Réflexions en cours

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lundi 30 mars 2009

Un aigle à deux têtes blessé

Dans la crise économique mondiale, l'Allemagne est nettement affectée. L'économie allemande a souvent été plus forte que la française grâce à un système industriel largement tourné vers les exportations. Les échanges internationaux ont donc contribué largement à la croissance allemande, mais avec le ralentissement mondial, c'est cet important moteur qui tombe en panne. Le secteur automobile, particulièrement imposant, est gravement touché. Par le biais d'Opel, l'Allemagne pourrait même directement souffrir d'une éventuelle chute de General Motors. Quant au système financier allemand, il s'avère progressivement très touchés par les dépréciations et le manque de confiance entre agents.

Face à une telle situation, personne ne semble paniquer. En temps de crise, il est courant que les gouvernants soient impopulaires. Mais le gouvernement actuel ressemble les deux principaux partis qui d'habitude s'affrontent, les chrétiens démocrates et les sociaux démocrates. Forcés depuis plusieurs années à une union nationale forcée, la droite et la gauche sont bien obligés de se montrer responsable pour que leur pays s'en sorte au mieux. L'opposition est réduite à des petits partis qui ne pourraient se coaliser pour proposer une alternance complète, et sont donc marginalement audibles. En septembre prochain, la chancelière Angela Merkel affrontera son ministre des affaires étrangères, Franz-Walter Steinmeier. Une victoire de l'un ou de l'autre pourrait être l'occasion d'effectuer des choix plus tranchés à l'avenir, mais l'heure n'est pas encore aux plans audacieux susceptibles de diviser le peuple allemand.

Angela Merkel partage donc les mêmes positions que son ministre des finances, Peer Steinbrück, bien qu'il soit d'un bord opposé. L'accord se fait sur de grandes constantes de la politique économique de l'Allemagne : une forte maîtrise des dépenses publiques reste d'actualité du fait d'une peur ancestrale de l'inflation. Les différences entre les niveaux de déficits fait naître des craintes pour la crédibilité de l'euro, bien que le dollar, le yen et la livre britannique traversent également des périodes troublées.

L'année dernière, Angela Merkel avait déjà été réticente à faire un plan de relance européen. Face à la virulence de la crise, y compris dans son propre pays, elle a du se résoudre à agir, et à approuver au moins une certaine coordination et la mise en place d'une "boite à outils" communs. Il ne s'agit néanmoins pas de laisser libre cours aux déficits en dépensant n'importe comment, dans l'espoir que cela permette une relance de l'économie. La position diffère donc grandement de celle de Barack Obama, prêt à lancer un plan de dépenses titanesque, et encourageant ses homologues à faire de même. Au G20 qui s'ouvre, l'Allemagne fera position commune avec la France, en considérant qu'éviter les crises peut être plus efficace que de devoir sauver l'économie après coup. Cela nécessite donc une régulation du système financier à laquelle ne semblent pas prêts plusieurs pays profitant largement de cette dérégulation. Les paradis fiscaux sont particulièrement dans la ligne de mire du couple franco/allemand. Ainsi, Peer Steinbrück, après avoir fait un coup marquant contre les exilés fiscaux allemands au Liechtenstein, demande aujourd'hui de façon enflammée la fin de l'exception suisse, au risque de nuire aux relations diplomatiques entre les deux pays. La Suisse aurait bien voulu aller au G20 pour défendre ses propres intérêts, mais l'heure est peut être à voir un peu plus loin que de vouloir conserver les avantages d'une position de passager clandestin.

dimanche 29 mars 2009

Un parti éthique

Les dirigeants politiques, lorsqu'ils arrivent aux responsabilités, sont amenés à se poser la question de l'action à mener. Idéalement, ils ont normalement déjà envisagé un programme à mettre en place. Que ce soit en théorie ou en pratique, l'action politique doit veiller à faire progresser l'intérêt général. Tout le débat consiste à déterminer ce qu'il faut faire pour arriver à cet objectif. Pour s'y retrouver, il est tentant de mettre en place des visions globales, des systèmes de pensée conceptualisant l'ensemble des éléments. Si c'est mentalement séduisant, le procédé est risqué. Car une fois l'idéologie installée, le risque est de vouloir à tout prix plier la réalité pour qu'elle colle aux conceptions que l'on s'en fait. Dès lors, l'action publique ne vise pas à agir sur le monde réel, mais s'attaque uniquement à des vues de l'esprit. L'Histoire montre qu'aucune idéologie n'est totalement confirmée par les faits. Une théorie peut être pertinente pour analyser telle ou telle situation, mais jusqu'à présent, pour comprendre les grandes évolutions, les meilleures explications sont celles faites après plutôt que celles chargées de les anticiper a priori. Voilà pourquoi les dirigeants politiques, constamment confronté à l'imprévu, se doivent d'être à la fois réalistes et pragmatiques.

Seulement, le pragmatisme comporte lui-même un risque. Celui de laisser penser que tout est permis pour arriver au but. Bon nombre de dérives peuvent naître de telles considérations. Elles peuvent relever de la catégorie du scandale, voire parfois conduire tout simplement au totalitarisme. Dans sa pièce de théâtre Les Mains sales, Jean-Paul Sartre évoquait les actes inavouables parfois commis pour arriver à un plus grand bien. Mais où est la limite ?

Eh bien la limite est celle de la morale. Quelle pratique peut être considérée comme généralisable ? L'impératif catégorique kantien est alors pertinent pour former une éthique nécessaire à l'action publique. Cette notion doit également prédominer dans toute considération. La morale doit former l'élément solide et stable servant d'ancre à toutes les politiques. Si elles peuvent varier, soumises aux contingences du monde, elles doivent néanmoins garder comme objectif l'intérêt général et comme base méthodique la recherche de l'éthique.

C'est normalement enfoncer une porte ouverte que de le dire. Mais il ne faut pas oublier ces principes fondamentaux pour autant. Les partis politiques doivent en être conscient dans toutes les phases de la vie publique.

mercredi 25 mars 2009

Les conservateurs britanniques quittent le Parti Populaire Européen

En 2004, François Bayrou avait décidé que les députés européens issus de son parti, l'UDF, ne siègeraient plus dans le même groupe que les autres partis de droite tels que l'UMP, la CDU ou le Parti Populaire espagnol. En quittant la coalition appelée Parti Populaire Européen pour créer son propre groupe, le Parti Démocrate Européen, François Bayrou cherchait d'abord à se différencier de la droite, au moment où sa stratégie nationale reposait sur un centrisme immaculé. Le motif qu'il donna publiquement fut que le Parti Populaire Européen n'était plus assez pro-européen. La présence d'eurosceptiques en son sein marquait une incompatibilité idéologique forte. Et il est vrai que les conservateurs britanniques sont particulièrement hostiles à l'Union Européenne, et devait alors cohabiter avec des fédéralistes tels que les députés de l'UDF.

Mais cinq années après cette scission, voilà que les conservateurs britanniques déclarent à leur tour leur volonté de faire bande à part. Motif invoqué : le Parti Populaire Européen (à laquelle n'adhère donc plus le Modem) est trop fédéraliste. Les principaux partis de droite de l'Europe continentale sont, il est vrai, bien plus en faveur de la construction européenne que les tories britanniques. Cela doit d'ailleurs être un motif de fierté pour eux. La décision d'aller vers un euroscepticisme encore plus marqué est mauvaise. Alors que le Royaume-Uni se voit comme un "pont" entre l'Amérique et l'Europe, il agit toujours en tant que vassal des Etats-Unis, et en méprisant ouvertement le continent européen, n'y a en fin de compte que bien peu d'influence. Sa puissance économique et diplomatique pourrait lui permettre d'avoir un tout autre rang en Europe, mais il saborde lui-même toutes chances de progrès en cherchant à se convaincre qu'être le 51ème Etat des Etats-Unis lui suffit. C'est dommage pour l'Europe, et c'est déplorable pour le Royaume-Uni.

On peut aussi considérer qu'après ce nouveau départ, le Parti Populaire Européen est plus homogène quant à la politique européenne à adopter. Les différences de position entre le Parti Populaire Européen et le Parti Démocrate Européen sont désormais inexistantes. Cela pourrait donc être l'occasion de retrouvailles, pour former le front le plus large possible quant à une meilleure intégration des politiques européennes. Mais cela ne sera probablement pas. Après tout, le Modem cherche toujours à se montrer comme indépendant de tout et sans compromission dans le cadre de ses objectifs nationaux, et oubliera sans problème l'intérêt de l'Europe pour privilégier l'intérêt de son président. Reste donc à souhaiter au Parti Populaire Européen de bien travailler, seul, mais déterminé.

vendredi 20 mars 2009

De la difficulté de gouverner en temps de crise...

...et de la facilité de protester.

Et encore une "journée d'action", où l'action en question n'est de pas travailler ! La France est depuis fort longtemps habituée à ces journées de grèves, de manifestations importantes, censées montrer toute la colère des travailleurs face à à peu près tout. En la matière, on ne peut contester que les syndicats ont de l'expérience, puisque c'est devenu leur raison d'être. Mettre un ou deux millions de personnes dans la rue n'est pas bien difficile, à vrai dire les commentateurs s'émeuvent même lorsque la "mobilisation" est moins forte. Ce sont essentiellement toujours les mêmes personnes qui y participent, bien que l'on trouve à chaque manifestation des nouveaux venus, qui viennent pour la première fois. Comme les chiffres totaux restent toujours à peu près les mêmes, cela veut dire que ces nouveaux venus ne reviendront pas, ou bien qu'elles ne font que commencer leur carrière de grévistes. Si l'on peut évidemment comprendre le désarroi des salariés du secteur privé qui risquent de perdre leur emploi à cause de la mauvaise conjoncture économique, il reste que le gros des troupes vient des habituels pourvoyeurs de la fonction publique. Hier, la grève a ainsi vu l'immobilisation de la SNCF, de Radio France et de l'Education Nationale. Soit du grand classique en fait.

Mais quelle était la raison de la grève du jour ? Il s'agissait en fait de protester contre la crise. A cela on peut penser qu'il est paradoxal de réclamer davantage de travail en ne travaillant pas. Surtout, la crise est un phénomène qui dépasse de loin la France, laquelle est même moins touchée que bon nombre de pays développés. C'était aussi l'occasion de manifester contre Nicolas Sarkozy, cible là encore traditionnelle. Aujourd'hui, son tort serait de ne rien avoir "lâché". Le gouvernement dit "non". A quoi ? A faire un nouveau plan de relance. Mais pourquoi faire un nouveau plan de relance, alors que celui qui a déjà été conçu les mois derniers n'a pas encore été appliqué ? Ce n'est pourtant pas comme s'il était anodin, vu qu'il fera doubler le déficit public, pourtant déjà gigantesque. S'agit-il donc de multiplier de façon excessive les mesures non financées, pour le plaisir de dépenser n'importe comment et de dire toujours oui à son interlocuteur ? Sur le moment, c'est sans nul doute plus agréable. Cela a au moins le mérite d'éviter de pénibles conflits. Sur le long terme, c'est catastrophique, et la France le sait pour souvent recourir à ce procédé.

Le gouvernement n'a donc pas un intérêt fort à céder aux revendications des syndicats. Quoi qu'il fasse, il sera de toutes façons violemment critiquées, car étant aux affaires, il est tenu responsable de l'état des choses. En période de crise, de tels sentiments sont évidemment exacerbés, alors que toute marge disparaît. Avec la montée du chômage, vient avec la baisse des cotisations sociales. Avec une croissance négative, les recettes fiscales diminuent. Et tout cela alors que les dépenses dues aux dispositifs d'assurance chômage augmentent de façon mécanique. L'Etat prend sur lui automatiquement une partie de l'impact de la crise, résultant de l'action de "stabilisateurs automatiques". D'autres pays, comme les Etats-Unis, en sont dépourvus. Cela doit être pris en compte dans les comparaisons.

Devoir faire une relance importante de l'économie sans en avoir les moyens est donc une tâche difficile, qu'il est plus facile d'exiger que d'aider à faire. Ce qui semble primer par dessus tout, c'est cet irrépressible besoin de faire grève et de bloquer l'économie, par habitude ou par plaisir de croire que ça fait bouger les choses. Mais dans quel sens ? Les grèves systématiques nuisent à l'économie, ce n'est pas un secret. Les salariés de l'Union Navale de Marseille s'étonnent aujourd'hui de la liquidation judiciaire de l'entreprise, et en conséquence de leur prochain licenciement. Ce chantier de réparation navale n'avait plus aucun travail dans son carnet de commande. Or les navires doivent toujours être entretenus, et d'autres ports européens continuent de le faire. La particularité de Marseille est le blocage fréquent pour d'innombrables mauvaises raisons de son port par ceux qui y travaillent. Le trafic au port de Marseille a en conséquence chuté, car il n'est désormais plus du tout considéré comme fiable, et cela est encore dévastateur pour la santé économique des entreprises du port. Les travailleurs des chantiers navals de Marseille ne récoltent que ce qu'ils ont semé. Pourtant ils continueront de protester, contre leurs cibles habituelles, contre eux-mêmes en fait, mais sans le savoir. Au moins garderont-ils l'impression de participer à la "lutte sociale". Mais est-ce bien le plus important ?

mercredi 18 mars 2009

Sur le bouclier fiscal et la TVA dans la restauration

En matière de polémiques sur la fiscalité, la France est gâtée : deux anciens débats ressurgissent actuellement, et visiblement, ils ont encore de beaux jours devant eux. Le bouclier fiscal et la baisse de la TVA dans la restauration sont deux promesses de campagnes dont la pertinence est remise en question. Pour commencer, le taux réduit de la TVA pour la restauration sur place avait été promise par Jacques Chirac lors de la présidentielle de 2002, avant d'être reprise à son compte en 2007 par Nicolas Sarkozy. Le délais s'explique par le refus des partenaires européens de la France quant à une telle mesure. En effet, bien que la restauration ne soit pas vraiment un service qui dépasse le cadre des frontières nationales, l'unanimité des membres de l'Union Européenne pour sur les questions de TVA rendait difficile un accord. Pendant ce temps, les restaurateurs s'émouvaient que la restauration à emporter bénéficiait d'une TVA à 5,5 % et celle sur place doive subir 19,6 %. Ils oubliaient la différence fondamentale entre les deux : la première est un marché de biens, de la même manière que l'on achète une pomme chez le maraîcher, on achète un sandwich à la boulangerie. La deuxième est un marché de service : ce que l'on achète est non seulement le plat, mais aussi le travail du serveur, le bénéfice des couverts, de la table et de la salle, et ainsi de suite. D'où les différences de taux.

Aujourd'hui, les différents pays de l'Union Européenne ont enfin accepté que la France fasse bénéficier la restauration sur place du taux réduit. Mais faut-il le faire pour autant ? Les restaurateurs ne cachent leur peu d'envie d'en faire bénéficier les consommateurs. Ils veulent avant tout améliorer leur rentabilité, qui est bien faible, disent-ils. Les tarifs qu'ils pratiquent sont pourtant bien élevés, à force d'augmenter. Le prix du café est à un niveau aujourd'hui stupéfiant. En fait, les restaurateurs bénéficient déjà d'une aide importante de l'Etat, mise en place il y a quelques temps lors d'une précédente déception quant à cette baisse des taux. On ne sait où elle est passé, en tout cas pas dans les tarifs, probablement pas dans la main d'oeuvre non plus, vu que les plaintes demeurent les mêmes. Il apparaît donc que cette mesure n'est qu'un cadeau fiscal électoraliste, bien peu utile à l'heure où les déficits explosent. Son coût serait de 3 milliards d'euros. La France ne peut tout simplement pas se le permettre à l'heure actuelle.

La question du bouclier fiscal se pose d'ailleurs à peu près dans les mêmes termes. L'idée qu'un individu puisse se faire prélever plus de la moitié de ses revenus pose un problème de justesse dans la taxation. De même, l'idée de l'impôt sur la fortune est assez déroutante, car il consiste en un prélèvement sur le patrimoine et non sur les revenus, ce qui peut pousser à un appauvrissement du contribuable qui y est assujetti. C'est comme cela que l'on obtient des ménages modestes, se voyant lourdement taxés car possédant une habitation depuis longtemps qui a récemment pris de la valeur à la faveur des marchés immobiliers, alors que leurs revenus sont les mêmes. Nicolas Sarkozy avait donc souhaité ne pas toucher à l'impôt sur la fortune, mais a mis en place un bouclier fiscal pour que personne ne soit imposé à plus de 50 % de ses revenus. Et l'on apprend aujourd'hui que le dispositif ne concerne que 14 000 foyers, pour un coût de 458 millions d'euros. C'est évidemment bien moins que ce qui est évoqué dans les délires du Parti Socialiste, qui parle facilement de 15 milliards (le résultat d'une confusion volontaire). Mais cela reste un coût.

Les deux tiers des foyers bénéficiant du bouclier fiscal ont de faibles revenus et le bouclier fiscal leur permet donc d'éviter l'écrasement par des impôts devenus absurdes. Les autres sont donc quantitativement peu nombreux, mais représentent la plus grande partie du coût du dispositif. Pour ces personnes, l'argent reversé atteint des montants très importants. Jean-François Copé affirme que l'on a besoin des gens fortunés en temps de crise, et Bercy affirme que cela fait diminuer l'évasion fiscale. Dès lors, il suffit de se demander si l'argent gagné en recettes fiscales (grâce à cette non-évasion fiscale) est supérieur au coût du bouclier fiscal pour ces mêmes personnes. On pourra alors voir si ce dispositif était si justifié que cela pour les personnes à très hauts revenus. Car sinon, cela creuse inutilement les déficits.

Que ce soit sur la TVA dans la restauration ou sur le bouclier fiscal, le principe est donc le même. Nicolas Sarkozy a affirmé ne pas avoir été élu pour augmenter les impôts. Certes, mais ici l'on parle des baisses d'impôts qui sont de son fait. Il pouvait fort bien rester au statu quo en la matière, tout du moins le temps de ramener l'équilibre budgétaire. Cela peut être long, mais ce le sera d'autant plus que les recettes fiscales diminueront.

lundi 16 mars 2009

L'identité nationale de la France

En 2007, pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait provoqué la stupéfaction avec son idée d'un ministère qui traiterait non seulement de l'immigration, mais aussi de l'identité nationale. A la même période, Ségolène Royal commença à évoquer l'importance des symboles de la France, tels que le drapeau tricolore ou la Marseillaise, alors que des parties de son camp avait tendance à penser que ces sujets tenaient du nationalisme. Les deux candidats ont en fait appel à ce qu'est la France, comme pays et non pas seulement en tant que zone à problèmes divers. La France est quelque chose d'ancré au cœur de ses citoyens. Elle n'est pas seulement un territoire, la France est également une Histoire. Les Français vivent ensemble cette Histoire, et sont les héritiers des siècles passés. Et en tant qu'héritiers, ils ont la possibilité de choisir ce qu'ils veulent porter. En effet, avec le recul, ils peuvent discerner les éléments positifs des éléments négatifs de leur Histoire. Ils doivent connaître quels furent les mauvais choix, en connaître les raisons, et les condamner. Mais cela ne veut pas dire qu'ils en sont coupables à leur tour, bien au contraire. Des époques révolues, les vivants doivent se sentir investis de la mission de conserver et protéger ce qui en était le meilleur.

La France incite donc ses citoyens à être dignes des bons exemples du passé, et cela doit apporter un message lumineux et enthousiaste pour l'avenir. Ce message, c'est celui de l'humanisme, du respect du territoire, et de la joie de vivre ensemble. Un pays, une nation, sont formés d'une communauté de destins. C'est de cela dont les symboles de la France sont emblématiques, et que toutes les politiques doivent prendre en compte.

Comment peut-on alors s'étonner que ce message se trouve au cœur des discours de ceux qui proposent des projets d'avenir ? Les rebondissements de la dernière campagne présidentielle n'avaient dès lors rien d'anormal. Bien au contraire, il faut souhaiter que les politiques publiques soient à l'unisson avec les coeurs et les esprits du peuple, que leurs racines s'y trouvent au plus profond. Il serait absurde de rejeter pour "nationalisme" tout appel à la nation, alors que celle-ci est bien ce qui est à la base de tout. Le désir de "vivre ensemble", voilà ce qui fait une nation, et la France n'y échappe pas. Et le reconnaître fait partie de son bonheur.

samedi 14 mars 2009

Le retour de la France dans l'OTAN

Le Président Nicolas Sarkozy a annoncé le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, faisant d'elle un membre ordinaire de l'Alliance Atlantique Nord. Cette décision est marquée par une polémique politique, critiquant ce mouvement. Deux argument sont donnés contre : ce retour briserait le consensus français quant à la Défense nationale, et la France deviendrait un vassal aveugle des Etats-Unis. Mieux vaut savoir ce qu'il en est.

Déjà, la fin du consensus national est un argument bien faible : rien n'empêche le consensus de se refaire autour de la nouvelle position de la France. Les socialistes peuvent critiquer ce retour, mais François Mitterrand était le premier à critiquer le départ de la France de l'OTAN sous le Général de Gaulle. Ce départ n'était d'ailleurs pas complet, puisque la France restait membre du Conseil de l'Atlantique Nord. La position du Général de Gaulle était la conséquence de l'acquisition de l'arme atomique par la France dans le cadre de la guerre froide. Elle lui permettait de jouer un rôle plus indépendant au niveau mondial, considérant que les Etats-Unis ne se risqueraient pas à l'utiliser en cas d'intervention soviétique en Europe de l'Ouest. Cela ne signifiait nullement que la France coupait tous ses liens avec les Etats-Unis pour autant. Le Président François Mitterrand a été ensuite le premier à chercher à intensifier ces liens, avant que Jacques Chirac ne réinscrive encore davantage les troupes françaises dans le cadre des opérations de l'OTAN. Aujourd'hui, la France est d'ores et déjà un membre important de l'OTAN, que ce soit en ressources humaines, matérielles, ou financières. Seul son pouvoir de décision est inférieur par rapport à la normal : sa présence est limité au comité des plans de défense, et elle est absente du commandement militaire intégré. Voilà ce que changerait l'évolution annoncée par Nicolas Sarkozy.

La force de frappe nucléaire française restera, elle, totalement indépendante. Ce qu'il se passe est donc une simple continuation des évolutions passées, sans vrai changement dans la position de la France dans le monde. Il y a simplement sa reconnaissance. On est loin d'une France devenue l'esclave des Etats-Unis en matière de défense. Déjà, contrairement à de nombreux autres pays européens, la France peut compter sur une armée forte, aux ressources conséquentes : elle n'est donc pas forcément en demande de protection. Ensuite, il suffit de regarder l'exemple allemand pour comprendre ce qu'est un membre normal de l'OTAN. Sous Gerhard Schröder, l'Allemagne a refusé de faire la guerre en Irak alors qu'elle n'a jamais cessé d'appartenir pleinement à l'OTAN. Elle reste un pays autonome qui n'inspirerait à personne l'idée de l'accuser d'atlantisme systématique.

La nécessité du retour de la France dans l'OTAN se voit justement dans le besoin d'une défense européenne. Jusqu'à présent, les projets d'Europe de la Défense ont eut très peu de succès. La raison en est simple : la grande majorité des pays européens y voyait un projet doublon par rapport à l'OTAN, qui apportait satisfaction. Cela laissait planer l'idée que l'Europe de la Défense était concurrente de l'OTAN, hostile aux Etats-Unis. En fin de compte, le problème de l'OTAN, c'était de n'être pas assez européen, et la réintégration de la France va alors dans la bonne voie. Javier Solana ou Angela Merkel l'ont d'ailleurs remarqué, et ont encouragé et félicité la France pour ce retour. Les pays européens peuvent solliciter l'OTAN pour qu'elle serve de cadre à des opérations purement européennes, et cela en fait justement la meilleure base pour l'Europe de la Défense. Au delà des polémiques de circonstance, la France peut être fière d'y jouer un rôle.

mercredi 11 mars 2009

Total fait campagne pour Besancenot

Le groupe pétrolier Total supprime 555 emplois, peu de temps après avoir annoncé 14 milliards de bénéfices. Il suffit de dire cela pour savoir ce qui suit : une inévitable énorme polémique. La plupart des gens ne comprennent pas très bien ce qui justifie des suppressions d'emplois lorsqu'une entreprise fait des profits. Cela se voit dans chaque situation, et encore plus lorsque l'entreprise est importante et célèbre, et sa santé excellente. Il suffit de se rappeler des exemples passés de Danone ou Michelin. Sur la base de cette incompréhension, l'extrême gauche matraque continuellement son idéologie marxiste, à base de lutte des classes, de spoliation de la plus-value et de volonté de faire interdire les licenciements. Même si la majorité reconnaît ce discours comme extrémiste et caricatural, la France reste un pays qui considère le capitalisme avec suspicion, et donc cette petite musique perdure et fait son œuvre dans les esprits.

Les annonces du groupe Total semblent donc tomber à propos pour clouer le cercueil d'un capitalisme devenu fou. La réussite de Total n'est pas la conséquence d'une quelconque brillante stratégie d'entreprise basée sur l'innovation, bien au contraire : ses profits sont étroitement corrélés aux cours du pétrole, et la création de valeur pour les actionnaires dépend donc essentiellement de la rareté de cette ressource sur le marché mondial. Et au vu des hausses passées, et de la fusion Total/Fina/Elf, l'entreprise n'a donc aucun mal à être la première capitalisation de la Bourse de Paris, et d'avoir des profits gigantesques en comparaison des autres firmes du CAC 40. Après des variations vertigineuses du cours du baril de pétrole, celui-ci s'est stabilisé à un niveau quand même plus élevé que les cours constatés au cours de la décennie précédente. Total n'a donc aucun souci à se faire, et pourrait, par exemple, se servir de ce trésor de guerre pour se positionner franchement dans les énergie alternatives. Au lieu de cela, l'investissement est utilisé pour supprimer des emplois dans une raffinerie, alors que le chômage est déjà fortement en hausse.

Le symbole est terrible. Et il vient après une série de scandales (Erika, AZF, Birmanie) où Total était le principal protagoniste, et refuse de se remettre en question. L'entreprise n'a pas l'air de comprendre ce qu'on lui reproche. Son secrétaire général, Jean-Jacques Guilbaud, affirme même que le plan est exemplaire, puisqu'il prévoit des changements de poste et des pré-retraites, et non des licenciements. Mais les délocalisations d'entreprises, même au sein du même pays, sont bien un drame pour les familles, et les pré-retraites nuisent à l'économie, notamment par leurs effets sur les systèmes d'assurance sociale.

Ce que des entreprises comme Total doivent comprendre, c'est qu'elles ont aussi un rôle à jouer dans la société, une responsabilité à assumer en faveur de l'intérêt général. C'est une simple question de morale. Tant qu'elles écartent ces questions d'un revers de main, elles favorisent la méfiance envers elles, et plus généralement envers le capitalisme. En somme, si le groupe Total avait voulu faire campagne pour le Nouveau Parti Anticapitaliste d'Olivier Besancenot, il ne s'y serait pas pris autrement. C'est triste évidemment, mais cela peut également être lourd de conséquences.

mardi 10 mars 2009

Elargissements de l'Union Européenne : jusqu'où ?

Tout d'un coup, l'Islande découvre qu'une adhésion à l'Union Européenne l'arrangerait bien. Elle se rajoute à la liste des candidats qui espèrent pouvoir faire partie de ce club, estimé via les membres qui y sont présents, mais à l'identité encore assez imprécise. Ils font en tous cas les beaux jours du commissaire européen à l'élargissement, une fonction assez folle dans la mesure où elle signifie que quelqu'un a comme travail de toujours oeuvrer à l'élargissement de l'Union Européenne. Mais jusqu'à où ? Et surtout, pourquoi faire ?

C'est aujourd'hui manifeste : plusieurs des pays qui ont adhéré à l'Union Européenne en 2004 l'ont fait sans bien savoir pourquoi. La République Tchèque ou la Pologne ont adhéré à l'OTAN pour faire partie d'une alliance militaire avec leur idole, les Etats-Unis, et ainsi faire enrager l'encombrant voisin russe, mais si l'entrée dans l'Union Européenne a été faite à corps et à cris, c'est en oubliant d'en rechercher les motivations. Si c'était pour faire une zone de libre échange, l'Espace Economique Européen proposait un certain nombre de dispositions en la matière. Ce pêché originel se traduit quotidiennement de nos jours. En fait, dès leur entrée, ces pays ont montré leur volonté de bloquer des quatre fers la construction européenne. Mais comment pouvaient-ils ignorer que la construction européenne a commencé sur des bases clairement fédéralistes, par la volonté de ses promoteurs ? Tel était déjà le cas pour la Grande Bretagne, posant plusieurs fois sa candidature à l'époque du Général de Gaulle, pour ne plus apparaître comme très peu coopérative une fois finalement intégrée. On pouvait alors se demander si cela en valait bien la peine.

D'une manière générale, il est certain que l'Union Européenne a vocation à terme de rassembler tous les pays situés en Europe. Et ce, pour un vrai projet politique. Celui-ci ne peut se faire qu'avec la bonne volonté de ses membres. Sans elle, mieux vaut passer à autre chose. Il y a donc des pays qui pourraient très bien rentrer dès demain dans l'Union Européenne, à la seule condition d'en avoir envie. La Suisse ou la Norvège sont dans ces cas. On peut au moins se dire que le jour où ils feront acte de candidature, ce sera déjà une preuve de motivation forte pour travailler ensemble.

Mais il faut aussi voir que l'Union Européenne est projet complexe, avançant difficilement. A l'heure actuelle, la coopération entre les différents membres est très dure, et chaque nouveau membre apporte un nouveau lot de complications. Si, à la suite du mécontentement irlandais, le Traité de Lisbonne ne prévoit plus qu'il y aura moins de siège à la Commission que d'Etats membres, alors cela fera perdurer encore longtemps les luttes d'influences dans les institutions. L'orgueil et les susceptibilités y règnent : chaque pays négocie qu'en fonction de ses propres intérêts et ne fait pas confiance aux étrangers, quitte à mettre en place des institutions invivables. Des progrès sont envisageables, mais ils sont lents. On peut alors se demander si c'est le moment pour de nouvelles adhésions.

Ainsi, des pays comme la Croatie ou l'Albanie sont candidats, ce qui est enthousiasmant si c'est bien la preuve d'un désir d'intégration européenne, mais il faut bien veiller à ce qu'ils n'adhèrent pas trop tôt. Le souvenir des dernières adhésions est encore brûlant et douloureux, elles n'ont pas été vraiment digérées par l'Union Européenne. Continuer sur ce chemin serait trop dangereux, et il faudrait donc envisager la possibilité que les prochaines adhésions ne puissent être envisagées que si l'Union Européenne a réussi à résoudre les problèmes posés par les précédentes. Et ce d'autant plus lorsque le pays est grand. L'Ukraine peut se poser des questions quant à une éventuelle adhésion, mais, outre le chaos politique de ce pays, l'Union ne peut faire face à l'absorption de si vastes territoires et de si grandes populations. Le refus doit même être catégorique et définitif lorsque le dossier relève du n'importe quoi, comme dans le cas de la Turquie, pays asiatique d'une taille considérable.

A l'heure actuelle, il ne saurait être question d'élargissement à venir prochainement. La priorité doit être donnée à la résolution des problèmes européens actuels, notamment institutionnels, ainsi qu'à un meilleur travail commun, la véritable raison d'être de l'Union Européenne.

dimanche 8 mars 2009

Les trous sans fond

Le conflit en Guadeloupe touche à sa fin, et d'une façon bien peu glorieuse. Au fur et à mesure il aura montré sa nature nationaliste, voire raciste, sous l'influence de son leader exalté Elie Domota. L'Etat a accepté de signer un accord à courte vue, qui sera surtout dévastateur sur la durée. Encore plus de fonctionnaires, encore plus de surprimes aux revenus par rapport à ce qu'il se fait en métropole, encore plus de dépenses publiques qui ne se justifient pas... Le coût dépassera les centaines de millions d'euros, mais cela ne sera que de nouvelles dépenses régulières de fonctionnement, rien qui permette de penser que l'économie locale repartira par la suite sur de nouvelles bases. Bien au contraire, le secteur privé, déjà bien faible, sort encore plus détruit par les grèves, les fermetures imposées par des milices et l'image donnée de l'inhospitabilité de la Guadeloupe. Tout ce qui faisait de la Guadeloupe une île socialement affaiblie sort renforcé, et l'argent public est dépensé à torrents pour cela.

D'une manière générale, le déficit public explose. Le gouvernement reconnaît qu'il dépassera les 5 % du PIB en 2009, ce qui est une très mauvaise nouvelle. Bien sûr, l'intervention de l'Etat est nécessaire en période de crise. La sauvegarde des banques via des prêts pour consolider leurs actifs, le plan de relance fondé sur l'investissement en infrastructures ou les mesures de primes à la casse, tout cela a un coût. Cela aurait déjà été plus facile si l'on avait fait davantage d'efforts pour réduire les déficits les années précédentes. Cela aurait également du faire écarter de nouvelles mesures coûteuses et très marginalement utiles, comme de nouvelles réductions d'impôts (telle que la suppression des deux derniers tiers de l'impôt sur le revenu de 2009 pour les ménages placés dans la première tranche). Le minimum serait déjà d'éviter les dépenses qui seront condamnées à être maintenues années après années, créant de nouveaux gouffres pour les finances de l'Etat !

Il serait aussi avantageux de poursuivre les réformes structurelles visant à économiser l'argent public, surtout dans les situations où il est peu productif. Mais il suffit de contestations de la part de tous les corporatismes pour faire reculer tout effort en la matière, les personnels au mode de raisonnement binaires se succèdent dans des "luttes" pour préserver leur pré carré, oubliant la vision d'ensemble qu'il faut avoir lorsque l'on considère l'intérêt général. Dès lors, pourquoi le gouvernement devrait-il reculer ? La crise le met en situation de faiblesse, mais il doit se souvenir que quoiqu'il "lâche", il n'en sera pas davantage approuvé. C'est ainsi que de l'argent public est dépensé sans raison, qu'il en pleut pratiquement pour un oui ou pour un non, oubliant toute considération de nécessité.

Il aura par exemple suffi au sculpteur Daniel Buren de se plaindre dans les médias, pour que plus 4 millions d'euros soit dépensés pour rénover son "œuvre" au Palais Royal, en fait des colonnes de béton unanimement détestées par la population. Voilà où le manque de courage conduit, où le manque de respect de l'argent des Français amène. L'économie française et la France dans son ensemble en souffrent, et cela depuis bien trop longtemps. Plutôt que de faire pleuvoir de l'argent aveuglement sur des trous sans fond, la priorité devrait plutôt être de chercher où se trouvent les graines prêtes à éclore dans la terre. Et quitter, ainsi, la voie de la fatale facilité.

jeudi 5 mars 2009

Afghanistan : visa longue durée pour les troupes occidentales

Barack Obama a promis un retrait des troupes américaines d'Irak pour août 2010, seuls des "conseillers" devant rester après cette date. Le retrait de l'Irak était bien l'une de ses promesses de campagne, et il pouvait d'autant plus appuyer ce point qu'il était dès le départ contre leur envoi. Si l'armée américaine a son bon de sortie pour l'Irak, elle est loin de l'avoir en ce qui concerne l'autre opération militaire importante, l'Afghanistan. Jusqu'à présent, son principal message auprès de ses alliés européens a même été de leur demander d'y envoyer plus de troupes, évoquant déjà ce point lors du discours qu'il tint en Allemagne pendant sa campagne. Le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, a déjà augmenté les effectifs présents en Afghanistan l'année dernière. Cela n'est évidemment pas sans risque, et tout événement militaire tragique se transforme facilement en polémique politicienne. La mort de plusieurs soldats français en août dernier avait ainsi rappelé la douleur que peut provoquer l'engagement armé. Au delà des frénésies médiatiques, cette peine aura également rappelé le courage dont font preuve les forces françaises, un courage qui provoque l'admiration de l'ensemble de leurs compatriotes.

Pour la France comme pour Barack Obama, la pacification de l'Afghanistan est une mission justifiée. Là où l'Irak ne fut que le théâtre d'une guerre unilatérale basée sur un mensonge, l'intervention en Afghanistan est la conséquence directe de la tragédie du 11 septembre 2001. Ce pays, alors dirigé par les talibans, avait permis la préparation des attentats ayant constitué un acte de guerre de grande ampleur envers les Etats-Unis. Ce jour-là, l'Amérique compta plus de victimes que lors de l'attaque japonaise de Pearl Harbor en 1941. Il était tout à fait légitime que les Etats-Unis répondent à cette attaque, et soient accompagnés par leurs alliés militaires contre le pays qui en était à l'origine. C'est dans ce cadre que la France est intervenue pour se battre à ses côtés, et elle a eu raison de le faire.

Le régime taliban était une dictature obscurantiste, basant ses lois sur un fondamentalisme religieux dévastateur, opprimant l'ensemble de la population, et les femmes en particulier. En favorisant l'attaque des Etats-Unis, il s'est donné l'occasion d'être remplacé. Contrairement à l'Irak, il existait une solution de remplacement face au pouvoir taliban. A la fin des années 90, le commandant Massoud était devenu connu en occident pour son combat contre les talibans au sein de l'Alliance du Nord, et sa vision tolérante et apaisée de sa religion, l'Islam. Sa mort à la veille du 11 septembre fut un coup dur symbolique, mais ceux qui l'accompagnaient perduraient. Ils montraient au moins le rejet par une grande partie de la population du régime taliban. Par leur hâte d'en finir, ils ont même accéléré l'intervention alliée en Afghanistan. Il était entendu que ce serait à eux que le pouvoir reviendrait pour le redémarrage du pays, sur des bases plus démocratiques.

Mais malgré l'ampleur de l'intervention alliée, les talibans n'ont pas disparu. Ils continuent de chercher à regagner leur ancienne influence, contrôlant certaines zones du sud est du pays, et utilisant de guérilla pour affaiblir les forces démocratiques. Leur grand atout est de pouvoir bénéficier d'une vaste zone de repli au nord ouest du Pakistan, une région échappant totalement au pouvoir pakistanais et où les mots d'ordre des talibans continuent de régner. C'est d'ailleurs probablement là où Ossama Ben Laden se cache, les Américains ne pouvant intervenir eux-mêmes dans ce pays. Le gouvernement afghan reste encore faible, et l'Afghanistan est ravagé par la pauvreté. Pour pouvoir faire face à la menace talibane, il doit pouvoir former et maintenir une armée suffisamment importante. Les alliés doivent être là pour l'accompagner. Le but est bien de veiller à ce que les talibans ne reprennent pas le pouvoir dès qu'ils seront partis. Ou sinon, à quoi bon y être allé ? C'est forcément un processus de long terme.

Une démocratie ne s'installe pas en claquant des doigts, elle demande une dose minimale de moralité et de confiance mutuelle. Là où règne la corruption et les haines, la tâche est d'autant plus ardue. Quel horizon peut-on avoir quand il n'y a pas de sécurité, quand il n'y a pas de libertés ? De tels principes doivent être profondément ancrés dans la population pour que l'Afghanistan ne redevienne plus une grave menace internationale peu de temps après son évacuation. En Irak, l'envoi de renforts en grand nombre a en fin de compte permis de calmer l'activité terroriste. C'est, pour Barack Obama, une bonne raison de croire qu'il faut solidifier la présence des troupes alliées en Afghanistan au moment où les talibans redoublent d'activisme. Cela demande certes des efforts renouvelés de la part de tous les pays membres de la coalition. Mais ce sont des efforts nécessaires. Cette présence est légitime, et elle doit être couronnée de succès. Pour cette raison, il faut reconnaître que les alliés y sont pour y rester encore longtemps.

mardi 3 mars 2009

Croissance et chômage

90 000 emplois de perdus en France au mois de janvier. Le chiffre est énorme, à la mesure de la crise mondiale actuelle. Au moins, on ne peut pas vraiment dire que le pouvoir politique essaie de cacher la gravité de ce qu'il se passe. Depuis un discours du Président de la République consacré à ce sujet il y a quelques mois, tout le monde a bien compris les périodes difficiles qui commençaient. Les médias enchaînent les histoires commençant par "avec la crise", ce qui est accrocheur, mais peut également surprendre : après tout, depuis quand n'était-ce plus la crise en France ? Depuis 1974, la France était frappée par la crise, soit une croissance économique insuffisante entraînant la montée du chômage. Une génération entière a grandi dans un monde de "crise", et a bien compris que rien n'était facile, qu'elle était condamnée à vivre dans un monde où l'opulence a été bannie. Bien sûr, le chômage baissait depuis plusieurs années, mais il n'y a eu personne pour le remarquer. La question du pouvoir d'achat avait remplacé le chômage dans les complaintes quotidiennes.

Aux Etats-Unis, la situation est bien pire. Les Américains ont connu des vrais périodes de croissance au cours des dernières décennies, et aujourd'hui, c'est 600 000 emplois qui sont détruits en un mois. C'est proportionnellement plus qu'en France. Là-bas, la crise financière est encore loin d'être finie, comme en témoigne la descente aux enfers d'AIG. Pratiquement partout, le chômage augmente donc.

Dans la plupart des pays, la population active a tendance à augmenter chaque année. L'augmentation de la force de travail participe à la croissance économique, avec les augmentations du capital économique et de la productivité. Si l'amélioration de la productivité participe à la croissance économique, elle entraîne également une destruction directe d'emplois. Mais quand la croissance économique dépasse celle de la productivité plus celle de la population active, alors le chômage diminue. Il faut donc une croissance économique assez forte pour qu'il puisse y avoir une baisse du chômage.

Lorsque la croissance est trop faible, le chômage augmente. Alors évidemment à chaque période de récession, voire en phase de dépression, quand la croissance économique est négative, les effets sont apocalyptiques sur l'emploi. En 1993, la France connut une récession marquée qui se traduisit par une catastrophe sociale. Cette fois, on nous promet au moins deux années de croissance négative. Alors forcément, les effets seront très durs, amplifiés par la dimension résolument internationale de cette crise. Il ne sert à rien de se le cacher. Mais la dimension psychologique est centrale, et si chacun arrête de consommer et d'investir, cela ne fera qu'empirer les choses. Pour tous ceux qui en ont les moyens, c'est donc le moment de dépenser son argent !

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