Et c'est reparti ! Voilà à nouveau une bien mal nommée "journée d'action", qui consiste à ne pas travailler, notamment dans les services publics. Peu importe que cela nuise à des millions de Français, l'idéologie des grévistes est prêt à sacrifier n'importe qui pour leur "bien". Encore une fois, ce sont les plus faibles qui subiront les conséquences les plus graves de la rupture du service public. Ceux qui habitent loin de leur lieu de travail seront ainsi particulièrement à la peine. Comme d'habitude. En France, la gréviculture a lieu dans une frange de la population, et elle s'exprime pour n'importe quel prétexte. On trouvera toujours deux millions de personnes à mettre dans la rue à réciter les mêmes slogans usés, changés de quelques variations seulement. Ces deux millions de personnes, ce sont en fait toujours les mêmes. C'en est même étonnant lorsqu'ils sont moins à défiler.

Les syndicats qui organisent cette mascarade ont une conception bien étrange de la démocratie : lorsqu'ils disent qu'ils n'ont pas été "entendus", il faut en fait comprendre "obéis". Et selon leur logique, le gouvernement devrait justement obéir à la voix de ces deux millions de personne qui aiment marcher dans la rue et mesurer leur capacité de nuisance sur le reste de la société. Qu'importe qu'il y ait des élections faites au suffrage universel pour déterminer la politique de la France, et une assemblée pour voter les lois. Le gouvernement devrait toujours obéir aux grévistes, et oublier l'expression citoyenne dans les urnes.

Les grévistes ont pourtant bien tort de ne pas faire confiance en la démocratie. Le sujet de la grève du jour est la réforme des retraites, un projet décrit comme rejeté par l'ensemble de la population par les syndicats. Hors le Parti Socialiste a promis qu'en cas de retour au pouvoir en 2012, ils abrogeraient la réforme. Si les grévistes sont tellement persuadés que les Français ne veulent pas de cette réforme, ils n'ont qu'à voter pour le PS, et cette réforme n'existera plus avant même qu'elle ait pu avoir de vraies conséquences. Ils s'épargneraient ainsi de faire grève, un peu de marche à pied, et le risque d'une éventuelle retenue de salaire.

Les syndicats et le PS rejettent ce projet de réforme, et déclarent qu'une autre réforme est possible. Mais ils se gardent bien d'expliquer laquelle de façon précise. Les données du problème sont connues : le baby boom avait permis que la retraite soit financée par répartition, en ayant beaucoup de cotisants par retraité. Avec le vieillissement de la population, ce ratio diminue. Les retraites sont donc moins bien financées. La réforme Fillon de 2003 avait déjà commencé à s'attaquer au problème, mais le Conseil d'Orientation sur les Retraites avait à l'époque analysé qu'elle ne réglait la question qu'à moitié. La crise économique actuelle a encore réduit le nombre de cotisants, et le traitement de cette moitié est devenu urgent, alors qu'il n'était prévu que pour plus tard.

Alors, que proposent les partisans d'une solution alternative ? Faut-il remettre en cause l'idée même de système par répartition ? Aujourd'hui, 10 % du montant global des pensions est financé par l'emprunt. Emprunter pour régler des dépenses de fonctionnement, sans perspectives de hausse du revenu, est ce qui se fait de plus malsain en terme de finances tant privées que publiques. Alors, faut-il réduire de 10 % le montant des pensions des retraités pour retrouver l'équilibre ?

La retraite à 62 ans n'est pas si terrible que ça. Après tout, jusque dans les années 80, l'âge de la retraite était à 65 ans, alors que l'espérance de vie était bien plus courte qu'aujourd'hui. La source de nos troubles actuels est en fait d'avoir abaissé cet âge à 60 ans en 1981. Ce fut l'une des décisions à courte vue de François Mitterrand qui a plongé la France dans les difficultés actuelles. Sans cette terrible erreur, nous aurions eu beaucoup moins de difficultés à financer les pensions des personnes âgées.