Réflexions en cours

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mercredi 29 septembre 2010

Prendre une hypothèse de croissance économique zéro pour le budget de l'Etat

Le budget de l'année 2011, présenté par François Baroin en conseil des ministres, se veut plus rigoureux que les précédents. Diminutions des dépenses et augmentations des recettes via la suppression de niches fiscales sont au menu. Le déficit public, estimé à 7,7 % du PIB pour 2010, est colossal. Il faut donc le diminuer. Certes, une bonne partie de ce déficit est due à l'impact de la crise : les dépenses augmentent (tant de façon mécanique, comme l'augmentation des indemnisations chômage, que politique, via le plan de relance) et les recettes diminuent (le montant des impôts dépend de l'activité économique). Mais avant même que cette violent crise économique n'éclate, la France restait bien loin de l'équilibre, se plaçant à peine dans les critères de Maastricht où il est demandé que le déficit soit limité à 3 % du PIB. Des décennies de déficits publics ont entraîné la formation d'une dette énorme. Son importance est telle que les mots manquent en fait pour bien la qualifier...

Conséquence : les intérêts représentent un poids démesurée dans le budget de l'Etat. En 2011, elle devrait représenter environ 47 milliards d'euros. Le déficit étant estimé à 92 milliards d'euros (25 % du budget !), on peut dire que la moitié du déficit sera causé par la charge de la dette, héritée par les déficits précédents. C'est un jeu infernal qui s'apparente à un cercle vicieux. En temps normal, on pouvait donc considérer que la totalité de la dette servait à peu près à payer les intérêts résultant des déficits précédents. Difficile dès lors de faire diminuer la dette. Et l'on ne pouvait que regretter le manque de sérieux des gouvernements successifs, quand on songe que sans les erreurs précédentes, le budget aurait pu être équilibré.

Encore faut-il tout faire pour ne pas perpétuer ces erreurs. Or ce budget de la rigueur est bâti sur des bases bien optimistes. En comptant 2 % de croissance pour 2011, c'est 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires qui sont attendues. Ce scénario n'est pas le plus probable. Non seulement la période économique n'est pas formidable, mais en plus les prévisions de croissance sont généralement peu fiables. Chaque gouvernement est obligé de s'adapter au fur et à mesure, quand il constate le montant des rentrées d'argent.

Quand on a une dette comme la notre, la première priorité devrait être de réduire les déficits, et éventuellement ensuite d'anticiper le remboursement des emprunts, afin de diminuer la charge des intérêts. Au final, l'argent des taxes sera mieux utilisé, puisqu'employé directement dans les vrais postes de compétences de l'Etat, et non à payer plus cher le fonctionnement des années précédentes. Voilà une méthode pour y parvenir : arrêter de faire des prévisions de croissance pour le budget de l'Etat. Cela ferait comme pour les entreprises prudentes qui sont gérées en se basant constamment sur le worst case scenario. Il faudrait alors partir du principe qu'il n'y aura pas d'augmentation des recettes due à la croissance de l'activité économique. On prendrait alors l'hypothèse d'une croissance zéro de l'économie. Et ce, pour la forme et les calculs. Cela n'empêcherait évidemment pas qu'il y ait une vraie croissance économique, mais toutes les recettes fiscales supplémentaires seraient alors comme une surprise, des recettes non allouées qui seraient alors immédiatement attribués à la réduction de la dette.

Le but serait alors de construire les budgets sans compter de façon hypocrite sur des hausses de recettes assez aléatoires. Evidemment, dans l'immédiat, cela amplifierait le besoin de rigueur, par l'augmentation des impôts ou la diminution des dépenses publiques. Mais au bout du compte, cela permettrait que chaque euro dépensé ait une vraie utilité.

lundi 27 septembre 2010

Qui veut vraiment la paix au Proche Orient ?

La relance du processus de paix ces dernières semaines ne s'est pas fait dans dans une grande euphorie, c'est le moins que l'on puisse dire. L'année dernière, les relations entre Israël et les Etats-Unis, son principal allié, s'était nettement distendues. L'annonce de la reprise de la colonisation à Jérusalem Est lors d'une visite de Joe Biden avait été mal perçue par l'administration américaine. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a donc accepté de s'engager dans des discussions visant à rétablir la paix, suivant largement l'initiative de Barack Obama. De son côté, Mahmoud Abbas, le Président de l'Autorité palestinienne, a lui aussi accepté de reprendre le processus de paix. Après tout, c'est sa raison d'être. Le Fatah, dont il est issu, est le parti avec lequel on peut discuter. Donc il discute. Mais quel poids a-t-il ? Il semble d'ores et déjà méprisé par ses interlocuteurs. Il avait demandé que le moratoire relatif sur la colonisation en Cisjordanie (qui empêche de débuter de nouvelles constructions, pas de continuer celles en cours) soit reconduit comme condition pour continuer les discussions à peine entamées. Depuis ce matin, ce n'est plus le cas : les colons peuvent continuer à construire de nouvelles installations dans ce qu'ils appellent la Judée.

Il ne faut pas attendre grand chose de Benjamin Netanyahu. Il critiquait Ariel Sharon quand celui-ci était aux responsabilités. Celui-ci, pourtant initialement décrit comme un faucon, avait décidé de vraies mesures pour la paix, telle que le démantèlement des colonies de la bande de Gaza. La virulence des critiques de Benjamin Netanyahu avait même incité Ariel Sharon à quitter le Likud pour former son propre parti centriste, Kadima. Malheureusement, l'investissement n'a pas donné les fruits attendus. La bande de Gaza, désormais débarrassée des colonies israéliennes, n'a rien trouvé de mieux que de choisir d'être dirigée par les extrémistes du Hamas et de lancer des roquettes sur Israël. La réaction israélienne fut d'y mener une opération armée, et d'enclaver complètement ce territoire. Aujourd'hui, cette situation fait bien les affaires du Hamas, qui tient désormais totalement en son pouvoir la bande de Gaza, gagnant même beaucoup d'argent sur les trafics entre le territoire et l'extérieur.

Du côté d'Israël, les élections ne furent pas davantage favorables aux partisans de la paix. Benjamin Netanyahu avait déjà été porté au pouvoir après l'assassinat d'Yitzhak Rabin, pourtant artisan d'un processus de paix qui se voulait décisif. Lors des dernières législatives, le vote des électeurs israéliens a mis l'accent sur le Likud et les partis d'extrème droite. Ils ont formé une coalition qui a même été ralliée par le parti travailliste, celui-ci ayant accepté pour le coup de renoncer à changer d'opinions pour s'y fondre. Actuellement, la population israélienne se moque bien du processus de paix d'après les enquêtes d'opinion. Et chez les Palestiniens, y compris du côté de la Cisjordanie, la haine est toujours féroce envers leurs voisins. Rien ne permet de penser que les braises soient éteintes.

Au bout du compte, on se demande si ceux qui recherchent la paix au Proche Orient y sont vraiment une majorité. Chacun veut Israël comme la capitale de son étant, l'un veut pouvoir coloniser son voisin sans souci, l'autre veut bénéficier d'un "droit au retour" sur les terres israéliennes, et personne ne se montre mesuré et raisonnable. Kadima n'est plus au pouvoir, et avait lâché beaucoup de bride sur la colonisation. Le Fatah ne dispose pas d'une légitimité forte, et est constamment menacé de voir ses compromis remis en cause par la population palestinienne. Cette relance du processus de paix s'apparente pour l'instant à une comédie de gestes désenchantée, où tout le monde ferait semblant de jour le rôle qui lui est imparti, mais où personne ne serait dupe. On peut encore continuer bien des décennies comme cela, et même au-delà.

samedi 25 septembre 2010

Le chef, le stratège et le porte flingue

La vie politique française est ainsi faite que les personnalités politiques peuvent assez facilement être séparées en deux types différents. Cela ne dépend pas de leurs idées en matière de politique à appliquer, mais de leur nature, de leur caractère. On a d'abord celui qui est le plus spectaculaire, c'est le porte flingue. On le reconnait notamment par son goût pour la polémique, son sens de l'activisme et son implication en première ligne dans les luttes de politique politicienne. On a ensuite celui qui est plus discret et préfère agir dans l'ombre, le stratège. Aussi appelé quelque fois "éminence grise", il est souvent en charge des dossiers de fond, mais n'hésite pas à s'impliquer lui aussi dans les petits combats politiques qui font le quotidien du microcosme. Il est seulement plus en retrait, organisant les choses de loin, en étant précautionneux et en se voulant davantage décisif.

Le stratège et le porte flingue ont l'habitude de travailler au service de quelqu'un d'autre, qu'on appellera ici le chef, comme un chef de meute. Le chef est tout simplement un ancien stratège ou porte flingue qui est devenu indépendant et travaille désormais pour son propre compte. Il peut être à la tête d'une petite organisation, d'un courant au sein d'un parti, d'un parti politique, du gouvernement ou même de l'Etat. Son but est généralement de grimper d'échelon pour pouvoir mettre les politiques qu'il souhaite. Ses fidèles stratèges et porte flingues naviguent dans ce sillage, s'attendant eux aussi à être placés à l'aune de la faveur dont il jouit.

Les exemples ne manquent pas. Ainsi, Georges Pompidou pouvait compter, lorsqu'il était à l'Elysée, sur les services de Jacques Chirac, porte flingue placé dans un ministère, et d'Edouard Balladur, son secrétaire général, en tant qu'éminence grise. Alors que Jacques Chirac se démarquait par son énergie et sa virulence envers les ennemis réels ou supposés du Président, Edouard Balladur restait peu connu, mais n'en avait pas moins un poste important. Lors de la deuxième cohabitation mitterrandienne, ceux qui avaient autrefois combattu ensemble s'affrontèrent violemment. Chacun étant devenu chef, ils disposaient de leur propres troupes à envoyer dans des luttes sanglantes. Alain Juppé était un stratège pour Jacques Chirac, Charles Pasqua était un porte flingue pour Edouard Balladur, et ce dernier pouvait également compter sur des soldats plus jeunes. A l'époque, beaucoup de choses avaient été dites sur les deux Nicolas de Balladur, Nicolas Bazire le stratège directeur de cabinet à Matignon, et Nicolas Sarkozy, porte flingue ministre du budget.

Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy est à son tour devenu chef. Il a donc lui aussi des stratèges (comme Claude Guéant) et des porte flingues (comme Brice Hortefeux ou Frédéric Lefebvre). Evidemment, la formule s'applique parfaitement à gauche. Claude Bartolone était le porte flingue de Laurent Fabius avant de devenir celui de Martine Aubry. François Hollande était le porte flingue de Lionel Jospin avant de se mettre à son compte. Lorsqu'il était encore impliqué dans la politique française, Dominique Strauss Kahn pouvait compter sur Jean-Christophe Cambadélis comme porte flingue, et sur Pierre Moscovici pour jouer le rôle de stratège. Ce dernier essaie désormais de devenir indépendant, et lorgnerait bien sur une candidature à la présidentielle, mais n'a pas encore de troupes à son service.

Parfois, c'est aussi cela le renouvellement du personnel politique : les chefs sont écartés, et les anciens porte flingues et stratèges d'hier le deviennent à leur tour, voyant se recréer en dessous d'eux les rôles qu'ils jouaient précédemment.

mercredi 22 septembre 2010

N-ième grève nationale. Prétexte du jour : les retraites

Et c'est reparti ! Voilà à nouveau une bien mal nommée "journée d'action", qui consiste à ne pas travailler, notamment dans les services publics. Peu importe que cela nuise à des millions de Français, l'idéologie des grévistes est prêt à sacrifier n'importe qui pour leur "bien". Encore une fois, ce sont les plus faibles qui subiront les conséquences les plus graves de la rupture du service public. Ceux qui habitent loin de leur lieu de travail seront ainsi particulièrement à la peine. Comme d'habitude. En France, la gréviculture a lieu dans une frange de la population, et elle s'exprime pour n'importe quel prétexte. On trouvera toujours deux millions de personnes à mettre dans la rue à réciter les mêmes slogans usés, changés de quelques variations seulement. Ces deux millions de personnes, ce sont en fait toujours les mêmes. C'en est même étonnant lorsqu'ils sont moins à défiler.

Les syndicats qui organisent cette mascarade ont une conception bien étrange de la démocratie : lorsqu'ils disent qu'ils n'ont pas été "entendus", il faut en fait comprendre "obéis". Et selon leur logique, le gouvernement devrait justement obéir à la voix de ces deux millions de personne qui aiment marcher dans la rue et mesurer leur capacité de nuisance sur le reste de la société. Qu'importe qu'il y ait des élections faites au suffrage universel pour déterminer la politique de la France, et une assemblée pour voter les lois. Le gouvernement devrait toujours obéir aux grévistes, et oublier l'expression citoyenne dans les urnes.

Les grévistes ont pourtant bien tort de ne pas faire confiance en la démocratie. Le sujet de la grève du jour est la réforme des retraites, un projet décrit comme rejeté par l'ensemble de la population par les syndicats. Hors le Parti Socialiste a promis qu'en cas de retour au pouvoir en 2012, ils abrogeraient la réforme. Si les grévistes sont tellement persuadés que les Français ne veulent pas de cette réforme, ils n'ont qu'à voter pour le PS, et cette réforme n'existera plus avant même qu'elle ait pu avoir de vraies conséquences. Ils s'épargneraient ainsi de faire grève, un peu de marche à pied, et le risque d'une éventuelle retenue de salaire.

Les syndicats et le PS rejettent ce projet de réforme, et déclarent qu'une autre réforme est possible. Mais ils se gardent bien d'expliquer laquelle de façon précise. Les données du problème sont connues : le baby boom avait permis que la retraite soit financée par répartition, en ayant beaucoup de cotisants par retraité. Avec le vieillissement de la population, ce ratio diminue. Les retraites sont donc moins bien financées. La réforme Fillon de 2003 avait déjà commencé à s'attaquer au problème, mais le Conseil d'Orientation sur les Retraites avait à l'époque analysé qu'elle ne réglait la question qu'à moitié. La crise économique actuelle a encore réduit le nombre de cotisants, et le traitement de cette moitié est devenu urgent, alors qu'il n'était prévu que pour plus tard.

Alors, que proposent les partisans d'une solution alternative ? Faut-il remettre en cause l'idée même de système par répartition ? Aujourd'hui, 10 % du montant global des pensions est financé par l'emprunt. Emprunter pour régler des dépenses de fonctionnement, sans perspectives de hausse du revenu, est ce qui se fait de plus malsain en terme de finances tant privées que publiques. Alors, faut-il réduire de 10 % le montant des pensions des retraités pour retrouver l'équilibre ?

La retraite à 62 ans n'est pas si terrible que ça. Après tout, jusque dans les années 80, l'âge de la retraite était à 65 ans, alors que l'espérance de vie était bien plus courte qu'aujourd'hui. La source de nos troubles actuels est en fait d'avoir abaissé cet âge à 60 ans en 1981. Ce fut l'une des décisions à courte vue de François Mitterrand qui a plongé la France dans les difficultés actuelles. Sans cette terrible erreur, nous aurions eu beaucoup moins de difficultés à financer les pensions des personnes âgées.

mardi 21 septembre 2010

La croisade de Thilo Sarrazin envers les sarrasins

Le livre de Thilo Sarrazin, Deutschland schafft sich ab, fut au centre de l'actualité allemande ces dernières semaines. Le propos de l'auteur est assez inhabituel dans ce pays. Il s'en prend en des termes très durs aux immigrés habitant en Allemagne. Mais le plus spectaculaire fut la réaction que ce livre entraîna. Une réaction à la fois défavorable et favorable. Défavorable, c'est le moins que l'on puisse dire. Tout le paysage politique a condamné dans les termes les plus sévères Thilo Sarrazin. Il était jusqu'à présent membre du SPD, il en sera exclu. Il était administrateur à la Bundesbank, il en est viré. C'est néanmoins compréhensible lorsque l'on découvre les propos qu'a tenus Thilo Sarrazin dans son livre, et lors d'un entretien avec un magazine pour en faire la promotion. Sur de nombreux sujets, c'est du grand n'importe quoi : les immigrés, notamment musulmans, sont accusés d'abêtir l'Allemagne et d'être fondamentalement faignants et violents, il produit des statistiques rejetées par les experts sur les sujets qu'il aborde, et il tient tout un discours invraisemblable sur les différences génétiques entre les ethnies. Pourtant, malgré ses propos délirants et la condamnation massive des élites, le livre rencontra un grand succès, se plaçant directement en tête des meilleures ventes et étant rapidement en pénurie. Selon des sondages faits par la suite, une bonne partie des Allemands (jusqu'à 20 % environ) approuverait d'une façon ou d'une autre le discours de Thilo Sarrazin.

Cela ne veut pas forcément dire que ces Allemands sont subitement devenus racistes. Lorsqu'on les écoute, il s'avère qu'ils rejettent pour la plupart tous les excès de l'auteur, mais se reconnaissent dans une thèse centrale du livre : l'échec de l'intégration des immigrés par l'Allemagne, qui serait due en grande partie à ces derniers. Et tout d'un coup, on s'aperçoit qu'il y a de la place en Allemagne pour un parti d'extrême droite, comme il y en a dans pratiquement tous les pays qui l'entoure. C'est surprenant, car l'Allemagne avait très bien évité cela depuis l'après guerre. Il faut dire que le nazisme l'a vacciné contre les aventures dans ce sens. Mais le débat se pose en fait dans les même termes qu'en France. Comme de ce côté du Rhin, l'Allemagne a cru un instant à la réussite de l'intégration de ses immigrés. La coupe du monde de 1998 pour la France, celles de 2006 et de 2010 pour l'Allemagne, ont à chaque fois laissé planer l'idée de pays réconciliés avec eux-mêmes, au-dessus de ce genre de problème. Mais à chaque fois, la question de l'intégration n'est pas résolue, elle est seulement temporairement oubliée.

En Allemagne comme en France, le désarroi de l'échec des populations immigrés se traduit par une anxiété du reste de la population. Et cette anxiété se transforme en rejet, favorable aux idées d'extrême droite. Même si l'Allemagne n'a pas de parti fort la représentant, cela ne veut pas dire que personne ne souhaite recourir à cette voie. Ce serait une mauvaise solution. Les résurgences des partis extrémistes sont à chaque fois le signal qu'une inquiétude n'est pas bien traité par les partis traditionnels. C'est à eux d'oser attaquer les dossiers les plus difficiles. Ici, le problème est culturel : c'est la différence entre cultures qui est mal vécue. Et c'est pourquoi des politiques favorisant l'assimilation des populations d'origine étrangère doivent être amenés en France et en Allemagne, plutôt que de se draper dans un rejet motivé par de mauvaises raisons.

vendredi 17 septembre 2010

Les lobbys audiovisuels défendent rageusement leurs niches fiscales

Tout a commencé par une remarque anodine de la Commission Européenne : pourquoi les offres triple play (internet/téléphone/télévision) françaises sont elle taxées à moitié à 5,5 % (au lieu de 19,6 %), alors que la partie télévision, qui bénéficie de ce régime préférentiel de TVA, représente moins d'un tiers du coût global ? On ne savait pas trop bien pourquoi la Commission intervenait à ce sujet, mais elle mettait le doigt sur une question intéressante... pour l'Etat français. En effet, alors qu'il faut à tout prix réduire les déficits, le projecteur était soudainement pointé vers ce qui est tout simplement une niche fiscale. La télévision payante bénéficie d'une TVA à taux réduit, ce taux que les restaurateurs ont eu tant de mal à avoir. Et cette TVA réduite ne se justifie tout simplement pas. Le ministre du budget, François Baroin, a pu vouloir légitimement corriger cela en reclassant ce service dans le taux normal. Or chaque niche fiscal a son chien de garde, et en l'occurrence, c'était ouvrir la boîte de Pandore.

Tout un tas de gens ont ainsi intérêt à ce que les opérateurs de télévision payante soient riches. Les chaînes de télévision ont des obligations incroyables en terme de financement d'œuvres audiovisuelles. Un groupe comme Canal Plus doit bien sûr acheter des programmes (films, événements sportifs, séries, téléfilms, documentaires, téléfilms) pour alimenter son antenne. C'est son intérêt direct. Mais il doit aussi veiller aux intérêts de ses fournisseurs. L'Etat l'oblige donc à participer à tout un tas de programmes dont cette entreprise n'a que faire, et à participer à divers fonds qui ne lui rapporteront rien. Ces impôts particuliers sont liés aux chiffres d'affaires de ces groupes. Donc toute taxation supplémentaire qui va dans les caisses de l'Etat risque de faire perdre de l'argent aux producteurs. Ceux-ci n'ont pas apprécié.

Les lobbys se sont alors mis en branle avec tellement de puissance qu'une normalisation de la TVA sur la télévision finit par être écartée par le gouvernement. Désormais, seul les offres triple play seraient concernées, avec un taux de 19,6 % sur l'ensemble de la facture. La encore, les lobbys de l'audiovisuel ne sont pas contents, puisqu'ils voyaient dans le secteur des télécoms une nouvelle vache à lait de financement. Et évidemment, les fournisseurs d'accès à internet sont vent debout face à une mesure qui remettrait en cause le tarif psychologique de 29,90 €.

Être taxé ne fait plaisir à personne. Mais la vraie question à se poser est celle du financement des industries culturelles. Pourquoi le but d'une chaîne de télévision devrait être de financer la production de tout et n'importe quoi, sans toujours avoir le choix ? Les clauses portant sur la "diversité" de la production cinématographiques sont anormales. Financer un film dont on sait dès le départ qu'il n'intéressera personne n'a pas d'intérêt, à part pour ceux qui y travaillent. Le but du cinéma est-il d'apporter quelque chose au reste de la société, ou bien seulement de permettre à des artistes impopulaires de se faire plaisir ?

mercredi 15 septembre 2010

Pas de guerre entre démocraties

Prenons quelques critères simples pour qualifier les Etats qui sont démocratiques :
  • pluralité des candidats aux responsabilités nationales et liberté de se présenter aux élections
  • élections libres, régulières, non truquées, au suffrage universel
  • liberté de la presse.
Si l'on retient donc les Etats qui ont respecté ces critères, il est intéressant de noter (à la suite de Michael Doyle, professeur en relations internationales) qu'il n'y a quasiment pas eu de guerre au cours de l'Histoire entre de telles démocraties. Bien sûr, il y a parfois eu des guerres civiles, internes aux pays démocratiques, et bien des tensions entre les pays. Mais l'on peine à trouver d'exemple flagrant de conflit ouvert entre deux démocraties. Les guerres entre l'Inde et le Pakistan ont par exemple à chaque fois eu lieu lorsque c'était une junte militaire qui était à la tête du Pakistan. La guerre des Malouines opposait également une démocratie, le Royaume-Uni, à un pays alors sous régime militaire, l'Argentine. Cela tend certainement à montrer que si le fonctionnement démocratique n'annule pas les intérêts divergents entre nations, il permet néanmoins d'aplanir plus facilement les différents. La raison et la diplomatie finissent par l'emporter à chaque fois.

Ce fait est frapant, et permet d'ailleurs de comprendre les ambitions naïves de George W. Bush. Celui-ci croyait qu'en installant des démocraties en Irak et en Afghanistan, cela éviterait de facto le risque de guerre. L'invasion de l'Irak avait pour but assumé de pacifier tout le proche et le moyen orient. Il faut seulement être prudent sur la causalité : comme la suite des événements tend à le montrer, ce n'est pas les seules institutions qui permettent une vie paisible. La démocratie est surtout le signe d'une mentalité apaisée, et c'est celle-ci qui permet la paix. En Irak et en Afghanistan, la démocratie n'était pas forcément quelque chose d'évident pour des habitants longtemps habitués à des régimes brutaux. Voilà pourquoi ces pays doivent encore se démener avec la guerre civile et une corruption hors de proportion.

dimanche 12 septembre 2010

Roms, hypocrisie et perspectives d'actions

La France a l'habitude des polémiques pénibles et interminables. Celle concernant les Roms en est un bon exemple, et l'un des derniers en date. Le gouvernement français fait face à des torrents d'opprobre depuis deux mois pour les expulsions de Roms, et à force de manier l'invective, on en oublie rapidement de quoi il est question. Il est difficile de ne pas reconnaître qu'à l'origine, ce sont le Président de la République et le gouvernement qui sont à l'origine de cette polémique. En se servant de la grosse caisse médiatique pour annoncer l'expulsions des Roms vivant dans des camps illicites de France, les autorités se sont condamnées à entendre bourdonner la résonance de cette même grosse caisse dans leurs oreilles. Que ce soit la presse, l'opposition ou divers organisations internationales, personne n'a manqué au grand concert des protestations outrées. Le fait que ces expulsions ne se fassent pas toujours de façon très aimable n'a pas aidé non plus. Et Brice Hortefeux aura beau mettre en avant des faits, tels que la sur-représentation des Roms (à travers les Roumains) dans la délinquance francilienne, il ne pourra être qu'accusé de "stigmatisation". Il faut dire que dans le prétexte d'origine, l'attaque d'une gendarmerie par des gens du voyage français, ils n'étaient nullement impliqués.

Mais toute cette folie médiatique repose sur une grande hypocrisie. Si le discours politique fut plus fort, les actes n'ont pas changé. La politique menée envers les Roms est la même qu'avant l'été. Elle repose notamment sur le retour volontaire accompagné d'un pécule. Déjà, les années précédentes, diverses associations mettaient en avant le fait que l'essentiel des expulsions d'étrangers de France visaient les Roms, renvoyés en Roumanie. De fait, des limitations à libre circulation des populations roumaines et bulgares avaient été expressément mises en place à l'adhésion de ces deux pays, et ce par la volonté de la majeure partie des pays d'Europe occidentale. Ces limitations étaient directement motivées par la peur de voir venir un flux notable de Roms à l'Ouest sans rien pouvoir faire.

Au bout du compte, il semble bien que personne ne souhaite les accueillir. Même ceux qui se lamentent sur le sort réservé aux Roms par le gouvernement français ne les traitent pas mieux. En France, les collectivités locales socialistes ne sont pas les dernières pour demander les expulsions de camps illicites. Martine Aubry, en tant que présidente de la communauté urbaine de Lille, pouvait donc combattre les expulsions sur la scène nationale tout en en faisant faire près de chez elle. Dans les autres pays tels que l'Allemagne ou la Suède, on expulse comme on le faisait en France précédemment : discrètement. La Roumanie peut protester face aux discriminations réservées à ses ressortissants, elle est le pays qui traite le plus mal ces populations quand elles y restent. Nous sommes donc une gigantesque tartufferie, ou chacun peut se donner bonne conscience à bon compte, en fermant les yeux sur ses propres actions.

Mais au delà des polémiques ridicules, que faut-il faire ? La politique du retour volontaire accompagné d'un pécule partait d'une bonne intention. Il donne la possibilité aux populations de retour dans leur pays d'origine de poser de nouvelles bases, en permettant un investissement qui améliorera leurs conditions de vie. Malheureusement, cela provoque un effet pervers. Il crée une incitation à venir en France chercher ledit pécule, et même à retourner à plusieurs reprises. Avec l'entrée de la Roumanie dans l'Union Européenne, les Roms ne peuvent être empêchés de revenir en France. Et il y a non seulement la question du pécule, mais aussi de nombreux avantages à vivre en France. Ces populations le reconnaissent sans difficulté :

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"En France, je faisait la manche", dit Aurora en Roumanie. "Je m'asseyais dans la rue, avec une petite boîte, je tendais la main et les Français me donnaient de l'argent. Je pouvais gagner jusqu'à 10 euros par jour" (contre 10 euros par mois d'allocations en Roumanie). "Moi je veux retourner en France" poursuit-elle. "Il y a plein d'avantages sociaux. Je touche les allocations familiales, j'étais couverte par l'assurance maladie, et il y avait des associations qui nous aidaient. Ici, il n'y a rien de tout cela." On ne saurait mieux définir le mécanisme de l'appel d'air. Et il n'est donc pas étonnant que les familles roms souhaitent si ardemment revenir en France, malgré toute l'inhumanité que l'on attribue facilement aux Français et à leur gouvernement.

De toute façon, même si les expulsions se font dans un cadre parfaitement légal, cela ne résout en rien le problème à long terme. Il arrivera bien un moment où les Roumains obtiendront la liberté de circulation totale dans l'Union Européenne, à l'instar des autres pays. Quoi qu'on puisse dire, les Roms sont largement mieux traités en France que dans leur pays d'origine, pourtant membre de l'Union Européenne. Se repose à nouveau la question des moyens d'actions. La perspective de voir se développer des bidonvilles insalubres en France n'a rien d'attrayante. Certains pourraient déclarer qu'il faut leur donner des logements, mais la France en manque déjà, et les listes d'attentes des HLM sont longues. Il n'y a pas vraiment de raisons pour lesquelles les Roms devraient avoir une priorité. Au bout du compte, la vraie question qui se pose, c'est de savoir si la France peut additionner l'échec de l'intégration des minorités en Roumanie à l'échec de l'intégration des minorités en France.

Comme toujours, l'immigration est une possibilité. En l'occurrence, pour des populations issues de l'Union Européenne, ce serait plus simple que pour d'autres à terme. Mais comme toujours également, il faut qu'il être vigilant pour que cela se passe bien. Pour éviter les chocs, certaines précautions doivent être prises. Il faut que cette immigration soit mesurée, et surtout, éviter tout communautarisme. Autant le dire clairement : aucun endroit ne peut accueillir une communauté entière. On doit davantage veiller à ce que des familles nucléaires s'installent en étant éloignées les unes des autres, au milieu du reste de la population. L'expérience nous a appris que de ne pas respecter cette condition annihilerait pratiquement leurs chances d'assimilation. Cette politique exigeante limite de fait le nombre de Roms qu'il sera possible d'accueillir. Il faudra donc certainement remettre en cause les avantages de ceux vivant dans les bidonvilles, afin de les inciter à retourner durablement en Roumanie. Et c'est là-bas que doit se trouver le dernier volet de l'action politique. L'Union Européenne a déjà versé de larges subventions à la Roumanie pour qu'elle mette en place des politiques d'intégration des populations Roms. Ces sommes d'argent ont jusqu'à présent été peu ou mal utilisées. Il faudra donc inciter davantage la Roumanie à prendre en charge son problème, en contrôlant l'utilisation de ces aides, et par exemple en réorientant l'action des associations aidant les Roms à l'Ouest pour qu'elles les aident désormais dans leur pays d'origine.

Photo : Pierre Le Masson

vendredi 10 septembre 2010

Delors hier, DSK aujourd'hui

Dominique Strauss-Kahn bénéficie d'une côte de popularité stratosphérique. Il battrait à plate couture le Président sortant en cas d'élections anticipées, avec des scores bien supérieurs à tous les autres présidentiables socialistes. Dès lors, il apparait comme un recours pour la gauche, une sorte d'assurance de gagner. La situation rappelle fortement celle de Jacques Delors à l'approche de la présidentielle de 1995. En politique, être éloigné de la scène principale se révèle être un atout. Ainsi, Jacques Delors, en ayant passé une dizaine d'années à la tête de la Commission Européenne, avait une belle stature de chef d'une administration internationale. Il avait laissé un souvenir favorable de son passage au ministère des finances, avant d'entrer dans la Commission. Il incarnait l'image d'un homme sérieux et compétent, toujours actif mais ne s'impliquant plus de la politique politicienne nationale. C'était un atout : cela lui a permis de ne pas être impliqué par les échecs des gouvernements socialistes successifs, et de ne pas tremper dans le consternant congrès de Rennes. Fin 1994, il était le seul à être intact quand toute la gauche était en lambeaux. Contrairement aux autres, il aurait pu l'emporter face à Édouard Balladur et Jacques Chirac. S'il ne fut pas le candidat du PS, ce fut par son propre choix.

Aujourd'hui, la situation est ni plus ni moins la même pour Dominique Strauss-Kahn. En 2012, il aura passé cinq années à la tête du Fonds Monétaire Internationale, un poste important pour les pays du monde entier. Il a lui aussi laissé un souvenir positif de son passage au ministère des finances, entre 1997 et 1999. Il avait d'ores et déjà une stature présidentielle en 2007, lorsqu'il fut candidat aux primaires, mais ne fut pas désigné. Actuellement, il suit de très loin la politique intérieure française. Il continue d'agir en politique économique et internationale, mais ne peut plus être accusé aux tourments réguliers des socialistes français. Contrairement à tous les autres candidats socialistes potentiels, il n'a pas trempé dans le consternant congrès de Reims. Aujourd'hui, la gauche n'est pas exactement en lambeaux, mais malgré le bref scandale qu'il a traversé à Washington, il reste celui qui dispose de la meilleure image pour 2012. Il pourrait très bien l'emporter face à tous les autres candidats lors de la présidentielle. Reste à savoir si cela sera son choix.

La question en effet est de savoir s'il sera bien présent sur un bulletin de vote. En 1994, Jacques Delors avait décliné les appels à se présenter. Il n'en avait à vrai dire pas vraiment envie, et certains affirment qu'il souhaitait laisser le champs libre à la carrière politique de sa fille, Martine Aubry. Si Dominique Strauss-Kahn veut se présenter, il devra quitter en avance son poste de directeur du FMI, alors que son mandat cours jusqu'à fin 2012. Il aurait certainement à affronter des primaires, où il pourrait justement être face à Martine Aubry. Et il faudrait savoir également si le poste de Président de la République française est plus intéressant que celui qu'il occupe actuellement. Autrefois, il en avait envie. S'il le souhaite à nouveau, c'est là que sa trajectoire différera de celle de Jacques Delors.

jeudi 9 septembre 2010

Reconstruire le château de Saint Cloud... sans financement du contribuable !

L'académicien Maurice Druon s'était impliqué dans un projet ambitieux : reconstruire le Palais des Tuileries sur son ancien emplacement. Celui-ci a été détruit en 1871 par un incendie, pendant la Commune. Mais il était situé en plein milieu de Paris, et depuis, Paris a évolué. Aujourd'hui, tout le monde s'est habitué à ce qu'il n'y ait rien entre la Concorde et le Louvre, et une reconstruction serait longue, coûteuse, et probablement gênante pour les Parisiens. Un chantier plus modeste et néanmoins intéressant se présente en alternative. Une association tente ainsi de promouvoir la reconstruction du château de Saint-Cloud, qui fut détruit à la même époque. Le château de Saint-Cloud était lui aussi une résidence royale, où séjournèrent notamment Monsieur, le frère de Louis XIV, et Napoléon Ier. Situé dans le superbe Parc de Saint-Cloud, ce château en était la raison d'être. Aujourd'hui, il n'y a rien sur son ancien emplacement, si ce n'est quelques petits arbres. Les fondations seraient toujours présentes sous terre, et toute l'architecture du château est très bien documentée par de multiples archives. Etant située en proche banlieue de Paris, il n'y aurait riverain dérangé par les travaux de reconstruction.

Nous disposons donc d'une chance inouïe de revenir sur le passé, et d'effacer les conséquences d'un incendie stupide qui nous prive d'un splendide monument. La seule question qui se pose est en faite celle du financement. A l'époque de la monarchie absolue, le roi pouvait puiser autant qu'il voulait dans les caisses de l'État pour se faire construire ses superbes demeures. Aujourd'hui, heureusement, l'époque a évolué, et l'argent public doit d'abord servir au plus utile. Ce n'est pas vraiment le cas d'une reconstruction du château de Saint-Cloud alors que bien d'autres domaines plus primordiaux sont sous-financés. Surtout que le budget est en grave déficit chronique. Il faudra donc se tourner vers des financements privés.

Mais le Parc de Saint-Cloud est bien public lui, et il n'est pas question d'en vendre une partie. Il faut donc un financement extérieur, pour construire un bâtiment qui sera exploité par la puissance publique. L'association "Reconstruisons Saint-Cloud" a trouvé la solution : faire de cette reconstruction un chantier public, avec les méthodes anciennes, et avec des visites payantes. La reconstruction serait ainsi autant une curiosité que le château lui-même après coup. L'idée fait déjà ses preuves dans la reconstruction du château fort de Guédelon, dans l'Yonne. L'autofinancement résout le problème de l'argent. Voilà un projet brillant qui permettrait de reconstituer notre patrimoine sans que cela ait un coût pour la collectivité. Dès lors, il est difficile de ne pas le soutenir.

Illustration : Daniel Éon

dimanche 5 septembre 2010

"France, pays des droits de l'homme"

Voici le genre de choses que l'on rencontre incessamment : une personne énervée par un sujet quelconque déclare qu'elle n'en revient pas que ce qui la chagrine arrive en "France, le pays des droits de l'homme". Chose remarquable, la France n'est décrite comme pays des droits de l'homme que pour affirmer que la France les respecte bien peu. Ces mots ne sont jamais prononcés dans un contexte positif. Le but est toujours d'expliquer que la France devrait avoir honte de son comportement. C'est même devenu une technique commune et peu subtile de se plaindre en accusant la communauté. En fait, on croirait que c'est devenu une malédiction. Et le plus souvent, cela ne rime à rien.

Déjà parce qu'à force de subir cette matraque, voilà bien longtemps que la France ne se décrit plus comme le pays des droits de l'homme. Ceux qui l'attaquent sur ce thème tentent donc de remettre en cause une qualité que le pays ne s'attribue de toute façon pas. Ensuite, parce que les droits de l'homme ne sont pas une notion réservée à un seul pays, et sont donc universels. La France n'est pas plus le pays des droits de l'homme que l'Allemagne ou le Canada, par exemple. Ces deux pays ne sont pas encombrés de ce genre d'étiquette, et n'en respectent pas moins les mêmes règles favorisant la liberté de leurs citoyens que nous.

Il faut en outre savoir de quels droits de l'homme on parle. La France reconnaît les droits de l'homme comme principe fondateur de sa société (ce dont elle n'a pas à tirer une gloire particulière, c'est tout à fait normal). Et c'est la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui a valeur légale, en étant inscrite dans sa Constitution. Cette déclaration est un engagement pour la liberté des citoyens, une liberté qui s'accomplit sous l'application de la loi, expression de la volonté générale. Tel est l'objet des 17 courts articles de cette déclaration. Ils sont d'une grande sagesse, et doivent guider l'action de tout à chacun.

Le problème est que les droits de l'homme sont devenu depuis un alibi pour l'application d'un certain type de doctrines politiques. La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est moins pertinente dans la mesure où elle cherche à forcer l'implémentation de l'Etat providence dans tous les pays du monde. A force d'être trop spécifique, elle en perd de sa force. Elle évoque beaucoup moins le nécessaire respect de la loi. En la lisant, on se rend bien vite compte qu'aucun pays ne la respecte intégralement... Et ce qu'il se passe, c'est que les droits de l'homme sont de plus en plus instrumentalisés pour le compte d'un camp politique, qui n'hésite donc plus à s'en prévaloir pour tout et n'importe quoi. En France, la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) est complètement noyautée par des militants de gauche, qui ne s'en cachent d'ailleurs plus vraiment.

La LDH se permet ainsi de signer des tracts appelant à la manifestation contre le "modèle ultra-libéral fondé sur le laisser faire, l'accumulation des profits à court terme par une minorité, la spéculation financière, la répartition inégale des richesses, un système commercial injuste, le recours à l'endettement irresponsable et/ou illégitime, le productivisme, le pillage des ressources naturelles, la privatisation des services publics et la militarisation des rapports internationaux...". Cette signature est placée aux côtés de celles de partis politiques comme le Parti Communiste Français, le Parti de Gauche ou le Nouveau Parti Anticapitaliste. Le danger, c'est qu'à force d'impliquer une cause telle que les droits de l'homme exclusivement dans un camp politique, jusqu'à l'extrême, la force des droits de l'homme se perdent. Et en les invoquant tellement à déraison, on ne fait que les galvauder plutôt que vraiment encourager à les respecter.

vendredi 3 septembre 2010

Miliband contre Miliband

En France, nous aurons bientôt un affrontement ex-mari/ex-femme lors des primaires socialistes à la présidentielle. Mais en Grande Bretagne, c'est l'affrontement entre frères qui a cours actuellement. L'ancien ministre des affaires étrangères travailliste David Miliband (connu en Europe pour avoir été un temps pressenti au poste de super diplomate de l'Union Européenne) affronte ainsi Ed Miliband, son frère cadet, pour être à la tête du Labour. Certes, ce ne sont pas les seuls candidats, il y en a trois autres. Mais ce sont les deux favoris. Tous deux députés, ils n'ont visiblement pas envie de s'entraider, comme l'avaient fait les frères Kaczynski en Pologne. Ce sera donc le duel, et comme toujours en politique, l'échange de vacheries.

Il a bien fallu qu'ils se trouvent une différence pour justifier cette double candidature. En l'occurrence, David est perçu comme plus centriste, plus sensible à la révolution du New Labour telle qu'elle avait été théorisée par Tony Blair après des années de vache maigre. Ed se veut plus à gauche, de façon plus traditionnel. Dans un cas comme dans l'autre, il n'est pas vraiment question de renouvellement idéologique intense. C'est dommage. Et cela ne suffira peut-être pas. Etre dans l'opposition est justement une opportunité pour adapter ses idées aux nouveaux enjeux. C'est le travail qui avait été fait par Margaret Thatcher dans les années 70. Cela a permis aux tories de rester 18 années au pouvoir avant d'être finalement épuisés. Le New Labour avait suffisamment de souffle pour rester 13 ans en charge du destin britannique. Et si l'Histoire récente est une indication, s'opposer par principe ne suffira pas.

En 2001, William Hague, le leader des tories d'alors, s'était montré extraordinairement virulent contre les travaillistes, se contentant de proposer les vieilles recettes du conservatisme en guise de programme. Sa défaite fut monumentale. Aujourd'hui, William Hague est le nouveau ministre des affaires étrangères de David Cameron. La politique proposée de ce dernier, faite de décentralisation et de réduction des dépenses publiques, n'a rien d'extrêmement novateur. Mais face à un gouvernement travailliste lessivé par la crise économique et la guerre en Irak, sa première tâche fut de présenter le parti conservateur comme un recours respectable et dynamique.

Le gouvernement de David Cameron pourra légitimement affirmer qu'il ne fait qu'hériter des problèmes survenus pendant le règne d'autres. Les travaillistes doivent donc se remettre au travail pendant ce temps. Pour l'instant, un thème est presque complètement absent des débats, comme toujours à vrai dire : l'Europe. Voilà un sujet qui mérite une implication nette des deux Miliband.

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