Réflexions en cours

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jeudi 29 juin 2006

Le retrait définitif de Lionel Jospin

Ces quatre dernières années, l'hypothèse du retour de Lionel Jospin sur la scène politique française apparaissait de temps à autres. Un retour évoqué avec insistance par certains, avec perplexité par d'autres. Ceux-là doutaient qu'il puisse revenir dans la vie politique française, surtout après avoir évoqué son retrait définitif de ce milieu. Voilà ce qui s'est dit depuis quatre ans. Hier, sur TF1, à l'objection de Patrick Poivre-d'Arvor sur l'aspect définitif de ce retrait, Lionel Jospin a contesté avoir prononcé cet adjectif.

Après une recherche dans les archives, il est effectivement difficile de prouver qu'il l'a utilisé. Mais alors la presse et les Français auraient crû en quelque chose qui n'a jamais existé, à savoir l'usage de ce mot, "définitif" ou "définitivement" ? C'est assez troublant, et ce d'autant plus qu'il doit bien avoir une origine à ce qualificatif... Il est à espérer que nous trouverons rapidement ce qui a introduit cet adjectif dans la croyance populaire.

samedi 10 juin 2006

L'islamisme, nouvel ennemi mondial de l'occident

Cette semaine, deux événements militaires ont mis en lumière la guerre qui a lieu entre les Etats-Unis et l'islamisme (l'islam extrémiste). Certes, depuis le 11 septembre 2001, cette guerre est quotidienne, mais ces faits sont quand même assez symboliques pour être commentés. D'abord, la mort d'Abou Moussab al Zarkaoui. Celui-ci menait la guérilla sunnite en Irak en se réclamant d'Al Qaïda, en s'en prenant d'une part aux Occidentaux sans distinctions, et d'autre part aux chiites, dans le but de créer une guerre civile. Celle-ci permettrait un pourrissement de la situation tel qu'il pourrait en tirer profit, en devenant une sorte de maître du chaos. Il est devenu logiquement l'ennemi numéro un des Américains, d'où le concert de satisfactions qui a suivi sa disparition. Il ne faut pourtant pas croire que la mort d'une seule personne réglera le problème : tant du côté des sunnites que du côté des chiites, un bon nombre d'éléments refusent l'occupation du territoire irakien par les Américains, et l'absence d'un véritable pouvoir national (en dépit des efforts américains pour faire émerger un gouvernement irakien représentatif), ce sont souvent des religieux extrémistes qui récupèrent la mise, en étant les seules autorités disponibles. Pour ceux qui considèrent que la guerre en Irak se résume à une croisade chrétienne contre l'Islam, il y a une volonté forte de repli sur la religion. Les troubles irakiens alimentent donc de nombreux islamistes étrangers, convaincus qu'il leur est demandé dans leur religion de mener la guerre sainte. Un mouvement aussi général ne peut s'arrêter avec la mort d'un seul homme : les fous de Dieu étant tellement enfermés dans la doctrine d'une foi extrémiste qu'ils ne sont pas sensibles à l'inquiétude ou à la raison.

On voit d'ailleurs en Afghanistan les difficultés qu'il y a à reconvertir certaines régions à des formes moins extrémistes de l'Islam. Le régime des talibans avait voulu instaurer la loi islamique (charia) comme fondement des règles du pays. Une lecture particulièrement rigoriste et absurde du Coran permettait de justifier les pires exactions : assouvissement total des femmes jusqu'à leur imposer le port de la burqa, destruction des bouddhas géants de Bamyan, soutien direct à Al Qaïda, persécution de tous ceux qui ne suivent pas strictement leur doctrine... Même après la chute du régime des talibans, certains réflexes terrifiants persistent, comme le montre le cas d'un homme qui avait été condamné à la peine capitale pour s'être converti au christianisme. Et dans une majorité des pays musulmans, des groupuscules extrémistes s'activent pour obtenir le fondamentalisme religieux et l'adoption de la charia. On a pu le voir récemment en Palestine avec la victoire du Hammas, mais la situation est aussi grave en Egypte ou au Liban.

Et cela nous amène justement au deuxième événement marquant : la prise de Mogadiscio en Somalie par les islamistes locaux. Ceux-ci représentaient la seule institution se réclamant d'une quelconque morale, par contradiction aux seigneurs de guerre qui étaient dominés par l'appât du gain. Les islamistes déclarent désormais vouloir établir la charia et sont hostiles aux Etats-Unis, qui luttent activement pour limiter l'expansion de l'islamisme dans le monde.

On se rend compte en fin de compte que les Etats-Unis sont à nouveau dans une logique d'affrontement mondial contre une doctrine concurrente, s'opposant de façon frontale aux valeurs qu'ils véhiculent. Nombreux sont ceux qui ont cru qu'après la chute de l'empire soviétique une ère de pays commencerait dans le monde, à l'ombre de la bannière étoilée. Mais la pax americana n'a pas duré longtemps. Et l'écroulement des deux tours du world trade center a marqué la fin de la naïveté, ainsi que la réalité d'un nouvel ennemi pour l'Occident. L'islamisme a remplacé le communisme à la place de doctrine totalitaire hostile aux Etats-Unis et à ses alliés, et la théorie des dominos, conçue pour représenter les risques de contagion de la doctrine communiste d'un pays à ses voisins, semble aujourd'hui s'appliquer à l'islamisme.

L'URSS a duré plus de soixante-dix ans, dont une cinquantaine d'année passée sous la forme d'une guerre froide avec les pays capitalistes. Le choc entre les islamistes et les pays donnant la liberté à leurs citoyens est donc bien parti pour durer, certainement plusieurs décennies. S'il faut construire ses stratégies à si longue échelle, il n'est pas étonnant que le gouvernement américain refuse encore de donner des dates de départ de ses troupes d'Afghanistan ou d'Irak...

mercredi 7 juin 2006

Le cas Zacharias, exemple de la gouvernance d'entreprise

Antoine Zacharias était le PDG de l'entreprise de BTP Vinci. Il avait une grande réputation dans sa tâche, et avec l'âge, il avait prévu de préparer sa succession. En début d'année, il a donc nommé Xavier Huillard au poste de directeur général de l'entreprise, afin qu'il puisse rester président du conseil d'administration sans responsabilités exécutives directes. Mais après la prise de contrôle des Autoroutes du Sud de la France, il a voulu s'octroyer une prime de huit millions d'euros, alors que son salaire, sa prime de départ, ses avantages en nature et sa pension de retraite étaient déjà incroyablement élevés. En tant que gestionnaire de l'entreprise, Xavier Huillard l'a refusé et a dénoncé cette prétention. Qu'à cela ne tienne, Antoine Zacharias supporte mal la contradiction et désire alors changer de successeur pendant qu'il a encore le contrôle de l'entreprise. Il souhaite nommer Alain Dinin, qui est à la tête de Nexity, quitte à ce que Vinci rachète 6 % de cette entreprise sans vraiment en avoir l'intérêt.

Tel est le cas Zacharias, où un grand patron fait prendre des décisions stratégiques à son entreprise dans son seul intérêt personnel. Ce genre de situations est déjà arrivé de nombreuses fois auparavant, et à chaque fois au prix de scandales mérités. Mais cette fois ci, le conseil d'administration a su prendre ses responsabilités : sous l'impulsion de la résistance de Xavier Huillard, une majorité a réussi à se créer contre le rachat des actions Nexity, et ce malgré la présence d'amis ou de clients d'Antoine Zacharias, tel que Alain Minc, un habitué de ce genre d'opérations. Désavoué, Antoine Zacharias a aussitôt démissionné. Voilà en tous cas un exemple où la gouvernance d'entreprise (qui définit la façon dont l'entreprise est gérée) a permis l'adoption de décisions saines. En effet, une grande critique des directions est que le conseil d'administration, émanation des actionnaires de l'entreprise, est perçu comme une chambre d'enregistrement de leurs décisions. Les membres du conseil manquent souvent d'éléments pour faire leur travail de contrôle, et/ou sont souvent dépendants d'une manière ou d'une autre du PDG, en en étant client, subordonné, membre de sa famille, ou en l'ayant à son propre conseil d'administration.

L'économiste John Kenneth Galbraith (décédé très récemment) avait depuis longtemps mis en évidence le fait que les décisions se prenaient davantage au sein du management de l'entreprise (la technostructure) plutôt que du côté des propriétaires de capitaux. En conséquence, le contrôle de ces décisions est grandement lacunaire. Dans les systèmes politiques, la séparation des pouvoirs est prônée pour éviter tant les erreurs que les abus, grâce à des contrôles réciproques et des intérêts délimités. L'idée peut aussi jouer dans l'entreprise : le management doit pouvoir être contrôlé. Et après de nombreux scandales s'étant pour certains terminés en faillites monumentales (affaires Enron, WorldCom), la volonté d'assainir les processus de gouvernance d'entreprise a vu le jour, avec en particulier une mesure singulière : l'entrée d'administrateurs indépendants dans les conseils d'administration, détachés des liens et pressions du management et des actionnaires, veillant uniquement à la bonne gestion de l'entreprise. De nombreuses autres pistes sont explorées, et ont été prônées, notamment dans le cadre du rapport Bouton (PDG de la Société Générale).

Dès lors, il devient très encourageant de s'apercevoir que dans le cas précis de Vinci, le conseil d'administration a réussi à garder la tête froide en s'opposant aux décisions d'Antoine Zacharias, qui abusait de l'argent de l'entreprise par cupidité. C'est un fait remarquable, et il est à espérer que le capitalisme français progresse dans cette direction.

mardi 6 juin 2006

Le prix des régularisations

C'est une surprise, Nicolas Sarkozy a décidé que les élèves nés et scolarisés en France se trouvant en situation irrégulière seront régularisés, ainsi que leur famille. Le ministère de l'Intérieur veut qu'il y ait des critères précis pour accepter ces régularisations, afin d'éviter les appels d'air que cela générerait auprès d'autres immigrés. Il faut dire que ce qui se passe dans d'autres pays d'Europe nous incite à être vigilant.

Ainsi, depuis une régularisation massive de plusieurs centaines de milliers de clandestins en Espagne suite à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement socialiste, ce pays est vu comme un pays qui accepte facilement l'immigration, encourageant de ce fait le départ de milliers de jeunes gens de leur pays d'origine. Les enclaves espagnoles en Afrique de Ceuta et Mellila se sont ainsi vues assiégées par des milliers de personnes. Puis, lorsque la fermeté des frontières a été rétablie, ce fut au tour des îles Canaries de voir l'afflux de milliers d'immigrés arrivant par bateau, dépassant tellement les capacités d'accueil qu'ils arrivèrent à être envoyé dans la métropole espagnole. Pourtant, l'Espagne n'a pas de place à offrir à toutes ces personnes, ni d'ailleurs le reste de l'Europe. A Calais, des centaines de clandestins vivent dans la même misère que celle qu'ils ont quittée dans leur pays d'origine. Il y a une sorte de mirage, d'eldorado de pacotille qui s'est formé dans l'esprit de ceux qui souhaitent émigrer clandestinement en Europe : ici, ils vivront une vie meilleure.

C'est pourtant loin d'être une possibilité certaine. Déjà, le choix de la clandestinité implique une faute originelle : quel peut être le signal d'intégration lorsque l'arrivée même sur un territoire est entachée d'illégalité ? Ensuite, les économies européennes sont loin d'avoir la croissance suffisante pour employer tous les bras disponibles des pays pauvres. Il y a bien quelques économistes fantasques qui réclament de l'immigration en invoquant le choc démographique que représentera le papy boom, mais au vu de la persistance du chômage en France ou en Allemagne par exemple, on peut douter qu'il y ait vraiment une forte de travailleurs étrangers. Et si cela venait vraiment à se produire, il sera toujours possible de réexaminer la situation. Mais dans ce cas, les travailleurs venus d'autres pays européens auraient la priorité, étant donné qu'il existe déjà des accords de libre circulation des travailleurs au sein de l'Union Européenne. Enfin, chaque vague d'immigration massive rend plus difficile l'assimilation de chaque immigré au sein de la communauté nationale. L'idéal étant, en effet, que chacun épouse complètement la culture du pays d'accueil, l'existence d'importantes communautés étrangères qui s'identifient en tant que telle n'est pas la meilleure chose.

Dans la mesure où l'immigration massive n'est donc pas souhaitable pour les pays d'accueil, elle ne l'est pas non plus pour les immigrés. Certes, il existe quelques success stories, mais la majorité n'aura à faire face qu'à une pauvreté plus ou moins prononcée. Le maintien dans la pauvreté et l'abandon nécessaire de la culture d'origine ne sont pas forcément des choses qu'il leur faut souhaiter. Au contraire, il est préférable d'informer les candidats au départ de la voie sans issue dans laquelle ils vont s'engager. Et en parallèle, aider leur pays à se développer, ou bien parfois les aider à se débarrasser des éventuels dictateurs qui sont la seule origine de leur pauvreté. Quoi qu'il en soit, encourager l'immigration clandestine ne fait qu'apporter des ennuis à tout le monde, immigrés comme accueillants. On peut dès lors s'interroger sur le sens des responsabilités du nouveau gouvernement Prodi en Italie, qui souhaite commencer son mandat par une régularisation massive d'immigrés clandestins et alléger les contrôles à ses frontières, favorisant ainsi l'immigration clandestine.

lundi 5 juin 2006

Droits homosexuels : quel est le problème ?

A cette question, il ne semble pas y avoir de réponse évidente. Les associations communautaires homosexuelles souhaiteraient que les relations de ce type soient banalisées. Pour ce faire, elles souhaiteraient que les homosexuels puissent se marier ou avoir des enfants, comme n'importe qui. On peut déjà se féliciter que le débat se fasse aujourd'hui sur de telles possibilités, alors qu'il n'y a pas si longtemps, les homosexuels étaient persécutés, ou au mieux, montrés du doigt. De nos jours, l'homophobie, bien qu'elle existe encore, est clairement condamnée. Et l'on se pose la question de savoir si les homosexuels peuvent avoir de nouveaux droits, et nul ne songe à les sanctionner pour ceux qu'ils sont. En l'occurrence, ils aimeraient vivre leur amour au grand jour, ce qui passe par une union civile, pour que leur conjoint aient des droits sur eux (comme l'héritage, la prise de décision dans les moments difficiles, la prise en compte par l'administration de leur vie en communauté avec un lien sentimental). Sans oublier bien sûr la force symbolique que représente l'union civile, et la célébration qu'elle permet.

Un premier pas a été fait dans ce sens avec l'instauration du PACS. Celui-ci se révèle semble-t-il incomplet néanmoins, et avouons-le, n'a pas la même connotation romantique que le mariage. Mais le mariage reste encore hors de portée des homosexuels. Pourquoi ? L'argument religieux peut difficilement jouer, dans la mesure où il n'est pas question que ce soient des mariages religieux, célébrés dans le cadre d'églises ou de temples. Si une religion ne reconnaît pas l'homosexualité comme une de leur composante, le principe de laïcité empêche évidemment qu'on puisse les forcer à le faire. Mais ce même principe empêche également que les doctrines religieuses influent sur la législation de l'Etat. Or nous ne parlons uniquement de mariages civils, célébré à la mairie. Le mariage homosexuel a été instauré en Belgique ou en Espagne sans aucune difficulté, ni aucun trouble à l'ordre public. Ce n'est donc pas comme s'il représentait un danger... Si une mesure peut faire du bien à quelqu'un sans causer le moindre tort à autrui, pourquoi devrait-on la refuser ? C'est pourtant de cette catégorie de loi que relève l'instauration du mariage civil pour les homosexuels.

Aux Etats-Unis, certains républicains essaient d'établir une loi fédérale interdisant le mariage homosexuel. Il y a déjà 37 Etats qui l'ont refusé, et un seul qui l'a promulgué (le Massachusetts). San Francisco l'avait autorisé, avant d'en être empêché par décision gouvernatoriale. Les raisons qui sont invoquées en faveur de l'interdiction dans ce débat sont le respect de la religion et de la tradition familiale. Ce sont des vues pour le moins étranges... Car elles relèvent d'une logique qui considère que l'homosexualité est une chose honteuse qui devrait être combattue, à l'instar d'une maladie... ou d'un délit naturel. La Bible condamne en effet l'homosexualité, et il est vrai que là bas il n'y a pas de laïcité érigée en principe fondateur de la République. C'est tout de même se tromper lourdement sur ce qu'est l'homosexualité : c'est un état de fait chez les personnes concernées, qui ne peut être "guéri", tout au plus caché. Mis à part ça, un homosexuel peut avoir les mêmes défaut et les mêmes qualités qu'un hétérosexuel. Certes, cela ne relève pas des moeurs "dominantes". Mais il n'y aucun danger à banaliser les homosexuels, car ce n'est pas comme une religion : personne n'est converti à l'homosexualité, ceux qui le sont sont nés ainsi.

Un autre argument parfois évoqué est celui de l'homoparentalité : le mariage homosexuel serait la voie vers l'autorisation d'avoir des enfants pour les homosexuels. Et alors ? Ils peuvent déjà en avoir, par leurs propres moyens : ce peut être des parents qui font leur coming-out après la naissance de leurs enfants, ou bien ils peuvent en faire en commun accord avec des amis. Peut être il y a-t-il un fantasme selon lequel un enfant élevé par des homosexuels le deviendrait lui aussi nécessairement. C'est absurde, il a été prouvé qu'il n'y avait aucune incidence, et l'homosexualité ne relève pas d'un héritage sexuel. On peut peut-être mieux comprendre ceux qui pensent que la meilleure façon d'élever des enfants est la famille traditionnelle, avec un père et une mère ? Ce n'est pourtant pas un obstacle insurmontable pour élever un enfant, et à travers les familles où les parents étaient divorcés, ou bien où l'un des parents était décédé, on a vu qu'il était possible de grandir de façon saine. L'important en somme, est que l'enfant soit aimé. Et à ce niveau là, une famille "traditionnelle" n'est pas une garanti que l'enfant soit élevé d'une façon impeccable, car des situations d'enfants battus arrive autant dans ces familles là que dans les autres. Quant à l'adoption, il serait absurde de refuser à un orphelin la possibilité d'avoir des parents sous le prétexte qu'ils sont homosexuels. La vraie catastrophe est qu'un enfant n'ait pas de parents...

En somme, il n'y a aucun argument solide qui puisse être opposé au mariage homosexuel ou à l'homoparentalité. Pourquoi donc tant de controverses ? On peut imaginer qu'il faut du temps pour que les mentalités changent, et dans ce cas nous sommes dans la bonne direction. Très bientôt, l'homosexualité se sera suffisamment banalisée pour ne plus à avoir à défendre des droits, qui iront d'eux-mêmes.

jeudi 1 juin 2006

Pour la recherche

Pour les pays occidentaux, il est difficile de se maintenir au sein de la compétition industrielle mondiale lorsque le facteur prix devient le plus important. En effet, le niveau des salaires élevé par rapport aux pays émergents fait qu'il est plus avantageux de produire dans les pays aux bas coûts de production, car même les frais de transport supplémentaires ne suffisent pas à entamer la compétitivité prix des produits fabriqués. La théorie (confirmée par les faits) de cycle de vie des produits nous apprend qu'un nouveau produit connaît d'abord une phase de croissance des ventes après avoir été introduit où les prix sont élevés, car il est nécessaire d'amortir de lourds frais de développement. Lorsque le marché se développe, il devient possible de générer des économies d'échelles, permettant ainsi une baisse des prix, et donc la démocratisation du produit. Lorsque le produit devient mature, la taille du marché attire l'arrivée de concurrents qui feront encore plus baisser les prix. A ce stade, la production des produits manufacturés est souvent délocalisée dans les pays aux bas coûts de production. Au fur et à mesure que le produit se banalise, il est vendu à un prix si bas que sa production, même délocalisée, n'est parfois plus intéressante pour la firme qui l'a créé. Tout ceci montre qu'il est presque vain de vouloir être compétitif sur les produits matures, il est bien plus préférable d'avoir la haute main sur des produits récents, apportant un plus par rapport à la concurrence bon marché qui justifiera que les consommateurs le paieront plus cher. Une forte qualité peut être ce plus, l'image de marque allemande en a beaucoup profité. Le caractère innovant des produits peut l'être aussi. Pour cela, il est nécessaire d'avoir une recherche forte, fondamentale bien sûr, mais aussi appliquée, afin de développer de nouveaux produits.

Les entreprises ne devraient donc jamais négliger leurs budgets de recherche et développement. La France a laissé passé les trains de l'électronique grand public et de l'informatique pour avoir n'avoir pas cherché du tout à innover dans ces domaines. Aujourd'hui, de solides entreprises, respectivement japonaises et américaines, dominent ces domaines très en vue sur les marchés actuels. La France est forte dans les domaines de l'agronomie, du tourisme et du luxe, mais il faut veiller à pouvoir avoir un rôle dans les secteurs clés de demain. Actuellement, la France se concentre surtout sur la recherche fondamentale. C'est en tous cas l'orientation prise par la recherche publique. Le développement des connaissances est certes une quête intéressante, mais ne rien en faire confine à l'absurde. C'est pourquoi il est nécessaire de se soucier des applications concrètes de la recherche fondamentale, et confier ses fruits à la recherche appliquée.

"Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche." Cette phrase attribuée au Général de Gaulle reflète bien le paradoxe de la recherche déconnectée des réalités. Dans de nombreux organismes et au sein de la recherche universitaire, le seul but de nombreux chercheurs réside dans la reconnaissance par leurs pairs. Une publication de leur article dans une grande revue, un prix prestigieux font leur succès. Mais comment les peuples pourraient se contenter de cela ? Ce serait refuser toute finalité à la recherche. Il faut donc établir des liens entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, quitte à ce que ces liens se fassent entre chercheurs publics et entreprises. Un chercheur devrait pouvoir être évalué sur les brevets que ses découvertes permettent de déposer, ou tout du moins sur leurs applications pratiques. Les entreprises peuvent également s'adonner à la recherche fondamentale. Quoi qu'il en soit, ses applications pratiques ne doivent jamais être négligées, et doivent représenter la finalité prioritaire. Une entreprise peut financer de la recherche fondamentale avec un objectif précis, pour permettre une innovation désirée, ou si elle a des moyens financiers conséquents, financer une recherche fondamentale exploratoire, dont les applications ne seraient pas encore connues au départ. C'est la stratégie que peuvent se permettre Microsoft ou Google actuellement.

Dans le domaine de l'informatique justement, le Palo Alto Research Center (PARC) était un centre de recherche fondamentale financé par le fabriquant de photocopieurs Rank Xerox au début des années 1980. Les esprits brillants qui y travaillaient eurent des idées novatrices, transformées en remarquables innovations, telles que l'interface graphique ou la souris. Mais les dirigeants de Rank Xerox firent peu attention à ces trouvailles, et laissèrent Steve Jobs d'Apple se les approprier lors d'une visite au PARC. Cette histoire montre l'effort double à accomplir, d'une part du côté de la recherche fondamentale pour se transformer en innovations, et d'autre part du côté des entreprises et administrations pour les accepter, en faisant face au changement et permettre de s'adapter constamment.

Mais il n'y pas qu'au niveau des entreprises où la recherche est primordiale. Certains domaines de recherche font l'objet d'une attention marquée, qu'il faut encourager. La recherche sur l'énergie doit être un pilier des efforts accomplis, car il faut trouver de nouvelles sources d'énergie, qui polluent moins ou qui permettent de se passer du pétrole, ou mieux encore, de faire les deux à la fois. Il y a là une exigence tant économique qu'environnementale. De grandes espérances reposent donc dans le projet ITER de réacteur nucléaire à fusion. Mais il y a aussi le domaine de la santé, où la recherche fondamentale sur la biologie permettent à force d'efforts la découverte de nouveaux traitements pour chaque maladie.

En 2002, le candidat Jacques Chirac avait souhaité que les montants investis en recherche atteignent les 3 % du PIB. Au vu des controverses qui ont lieu à propos de la recherche publique au cours de son mandat, on peut penser qu'on est encore loin du compte. Rappelons donc la nature prioritaire que doit avoir la recherche tant pour l'Etat que pour les entreprises.
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