Réflexions en cours

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mercredi 24 octobre 2007

Deux pour le prix d'un

Lorsqu'en 1992, Bill Clinton était candidat à la présidentielle américaine, beaucoup remarquèrent le profil atypique de sa femme. Atypique pour une épouse de politicien, car elle était une brillante avocate d'affaire, une femme indépendante avec ses propres idées politiques. La force de caractère de Hillary Clinton et son envie de changer les choses l'avaient transformé en élément propre de la candidature de Bill, tant et si bien que celui-ci décida d'assumer le fait, en déclarant que voter pour lui serait "en avoir deux pour le prix d'un". Deux leaders unis à la Maison Blanche en fait. Une fois Bill élu, Hillary s'impliqua dans l'administration avec un plan de réforme du système de sécurité sociale aussi ambitieux que voué à l'échec, du fait de l'opposition acharnée des républicains. Hillary resta aux côtés de son mari lorsque celui dut faire face à Monica Lewinski et aux procureurs républicains, et quand le pouvoir de Bill diminuait du fait de son prochain départ de la Maison Blanche, elle commençait à faire campagne pour un poste de sénatrice dans l'Etat de New York, ce qui en fin de compte, ne fut pas une grande surprise. Et dès ce moment là on commença à spéculer sur le fait qu'elle pourrait vouloir revenir à la Maison Blanche en se faisant élire sur son propre prénom. Et sept ans plus tard, nous y voilà.

Hillary Clinton est si connue et tellement considérée comme une candidate inévitable qu'elle domine outrageusement les sondages sur les prochaines primaires démocrates. Bon nombre de médias considèrent même que la course est déjà jouée, mais c'est là une erreur fondamentale. Les primaires peuvent tout à fait réserver une surprise, les exemples de 2004 en étant les derniers et les meilleurs exemples. Il reste que si la campagne pour les primaires a débuté en janvier dernier, Hillary Clinton s'emploie depuis des années à incarner la candidature démocrate pour 2008. Déjà en 2004, son nom avait été évoqué, mais elle savait que c'était trop tôt, après seulement quatre années de présence au Sénat. Barack Obama ferait bien de penser à cela par ailleurs. Sa domination dans les sondages fait que le débat est d'ores et déjà cristalisé autour d'elle, une bonne partie des autres prétendants démocrates faisant l'erreur de l'attaquer plus ou moins frontalement. Mais elle peut compter sur une logistique bien huilée en matière de campagnes électorales, s'appuyant pour cela sur les réseaux qu'a son mari au sein du parti démocrate.

Car la présence de Bill dans le cercle de ceux qui la conseillent n'est pas anodine. Hillary est évidemment la candidate de la continuïté avec la politique de l'administration Clinton entre 1992 et 2000, une période marquée par une forte croissance économique aux Etats-Unis et une paix relative. Bill Clinton avait permis le retour des démocrates au pouvoir en pronant une politique très centriste, dans le sens où les démocrates essayaient de ne pas gêners les conservateurs, qu'ils le soient sur les thèmes sociétaux ou économiques. En faisant partie elle aussi de l'aile droite des démocrates, Hillary Clinton s'attire bien sûr l'hostilité des plus militants. Mais dans le cadre d'une confrontation avec un candidat républicain, cette position sera un avantage indéniable. De plus, la présence de son mari à ses côtés ne pourra que rassurer, car une fois au pouvoir, la surprise sera faible. Si aujourd'hui Hillary Clinton ne répete pas les mêmes mots que son mari en 1992, il ne fait guère de doute que sa candidature joue à nouveau sur la possibilité d'envoyer deux leaders à la Maison Blanche pour le prix d'un.

lundi 22 octobre 2007

L'ouverture des magasins le dimanche

A l'heure du "travailler plus pour gagner plus", le thème de l'ouverture des magasins le dimanche est plus que jamais en débat. S'il n'était remis sur le devant de l'affiche pour des considérations politiques, le sujet ferait quand même parler de lui dans les médias du fait des quelques exceptions qui ont déjà cours, que ce soit dans les zones touristiques, ou pour quelques centres commerciaux qui ont déjà pris cette habitude depuis un certain temps. Ceux qui pratiquent déjà l'ouverture le dimanche ne reviendraient pour rien au monde en arrière, constatant la part énorme des ventes réalisées ce jour là dans leur chiffre d'affaire. Si la consommation est plus forte le dimanche, est-ce que cela veut dire qu'une ouverture généralisée des magasins le dimanche signifiera une hausse de la consommation nationale, et donc de la croissance ? Cela n'est pas certain, dans la mesure où il est possible que les ventes réalisées le dimanche ne soient qu'un transfert de ventes qui auraient été de toutes façons réalisées les autres jours de la semaine.

Faut-il pour autant interdire l'ouverture des magasins le dimanche ? L'interdiction provient surtout de la volonté de ne pas faire travailler de gens le dimanche, mais s'il est normal qu'une législation existe sur les repos obligatoires, elle ne doit pas avoir forcément comme but de réglementer les jours où ces repos ont lieu. Et pour cette question, le fait que le chiffre d'affaire réalisé le dimanche soit de loin supérieur à celui réalisé les autres jours montre bien que les consommateurs voient un grand avantage pratique à la possibilité d'avoir un peu moins de contraintes dans les périodes où il est possible de faire ses courses. Il est en effet absurde que les jours et les horaires où l'on est sûr que les magasins soient ouverts soient ceux où une majorité de la population travaille, ne pouvant donc s'y rendre. Aux travailleurs aux horaires standards, seul le samedi permet de s'acquitter de cette tâche nécessaire. Le nombre de consommateurs suivant ce raisonnement est tellement élevé que cela se transforme pour bon nombre d'entre eux en un moment supplémentaire de cohue et de stress.

Ouvrir les magasins le dimanche est donc un bon moyen de faciliter la vie de la population. De l'autre côté, il faut aussi considérer la vie des vendeurs et de tous ceux qui sont impliqués dans la chaîne logistique permettant cette ouverture. Celle-ci entraîne des contraintes certaines sur la vie familiale. Mais plutôt que de réglementer le commerce pour l'interdire le dimanche, pourquoi ne pas l'encadrer tout simplement ? Il doit être possible d'inscrire des dispositions obligeant les vendeurs à avoir un jour de repos le week-end, et il est également possible, et même souhaitable, que le travail le dimanche soit payé à un taux horaire largement plus élevé que celui en semaine. C'est déjà le cas dans bon nombre de situations, mais le mécanisme pourrait servir de socle dans le cadre d'une généralisation de l'ouverture des magasins le dimanche. Ou plutôt d'une possibilité d'ouverture des magasins le dimanche. Car avec un tel cadre réglementaire, ce serait aux responsables de voir si une telle ouverture serait vraiment profitable, et in fine, ce serait alors le marché qui déciderait. Avec l'éventualité d'augmenter le pouvoir d'achat de ceux travaillant le dimanche.

samedi 20 octobre 2007

Le Parti Populaire espagnol

Lorsque tout va bien au niveau économique dans un pays, d'autres thèmes font invariablement surface pour occuper le devant de l'actualité. C'est le cas de l'Espagne aujourd'hui, qui se paie le luxe de voir ses polémiques se concentrer sur la mémoire du franquisme ou la place de l'Eglise. Actuellement, l'Espagne connait un taux de croissance largement supérieur à 3 %, le taux de chômage est en chute libre, et la performance économique est d'autant plus remarquable qu'au début des années 90, l'Espagne présentait encore un profil de pays pauvre en Europe, avec un taux de chômage de 20 %, quand celui-ci n'est plus que de 7 % de nos jours. Ainsi, quand l'Espagne accueillait les Jeux Olympiques et une exposition universelle en 1992, elle souffrait malgré les trompettes qui résonnaient. Mais au cours de la deuxième moitié des années 90, l'Espagne a rebondi de façon incroyable, justement au moment où le Parti Populaire pris le pouvoir en 1996, en mettant José Maria Aznar au pouvoir. Cette réussite éclatante fut portée à son crédit, tant et si bien que lors des élections de 2000, le Parti Populaire fut reconduit sans difficulté, laissant loin derrière le Parti Socialiste Européen. Mais en 2004, alors que l'Espagne continuait à bien se porter économiquement parlant et que le Parti Populaire était largement favori pour les nouvelles élections, celui-ci fut battu, de très peu certes, et surtout à cause d'une question de politique étrangère (José Maria Aznar ayant accompagné les Etats-Unis dans l'escapade irakienne, et mis le attentats de Madrid sur le dos des terroristes basques, à tort).

José Luis Zapatero a succédé à José Maria Aznar au poste de chef du gouvernement, en étant appuyé par une majorité de gauche. Il n'a d'ailleurs pas vraiment modifié la politique économique mise en place par son prédécesseur, ce qui a d'heureuses conséquences. Pourtant le conflit est fort entre le Parti Socialiste Espagnol et le Parti Populaire, les attaques échangées ayant une certaine violence verbale que l'on retrouve rarement dans le reste de l'Europe. Mariano Rajoy, l'héritier de José Maria Aznar à la tête du Parti Populaire, regrette certainement la défaite, quand l'avenir semblait tant promis à son camp. Quelques mois auparavant, cette famille politique avait démontré l'efficacité de sa politique au plan intérieur, et bénéficiait d'un soutien important de la part de la population. Créé par une alliance entre libéraux, chrétiens démocrates et conservateurs, le Parti Populaire était le modèle assumé de l'UMP française lorsque celle-ci fut fondée par Alain Juppé. José Maria Aznar avait réussi à refonder une droite moderne, ancrée dans l'Europe, alors que la droite était auparavant largement associée au règne de Franco dans la tête des Espagnols. C'est de cette façon que Felipe Gonzales avait réussi à garder le pouvoir 14 ans, de 1982 à 1996.

La droite espagnole reste un modèle pour toutes les droites européennes. Evidemment, il y a les propositions politiques qui sont enrichissantes pour les voisins, si ceux-ci essaient d'appliquer chez eux ce qui a fonctionné en Espagne. Mais il y a aussi l'esprit général adopté par le Parti Populaire qui peut inspirer. L'adjectif "populaire" est particulièrement intéressant, car il exprime la volonté d'amener la politique au niveau du peuple, pour que celui-ci se l'approprie afin que celle-ci ne soit pas le seul fait d'une élite. Cela traduit aussi le fait que la droite n'est plus complexée, elle assume ses idées, des idées au service de l'intérêt général. En France, comme en Espagne, la droite a longtemps été suspectée d'être le camp des méchants, à cause de compromissions avec des dictatures par le passé. Si l'on a rien à se reprocher, il n'y a pas lieu de constamment s'excuser. L'Union pour un Mouvement Populaire se veut proche du Parti Populaire espagnol, et il n'y a à vrai dire peu de choses qui les sépare. Dès lors, on entrevoit la possibilité d'un véritable mouvement de droite pan-européen. Un mouvement populaire...

jeudi 18 octobre 2007

L'Europe des régions

L'Europe héberge un nombre incroyable de nationalismes régionaux. Depuis l'établissement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui apparaissait en filigrane de la première guerre mondiale, l'heure n'est certes plus aux immenses empires multi-ethniques comme l'était celui d'Autriche-Hongrie, mais il existe toujours des mouvements pour diviser les pays en petits morceaux, afin de correspondre à telle ou telle identité régionale. Cela se passe par exemple en Grande-Bretagne, que certains Ecossais voudraient bien quitter pour créer un Etat écossais indépendant. C'est encore plus visible en Belgique, qui semble plus que jamais menacée de se séparer en deux ou en trois. La Yougoslavie n'en finit plus de se morceler, alors que le Kosovo et le Monténégro sont très tentés de se couper définitivement de la Serbie. Même en Italie, la solidarité entre le Nord et le Sud ne paraît plus être une évidence. La France n'est évidemment pas éloignée de cette tendance, même si elle a fini par s'habituer au bruit de fond produit par les indépendantismes corses/bretons/basques, etc. Les Basques posent d'ailleurs un problème autrement plus grave en Espagne, vu qu'il existe des organisations politiques et terroristes pour œuvrer dans ce sens. Nombreux sont ceux qui considèrent le cas du divorce à l'amiable Tchécoslovaque comme un modèle, et souhaiteraient que leur territoire puisse accéder à l'indépendance de la même façon.

Il faut néanmoins noter qu'en Tchécoslovaquie, un tel divorce fut possible parce que les entités étaient à peu près semblables, aucune ne croyant dominer l'autre. Mais la solution privilégiée pour l'instant est l'établissement de statuts autonomes pour les régions qui souhaitent s'éloigner d'un pouvoir central ne les représentant pas assez bien à leur goût. L'Allemagne est fédérale depuis la dernière guerre mondiale, cette organisation s'est bien appliquée aux Länder venant de la RDA, et aujourd'hui la Bavière est très heureuse de ses particularismes locaux par exemple. En Espagne aussi, le modèle est fédéral, ce qui garantit une autonomie conséquente à chacune de ses régions (appelées justement communautés autonomes). En France, s'il y a un mouvement de régionalisation, aucune région n'est vraiment autonome pour autant. Du reste, l'autonomie ne semble pas toujours suffit, comme on le voit chez les Basques et les Flamands. Alors l'hypothèse de nouveaux Etats en Europe ressurgit, ce qui peut sembler paradoxal alors que le projet de construction européenne a justement pour objet de rassembler les pays sur des dossiers qui nécessitent une coopération extra-nationale.

Un concept théorique possible permettant de concilier les deux tendances serait la mise en place d'une Union Européenne fédérale, qui regrouperait non pas de grands Etats, mais seulement les différentes régions, de tailles similaires, à travers l'Europe. Régions françaises, Länder allemands, communautés autonomes espagnoles, Wallonie, Flandres... Il y aurait des dizaines de ces ensembles à regrouper de cette façon. Et ce d'autant plus qu'ils existent déjà à l'heure actuelle. De fait, cela équivaudrait à une quasi-disparition des Etats regroupant ces régions. Ce serait un autre tort, car l'Histoire a montré que les nations divisées mettaient beaucoup d'énergie à se regrouper. Alors que l'Autriche-Hongrie était un attelage instable, la Prusse, la Bavière et de nombreuses principautés travaillaient à reconstituer l'unité allemande, pendant le XIXème siècle. Il est donc certain que le concept d'Europe fédérale des régions n'est pas viable, mais l'idée de la coopération directe entre les institutions européennes et ces mêmes régions demeure. Et existe déjà, dans une certaine mesure, via les fonds régionaux d'aménagement, l'un des principaux budgets de l'Union Européenne. Face à ces indépendantismes récurrents, cela peut être une voie à explorer avec plus de profondeur.

mardi 16 octobre 2007

Restaurer les finances publiques françaises

Une bonne partie de la politique économique envisagée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était candidat à la présidentielle, a été adoptée par le biais du "paquet fiscal", caricaturé comme un plan de réductions fiscales envers les plus riches, alors qu'il était constitué de mesures telles que la défiscalisation des intérêts immobiliers pour que les ménages puissent accéder plus facilement à la propriété, ou bien l'exonération des heures supplémentaires, pour encourager la hausse du pouvoir d'achat par davantage de travail. Certes, la suppression d'une grande partie des droits de succession n'était pas justifiée. Mais les mesures sont loin d'être toutes dénuées de pertinence. Si les prélèvements fiscaux restent très importants en France, c'est qu'ils sont à la mesure des dépenses, et leur sont même inférieurs. Car la France subit un déficit public annuel conséquent, de l'ordre d'une quarantaine de milliards d'euros... l'équivalent des sommes versées au service de la dette. Dette qui s'est justement constituée au fur et à mesure de ces déficits. La France, par ce cercle vicieux, creuse sa tombe. Elle est en faillite, dit François Fillon métaphoriquement. Alors il faut en tirer les conséquences. Maintenant que les recettes fiscales de l'Etat devraient être réduites (au moins sur le court terme) par les exonérations qui ont été décidées, il est désormais temps de faire diminuer la dépense publique, d'une façon plus que proportionnelle. Car la restauration de finances publiques saines est une exigence qui dure depuis des décennies, même si sa prise de conscience date des dernières années. Et pour réussir, il faut s'en donner les moyens.

Le président de la Cour des Comptes, Philippe Séguin, se fait le porte-parole de son institution lorsqu'il dénonce les gaspillages et les mécanismes coûteux et peu efficaces. Les rapports rendus par la Cour des Comptes représentent une source d'inspiration constante quant aux sources d'économies possibles. Philippe Séguin a notamment lancé le mois dernier l'idée de la fin des exonérations de cotisations sociales sur les stock options, mais des pistes sont également lancées pour certaines réorganisations des services de l'Etat qui diminueraient les coûts et amélioreraient l'efficacité. La Cour des comptes n'est du reste pas la seule voie disponible pour diminuer les dépenses de l'Etat. Nicolas Sarkozy entendait s'appuyer sur le non-remplacement de un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Pour le budget 2008, il n'est plus question que d'un sur trois. Ce budget est en fait une véritable déception, dans la mesure où il s'appuie sur des prévisions de croissance optimistes, et prévoit un gel des réductions des déficits, alors qu'ils devraient être combattus sans répit. Le prochain budget manque tout simplement d'ambition.

Il serait pourtant possible d'être plus radical en la matière. La chasse aux gaspillages et le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sont des outils de départ pour arriver à l'objectif, mais il faudrait commencer par se forcer dès le départ à ne pas voir le déficit comme une bienveillante possibilité, mais comme un ennemi implacable. Pour cela, il faudrait décider de la non-augmentation de la partie dépenses du budget, et cela en volume. Ainsi, les rentrées supplémentaires d'une année sur l'autre en effet valeur d'une part, réalisés par la croissance d'autre part, seraient automatiquement attribuées à la réduction du déficit de l'Etat. Evidemment, cela supposerait un effort important de la part des diverses administrations, mais tous les ministères n'ont pas la même priorité à l'heure actuelle. Les deux priorités présentes sont le ministère de la Justice d'une part, et celui de l'Enseignement Supérieur et de la recherche d'autre part, qui doivent impérativement voir leur budget augmenter. Certains ministères peuvent se contenter de crédits stables d'une année sur l'autre, il s'agit là surtout des ministères de l'Intérieur, de la Défense et de l'Environnement. Les autres doivent vraiment réduire leur train de vie de façon conséquente.

Bien sûr de telles mesures sont forcément impopulaires, chaque chapelle mesurant sa valeur supposée à l'aune des augmentations de crédits obtenues. Mais cela ne suffirait d'ailleurs pas, vu que les déficits publics ne concernent pas le seul Etat, mais aussi ses différentes administrations ou entreprises publiques. Le trou de la sécurité social reste toujours aussi béant, et le déficit de la SNCF vient d'être intégré aux déficits publics comptés par la Commission Européenne. Face aux réformes à venir ou en cours, les corporatismes sont déjà à l'œuvre, comme le montre la grève des transports en commun décidée pour le 18 octobre. C'est pourtant de l'intérêt général dont il s'agit. En 1995, la France a raté la possibilité d'un changement profond, et elle en paye le prix depuis. Le 5 décembre 1995, le Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, déclarait "les yeux dans les yeux" aux Français à propos de sa réforme : "Je ne retirerai pas le plan de sauvegarde de la Sécurité Sociale parce que ce serait une erreur, et je dirais même une faute que de le faire. Cela irait contre l'intérêt de chacun et chacune d'entre vous, et contre l'intérêt de la France." Il avait raison. Mais il a fini par le retirer, ce qui fut bien une faute, et on en mesure les lourdes conséquences aujourd'hui. Les difficultés à venir qu'il présentait alors font désormais partie de notre quotidien. Voilà pourquoi la France ne doit plus reculer, et qu'il faut procéder aux bouleversements nécessaires. Et cela commence par l'élimination des déficits.

dimanche 14 octobre 2007

L'éléphante

La défaite sévère de Ségolène Royal ne l'empêche pas de vouloir devenir Présidente de la République française un jour. A l'instar de François Bayrou, son discours de concession constitua sa première rampe de lancement pour la prochaine présidentielle. Pour qu'elle puisse y arriver, il faudra d'abord qu'elle comprenne les raisons qui l'ont fait perdre cette année, alors que l'insatisfaction envers le gouvernement était forte, et le jeu de l'alternance était devenu une habitude. Déjà, il faut reconnaître qu'elle a eu la sincérité d'admettre que son programme économique n'était pas crédible. C'était en effet l'une des principales raisons de son échec. Le mieux aurait pourtant d'en tirer les conséquences dès le départ, en présentant un programme économique qui aurait été crédible, surtout qu'avec la phase des débats participatifs, elle en aurait eu largement le temps. Cela amène à dire que malheureusement, il n'y avait pas que son programme économique qui n'était pas crédible, la candidate l'était aussi. Mais ça, elle ne l'admettra évidemment pas. Elle préfère rejeter la faute sur des éléments qui ne sont pas sous son contrôle pour mieux se dédouaner. Ils sont principalement au nombre de trois, soit le traitement des médias, le machisme des électeurs et le comportement de son propre parti politique.

Ségolène Royal se mit à attaquer les médias pour leur partialité supposée favorable à la droite lorsqu'elle constata qu'elle ne tenait plus le haut de l'affiche dans les sondages. C'est pourtant paradoxal de sa part de les accuser, dans la mesure où elle a été elle-même largement aidée par l'ensemble des médias pendant la primaire à l'intérieur du Parti Socialiste, qui la présentait comme une personne fraîche, conquérante et populaire, tournant au final comme une boucle : plus les médias parlaient d'elles, plus l'excitation grandissait autour d'elle, permettant aux médias de parler de phénomène. Du reste, l'accusation des médias était aussi un moyen pour elle de faire un appel du pied à François Bayrou et à son électorat, qui a commencé sa campagne électorale en s'en prenant à TF1, qu'il accusait de ne s'intéresser qu'à Nicolas Sarkozy et à Ségolène Royal justement. Quant à la part de machisme qui règnerait chez les Français, les rendant réticents à voter pour une femme, on peut penser qu'elle a été contrée par l'envie d'une autre partie de l'électorat d'avoir une femme pour Président, quelle qu'elle puisse être.

Mais l'explication de la défaite qui semble être la plus utilisée semble être celle des difficultés posées par les "éléphants", ces poids lourds du Parti Socialiste qui lui auraient mis des bâtons dans les roues pendant sa campagne par dépit de ne pas être à sa place. Evidemment, un bon nombre de personnalités du Parti Socialiste étaient loin d'être enchantées de l'avoir pour candidate... Mais c'est surtout parce qu'ils percevaient bien son absence de crédibilité justement. Elles firent de leur mieux en participant aux événements lorsqu'ils étaient sollicités par Ségolène Royal, et se turent le reste du temps, ne voulant pas être accusées de jouer contre leur camp. L'accusation fut pourtant lancée par les "royalistes", qui auraient voulu que les éléphants aillent sur les plateaux de télévision pour en dire du bien et affirmer qu'elle était crédible, quitte à mentir.

Depuis la rentrée, les livres se succèdent à gauche pour expliquer la défaite, et cela se transforme en débat pro et anti- Royal. Elle devrait elle-même en publier un sur ce sujet. Mais refusant de s'interroger sur ses qualités personnelles, elle a réussi, d'après les enquêtes d'opinions, à rejeter la faute sur les éléphants, devenus des boucs émissaires pour rester dans le vocabulaire animalier. Mais considérant qu'elle est désormais une personnalité de poids au sein du Parti Socialiste, et qu'il y a une probabilité forte qu'elle cherche à en devenir la Première Secrétaire lors du prochain congrès, elle aura de plus en plus de mal à se démarquer de ses concurrents à gauche. Car, si elle ne le perçoit pas, il n'en reste pas moins que cela fait longtemps qu'elle est elle-même devenue l'un de ces éléphants, en devenant la candidate endossée par son parti. Elle a voulu prendre le parti comme un élément extérieur, via une organisation parallèle, Désirs d'avenir, et s'étonne ensuite de ne pas être unanimement acceptée. Les jeux de pouvoirs ont pourtant toujours été la règle au sein du Parti Socialiste. Et pour se maintenir au premier rang, Ségolène Royal n'aura pas le choix et assumer son statut d'éléphante.

vendredi 12 octobre 2007

De la droite française aux droites en Europe et dans le monde

Au cours des précédents billets sur les différentes familles de pensée de la droite, on a vu les nuances en terme d'idéologies entre chaque courant, telles qu'elles se sont souvent reflétées dans leurs histoires respectives. Il est possible d'imaginer une sorte de synthèse de ces différentes tendances, qui pourrait constituer un socle commun à la droite d'aujourd'hui et de demain. En reprenant les points forts de chacun, ce socle commun peut être fait de telle façon :

- la droite suit un engagement fort en faveur de la construction européenne. C'est le grand mérite des chrétiens démocrates de s'être fait les avocats constants de cette cause, pourtant difficile, comme on le voit depuis des décennies, nécessitant diplomatie et ambition. Cela signifie évidemment s'opposer aux souverainistes qui croient que la France est plus efficace seule, et encore plus aux nationalistes, qui sont par principe hostiles à ceux qui habitent au-delà de nos frontières. Trop souvent, ces dernières influences sont encore trop présentes, alors qu'il serait souhaitable que l'Europe soit un sujet de consensus national, et a fortiori à l'intérieur de la droite. Ce qui ne signifie pas considérer que tout ce qui vient de l'Union Européenne est nécessairement bien en soi, mais plutôt qu'il faut être prêt à améliorer ce qui ne va pas si tel est le cas, et à servir l'intérêt général à chaque niveau de décision.

- la droite souhaite que la France dispose d'institutions solides, lui permettant de traverser les éventuelles crises. Le principal héritage du gaullisme est bien la Vème République, qui a redonné des compétences au pouvoir exécutif et a diminué le rôle des pures combinaisons politiciennes et des jeux de chambres interminables qui aboutissaient à l'instabilité gouvernementale. Dès lors, le changement de ces institutions doit être considéré avec une précaution infinie, vu l'équilibre que la France a réussi à trouver depuis une cinquantaine d'années. Désormais, ce ne sont plus les institutions qui posent vraiment problème, c'est davantage le personnel politique s'il ne se donne pas les moyens de faire les réformes nécessaires.

- la droite se montre attachée à la République, à l'humanisme et à la laïcité. C'est l'héritage de la famille radicale... entre autres. Il n'y a que la gauche qui considère souvent être la seule à défendre les valeurs humaines, c'est la tâche de tous. Quant à la laïcité, elle n'est pas synonyme d'un athéisme obligatoire. Il s'agit de respecter les religions et de laisser libre les pratiques religieuses si celles-ci se font dans le cadre privé. - la droite est favorable a une certaine liberté sur le plan économique. Il ne s'agit pas là de croire naïvement à la perfection des apports de la main invisible, mais plutôt de constater d'une part que le capitalisme est le meilleur système productif qui existe, et d'autre de trouver le meilleur dosage quant à l'intervention de l'Etat. Actuellement, la France se repose un peu trop sur un Etat providence qui, en plus d'être coûteux, ne donne pas les résultats espérés sur les plans économiques et sociaux.

- enfin, la droite n'a pas peur du rétablissement une certaine autorité, déjà pour lutter contre le sentiment d'impunité en matière de respect des lois, mais également dans l'éducation, qu'il y en ait juste suffisamment pour que chaque enfant ait suffisamment de valeurs morales pour ne pas mal agir. Les voitures brûlées par exemple ne sont en aucun cas normal, mais ça ne s'arrête pas à ce simple point. Par contre, il n'y a pas grand chose à prendre au sein des véritables conservateurs, qui tendent davantage vers l'extrême droite.

Cela peut être considéré comme un début. Mais avant d'aller plus loin, on peut faire le pari qu'il y a également des leçons à apprendre des familles politiques qui agissent dans les autres pays d'Europe, ou bien du monde. Pour envisager l'avenir de la droite française, il peut être intéressant d'entamer une réflexion sur les différentes droites à l'étranger, comme une contribution à la pensée politique sur laquelle on se repose.

mercredi 10 octobre 2007

Le principe de subsidiarité

L'un des thèmes qui avaient fait débat lors du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen était le principe de subsidiarité. Celui-ci veut qu'un échelon dans les administrations (ville, pays, Union Européenne, etc.) ne s'occupe d'une question que si les échelons inférieurs sont incapables de le résoudre. Ce principe est presque indissociable des raisons qui poussent justement à la construction européenne : le but est que les pays travaillent sur des politiques communes dans les domaines où, isolés, ils seraient moins efficaces. Ce qui en découle est donc que l'Union Européenne n'a pas à se préoccuper de sujets où une action nationale suffirait. Pourtant, le travail de la Commission Européenne est souvent considéré comme intrusif, ses décisions s'appliquent aux pays comme des ordres tombés du ciel, dont on connaît peu les tenants et les aboutissants. Ce peut être la conséquence d'une mauvaise information vis-à-vis des processus de décisions européens, mais bien souvent, la justification de l'action de la Commission Européenne est floue, et se pose alors la question "En quoi est-ce que cela les regarde ?".

L'Union Européenne voit ses compétences divisées entre les compétences exclusives (dont les Etats ne s'occupent pas), et les compétences partagées (où elle a prééminence sur les Etats). Les compétences exclusives concernent ce qui fait d'elle un marché unique (tarif extérieur, réglementation sur le libre échange interne, concurrence) ainsi que la politique de la pêche. Les compétences partagées sont plus nombreuses, et si elles sont prises dans le sens le plus large, concernent à peu près tout. La Commission Européenne dispose du droit d'initiative, ce qui signifie qu'elle peut agir dans un domaine si elle estime que cela va dans le sens de l'intérêt communautaire, et si cela respecte justement le principe de subsidiarité. Mais c'est elle qui juge si ce principe est respecté. Or avec l'extension de l'Union, il faut trouver un poste de commissaire pour les représentants de chaque pays dans la Commission Européenne. Quitte à créer des domaines d'intervention parfois un peu artificiels. Les commissaires qui sont à de tels postes ont alors comme préoccupation de vouloir prouver l'utilité de leur portefeuille, pour justifier leur existence. Ce qui engendre une inflation réglementaire bien peu encline à respecter le principe de subsidiarité.

Présent dans les textes communautaires depuis le Traité de Maastricht, le principe de subsidiarité aurait du être gravé dans le marbre via le Traité Constitutionnel Européen. Seulement cela n'aurait pas suffi pour autant, dans la mesure où il est nécessaire que la subsidiarité des actions entreprises soit contrôlée pour éviter les dérives. Cela peut être par exemple le rôle du Parlement Européen, qui dispose encore de trop peu de pouvoirs face à la Commission Européenne. Le but étant bien de garantir que les décisions prises soient le plus proche possible du citoyen, au niveau le plus adapté. Paradoxalement, cela peut justement être un moyen de rapprocher les Européens des institutions européennes : en prenant peut-être moins de décisions, mais qui s'imposent davantage par leur pertinence.

lundi 8 octobre 2007

Le Grenelle de l'environnement

Le poste devait revenir à Alain Juppé, mais c'est en fin de compte Jean-Louis Borloo qui s'y colle. La défaite de l'un et l'infortune de l'autre ont abouti à cette situation, où Jean-Louis Borloo obtient une promotion en devenant numéro 2 du gouvernement, mais bien malgré lui, dans la mesure où il aurait préféré rester à Bercy pour tenter d'appliquer le plan "EFEL" qu'il défendait pendant la campagne présidentielle, reposant sur l'emploi, la formation, l'équité et le logement. A ses côtés dans son nouveau ministère, Nathalie Kosciusko-Morizet lui a été adjointe en tant que secrétaire d'Etat chargée du développement durable. Elle aurait pu sans problème récupérer le poste complet de ministre de l'environnement si Nicolas Hulot n'avait pas décidé de faire de ce dossier un enjeu de premier plan, en menaçant de se présenter s'il n'obtenait pas des garanties des autres candidats sur la volonté d'appliquer une politique écologiste ambitieuse. A ce titre, Nicolas Hulot avait promis, non pas un vice Premier ministre comme Nicolas Hulot le réclamait, mais un ministre d'Etat chargé de l'environnement, des transports, de l'équipement et du développement durable, numéro deux du gouvernement, un ministère occupé par un poids lourd de la politique française pour qu'il ait suffisamment d'autorité pour faire avancer les dossiers, et en premier lieu celui du Grenelle de l'environnement.

Ce chantier s'organise en trois étapes : une consultation entre partenaires sociaux d'abord (réunissant l'Etat, les ONG, les collectivités locales, les syndicats de salariés et les entreprises), une consultation de l'ensemble des Français ensuite (via des forums en région et sur internet), puis la prise de décisions au bout du compte, ce qui devrait se traduire par des lois et des protocoles. Actuellement la phase de consultation du public est en cours, mais celle-ci est bien discrète. Pourtant, il y a vraiment matière à débat. De nombreux points sont encore loin d'être tranchés. Et ce d'autant plus que les groupes de travail de la première étape n'ont pas pu se mettre d'accord sur des questions pourtant essentielles. Par exemple, le groupe de travail sur la lutte contre les changements climatiques et la maîtrise de l'énergie n'a trouvé aucun consensus sur le nucléaire. Certains souhaitent l'arrêt des recherches, d'autres au contraire veulent profiter du fait que l'énergie nucléaire n'émet pas du tout de dioxyde de carbone pour lutter contre l'effet de serre.

Sur ce point précis, il faut en effet parer au plus urgent. Les questions de déchets nucléaires ne sont pas à prendre à légère, mais actuellement, la nuisance est aussi faible qu'elle apparaît comme durable. En revanche, les centrales thermiques provoquent une nuisance forte, et immédiate. Même si la Terre a une capacité de récupération (limitée) face au dioxyde de carbone, il est bien possible que l'on n'ait pas la faculté de voir ce que cela donne dans la durée, vu les catastrophes qui sont en cours et qui ne feront que prendre de l'ampleur. Certains écologistes voient depuis des décennies la solution miracle dans les énergies renouvelables. Leur développement est en effet nécessaire, mais leur application n'est pas toujours simple. La France a de moins en moins d'endroits disponibles pour construire des centrales hydrauliques, celles-ci changent également la forme de l'environnement local, et il y a même des écologistes auto-proclamés qui s'insurgent contre les éoliennes qui gâcheraient le paysage de leur région. Il y a également des problèmes de coûts, que tout le monde ne souhaite pas assumer. Le Grenelle de l'environnement propose actuellement de faire passer la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité française de 9 % à 20 % d'ici 2020. L'objectif est louable, et s'il est réalisé, doit permettre de faire diminuer en premier lieu la part de l'énergie issue des centrales thermiques. Il serait scandaleux que se répète en France l'absurdité qui a eu lieu en Allemagne, qui a cru naïvement que c'est l'énergie renouvelable qui prendrait le relais des fermetures de centrales nucléaires, alors que ce sont surtout les centrales à fuel et à charbon qui furent davantage sollicitées.

Les domaines de réflexion et de débats sont nombreux dans ce Grenelle de l'environnement. Le but étant justement de prendre en compte tous les aspects du problème. On y croise notamment les questions de la maîtrise de la consommation d'énergie, des OGM, du traitement des déchets, de la biodiversité ou de la recherche. A chaque fois, il y a débat, comme sur la question de l'avenir du nucléaire. Malheureusement, ce débat n'est pas forcément spectaculaire, et ne se retrouve donc pas autant à la une de l'actualité qu'il le mériterait. C'est pourtant un champ que chaque citoyen doit s'approprier.

samedi 6 octobre 2007

La ligue de football contre Canal Plus

Les grandes manœuvres ont commencé pour l'achat des droits de diffusion de la Ligue 1 de football français. Historiquement, Canal Plus en est le diffuseur, ayant été, à sa création, la seule chaîne de télévision voulant les acquérir. Mais l'arrivée de TPS sur le marché avait permis une concurrence effrénée avec Canal Plus sur les droits télévisés du sport et du cinéma, ce qui se traduit par une forte hausse des sommes nécessaires pour l'achat des droits de diffusion de la Ligue 1. Chaque renégociation du contrat a été l'occasion de coups spectaculaires et de polémiques. Les précédents rebondissements ont vu TPS l'emporter sur Canal Plus lors des enchères, pour au final accepter un partage des lots, puis le contrat suivant fut contesté en justice, favorisant une prolongation au bout du compte du contrat précédent à la suite d'un arbitrage, et le coup final fut la mise sur la table de 600 millions d'euros par an pour diffuser la ligue 1, une somme estimée pharamineuse à l'époque, pouvant même mettre en danger la survie de Canal Plus. Ce coup de poker devait en fait priver TPS d'un programme fort, pour ensuite l'acculer à la fusion. C'est, bon gré mal gré, ce qui s'est produit, et la forte croissance du nombre d'abonnés de Canal Plus a permis de digérer ce coût important.

La Ligue de Football Professionnel (LFP) qui commercialise ces droits, prépare actuellement le prochain appel d'offre. A priori, avec la disparition de TPS, Canal Plus doit être moins inquiet de la concurrence pour l'acquisition des droits de la Ligue 1. Et ce d'autant plus que ses autres concurrents sur la télévision à péage déclarent ne pas être intéressés. Vivendi, la maison mère de Canal Plus, a demandé à sa filiale de réaliser des synergies suite à la fusion avec TPS, pour que l'opération puisse être largement rentable. Les dirigeants de Canal Plus comptent donc bien réaliser de substantielles économies sur l'achat des droits de la Ligue 1, qui avaient été surpayés la fois précédente. Seulement la LFP ne l'entend pas de cette oreille. Elle croît dans un incroyable élan de naïveté pouvoir faire encore plus monter le niveau de ces droits, et rendre ainsi les clubs de football français plus riches. Or non seulement la fusion des deux concurrents d'hier fait qu'il y a une moindre motivation de la part des diffuseurs à augmenter l'enveloppe prévue, mais l'intérêt de la compétition ne le mérite tout simplement pas.

Lorsque Canal Plus a débloqué 600 millions d'euros pour ce poste de budget il y a trois ans, il justifiait son geste en expliquant que cette rentrée d'argent permettrait aux clubs de se développer, de devenir plus compétitifs et donc d'améliorer la qualité du spectacle proposé. Rien de tout cela ne s'est produit. Bien au contraire. Les années passent, et la médiocrité des clubs français est une évidence de plus en plus flagrante. Cela fait désormais six saisons qu'un seul club (Lyon) domine outrageusement le reste de la Ligue 1, faisant perdre tout suspense à la compétition dès l'automne. De plus, ce club n'a jamais été capable de dépasser les quarts de finale en Ligue des Champions, démontrant ainsi la grande faiblesse du championnat français : si l'OL est un géant en France, mais un nain en Europe, qu'est-ce que cela dit sur les autres équipes françaises ? Aujourd'hui, des clubs comme l'Olympique de Marseille ou le Paris Saint-Germain sont mal en point dans le classement, alors que ce sont des clubs comme Nancy ou Le Mans qui sont aux premières places, alors qu'elles ont bien moins de supporters. Dès lors, l'intérêt en pâtit grandement. La France n'a plus de grands clubs à part Lyon, qui est si faible en comparaison des grands clubs européens. Chaque année, les rares joueurs qui ont brillé en Ligue 1 partent à l'étranger. Le résultat est visible en sélection nationale : actuellement, parmi les joueurs titulaires de l'équipe de France seul le gardien joue en Ligue 1. De plus, le meilleur joueur incontesté de Ligue 1, Juninho, n'est même pas titulaire dans son équipe nationale, le Brésil. Où est donc passé alors l'argent fourni par Canal Plus aux clubs ? Ce mystère doit bien être résolu avant qu'un nouveau contrat soit passé.

Et de façon stupéfiante, le président de la LFP Frédéric Thiriez et certains dirigeants de clubs, comme Jean-Michel Aulas pour Lyon, souhaitent que les montants évoluent encore à la hausse, en évoquant le chiffre absurde de 750 millions d'euros. Il n'y a strictement aucune raison pour qu'un tel mouvement soit fait, surtout pour une compétition aussi fade et décevante. Ces gens vivent visiblement dans un rêve éveillé, prenant leurs désirs pour des réalités et croyant que les réticences de Canal Plus avant le début des enchères ne sont que des astuces de négociations. Il faudra pourtant bien qu'ils retournent à la réalité. Et s'expliquent sur ce qui s'est passé ces dernières années et dont ils sont responsables, car le résultat final est que cela a bien nui au football français.

Photo : Reuters

jeudi 4 octobre 2007

Relancer l'Europe

A l'occasion des cinquante ans de l'Union Européenne en mars dernier, l'opportunité de porter un regard attentif sur chacun des pays la composant se faisait jour. Le but étant de mieux comprendre les problématiques de ces différents pays pour envisager les pistes d'évolution de l'Union Européenne. Ce tour de l'Europe ayant été pratiquement réalisé sur ce blog, l'heure est à en tirer les leçons, pour ensuite envisager des pistes possibles. Evidemment, les leçons apprises ne sont pas vraiment de grandes révélations, et il n'y a pas de chemin qui résoudrait tout de façon magique dans la construction européenne. On remarque tout de même que les pays qui forment l'Union Européenne peuvent être classés en trois catégories quant à leurs aspirations. Il y a d'une part ceux qui se félicitent avant tout de la zone de libre échange qu'elle représente, et encourage la Commission Européenne à se concentrer sur son travail de dérégulation, poursuivant ainsi la politique libérale que ces pays mettent en œuvre à domicile. Les pays que l'on retrouve dans cette catégorie sont la Grande Bretagne, les pays de l'Europe de l'est et dans une certaine mesure les Pays-Bas. Ils s'opposent nécessairement aux pays qui sont en faveur d'une intégration fédérale, où l'Union Européenne aurait davantage de compétences pour qu'il y ait des politiques communes et donc plus efficaces en de nombreux domaines. Il s'agit là de pays comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, qui ont une véritable foi envers le projet européen. Il y a aussi des pays à la position plus incertaine : la France ne souhaite certainement pas une Europe exclusivement libérale, mais peine à se conformer aux politiques communes qu'elle favorise souvent. C'est alors une conception de l'Europe où chaque pays vient défendre son intérêt particulier qui prévaut, où le but est de recevoir plus que ce qui est donné.

Comment s'étonner, alors, que la construction européenne soit un projet qui aujourd'hui semble largement essoufflé ? Certes, le nouveau traité institutionnel devrait permettre dans peu de temps de sortir l'Union Européenne de l'impasse où les rejets français et néerlandais du Traité Constitutionnel l'avaient envoyée, mais le manque de perspectives du projet européen semble aujourd'hui flagrant. C'est la conséquence de deux maux : le manque de consensus sur le but à atteindre de l'Union Européenne d'une part, et l'éloignement des institutions européennes vis-à-vis du reste de la population d'autre part. Ces maux sont suffisamment profonds pour bloquer la construction européenne pour la décennie à venir, voire au-delà. Raison de plus pour les prendre à bras le corps, et à entamer une réflexion sur d'éventuelles solutions possibles. Sont-ils dépassables, et si oui, comment ? D'une manière générale, quelles peuvent être les pistes d'évolution de l'Union Européenne ? Heureusement, le champ des possibilités reste immense.

mardi 2 octobre 2007

Une dictature en Birmanie...

Des moines bouddhistes ont commencé à défiler le mois dernier en Birmanie en signe de protestation contre le régime qui dirige le pays, une junte militaire obsédée par la conservation du pouvoir et la fermeture du pays au reste du pays, en faisant l'un des moins développés de la planète. Comme lors des précédentes protestations, la junte n'a pas tardé à riposter de façon violente, se soldant par la mort de nombreux manifestants, probablement des centaines voire plus, qui étaient pourtant totalement pacifistes. Le régime dictatorial qui opère en Birmanie règne depuis plus d'une quarantaine d'années. Les précédentes révoltes avaient fait suffisamment vaciller le pouvoir pour que des élections libres soient organisées, mais celles-ci, après une victoire massive de l'opposition menée par Aung San Suu Kyi, furent annulées, et depuis la dictature continue. Les liaisons avec la Birmanie sont actuellement pour la plupart coupées, laissant envisager un bain de sang que la junte ne souhaite pas voir trop exposée, au monde entier peut être, à son peuple plus sûrement. Le reste du monde, bien que connaissant ce drame se déroulant en temps réel, est réduit à une certaine impuissance.

Comment pourrait-on intervenir ? Depuis la guerre en Irak, le fait d'intervenir militairement au nom du devoir d'ingérence pour protéger un peuple contre son dictateur apparaît comme une mauvaise idée. De plus, la contestation de la junte suit essentiellement la voie de la non-violence, même si elle doit affronter un régime qui est loin de suivre de tels standards. Pour l'heure, chaque démocrate peut soutenir, au moins par les pensées, le peuple birman, dans son combat et ses souffrances. Des pétitions peuvent être signées, des manifestations devant les ambassades de la Birmanie peuvent être organisées et les prises de paroles contre la répression violente peuvent se succéder, mais la probabilité que tout cela influe sur les agissements de la junte est nulle. Bien sûr, le regard réprobateur de la communauté internationale peut la gêner dans une certaine mesure. Mais d'une façon très mesurée quand même, vu que la situation ne serait pas aussi grave si un simple coup de projecteur aurait suffit par le passé à limiter les dégâts. Le régime en place tente à peine de dissimuler sa nature, c'est surtout vers son propre peuple que se dirige sa volonté de faire régner la terreur et l'obscurantisme. Il est aussi possible d'organiser des pressions diplomatiques sur le gouvernement birman, de limiter le commerce et l'exploitation des ressources du pays par les groupes occidentaux qui ne font que conforter à leur place les soutiens de la dictature ou bien d'organiser des sanctions économiques envers la Birmanie. Mais d'une part, cela a peu de chances de faire changer d'orientation une junte qui préfère avant tout garder un contrôle absolu envers son peuple, dut-il être l'un des plus miséreux au monde. D'autre part, et cela commence à devenir une habitude, la Chine représente à nouveau un obstacle aux tentatives de concertation multilatérale contre de tels drames.

Il reste quand même une douloureuse question qui réapparaît à la lumière de ces événements : comment une telle dictature est-elle possible ? Après tout, ceux qui sont à sa tête ne sont que des hommes, aux capacités physiques semblables à celles des oppressés. Pour pouvoir conserver des tels pouvoirs, ils doivent s'appuyer sur un nombre minimal de personnes qui acceptent de les servir et de leur demeurer loyal. En l'occurrence, il s'agit de l'armée. Les soldats semblent suivre aveuglement les ordres qui leur sont donnés, et pourtant, ils sont issus du reste de la population, dont ils connaissent en conséquence la condition. Il n'y a pas de systèmes de castes dans les sociétés bouddhiques, le régime militaire n'affiche pas vraiment de doctrine idéologique forte qui légitimerait sa présence à la tête du pays, les généraux au pouvoir ne sont pas vraiment des chefs charismatiques capables de manipuler la population, il ne semble même pas y avoir de menace extérieure à la Birmanie, même fantasmée, qui pourrait former une justification au pouvoir militaire. Qu'est-ce qui fait, alors, que les soldats acceptent de maintenir une telle situation, se laisse entraîner par ses généraux quand il faut accomplir un coup d'Etat contre un régime démocratique et commettre des atrocités envers leurs semblables ? Les dictatures sont malheureusement nombreuses à travers le monde, et de telles situations ne sont pas rares. En fait, l'une des conditions même de la démocratie est d'avoir une armée qui accepte de recevoir des ordres de la part des civils qui ont reçu légitimement le pouvoir de la part du peuple. L'un des voisins de la Birmanie, la Thaïlande, connaît également des coups d'Etat réguliers opérés par l'armée quand celle-ci n'apprécie plus les dirigeants en place. Une telle habitude est troublante, mais n'en est pas encore à un tel degré de despotisme que celui qu'a atteint la Birmanie. Le fait que le chef d'Etat birman actuel, Than Shwe, soit devenu dictateur après avoir grimpé dans la hiérarchie militaire rang par rang sous le règne des dictateurs précédents, laisse songeur. Ce schéma, somme toute classique, montre que dans une dictature, aussi dures les souffrances du peuple soient-elle, une partie de celui-ci a intérêt à ce que cette dictature perdure, malgré les liens qui devraient l'attacher à ceux qui souffrent.

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