Les grandes manœuvres ont commencé pour l'achat des droits de diffusion de la Ligue 1 de football français. Historiquement, Canal Plus en est le diffuseur, ayant été, à sa création, la seule chaîne de télévision voulant les acquérir. Mais l'arrivée de TPS sur le marché avait permis une concurrence effrénée avec Canal Plus sur les droits télévisés du sport et du cinéma, ce qui se traduit par une forte hausse des sommes nécessaires pour l'achat des droits de diffusion de la Ligue 1. Chaque renégociation du contrat a été l'occasion de coups spectaculaires et de polémiques. Les précédents rebondissements ont vu TPS l'emporter sur Canal Plus lors des enchères, pour au final accepter un partage des lots, puis le contrat suivant fut contesté en justice, favorisant une prolongation au bout du compte du contrat précédent à la suite d'un arbitrage, et le coup final fut la mise sur la table de 600 millions d'euros par an pour diffuser la ligue 1, une somme estimée pharamineuse à l'époque, pouvant même mettre en danger la survie de Canal Plus. Ce coup de poker devait en fait priver TPS d'un programme fort, pour ensuite l'acculer à la fusion. C'est, bon gré mal gré, ce qui s'est produit, et la forte croissance du nombre d'abonnés de Canal Plus a permis de digérer ce coût important.

La Ligue de Football Professionnel (LFP) qui commercialise ces droits, prépare actuellement le prochain appel d'offre. A priori, avec la disparition de TPS, Canal Plus doit être moins inquiet de la concurrence pour l'acquisition des droits de la Ligue 1. Et ce d'autant plus que ses autres concurrents sur la télévision à péage déclarent ne pas être intéressés. Vivendi, la maison mère de Canal Plus, a demandé à sa filiale de réaliser des synergies suite à la fusion avec TPS, pour que l'opération puisse être largement rentable. Les dirigeants de Canal Plus comptent donc bien réaliser de substantielles économies sur l'achat des droits de la Ligue 1, qui avaient été surpayés la fois précédente. Seulement la LFP ne l'entend pas de cette oreille. Elle croît dans un incroyable élan de naïveté pouvoir faire encore plus monter le niveau de ces droits, et rendre ainsi les clubs de football français plus riches. Or non seulement la fusion des deux concurrents d'hier fait qu'il y a une moindre motivation de la part des diffuseurs à augmenter l'enveloppe prévue, mais l'intérêt de la compétition ne le mérite tout simplement pas.

Lorsque Canal Plus a débloqué 600 millions d'euros pour ce poste de budget il y a trois ans, il justifiait son geste en expliquant que cette rentrée d'argent permettrait aux clubs de se développer, de devenir plus compétitifs et donc d'améliorer la qualité du spectacle proposé. Rien de tout cela ne s'est produit. Bien au contraire. Les années passent, et la médiocrité des clubs français est une évidence de plus en plus flagrante. Cela fait désormais six saisons qu'un seul club (Lyon) domine outrageusement le reste de la Ligue 1, faisant perdre tout suspense à la compétition dès l'automne. De plus, ce club n'a jamais été capable de dépasser les quarts de finale en Ligue des Champions, démontrant ainsi la grande faiblesse du championnat français : si l'OL est un géant en France, mais un nain en Europe, qu'est-ce que cela dit sur les autres équipes françaises ? Aujourd'hui, des clubs comme l'Olympique de Marseille ou le Paris Saint-Germain sont mal en point dans le classement, alors que ce sont des clubs comme Nancy ou Le Mans qui sont aux premières places, alors qu'elles ont bien moins de supporters. Dès lors, l'intérêt en pâtit grandement. La France n'a plus de grands clubs à part Lyon, qui est si faible en comparaison des grands clubs européens. Chaque année, les rares joueurs qui ont brillé en Ligue 1 partent à l'étranger. Le résultat est visible en sélection nationale : actuellement, parmi les joueurs titulaires de l'équipe de France seul le gardien joue en Ligue 1. De plus, le meilleur joueur incontesté de Ligue 1, Juninho, n'est même pas titulaire dans son équipe nationale, le Brésil. Où est donc passé alors l'argent fourni par Canal Plus aux clubs ? Ce mystère doit bien être résolu avant qu'un nouveau contrat soit passé.

Et de façon stupéfiante, le président de la LFP Frédéric Thiriez et certains dirigeants de clubs, comme Jean-Michel Aulas pour Lyon, souhaitent que les montants évoluent encore à la hausse, en évoquant le chiffre absurde de 750 millions d'euros. Il n'y a strictement aucune raison pour qu'un tel mouvement soit fait, surtout pour une compétition aussi fade et décevante. Ces gens vivent visiblement dans un rêve éveillé, prenant leurs désirs pour des réalités et croyant que les réticences de Canal Plus avant le début des enchères ne sont que des astuces de négociations. Il faudra pourtant bien qu'ils retournent à la réalité. Et s'expliquent sur ce qui s'est passé ces dernières années et dont ils sont responsables, car le résultat final est que cela a bien nui au football français.

Photo : Reuters