La campagne du premier tour touche à sa fin. Tout pronostic quant au résultat du scrutin de dimanche prochain est vain, tant il y a de facteurs à prendre en compte, et tant les sondages donnent des résultats contradictoires, alors qu'ils sont loins d'être fiable de toutes façons. La campagne officielle aura un peu refroidi l'entrain qui l'avait précédée. Mais d'une manière générale, cette campagne aura été aussi forte que dure. Forte, car au début de la campagne électorale un bon nombre de thèmes de fonds ont été abordés, avec des différences marquées entre la gauche et la droite. Dure, car ces derniers jours, tous ces thèmes semblent avoir été oubliés dans la mesure où une bonne partie des candidats et des médias semblent avoir décidé de ne plus se préoccupper que de la personnalité fantasmée d'un candidat, en l'occurrence Nicolas Sarkozy. On ne peut pas vraiment dire que quoi que ce soit lui aura été épargné : s'il est normal qu'il soit attaqué sur ses propositions, l'homme aura été la cible de l'extrème gauche, de la gauche, de François Bayrou (qui en fin de compte n'aura attaqué que le candidat de l'UMP), et évidemment de l'extrème droite. A chaque fois, la caricature aura fait figure d'argument, et ayant été donné favori à tort ou à raison, il aura la cible de toutes les attaques, malhonnêtes voire odieuses, comme on a pu le voir avec ce qu'il s'est passé sur internet.
A l'heure où les procès en sorcellerie abondent et où le croquemitaine semble être devenu une réalité dans les esprits de certains journalistes, il peut être bon de garder son calme face à la fureur pour mieux considérer les choses. On peut commencer par la question : que valent toutes ces attaques ? Rien, elles ne font que montrer l'acrimonie de personnes qui ne supportent pas le débat d'idées, et qui en viennent aux attaques ad hominem faute de pouvoir argumenter sur le reste. Elles peuvent néanmoins avoir une certaine efficacité, vu l'importance de la tentative de manipulation de foules qui est faite, il ne faut rien sous-estimer. Nous nous grandirions néanmoins si nous arrivions à nous concentrer sur ce qui est vraiment important dans cette campagne électorale, pour décider de la personne qui est la mieux qualifiée pour occupper la Présidence de la République. Et en premier lieu, les projets présentés par les candidats devraient être le critère de choix.
En l'occurrence, celui de Nicolas Sarkozy apparaît comme extrèmement fort. Dès lors, ce n'est pas étonnant que ses opposants souhaitent ne pas en discuter les propositions pour en rester au registre de l'insulte. En regardant dans le détail :
- il souhaite faire sortir l'Europe de la crise en concevant un nouveau traité simplifié, reprenant l'essentiel des mesures qui étaient décrites dans la première partie du Traité Constitutionnel Européen. En ne cherchant plus qu'à adopter rapidement un simple traité sur les institutions, la ratification par voie législative sera possible pour la France et surtout pour la Grande-Bretagne, qui aurait été un obstacle autrement difficile à l'adoption du Traité Constitutionnel Européen par tous les pays de l'Union Européenne. La solution présentée par Nicolas Sarkozy trouve aussi des adeptes dans le reste de l'Europe, et notamment en Allemagne. Ainsi, Angela Merkel préfère largement l'idée d'un traité simplifié à celle du rafraichissement du Traité de Nice, comme l'a présenté dernièrement le ministre néerlandais des Affaires étrangères. En outre, le gouvernement allemand est réticent à l'idée d'un échec à un éventuel nouveau référendum, qui tuerait définitivement l'Union Européenne.
- Nicolas Sarkozy est favorable au service minimum dans les services publics. On peut considérer qu'en effet, le minimum dans la défense d'un service public reste de l'assurer. Et il faut que les réformes soient négociées, et ne résultent plus de rapports de forces dont les perdants sont l'ensemble des Français.
- il est favorable au maintien de la Vème République, considérant que ce n'est pas en changeant de constitution, qui plus pour retrouver des institutions qui ont plongé la France dans le désarroi en 1940 et en 1958. C'est surtout la pratique qu'il faut changer, il est absurde de changer de navire lorsqu'il suffit de changer de capitaine.
- avec Christian Blanc il souhaite continuer la politique de pôles de compétitivité pour créer de nouveaux moteurs de croissance. En investissant dans la recherche et des universités réformées, les entreprises pourront accéder plus facilement à l'innovation et créer de nouveaux marchés.
- Jean-Louis Borloo a vu son projet social intégré dans celui de Nicolas Sarkozy. Cela se traduit par l'image des quatre piliers du plan "EFEL" du co-président du Parti Radical, avec des efforts particuliers en matière d'Emploi, de Formation, d'Equité et de Logement. L'influence de celui-ci est indéniable dans la conception du programme en direction des banlieues difficiles que présente Nicolas Sarkozy, pour permettre aux jeunes actifs qui y habitent de trouver un avenir.
- les régimes spéciaux de retraite seraient réformés si Nicolas Sarkzoy venait à être élu. C'est nécessaire dans un souci de viabilité économique et d'équité.
- il veut basculer une partie de la fiscalité sur le travail vers la pollution. En plus d'encourager les efforts environnementaux, cela permettrait de remettre les entreprises des différents pays dans une certaine équité dans la conquete du marché français.
- il est contre l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne, rappelant que la Turquie n'est géographiquement pas en Europe. En outre, tout projet d'intégration des politiques européennes serait vain dans le cas d'une telle adhésion.
- il est favorable à une politique d'immigration choisie, ce qui qui est une politique modérée entre deux extrèmes que sont l'immigration zéro et la régularisation systématique. A quoi bon émigrer en France, si c'est pour vivre dans une misère équivalente à celle de son pays d'origine faute de ne pouvoir trouver sa place dans la société ? Qu'il soit traité de raciste pour penser cela, alors que son père et son grand-père maternel étaient eux-mêmes des immigrés est ahurissant.
- il propose un modèle de croissance fondé sur le travail. Plutôt que de chercher à rationner les fruits de la richesse nationale, il considère qu'il faut en augmenter le nombre pour que tous puissent en bénéficier. Et le travail est créateur de richesse.
- il est favorable à une approche ferme en matière de lutte contre la délinquance, alors que le réflexe d'un grand nombre de personnes est d'abord de chercher une excuse à celui qui agit mal. Il en résulte un sentiment d'impunité encore trop présent, et qui permet toutes les tragédies.
C'est loin d'être l'intégralité de son projet, mais ces propositions montrent des choix, une volonté affirmée de changer les choses pour améliorer l'Etat de la France. Nicolas Sarkozy considère qu'en disant avant ce que l'on souhaite faire, la mise en oeuvre sera facilité en cas d'élection. Alors que les thèmes abordés sont graves et importants, ses contradicteurs souhaitent en rester aux attaques personnelles. Ce n'est pas forcément la meilleure fin de campagne possible.
Photo : Reuters