Réflexions en cours

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samedi 28 août 2010

Une Histoire de France sans Louis XIV ni Napoléon

Le manque de moyens est très probablement moins un problème pour l'Education Nationale que les incessantes décisions politiques qui viennent nuire à l'enseignement. Chaque ministre se sent ainsi obligé de mettre en route une réforme, toujours discutable, toujours controversée, et en ce qui concerne l'enseignement secondaire, la plupart du temps inutile. La dernière marotte de Luc Chatel, la concentration des cours le matin, est insensée et nos voisins allemands ne cessent d'en souffrir les inconvénients. Un autre souci est le renouvellement continuel des programmes. Là encore, cela ne sert à rien, sinon à vendre de nouveaux manuels. Le psychodrame actuel sur le retard d'impressions des nouveaux livres est ainsi totalement vain : ce n'est tout de même pas un drame de travailler un an de plus sur les manuels précédents. Les mathématiques, la biologie ou l'Histoire ne change pas d'une année sur l'autre. Les variations de programmes ne justifient pas un tel branle-bas de combat. Surtout que celles-ci se font parfois en dépit du bon sens.

Un collectif de professeurs rapporte ainsi le cas du changement des programmes d'Histoire en quatrième et en cinquième. La place consacrée aux règnes si importants de Louis XIV et Napoléon Bonaparte est si congrue qu'il est presque possible qu'ils ont disparu des programmes. Et ce n'est pas au lycée que les élèves se rattraperont puis que ni en quatrième, ni en seconde, la moindre place n'est faite à l'Empire de Napoléon Ier, soit un trou allant de 1804 à 1815. Ce n'est pas le seul. Le but de cette réduction est de la place pour l'insertion de l'étude de civilisations extérieures à l'Europe, comme l'Empire du Mali ou le Monomotapa. Cette décision est parfaitement assumée par les responsables des programmes. Dans France Soir, le doyen du groupe histoire-géographie de l’inspection générale du ministère, Laurent Wirth, explique que "de nombreux jeunes dans nos écoles sont d’origine africaine : il faut aussi qu’ils se reconnaissent dans nos programmes".

On ne saurait mieux mettre en évidence la qualité de sombres imbéciles de ce genre de décisionnaires. Quelle idée de vouloir systématiquement renvoyer les élèves provenant de l'immigration à leurs origines plus ou moins lointaines ! C'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire. A l'instar de la langue, l'Histoire est la même pour tous les Français. Et cette Histoire, c'est d'abord celle de la France. A quoi bon connaître des royaumes lointains qui ont eu peu de liens avec nous si l'on n'est même pas capable de bien comprendre ce qu'il s'est passé ici-même ? On ne pourra plus s'étonner qu'en sortant de l'enseignement secondaire, les élèves ne sachent quasiment rien de l'Histoire française et n'y aient rien compris. Aujourd'hui, seule l'histoire du XXème siècle est bien expliquée, étant au programme à la fois du brevet et du baccalauréat. Ce qui précède est au mieux survolé, au pire (et souvent) ignoré. Le résultat est encore plus mauvais que dans les autres matières : l'Education Nationale échoue à enseigner l'Histoire.

jeudi 26 août 2010

L'Amérique nerveuse à propos de l'islam

La construction d'une mosquée à deux blocs de Ground Zero à New York est l'objet d'une énorme polémique outre Atlantique. Nombreuses sont les voix qui s'expriment contre. Les arguments sont divers. Les plus ardents opposants considèrent que c'est un moyen pour les terroristes de marquer leur territoire après l'attentat du 11 septembre 2001, et qu'il s'agira d'un point de rassemblement pour extrémistes. Mais la liberté de culte est un principe fondateur des Etats-Unis, bien davantage qu'en Europe. Du point de vu des principes, les musulmans doivent pouvoir créer des lieux de cultes où ils le souhaitent. C'est d'ailleurs ce qu'a d'abord dit Barack Obama. Il a ensuite dit qu'il ne commenterait la question de savoir si c'était une chose sage de le faire... laissant entendre que ce n'était peut-être pas le cas. Et c'est cet angle d'attaque qui a été repris par le plus grand nombre, dont le chef des démocrates au Sénat, Harry Reid : selon eux, les musulmans ont le droit de créer une mosquée où ils le veulent, mais devraient comprendre que d'en bâtir une aussi proche de Ground Zero est une mauvaise idée. Peu importe que le lieu soit aussi une opportunité d'échanges culturels, il ne faudrait pas rappeler la religion qui a servi de prétexte à l'attentat qui a traumatisé l'Amérique.

C'est oublier qu'il y a déjà une mosquée à proximité, et que ça ne pose de problème à personne. Et c'est oublier aussi que dans l'Amérique entière, la construction de mosquées est l'objet de manifestations s'y opposant, mettant en avant le contenu de la religion musulmane. Le problème est plus vaste que l'aménagement de New York. La question de l'islam y particulièrement inflammable. Pendant la campagne électorale de 2008, Barack Obama fut constamment "accusé" d'être un musulman secret, via des arguments ridicules. Et depuis deux ans, le nombre de personnes qui y croient réellement a en fait augmenté. Les faits de ce type se multiplient, favorisant une peur globale des terroristes musulmans, contre qui les Etats-Unis luttent en Irak et en Afghanistan. Et l'amalgame avec l'ensemble des musulmans est rapide à faire.

Les musulmans bénéficiaient pourtant d'une situation plus favorable aux Etats-Unis qu'en Europe, et qu'en France notamment. La liberté totale de culte n'est pas soumise à une forte laïcité. D'un point de vu économique, ils sont très bien intégrés, étant aussi riches que la moyenne de la population, et parfois même davantage formés. Leur nombre est plus réduit qu'en France, alors que la population globale est cinq fois plus importante, et avec l'immense territoire américain, ils sont assez bien répartis, évitant les ghettos. Il est donc troublant que les Etats-Unis se posent soudainement des questions vis-à-vis d'eux.

Barack Obama a fait de la réconciliation de l'Amérique avec le monde islamique une des priorités de politique internationale. Pour ce faire, il n'a pas hésité à taper sur la France, dans l'espoir d'apparaître comme un redresseur de torts face à un pays qui se comporterait mal. Il cherche ainsi à forcer l'intégration de la Turquie dans l'Union Européenne ou bien critique l'hexagone pour ses gênes envers le voile islamique ou la burqa. Ici, les éditoriaux pleins de hauteur du New York Times sont abondamment commentés. Mais plutôt que de s'en prendre au comportement d'un allié pour parfaire son image, le meilleur comportement à adopter pour l'Amérique ne serait-il pas de se demander d'abord ce qu'il ne va pas avec eux ?

lundi 23 août 2010

Juges en politique

L'université d'été des Verts vient de s'achever, elle a donné lieu à véritable apologie d'Eva Joly, l'ex-juge d'instruction médiatique devenue députée européenne. Elle serait dès aujourd'hui quasiment désignée comme étant la prochaine candidate de ce mouvement pour l'élection présidentielle. Eva Joly est bien connue du grand public. Son travail très médiatique sur des affaires financières politiques lui ont valu une belle célébrité, et la possibilité d'avoir une tribune pour ses propres opinions. Elle résolut de se lancer ensuite dans la politique, hésitant entre le Modem et les Verts. Ce fut les Verts, et sa désignation comme deuxième de sa liste (derrière Daniel Cohn Bendit) aux européennes lui a garanti son élection. Dans sa carrière politique, elle joue pleinement de son image d'intégrité, et se pose comme un symbole de la Justice, n'hésitant pas à intervenir pour donner un angle judiciaire à toute affaire du moment. C'est un atout remarquable, et revendique le fait d'être arrivée tardivement en politique.

Ce n'est ni la première, ni la dernière fois qu'un juge d'instruction médiatique s'engage en politique. Mais ils ont tous pour point commun de devoir leur célébrité pour être intervenu sur des affaires impliquant le milieu politique justement. On se souvient ainsi de Thierry Jean-Pierre, qui s'était engagé auprès de Démocratie Libérale. Il y eut aussi Eric Halphen, qui se présentât à la députation sous les couleurs de Jean-Pierre Chevènement après avoir poursuivi inlassablement le Chef de l'Etat. Et ces derniers mois, c'est Laurence Vichnievsky qui s'est engagée chez les Verts pour se faire élire au conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur.

En fait, la question qui se pose aujourd'hui est plutôt de savoir qui, parmi la catégorie des juges d'instruction médiatiques, ne s'est pas engagé par la suite en politique. Seul Renaud Van Ruymbeke ne peut y penser pour l'instant, après avoir vu son image écornée pour un grave manquement de procédure dans l'affaire Clearstream. Pour les autres, on ne peut croire qu'ils se soient découverts de telles convictions politiques le lendemain de leur démission de la magistrature. Si un cas est isolé, on peut en remarquer l'originalité. Mais si cela devient systématique, le risque est qu'un doute se crée sur les motivations des juges d'instruction dans leurs actions judiciaires. Le fait même d'enquêter sur une personnalité politique revient à mettre en doute son honnêteté, et il faut généralement des années pour qu'un verdict soit rendu. Il ne faudrait pas que l'on puisse se demander si de telles enquêtes sont effectuées par volonté d'attirer l'œil des médias sur soi, ou par volonté de nuire à des personnes qui ont des opinions différentes des siennes...

Normalement, les juges n'ont pas le droit de faire intervenir leurs propres convictions politiques dans les décisions qu'ils prennent. Leur devoir de réserve les empêche également d'exprimer leur avis sur les questions politiques. Mais la façon dont les syndicats de magistrats sont intervenus ces dernières années pour mettre en cause les lois que ceux-ci ont à appliquer a fait naître un certain malaise. La passerelle qui existe entre les partis politiques et la position de juge peut également rendre délicate la question de la neutralité des magistrats. Bien sûr, être juge ne peut être un motif suffisant pour être empêché d'être élu, chacun doit pouvoir l'être. Seulement, la question qui se pose en toile de fond de tout cela est celle de l'indépendance des magistrats : s'ils sont indépendants du pouvoir en place, le but est-il d' être sous l'emprise de divers programmes politiques extérieurs ?

samedi 21 août 2010

Robin des bois, héros du libéralisme

Le héros légendaire Robin des bois (Robin Hood, en version originale) est souvent considéré comme une icône du partage, de la solidarité et pour certains des valeurs socialistes. Selon l'expression consacrée, il serait celui qui "vole aux riches pour donner aux pauvres". Seulement, aucune version du mythe ne décrit cela. Dans les faits, il est le héros de toute autre chose. Le roman Atlas Shrugged met ainsi le doigt sur cette contradiction remarquable au détour d'un dialogue.

Ce que fait Robin des bois, c'est de voler l'argent des énormes impôts extorqués par le shérif de Nottingham pour le compte du roi Jean sans terre, pour le redonner aux particuliers. Robin des bois reprend donc le produit des impôts à l'Etat, pour le reverser aux particuliers. L'injustice qu'il combat, c'est les taux d'imposition trop élevés. Ce faisant, Robin des bois apparaît comme un héros du libéralisme, face à un Etat appauvrissant les agents économiques et les réduisant à la misère. Dit comme cela, ça paraît évident. On pourra dès lors corriger tous ceux qui se méprennent !

vendredi 20 août 2010

Georgie : deux ans après

Il y a deux ans, la Georgie fut envahie par la Russie. Celle-ci voulait affirmer "l'indépendance" de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie, dont les mouvements séparatistes gênaient le Président géorgien, Mikheil Saakachvili. Dans les faits, il s'agissait d'une quasi-annexion, faite pour nuire à un pouvoir géorgien qui montrait trop de volontés d'indépendances. La guerre fut rapide dans les forces étaient disproportionnées. La communauté internationale n'a obtenu de cesser le fait qu'après que le mal fut fait. Le gouvernement géorgien est toujours en place, mais est toujours menacé par l'armée russe qui campe à proximité. En fait, en deux années, rien n'a changé.

A un moment controversé, Mikheil Saakachvili est aujourd'hui conforté à son poste suite aux résultats favorables des dernières élections locales. Il fulmine contre l'invasion russe, mais ne peut pas faire grande chose contre. Son seul pouvoir est d'alerter les chancelleries occidentales sur la situation de son pays. Et celles-ci peuvent à loisir méditer ce qui s'est passé. La Russie a ainsi montré qu'elle était prête à lancer des opérations militaires sur des terres étrangères si cela pouvait servir son intérêt national. Cela rappelle les anciennes interventions soviétiques de sinistre mémoire en Hongrie ou en Tchécoslovaquie. Les autres pays de l'ex bloc soviétique ont eux aussi retenu la leçon. Les états baltes, protégés par leur appartenance à l'OTAN, ne sont pas rassurés et aimeraient que les Etats-Unis prennent davantage au sérieux la menace russe. L'Ukraine, minée par une instabilité politique récurrente ces dernières années, a fini par mettre au pouvoir un Président pro-russe. Mais les pays de l'Union Européenne et la communauté internationale dans son ensemble ont vu clair dans ce qu'il s'était passé.

Les indépendances de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie n'ont ainsi été que peu reconnues. Même la Biélorussie, jusqu'à présent allié fidèle de la Russie, ne les a pas reconnues, provoquant la fureur de son ombrageux voisin. Même s'il fut considéré comme imprudent dans les événements d'il y a deux ans, Mikheil Saakachvili est vu favorablement aujourd'hui à l'ouest. De nombreux pays européens apprécient modérément le fait que la Russie fasse tout pour être incontournable dans la fourniture de gaz. La Géorgie, comme voie alternative de fourniture du gaz caucase et d'Asie centrale, est d'autant plus menacé. Les alliés n'accepteraient certainement pas que la souveraineté géorgienne soit davantage mise à mal. Et la Russie, dont les fondements économiques et démographiques ne sont pas grandioses, ne peut se permettre de conflit ouvert. Elle ne reculera pas dans les provinces qu'elle a conquises, mais ne devrait pas pouvoir aller plus loin. Le statu quo est donc bien parti pour perdurer encore de très longues années.

lundi 16 août 2010

Achevons le marxisme

Le philosophe Yvon Quiniou a fait publier une tribune dans le journal Le Monde où il accuse l'essayiste Guy Sorman de confondre le communisme avec les régimes qui se sont autoproclamés communistes. Selon Yvon Quiniou, le seul communisme est le marxisme, et celui-ci n'a jamais été appliqué. Le philosophe très engagé à gauche déclare ainsi :

"Tout cela pèse encore d'un poids terrible sur notre situation politique et empêche d'admettre à la fois que l'idée communiste est généreuse, moralement exigible, et qu'elle n'est pas morte puisqu'elle n'a jamais existé dans les faits."

Tous ceux qui attribueraient les crimes des communistes au communisme seraient donc dans l'erreur, une erreur très répandue. Citant les textes de Marx pour s'appuyer, il explique que le communisme n'ayant jamais été appliqué, il faut donc continuer de le revendiquer. Sur une partie de son raisonnement, il n'a pas tord : la vision qu'a eu Marx n'a jamais été appliquée dans les faits. La dictature du prolétariat qu'il préconisait était loin d'être l'étape finale du communisme, et ne s'accompagnait probablement pas de tous ces horribles meurtres et exactions commises par les dictateurs, bien peu en prise avec le prolétariat eux-mêmes. Mais là où Yvon Quiniou se trompe lourdement, c'est en croyant que le communisme puisse être autre chose.

En France, les communistes continuent d'avoir pignon sur rue ce qui est incroyable. Ils ont une multitude de partis politiques, sont influents dans les syndicats, les activistes de tout poil, et bien sûr dans une certaine intelligentsia, comme le montre si bien à propos notre philosophe. Tout ce petit monde continue de se comporter comme si le communisme n'avait pas été fondamentalement invalidé par l'Histoire. De très nombreux pays ont été gouvernés par des régimes d'inspiration communiste, à tel point que l'on a pu considérer à une période qu'ils formaient la moitié du monde. Ce n'est pas une minorité d'entre eux qui se sont presque aussitôt mués en dictatures terribles et sanglantes, c'est plus qu'une majorité : c'est la totalité. Pour une fois, il n'y a pas une seule exception. De l'Europe à l'Afrique, de l'Asie à l'Amérique centrale ou du sud, tous les régimes communistes ont opprimé leur population et nui à leurs conditions de vie. Ceux qui s'en sont sortis le mieux économiquement parlant, sont ceux qui ont laissé ou rétabli des éléments d'économie capitaliste.

Karl Marx a pu se croire aussi scientifique qu'il le voulait, ses thèses n'étaient qu'une utopie folle, pouvant générer de l'espoir il fut un temps, mais dont l'application en toute connaissance de cause aujourd'hui relève de l'irresponsabilité. Le système décrit ne peut tout simplement pas fonctionner, c'est ce que l'on a vu à chaque tentative, c'est pour cela qu'il prend systématiquement une forme grotesque et horrible. En sciences, quand une expérience n'aboutit pas au résultat souhaité, on en tire les conclusions. Il faudrait le faire pour le communisme. C'est dès les hypothèses qu'il était dans l'erreur, en prenant l'homme pour ce qu'il n'est pas.

Le communisme n'a pas d'avenir. En fait, il n'a pas non plus de présent. Nous devons encore supporter les râles d'un mort vivant, répétant inlassablement les mêmes rengaines apprises il y a longtemps. L'étude du communisme peut être intéressante, comme une curiosité. Mais il est temps d'arrêter de croire que le communisme est souhaitable. Ce n'est plus l'heure de jouer aux illusions, et faire comme si le marxisme était encore quelque chose de crédible. Il faut l'achever, et enfin, passer définitivement à autre chose. Cela n'a que trop tardé.

dimanche 15 août 2010

Le sahara, source d'énergie

Un groupement de grandes entreprises allemandes est en train de méditer un projet qui pourrait avoir de grandes conséquences. Leur initiative, Desertec, part d'une idée simple : profiter de l'immense espace laissé libre par les déserts pour y puiser de l'énergie renouvelable. Leur première proposition est ainsi d'installer des centrales thermiques solaires (où la chaleur du soleil est captée pour faire fonctionner des turbines génératrices) au sein du sahara. L'absence d'activités dans ce désert, la faible présence de faune et de flore, et la chaleur écrasante sont autant de facteurs favorisants l'installation d'équipements générateurs d'électricité. Et plus ces installations seront grandes, et plus elles pourront bénéficier d'économies d'échelles. L'électricité produite pourrait servir non seulement les pays d'Afrique du nord, mais aussi ceux d'Europe, à condition de créer des lignes à très hautes tensions entre les deux continents. Certes, il y aurait alors une déperdition d'énergie pendant le transport, mais les avantages en terme d'ensoleillement sont tels que le gain serait toujours largement suffisant. L'argument massue est surtout qu'il y a chaque jour plus d'énergie potentielle dans le sahara que ce qui est consommé par la population humaine.

Évidemment, si les études sont déjà lancées depuis plusieurs années, il en faudra encore de nombreuses autres avant que ce projet commence à devenir réalité. Pour commencer, il faudrait développer une compétence en matière de centrales thermiques solaires. Celles qui existent actuellement ont montré l'opérabilité de cette façon de produire de l'électricité, mais leur taille est encore assez réduite par rapport à ce qu'il faudrait construire dans le sahara. Ensuite, les lignes à haute tension seraient un tout autre défi. On peut facilement prévoir que les questions qui se posent actuellement avec les gazoducs et oléoducs venant des pays de l'est se reposeraient de façon similaire. Quels pays traverser ? N'y aurait-il pas une trop forte dépendance entre les pays consommateurs et les pays producteurs ? Les pays d'Afrique du nord accepteraient-ils que les énormes fonds nécessaires pour un tel projet viennent d'Allemagne, leur laissant ainsi un contrôle sur une activité qui pourrait être amenée à être fortement rémunératrice, ou bien pourraient-ils préférer en prendre le contrôle, comme dans le cas du canal de Suez ou des exploitations pétrolières ?

Il faut néanmoins voir les fantastiques côtés positifs de l'opération. Ce projet pourrait être un vecteur de développement pour l'Afrique du nord quelques soient les modalités choisies. Et évidemment, Afrique et Europe pourraient bénéficier d'une source d'énergie renouvelable abondante, sans dommages sur l'environnement. Il serait dommage de ne pas tenter le coup. L'idée n'apparaît en fait pas si incroyable. On peut seulement se demander pourquoi personne n'a essayé de la mettre en œuvre plus tôt.

jeudi 12 août 2010

La Belgique comme échantillon représentatif de l'Europe

L'hebdomadaire The Economist a publié en juin dernier un article comparant la Belgique à l'ensemble de l'Union Européenne. Le résultat est frappant, et même inquiétant. Pour résumer, les Belges seraient d'autant plus prompts au démantèlement de leur Etat que les régions autonomes qui en résulteraient se placeraient d'emblée sous la protection européenne. Ils sont donc très favorables à la construction européenne, en l'occurrence dans la perspective d'une Europe des régions. Ils pourraient donc solder par ce biais la contradiction d'un Etat réunissant des Wallons dépensiers et bon vivants à des Flamands économes et travailleurs. Néanmoins, l'Union Européenne souffre en fait du même mal.

En effet, la crise économique et financière récente a encore une fois mis l'accent sur les différences culturelles entre le nord et le sud de l'Europe. Les pays du nord, emmenés par l'Allemagne, se soucient fortement de leur orthodoxie financière. Le personnel politique doit veiller à ce que le budget public soit à peu près équilibré, et cela implique soit des taux d'impositions importants, soit des dépenses publiques fortement maîtrisées. Forcément, la population est mise à contribution pour que cela soit tenable. Le temps de travail hebdomadaire est alors plus long, les jours de congés payés moins nombreux, et la retraite plus tardive. De l'autre côté, dans les pays du sud, la première priorité est le "bien être social", ce qui est compris comme le fait d'avoir le maximum de bénéfices (services publics, assurance maladie et vieillesse, augmentation du pouvoir d'achat...) pour le minimum de travail possible (celui-ci étant toujours considéré comme une contrainte). La plupart du temps, l'écart entre les revenus et les dépenses est tel que le fonctionnement des institutions publiques est financé à crédit. La Grèce explose aujourd'hui de ce déséquilibre. Cela fait des décennies que la France a pris la tête des pays latins dans la croisade contre une orthodoxie financière jugée toujours trop stricte. Si l'Espagne a connu le plein emploi grâce à une bulle immobilière, les pays du sud paient la plupart du temps leur protection des travailleurs en poste par un chômage important.

L'Europe, construite sur l'Alliance franco-allemande, serait donc un mariage de la cigale et de la fourmi. La colère des Allemands, devant travailler jusqu'à 67 ans, face à la perspective de devoir sauver une Grèce très généreuse envers ses employés, est loin d'être neutre. A l'heure actuelle, l'Union Européenne n'est pas plus un Etat nation que la Belgique. Le risque pèse donc toujours que les forces à l'oeuvre dans la séparation de la Belgique se retrouvent au sein de l'Union Européenne toute entière. Un équilibre doit être trouvé. Et les séparatistes flamands devraient également se poser la question des répercussions à long terme de leurs ambitions.

mardi 10 août 2010

Rappel de base : tout casser ne sert à rien

Le mois de juillet fut marqué par deux faits divers consécutifs et assez semblables. D'abord, un gangster fut abattu à proximité de Grenoble, alors qu'il tirait sur la police en prenant la fuite après le braquage d'un casino. Le quartier où il habitait fut alors secoué par plusieurs nuits d'émeutes, et les policiers de la BAC furent menacés de mort. Ensuite, la mort d'une homme appartenant à la communauté des gens du voyage alors que la voiture dans laquelle il se trouvait passait en force un barrage de police provoqua là encore une émeute. Les caméras avaient ainsi tout loisir de filmer des gens du voyage s'en prendre à la gendarmerie locale, aux arbres et au mobilier urbain du village. Ces deux affaires ne font que s'ajouter à de nombreuses autres, qui suivent toujours le même enchainement de faits. D'abord, la police intervient pour faire respecter la loi. Les malfaiteurs ne se laissent pas faire, prennent des risques et en conséquence meurent du fait de l'accrochage. La "communauté" à laquelle faisait partie ces malfaiteurs se met alors en colère, crie à la bavure, et se met à tout casser. Les émeutes de l'automne 2005 n'avaient pas d'autre origine. Pourtant, cette réaction ne se justifie d'un point de vue rationnel, ni d'un point de vue moral.

Rationnellement, faire une émeute ne sert à rien. Quelques soient les circonstances, la mort d'un homme lors d'une opération de police entraînera toujours en France la saisie de la police des polices. Elle est alors chargée au minimum d'éclaircir les circonstances de ce décès, et d'engager des poursuites si l'utilisation de la force fut abusive. Tout casser ne sert donc pas la justice. Au contraire, cela promeut l'injustice. Pourquoi quelqu'un d'extérieur à l'affaire devrait voir sa voiture brûler à cette occasion ? C'est là que se trouve alors la vraie injustice. Si le but est de protester contre les conditions de vie dans le quartier (ce qui devient déjà très éloigné des faits de base), alors le but n'est jamais atteint. En effet, ces faits ne font que donner au quartier en question une mauvaise image, celle d'une zone de non droit dangereuse. Institutions, commerces et mixité sociale sont alors encouragés à s'éloigner d'un lieu ainsi marqué.

Mais ceux qui commettent ce genre d'exactions ne pensent pas à cela. En fait, ils ne pensent à rien du tout. Quand un malfaiteur est attaqué, ils ne font que se sentir attaqués eux-aussi. La question morale est alors touchée. Le respect des lois de la République apparaît comme secondaire, voire hors de propos. Pour les casseurs, la seule loi qui compte est la leur, pas celle de la société toute entière. L'honnêteté n'est pas une de leur valeur. Ce qui est troublant, c'est lorsque des médias ou des personnalité encouragent cela, en s'en prenant toujours à la police dans ce genre de circonstances, attribuant le rôle de victimes à ceux qui ne respectent pas les lois. A ce moment là, la République est atteinte, puisque le respect des lois est remis en question, avec en filigrane la possibilité de vivre ensemble.

Il y a encore des faits d'insécurité qui ne sont pas ou peu couverts par les lois, légiférer est alors possible pour donner des outils à la justice pour agir. Très souvent, la police n'a malheureusement pas les moyens pour faire respecter les lois, et parfois, n'est pas soutenue par certaines parties de la population. D'aucuns évoquent également la possibilité de faire de la prévention pour éviter que des délits soient commis. Mais d'une façon plus large, c'est à la possibilité morale de ne pas respecter la loi qu'il faut s'attaquer. Ce n'est pas une affaire de conditions de vie. Le problème est culturel.

dimanche 1 août 2010

Atlas Shrugged

Il est un livre qui est totalement inconnu en France, mais qui de l'autre côté de l'Atlantique a connu un succès tel qu'il a eu une grande influence dans la société toute entière. Atlas Shrugged est un énorme roman écrit par Ayn Rand, et publié en 1957 aux Etats-Unis. A travers la fiction, il s'agit d'un plaidoyer constant d'Ayn Rand pour sa philosophie et sa morale. Le roman conte le chemin de croix de Dagney Taggart, vice-présidente d'une compagnie de chemins de fer, dans une Amérique au bord du socialisme. Autant le dire tout de suite, tous les personnages se classent aisément en trois catégories :

- les méchants : ce sont tous d'horribles geignards incompétents, et qui, pour obtenir des places qu'ils ne méritent pas, font en sorte de profiter du travail des autres et de blâmer autrui lorsque quelque chose ne va pas. Ce sont des adeptes du relativisme (considérant que rien n'est sûr) mais aussi du socialisme. Ils estiment ainsi que les entrepreneurs ne doivent leur réussite que grâce à la société et qu'ils doivent impérativement leur en rendre les fruits. Leur plus grand avantage est qu'ils arrivent à faire en sorte que les gens compétents culpabilisent pour être meilleurs que les autres.

- les héros : ce sont des esprits géniaux, beaux, doués d'une capacité de travail hors du commun... et généralement décrits comme sociopathes. C'est bien simple, tout ce qui a été créé sur Terre l'a été par la volonté de ce genre de personnes. Alors que le monde entier devrait se prosterner devant leur supériorité, il s'avère qu'ils ont été constamment exploités pour donner à la société le produit de leur intelligence, sans en être vraiment récompensé, allant même jusqu'à être dénigrés par l'idéologie dominante.

- les gens ordinaires. Parfois du côté des héros, souvent manipulés par les méchants, ils n'ont, à vrai dire, qu'une place tout à fait mineure dans la société décrite par Ayn Rand.

Nous sommes donc dans le manichéisme le plus complet. Et Ayn Rand présente un monde au bord de l'écroulement, où tout va de plus en plus mal. On comprend rapidement où elle veut en venir : à force d'exploiter de façon ingrate l'intelligence des héros pour des motifs inavouables (en théorie la générosité, en réalité la paresse et l'incompétence), les méchants découragent les héros. De ce fait, la société bénéficie de moins en moins de leurs largesses, alors qu'ils étaient indispensables au fonctionnement de l'économie. Il s'avère même que bon nombre d'entre eux ont décidé de faire grève, de se retirer du monde pour créer une nouvelle société paradisiaque fondée sur l'égoïsme dans un endroit caché dans les montagnes du Colorado. Les héros sont Atlas, le titan qui porte le ciel sur ses épaules, mais un Atlas qui à force d'être déçu, laisserait tout tomber.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une fois qu'Ayn Rand a une idée en tête, elle n'en démord pas. Sa philosophie est l'"objectivisme". Cela consiste à considérer que tout est rationnel, que la réalité peut parfaitement être appréhendée, et que dire le contraire est une crime contre l'esprit tout puissant. Comme il n'y a qu'une seule réalité, un seul point de vue est digne d'intérêt. Cela explique la façon virulente qu'elle a de caractériser ses ennemis, tous ceux qui ne partagent pas sa foi en l'individualisme. Car comme l'esprit humain est omnipotent, il faut le laisser travailler, et donc que chaque individu soit parfaitement libre. Cela veut dire qu'il ne vit que pour lui, et non pour les autres, et qu'il ne tente pas de faire faire quelque chose à autrui sans que celui-ci ne le veuille lui-même. La seule vraie règle est le droit à la propriété : chacun doit pouvoir bénéficier du fruit de son travail. Et même, de façon idéale, aucun service ne doit être rendu gratuitement. Tout a un coût.

A force de ne reconnaître en l'argent que la concrétisation du mérite d'un individu, le roman nie certains faits jusqu'au ridicule. Ainsi, la question de l'héritage est abordée de façon bien étrange. L'un des personnages principaux est l'héritier d'une immense fortune dans les mines de cuivre, mais plutôt que d'hériter, va faire en sorte de racheter l'entreprise familiale par sa propre création d'entreprise (sans aucune aide), et tout cela à l'âge de vingt ans environ. Dagney Taggart hérite de la compagnie de chemin de fers avec son frère, mais doit uniquement à ses propres compétences la survie de l'entreprise. La plupart des héros sont des self made men, partis de rien, étant arrivés au sommet par leurs propres moyens, mais handicapés par le poids de la collectivité.

Dans une logique aussi individualiste, la seule forme d'interaction possible est l'échange, l'échange au sens premier : la transaction. Quand un homme et une femme s'aiment, c'est uniquement dans cette approche transactionnelle. Ce qu'ils retirent de l'autre a suffisamment de valeur pour eux pour qu'ils donnent d'eux-mêmes en retour. Evidemment, ce n'est possible que pour les héros, conscients de leur valeur. Pour les autres, les relations humaines ne sont que des pertes de temps ineptes.

Atlas Shrugged propose donc une grande vision de l'homme. Un homme libéré des autres. Ayn Rand s'en prend vivement à tous ceux qui essayent de contraindre autrui à suivre des règles de vie préétablies, par la force ou par la superstition.
  • Par la force, comme le fait l'Etat, qui ne devrait pas vraiment exister, si ce n'est pour défendre la propriété contre les pillards. Avec toutes ses lois, l'Etat ne fait que restreindre la liberté, et se transforme en pillard lui même.
  • Par la superstition, comme le fait la religion. Elle aussi ne fait que mettre toute sortes de restrictions à la liberté de l'individu, profitant de l'angoisse née du vide. Or il ne saurait être question de paradis ultérieur, ce serait tromper la vérité. Il est possible en revanche de se créer son propre paradis personnel sur Terre.
Tout au long du roman, les pages se suivent et se ressemblent. Le monde ne peut vivre sans les esprits géniaux d'une petite minorité, le pillage systématique dont ils font l'objet et l'ingratitude des masses aboutit à un suicide collectif plus ou moins conscient. C'est une charge extrêmement violente contre le marxisme, le socialisme, la générosité et toute forme de collectivité. Ayn Rand remplit son livre d'une haine brûlante envers tous ceux qu'elle considère comme inférieurs. Cela révèle d'ailleurs d'un étonnant complexe de supériorité de sa part, dans la mesure où elle n'est en fin de compte restée connue que pour des œuvres pleines d'amertumes, où les personnages ne sont pas à la place qu'ils devraient être. Sa vision des choses à sens unique ne laisse pas d'espace pour la contradiction. L'idéologie présente relève donc d'un extrémisme totalement assumé, elle serait forcément dangereuse si elle venait à être appliquée.

Il n'est donc pas étonnant que ce livre ne soit pas connu en France, et n'y ait jamais été traduit. Il entre en contradiction frontale avec le système de valeurs cher aux Français. Aux Etats-Unis, il continue de se vendre très bien. C'est même une base du libertarianisme, un courant de pensée notable en Amérique. Le mouvement des Tea Parties s'y réfère toujours. La différence culturelle entre les deux côtés de l'Atlantique apparaît plus clairement à la lumière d'un tel livre. Il faut en être conscient.

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