange, un partenariat privilégié avec la Turquie suffit bien. Mais l'Union Européenne doit avoir de plus grandes ambitions que ça, en ayant notamment des politiques intégrées communes, dans les domaines qui l'exigent. Pour susciter l'adhésion de la population, il faut impliquer les citoyens en leur faisant prendre conscience de la communauté que forme les différents peuples d'Europe. Mais pour cela, il faut encore savoir de quoi on parle lorsque l'on évoque l'Europe. La moindre des choses pour mieux la discerner est de lui donner des limites, des frontières. Nul besoin de les inventer, elles sont connues de tous : l'Océan Arctique au nord, l'Atlantique à l'ouest, la Mer Méditerranée au sud, l'Oural (les montagnes puis le fleuve) à l'est, la Mer Noire puis le Bosphore au sud-est. Dès lors, le caractère européen de la Turquie se limite à la petite partie où se situe la ville d'Istanbul. Mais la grande majorité du territoire de la Turquie est formée par l'Anatolie, située en Asie mineure. La capitale, Ankara, est également située en Anatolie, montrant l'ancrage asiatique du pays. A priori, il n'est pas possible de ne faire adhérer qu'Istanbul à l'Union Européenne. Il serait alors particulièrement absurde de vouloir faire adhérer un pays asiatique à une union justement européenne. Comment expliquer le projet européen s'il cesse d'être européen ? Tous ceux qui sont attachés à la construction européenne refusent donc cette adhésion inopportune, et les peuples européens ne manqueront pas de la refuser. Ouvrir de façon illusoire des négociations d'adhésion était donc la pire des choses à faire pour la Turquie, car lui donner de faux espoirs ne pourra qu'engendrer des incompréhensions. Il aurait été plus honnête de leur dire dès le départ que la Turquie n'avait pas vocation à entrer dans l'Union Européenne, qu'il y avait néanmoins des opportunités de collaboration dans certains domaines tels que la politique commerciale, et que l'Union Européenne soutiendrait la Turquie dans d'éventuels projets d'union avec les pays d'Asie centrale.

jeudi 18 mai 2006

Parti unique de droite, ou parti unique du centre ?

La décision de François Bayrou de voter la récente mention de censure contre le gouvernement est assez surprenante. En effet, son parti, l'UDF, était un allié traditionnel du RPR, puis a considéré faire parti de la majorité avec l'UMP. Or, le budget 2006 avait déjà été voté sans le soutien de l'UDF. Cela signifie donc que l'UDF passe à l'opposition, tout du moins pour ceux qui suivent la ligne officielle (seuls 11 députés sur 33 ont en fin de compte voté cette mention de censure). Il faut savoir que François Bayrou a toujours rêvé d'un grand parti du centre, de Jacques Delors à Edouard Balladur. Il a aussi toujours rêvé de son élection à la Présidence de la République. En fait, l'un va avec l'autre, ou plutôt, le premier rêve doit permettre le deuxième. Ce n'est pas évident pour François Bayrou de se faire une place : une bonne partie de l'ancienne UDF est passée avec armes et bagages du côté du RPR en formant l'UMP. En fait, l'actuelle UDF correspond tout juste à l'antique MRP d'après guerre. Et ce n'est pas une pensée idéologique particulière qui distingue l'actuelle UDF de l'UMP. A vrai dire, à part une conviction forte sur l'Europe, rien ne sépare la pensée UDF de la pensée UMP. Alors il ne reste qu'une solution pour François Bayrou : élever artificiellement la voix pour rouspéter contre tous ceux qui ne sont pas avec lui. Peu importe qu'il n'ait aucune solution différente, ou qu'il aurait fait la même chose s'il avait été au pouvoir. Il souhaite avant tout se distinguer, mais pas par la voie positive, en proposant de nouvelles idées, mais plutôt par la voie négative, en critiquant celles des autres. Rien de plus facile en fait.

François Bayrou en critiquant et en voulant affaiblir l'UMP souhaite emporter la mise du mécontentement de la population. Mais même si par hasard il y arrivait, une fois élu Président, que ferait-il ? Il faudrait déjà qu'il ait une majorité... Si après les élections législatives, l'UDF n'a pas la majorité absolue, il lui faudra créer une alliance pour pouvoir former un gouvernement disposé à le suivre. Le Parti Socialiste ne souhaitera jamais faire alliance avec l'UDF, au vu des nombreux adhérents très à gauche qui rejettent tout ce qui ressemble de près ou de loin à la droite, et François Bayrou est tout de même clairement marqué de centre droit. Il faudra alors que François Bayrou demande à faire alliance avec l'UMP, alors qu'il n'a cessé de critiquer tout ce qu'a fait ce parti. Si jamais l'UMP acceptait, ce ne serait que de mauvaise grâce, et le climat serait aussi malsain que celui qui prévalait entre 1976 et 1981, lorsque le RPR était un allié réticent de l'UDF, ne souhaitant que pouvoir s'en débarrasser. Dans un cas contraire, si l'UDF parvenait à avoir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale dans les élections législatives qui suivrait son élection, il manoeuvrerait pour se passer logiquement de l'UMP. Pour celui qui a combattu le parti unique, le fait qu'il en promeuve un serait assez étonnant. "Lorsque tout le monde pense la même chose, c'est qu'on ne pense plus rien" disait François Bayrou lorsqu'il combattait la formation de l'UMP. Au vu de la façon dont il gère son parti, en écartant Gilles de Robien qui n'est pas d'accord avec sa façon de faire, l'hypocrisie devient apparente : ce qui lui pose problème, ce n'est pas que tout le monde pense la même chose, c'est que tout le monde ne pense pas la même chose que lui.

En fait, François Bayrou rêve d'établir le même genre de coalition que celle qui gouverne actuellement en Allemagne. Mais il faut bien comprendre qu'outre Rhin, personne n'est satisfait d'une telle solution, et si les décisions qui sont prises par Angela Merkel seront forcément consensuelles, elles auront du mal à être nombreuses. Lui ne voit pas cela, puisque dans son esprit, une telle coalition ne doit pas servir à changer ce qui ne va pas en France, mais uniquement à établir sa gloire personnelle en permettant son élection à la Présidence de la République avec un parti qu'il croit sur mesure. On pourrait bien y voir une défense du multipartisme, mais à quoi bon si l'UDF et l'UMP sont les mêmes partis, avec des dirigeants différents ? Vu les graves problèmes posés par les partis extrémistes, et le manque de clarté dans l'action que l'existence de nombreux petits partis introduit, autant discuter clairement la possibilité d'établir un bipartisme.

mercredi 17 mai 2006

Le Printemps des Idées

Le week-end dernier se déroulait à Paris la convention du Parti Radical Valoisien, dont le titre poétique était "Le Printemps des Idées". Autrefois l'un des plus importants partis de France, et d'ailleurs le premier qui soit apparu, le Parti Radical a compté dans ses rangs des hommes d'Etat prestigieux, tels que Gambetta, Clémenceau ou Mendès-France. Il a défendu, et défend toujours la République, la laïcité, la construction européenne et une vision humaniste de la société. Il a eu ses grandes heures lors de la IIIème République, car en se positionnant au centre, il décidait de la chute des gouvernements en basculant à son gré à gauche ou à droite, au fil des combinaisons de partis dont il était l'arbitre. Malgré une force électorale moins évidente après la deuxième guerre mondiale, il a réussi à maintenir son rang dans la IVème République, où il était presque systématiquement représenté dans les différents gouvernements. Ce fut avec la Vème République qu'il perdit son influence. En combattant avec acharnement l'élection du Président de la République au suffrage universel, il se mit hors de la logique gaulliste, que prônait la majorité de la population à l'époque. Et surtout, ses divisions internes le conduisit à la rupture, avec d'une part le Parti Radical Valoisien, de centre droit, qui restait à l'ancien siège rue de Valois, et d'autre part l'actuel Mouvement des Radicaux de gauche, de centre gauche donc. Difficile en effet de se maintenir strictement au centre, car il est toujours nécessaire de faire alliance avec les partis dominants de la droite ou de la gauche. Il y a donc le centre droit, ou le centre gauche selon le choix, mais jamais le centre pur. Jean-Louis Borloo est la vedette actuelle du Parti Radical Valoisien, comme l'ont été Bernard Tapie ou Christine Taubira pour le Mouvement des Radicaux de gauche.

C'était donc au centre droit que se situait le débat ce week-end, et en guise d'idées, ont été développées par exemple les TVA sociales et environnementales, l'introduction d'une dose de proportionnelle dans les élections des Conseils généraux et de l'Assemblée Nationale ou la professionnalisation des études. En fait il y a eu des idées intéressantes, des idées farfelues, et d'autres notoirement mauvaises, comme justement cette volonté de remettre la proportionnelle pour les élections législatives. Là, le Parti Radical cède une nouvelle fois à ses vieux démons en voulant le retour d'une République parlementaire, synonyme de faiblesse gouvernementale. Mais si l'idée est voulue par André Rossinot et quelques membres de sa direction, il ne semble pas évident que ce soit désiré par l'ensemble des militants de ce parti.

S'il fallait lancer des idées intéressantes à envisager pour la prochaine législature, on pourrait difficilement faire l'impasse sur l'Europe. Définir précisément les frontières que l'Union Européenne a vocation à avoir serait même une priorité. Définir de nouvelles institutions européennes devrait suivre, quitte à reprendre celles définies par le titre I du Traité constitutionnel. Donner une vraie légitimité démocratique à la Commission européenne est plus que jamais nécessaire, quitte à en choisir les membres au sein du Parlement européen. On peut aussi imaginer l'élaboration d'un statut européen des sociétés, en espérant peut être pour plus tard une harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne. En matière économique, il faut mettre encore plus l'accent sur la recherche, et en particulier la recherche appliquée : les brevets se transforment en avantages économiques dans le cycle des produits, et les pays occidentaux ne peuvent lutter que sur l'innovation plutôt que sur les coûts. Il y a en particulier beaucoup à faire sur les matières énergétiques, et si nous pouvions avoir une longueur d'avance sur la question du remplacement du pétrole, nous aurions de sérieux atouts dans la compétition économique de demain. Il y a tant à dire et à faire, et si chacun peut apporter en ce printemps quelques idées pour changer les choses, nous devons les récolter, les mettre en forme pour en faire un ensemble cohérent. En espérant, comme l'a fait remarquer un participant à cette convention, qu'après le printemps des idées vienne l'été de la réflexion et l'automne de l'action.

mardi 16 mai 2006

La VIème République, ou le retour de la IVème

Pour cet homme, c'est une obsession. Arnaud Montebourg veut une VIème république pour la France. Pour lui, ce sera à coup sûr la solution à tous les problèmes. Il faut dire qu'il les voit tous sous un angle purement juridique. Avocat, membre de la Commission des Lois, il s'est fait connaître pour avoir voulu envoyer Jacques Chirac devant la Haute Cour de Justice. Puis il a directement embrayé sur la question des institutions, et avec un certain succès même, puisque la question revient sans cesse désormais. En fondant la Convention pour la VIème république, il a souhaité que le Président de la République devienne un père respectable de la Nation, figure d'autorité morale sans réelle prise sur les affaires du pays, qui ne serait pas forcément élu au suffrage universel. Il a souhaité le retour de la proportionnelle pour l'élection de l'Assemblée Nationale. Bref, il veut une république parlementaire, où ne prédominent pas les luttes de personnes.

C'est une idée assez étrange. D'une part, car on peut se dire que le gouvernement est en crise dans notre pays, mais changer les institutions sans changer les hommes qui sont responsables de la situation ne peut avoir de réel effet. C'est une tentation irrationnelle que de vouloir changer de Constitution à chaque moment de crise, et ne peut aider la stabilité dont a besoin la chose publique. Certains pays ont des constitutions séculaires, et vont parfaitement bien sans faire le yo-yo institutionnel. D'autre part, le projet proposé est voué à l'échec de façon évidente. Car avec ces mesures, nous retournons directement à ce qui a fait le coeur des IIIème et IVème républiques, régimes où les partis étaient rois, décidant les changements de gouvernements à chaque alliance éphémère, et sans véritable autorité ni stabilité. Rappelons-le, ces régimes ont gravement échoué à assumer le maintien de la France en temps de crise. La IIIème République mourut en donnant les pleins pouvoirs à Pétain, faute d'avoir réussi à assurer la défense du territoire face à l'invasion allemande en 1940. La IVème République s'est sabordée en constatant son incapacité à régler avec force la question algérienne. La Vème république, fondée par le général De Gaulle qui l'avait longuement souhaitée, assure à la France la stabilité des institutions et une forme de gouvernement efficace où peut se déployer la force politique, à condition évidemment qu'il y en ait une.

N'oublions pas les tares inhérentes à la proportionnelle : déjà, son manque de stabilité comme nous l'avons vu. Elle favorise structurellement la formation d'innombrables petits partis, et il peut y avoir de nombreuses combinaisons possibles pour former une majorité hétéroclite qui aura la charge de gouverner. Le manque de cohérence dans le gouvernement fait qu'il est d'autant plus facile à faire chuter, par départ de telle ou telle composante, s'offusquant dès qu'une décision contraire à leur volonté est prise. Les députés souhaitent d'autant plus facilement faire tomber les gouvernements que la formation d'un nouveau augmente leurs chances d'être ministre. Ensuite, ces partis ne sont pas forcément recommandables, et la représentation des extrêmes à l'Assemblée Nationale leur donne une façade trompeusement respectable sans les affaiblir. C'est ce qu'on a pu constater entre 1986 et 1988. Enfin, les régimes des partis donnent le sentiment aux citoyens qu'ils sont dépossédés du débat public, dans la mesure où ce n'est plus eux qui choisissent le gouvernement par leur vote, mais seulement des députés sans mandat.

De même, le refus que le Président de la République soit élu au suffrage universel montre la volonté de le délégitimer, alors que les citoyens doivent pouvoir connaître la personnalité de celui qui a la charge de gouverner pour faire leur choix. En somme, remettre en cause nos institutions serait refaire les mêmes erreurs qui nous ont conduit à la débâcle de 1940 et aux désordres de 1958. De plus, la Vème République a été approuvé à une majorité forte, et il serait illusoire de croire que l'on puisse convaincre les Français dans une même proportion de retourner à un système honni, celui de la IVème République.

vendredi 12 mai 2006

Clearstream, affaire troublante

Une crise chasse l'autre. Dominique de Villepin, cuit par le retrait du CPE, se retrouve définitivement carbonisé par l'affaire Clearstream. Etrange imbroglio d'ailleurs : si on se concentre pour comprendre ce qu'il se passe, il est déjà difficile de saisir les détails de l'affaire. Et cela suppose déjà une lecture attentive et régulière de la presse. Autant dire que la quasi-totalité de la population ne comprend pas ce qu'il se passe, deux reportages chaque soir dans le journal de 20 heures sont loin de suffire pour décrire les bas fonds de cette affaire politico-financière, et qui n'exclue pas une bonne dose d'espionnage. Le gros scandale, c'est que l'on a voulu discréditer Nicolas Sarkozy en voulant l'impliquer à tort dans l'affaire des frégates de Taïwan. Déterminer ceux qui sont à l'origine de cette manipulation représente l'aspect principal de l'enquête. Mais il y a aussi d'autres mini scandales qui vont avec : pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il du attendre aussi longtemps avant d'être mis au courant ? Le juge Renaud Van Ruymbeke connaissait-il l'identité du corbeau, commettant alors au moins une faute de procédure ? Etc.

Tout est nauséeux dans cette affaire, et il serait bon que chacun se calme et ne tire pas trop sur la corde, vu que la seule conclusion que le peuple tirera c'est que "les politiciens sont tous pourris". Dès lors, il serait préférable que l'instruction du dossier continue de façon discrète et efficace. Mais il y a quelques éléments qui sont néanmoins particulièrement curieux dans ce dossier...

D'une part, l'identité des personnalités politiques mises en cause à tort. Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn, Alain Madelin, Jean-Pierre Chevénement, Laurent Fabius... ce sont tous soient des candidats déclarés pour la prochaine élection présidentielle, soit d'ex candidats à celle de 2002 (et pouvant donc l'être à nouveau en 2007). Bref, que des hommes du premier plan, qui, s'ils avaient tous été éliminés par l'affaire, auraient laissé un boulevard à l'actuel Premier ministre, du moins du côté de la droite.

D'autre part, et dans le sens inverse, il est étonnant que chaque jour voit la publication d'éléments de l'enquête en cours, alors que celle-ci est justement censée être protégée par le secret de l'instruction. Et personne ne semble s'en offusquer... Normalement, les preuves sont exposées sur la place publique qu'au moment du procès, permettant dès lors une défense qui sait de quoi il est question. En l'occurrence, ce sont des extraits de procès verbaux et de notes glanées on ne sait où, pouvant être facilement sélectionnés pour diriger le brouhaha médiatique vers telle ou telle personne, suivant les humeurs. Soit rien de rigoureux en somme. Inutile donc, de condamner au même moment où l'on accuse.

D'un point de vue politique, on ne peut néanmoins nier que tout cela est catastrophique. Il faut déjà admettre que Dominique de Villepin est hors course pour la présidentielle, et n'a que peu de marges de manoeuvre pour son action de Premier ministre. Difficile de le changer maintenant, à moins d'un an des présidentielles. Michelle Alliot-Marie ne semble plus être le recours idéal, et Nicolas Sarkozy n'a aucun intérêt à aller se brûler les ailes si tard. En fait, tout cela est le résultat d'une composition de gouvernement désastreuse. Il fallait bien changer Jean-Pierre Raffarin, mais il aurait fallu le faire plus tôt. Et certainement pas par Dominique de Villepin, brillant technocrate aux Affaires étrangères, ministre quelconque à l'Intérieur, et homme politique exécrable, se glorifiant de n'avoir jamais été élu, et qui ne semble ne jamais être sorti des mondanités. Nicolas Sarkozy aurait été un choix possible en 2004, après les régionales, mais il aurait fallu pour cela que Jacques Chirac surmonte ses appréhensions et ses rancunes. Michelle Alliot-Marie aurait pu convenir en 2005, Jean-Louis Borloo aussi. Ce dernier est d'ailleurs le seul qui pourrait remplacer avantageusement le Premier ministre actuel, surtout que l'on dit que le président souhaite persévérer dans le côté social. Malheureusement, parmi les mille noms cités par la rumeur, celui-là ne semble pas être donné gagnant.

En dehors du seul choix du Premier ministre, celui des ministres aurait lui aussi du être plus soigné. Remplacer quelqu'un comme Michel Barnier par Philippe Douste-Blazy ne pouvait que ressembler à une mauvaise blague, si le poste n'avait pas été aussi important. Virer Claudie Haigneré était immérité. Et surtout, installer Nicolas Sarkozy dans le gouvernement de Dominique de Villepin était une absurdité fondamentale, vu la haine que les deux hommes éprouvent l'un pour l'autre. Sans compter que cela ridiculise la pseudo règle formulée par Jacques Chirac, signifiant que le président de l'UMP ne peut être ministre. En somme, il n'est pas si étonnant que cela que ça tourne aussi mal, c'est juste que ça prenne la forme d'affaires d'espionnage qui peut surprendre...

jeudi 11 mai 2006

Nos ancêtres les Gaulois

Le débat actuel sur la nouvelle loi limitant l'immigration pose à nouveau de ce que la France veut faire de ses immigrés. Pour ceux qui désirent avoir la nationalité française, il faut souhaiter qu'ils le deviennent pleinement, ou ne le soient pas du tout. C'est pour cela qu'il faut prôner l'assimilation des populations immigrées, pour qu'elles deviennent françaises à tout point de vue. C'est ce qui fait l'immigration réussie.

Le succès de l'extrême droite, sur les questions d'immigration repose sur le racisme et la xénophobie. Distinguons les deux : le raciste considère que par nature, il existe des différences entre tel ou tel groupe ethnique, et que le leur est supérieur aux autres. Autant le dire tout de suite, inutile de raisonner cette espèce là, qui ne repose sur rien, mis à part l'arrogance. Le xénophobe, lui, est simplement un être peureux. Il déteste l'impression de ne "plus être chez lui", en fait de croire qu'il n'a pas la contrôle des changements qu'il s'opère autour de lui, et ceux apportés par l'arrivée de populations perçues comme étrangères peuvent ne pas être les moindres. Dès lors, sa peur se transforme en une réaction violente, traduite dans les urnes par le vote extrémiste. C'est évidemment déplorable. Mais comment combattre ce phénomène ? Il arrive un moment où rejeter celui qui a cédé à la tentation extrémiste ne sert plus à rien, et si un comportement repose sur un sentiment comme la peur, il est nécessaire de l'apaiser pour permettre le retour de ces électeurs dans le champ du républicanisme, une fois débarrassés de leur xénophobie.

D'une part, tous les comportements racistes doivent être combattus. D'autre part, il s'agit de rendre l'immigration aussi indolore que possible pour la population d'accueil. Que ceux qui deviennent français le soient complètement. La couleur de peau ne choque que le raciste, ce sont les différences culturelles qui font peur aux xénophobes. Lorsque celles ci impliquent le rejet des valeurs démocratiques, des moeurs tels que la polygamie ou les mariages forcés, ou bien l'usage d'une langue étrangère comme langue courante, l'immigré a peu de chances d'être assimilé par le reste de la population. Pour réussir l'assimilation, il faut bien évidemment commencer par le respect des lois. Dès lors, l'immigration clandestine doit être totalement combattue. D'autre part, il est attendu des futurs français qu'ils se sentent eux aussi les héritiers de la culture française. C'est en ce sens que l'expression autrefois enseignée dans les écoles, "nos ancêtres les Gaulois", avait un mérite : celui de placer chaque écolier dans le cadre d'une même tradition, que leurs ancêtres aient été gaulois ou non. Ce n'est pas une question de sang, mais plutôt d'héritage familial. En acquérant la nationalité française, l'immigré est adopté par l'ensemble de la France, qui attend de lui le sentiment filial en retour. En considérant que ses ancêtres spirituels sont bien les Gaulois, avec leurs qualités et leurs défauts, il trouvera naturellement, des frères et des cousins dans la population qui l'entoure.

mercredi 10 mai 2006

Le droit de grève et ses limites

Lors de la récente crise du CPE, on pouvait avoir des avis mitigés : d'une part connaître la logique qui a abouti à la création de ce texte, et d'autre part comprendre l'origine des craintes qu'il génère, dans le fil du débat chômage ou précarité. Mais il y a un phénomène qui est certainement discutable dans cette crise, c'est le blocage des facultés.

Les étudiants qui souhaitaient s'opposer au texte en faisant grève, c'était leur propre problème, leur propre décision. Quelles que soient leurs opinions, ils peuvent manifester pour faire connaître leur avis dans le but d'y sensibiliser la population. Mais empêcher leurs condisciples d'assister aux cours alors qu'eux souhaitaient continuer d'étudier, ce n'est pas reconnu par un quelconque texte, ce n'est en aucun cas un droit. Il faut dire que la grève repose sur un concept de démonstration de capacité de nuisance pour défendre ses intérêts. Lorsque les employeurs sont tellement concentrés qu'il se trouve une situation d'oligarchie, il est normal que les employés souhaitent se concerter et adopter une position commune, et ainsi éviter qu'ils soient trop divisés pour être automatiquement perdants. Encore faut il bien savoir vers qui cette capacité de nuisance est dirigée. Si elle l'est contre des intérêts de l'employeur, c'est en somme assez naturel. Si elle l'est contre l'ensemble de la population, soit en fait tous ceux qui n'ont aucun pouvoir dans les revendications des grévistes, c'est non seulement inutile pour leur conflit, mais aussi dommageable pour les innocents touchés.

C'est dans ce genre de cas que l'on parle de prise d'otages. Certes, il n'y a pas détention dans un cachot par des personnes armées, mais le principe est le même : le gréviste continue la grève pour nuire à un innocent, et souhaite que le pouvoir ait suffisamment pitié de l'otage pour qu'il cède à ses revendications. En fait, dans ces cas de figure, le pouvoir, c'est toujours le pouvoir public. Trop souvent, des employés du secteur public font grève pour leurs intérêts personnels, invoquant étrangement l'intérêt général alors que ce sont eux qui précisément nuisent à la population en n'assurant pas la mission qu'il leur a été confiée. Comment peut on vouloir la défense du service public lorsque pour cela, on ne l'assure justement pas ? A vrai dire, chacun comprend que les services d'intérêt généraux sont cruciaux pour le bon fonctionnement de notre société. Et l'on souhaite d'autant plus qu'ils soient assurés lorsque ceux dont c'est la mission ne le font pas pour hypocritement le défendre. Dans les services publics, libre aux grévistes donc de ne pas travailler. Mais que la tâche continue d'être faite, pour ne pas nuire à l'intérêt général. Il semble qu'il y a une loi qui empêche de remplacer un gréviste à son poste de travail. Ce ne devrait pas s'appliquer pour les services publics, justement publics de par leur nature indispensable. Et que les grévistes se rassurent, leurs employeurs continueraient bien d'être autant ennuyés, vu que faire remplacer quelqu'un au pied levé est plus difficile que de simplement mettre une pancarte "le service n'est plus assuré à cause de mouvements sociaux". Et leur pouvoir de nuisance ne serait plus dirigé contre la population. Il y a bien des situations qui devraient être examinées au cas par cas, mais tel devrait être le principe général. Les services d'intérêt général doivent être assurés, peu importent les circonstances, car leur nature l'exige.

Et pour en revenir à ceux qui les bloquent, même en en n'étant pas employés, le même principe doit prévaloir : ils ne doivent pas être interrompus. Et si quelqu'un ne souhaite pas travailler, qu'il n'oblige pas les autres à faire comme lui s'ils ne le désirent pas. Le droit de grève est un droit, mais ce n'est pas un droit de nuire à la population. L'intérêt général doit prédominer face aux intérêts catégoriels, et chacun doit être libre de se déplacer, d'apprendre, d'être soigné chaque jour comme doivent le permettre les services publics, ou ceux qui sont délégués. Pour cela, il faut davantage qu'un minuscule service minimum.

mardi 9 mai 2006

La fête de l'Europe

Aujourd'hui, 9 mai, c'est la fête de l'Europe. Malheureusement, en matière de construction européenne, l'heure n'est pas vraiment à la joie. Depuis bientôt un an, la France, puis les Pays-Bas, l'ont bloqué en rejetant le traité constitutionnel européen. C'est une catastrophe d'une part car, à défaut de plan B, toute tentative de progrès semble gelé, vu que personne ne sait quoi faire. Le parlement estonien a même ratifié aujourd'hui le traité, alors que dans une bonne partie de l'Union il est considéré comme mort depuis longtemps. D'autre part, nous nous sommes privés des progrès qu'il apportait. En l'occurrence, le plus urgent était le titre I, qui fondait de nouvelles règles institutionnelles, la partie vraiment constitutionnelle en fait, et dont nous avions vraiment besoin pour dérouiller le processus de décision.

Chaque jour, on trouve des hommes politiques, des groupes d'intérêts, des médias, pour pointer du doigt l'Union Européenne pour tel ou tel dysfonctionnement. Et c'est vrai que le fantasme de la bureaucratie bruxelloise a de beaux jours devant lui, lorsque certaines décisions de la Commission semblent venir de loin, sans concertation, comme prises à l'aveuglette. Ce qui fait vraiment peur à nos concitoyens, ce n'est pas la construction européenne. Ils ont sentiment qu'elle se fait sans eux, voire malgré eux. Ce n'est pas avec des commissaires désignés, et qui parfois ne sont pas du tout des hommes politiques, que l'on rapprochera l'exécutif européen avec la population. Elle ne pourra qu'avoir la sensation qu'il se crée un nouvel Etat supra national, sorti d'on ne sait où et qui défend des intérêts qui ne sont pas les siens. Pour corriger ce sentiment tenace, il faudrait que la Commission soit issue de la voix du peuple, et non de désignations technocratiques, sans cohérence les unes avec les autres. Ou au moins donner des vrais pouvoirs de décisions au Parlement européen, lui au moins désigné par le peuple, plutôt que de simplement le cantonner au contrôle a posteriori.

C'est dans ce sens positif qu'allait le premier titre du traité constitutionnel. La réglementation perçue comme obscure du titre III est déjà dans les traités actuels, et l'on peut les modifier séparément. La Charte des droits fondamentaux représentait de réels progrès, mais sa valeur constitutionnelle n'était pas évidente pour tous. Elle pouvait être en document attaché mentionné dans le préambule. Toujours est il que plus de la moitié de l'Europe a approuvé le traité. Et ceux qui s'y sont opposés ont rarement mis en cause le titre I. Pourquoi, alors, ne pas essayer de faire approuver aux populations françaises et néerlandaises le seul titre I, que cette partie essentielle soit au moins validée partout, et qu'elle puisse rentrer rapidement en application. Avec les nouvelles règles, les discussions sur les dispositions du titre III auront de bonnes chances d'être plus efficaces.

lundi 8 mai 2006

Que faire de l'Iran ?

Quel désarroi lorsque les principes démocratiques servent à justifier l'accession d'extrémistes au pouvoir !

C'est ce qu'il se passe actuellement en Palestine et en Iran. En Palestine, il y a un moyen simple (a priori) d'éviter que les institutions servent à commettre des actes hostiles à la paix : c'est de ne pas lui en donner les moyens. Il s'avère en effet qu'une bonne partie du budget de l'Autorité palestinienne provient de pays tiers, dont les pays occidentaux. Le Hamas, désormais au pouvoir, ne reconnaît même pas Israël, et ne semble nullement décidé à enterrer la hache de guerre avec l'ennemi séculaire. Qu'à cela ne tienne, le Hamas sera privé des moyens financiers qui pourrait lui permettre de transformer l'Autorité palestinienne en un organisme de guerre.

Moins évident est le cas de l'Iran. Solidement financé par les revenus pétroliers, ce pays est à nouveau prêt à tous les conflits qui peuvent être causés par une lecture délirante du Coran. Malgré le régime islamique mis en place en 1979, cela peut encore aller lorsque ce sont les "modérés" qui sont au pouvoir, mais depuis que Mahmoud Ahmadinejad est aux commandes, nous sommes revenus aux situations les plus dangereuses. En particulier, le souhait de l'Iran de disposer d'installations nucléaires parait particulièrement terrifiant lorsque l'on sait qu'Ahmadinejad souhaite voir Israël "rayé de la carte". Le nucléaire permet des applications dont la puissance n'égale que la dangerosité, et ne serait-ce qu'entretenir une centrale électrique nucléaire est une responsabilité qu'il ne faut pas sous estimer. Nous nous sommes sortis de la guerre froide sans champignon atomique que parce que les dirigeants des deux blocs avaient le sang froid suffisant et un sens des responsabilités minimal. Et encore, nous avons connu des situations bien risquées à ce niveau là. Mais peut on espérer ce même sens des responsabilités de la part de quelqu'un comme Ahmadinejad, alors que jusqu'à présent il ne l'a jamais montré ?

C'est bien pour ça que les événements diplomatiques actuels revêtent une importance capitale sur la situation géopolitique du monde de demain. On ne peut qu'espérer qu'une solution soit trouvée, même si au fond de nous, nous savons bien que c'est loin d'être l'issue la plus probable. On peut, en tous cas, être bien amer, en pensant que les Etats-Unis sont allés faire la guerre à l'Irak, qui disait ne pas avoir et n'avait pas d'armes de destructions massives, alors que les autres pays de "l'Axe du mal" comme le définit George Bush, clamaient haut et fort leur volonté de devenir des puissances atomiques.

Nouvelle tentative

Après une première tentative de blog sur 20six.fr qui a failli d'une part du fait de mon ardeur limitée, d'autre part du fait du changement d'interface de ce site, rendant les choses plus compliquées, je vais essayer de voir ce que je peux faire ici. Visiblement, ce site est ouvert aux blogs politiques, c'est un signe d'encouragement. Je vais reposter mes quelques contributions de ma première tentative, en espérant qu'il y en aura d'autres. S'il n'y a pas une dizaine de contributions dans les six mois, il sera bien temps de fermer ce que j'ouvre actuellement...
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