Réflexions en cours

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lundi 30 avril 2007

Le contre-exemple italien

Dans une émission de télévision, l'un des arguments de Ségolène Royal pour mettre en cause Nicolas Sarkozy fut qu'il était soutenu par Silvio Berlusconi, l'ancien Premier ministre italien. Etant elle même soutenue par Hugo Chavez, le président vénézuélien qui ne fait jamais dans la modération et se positionne sur une ligne totalement anti-américaine, elle devrait savoir que l'on ne choisit pas toujours ses soutiens. Elle souhait probablement surtout mettre en avant le fait qu'elle était soutenue par Romano Prodi, le nouveau Premier ministre italien, qui a repris le pouvoir en formant une coalition entre le centre-gauche et l'ensemble de la gauche, communistes compris. C'est un signe fait en direction des électeurs de François Bayrou pour montrer qu'il est possible de former un gouvernement qui accueillerait les centristes, sans faire partir l'extrème gauche qui soutient depuis le soir du premier tour Ségolène Royal. Il est pourtant étrange de vouloir prendre comme exemple l'Italie, d'en faire un modèle à appliquer à la France.

Déjà d'un point de vue institutionnel, l'Italie souffre considérablement d'être resté dans un système semblable à celui de notre IVème République. Avec la proportionnelle intégrale, qui a prévalu jusqu'en 1993, les petits partis détenaient un pouvoir démesuré, incitant grandement à leur création. Il en résultait un paysage politique morcelé, d'où des coalitions fragiles et une instabilité gouvernementale chronique, les Premier ministres ne restant pas bien longtemps en place, alors que le Président italien ne dirige pas le pays dans les faits. D'autres systèmes électoraux complexes ont suivi ensuite, mais le nombre de partis reste encore incroyablement élevé, et le terme de partitocratie reste d'actualité pour décrire ces ensembles politiques. De plus, les majorités dégagées sont loin d'être fortes, et l'année dernière il ne fut pas évident de savoir quelle coalition l'avait emporté lors des élections législatives. Avec deux sièges d'avance seulement au Sénat, Romano Prodi parvint à faire quitter le pouvoir à Silvio Berlusconi, mais ce socle est loin d'être solide. Ainsi, après neuf mois au pouvoir seulement, Romano Prodi dut donner la démission de son gouvernement au Président italien après un désaccord au sein de sa majorité sur la question afghane, et un vote de confiance rejeté. Un remaniement permit à Romano Prodi de rester au pouvoir, mais la situation reste instable. De plus, ces coalitions forcent la constitution de gouvernements pléthoriques pour que chaque petit parti soit certain d'être représenté à sa convenance. Romano Prodi doit ainsi gérer pas moins de 36 ministres et 66 secrétaires d'Etat.

Le résultat n'est pas probant. La croissance italienne est l'une des plus faibles d'Europe, en étant encore plus basse que celle-française. Leur chômage suit des évolutions analogues au notre. Longtemps l'économie italienne à été financée par une forte inflation, et encore aujourd'hui la dette publique italienne reste colossalle. Si l'Italie garde une certaine puissance au sein de l'Europe, ce ne sont pas vraiment les performances de ses gouvernements successifs qui l'ont aidée à progresser. L'Italie peut donc difficilement représenter un exemple à suivre pour la France. Mais il y a au moins un domaine où l'Italie peut susciter l'admiration, c'est dans son engagement constant dans la construction européenne, faisant partie des membres fondateurs. Il est au moins heureux de constater que ce n'est pas ce pays qui bloquera le développement de l'Europe politique en général, même si l'Italie a évidemment des intérêts à y faire valoir.

samedi 28 avril 2007

Le coût d'un brevet

La plupart des candidats à l'élection présidentielle étaient moins d'accord sur un point : l'importance de la recherche pour faire repartir la croissance. Certes, l'effet ne sera pas immédiat : ce sont surtout les innovations qui permettent de créer de nouvelles activités ou de gagner en productivité, et pour les obtenir il faut passer par un long travail qui ne porte ses fruits qu'au bout de plusieurs années la plupart du temps. Mieux financer les universités ou les grands organismes permet d'investir de façon plus importante dans la recherche fondamentale, dont les retombées technologiques sont incertaines, et surtout relèvent d'une vision du long terme. Etant donné qu'on paie aujourd'hui le manque de cette vision lors des années précédentes, la moindre des choses est donc de ne pas répéter les mêmes erreurs, et faire en sorte que la France investisse de façon importante dans la recherche. Cela ne relève pas que du seul secteur public, car si les universités doivent bien être mieux financées, les entreprises ont aussi un rôle à jouer dans l'accroissement de l'effort de recherche et développement. Mais il y a un obstacle qui semble absurde dans l'implication des entreprises pour la découverte d'innovations. Non seulement la recherche en tant que telle apparait comme un poste de dépense d'autant plus douloureux que les résultats ne sont pas immédiats, mais lorsqu'une entreprise réalise une véritable innovation, de nouvelles difficultés apparaissent. Il faut avant tout la protéger : pour rentabiliser l'investissement en recherche fait, il faut que cela représente un avantage concurrentiel pendant une période suffisamment longue. L'Etat doit donc protéger l'innovateur en faisant en sorte qu'il soit le seul à pouvoir se servir de son innovation pendant une période donnée, et ainsi en cueillir les fruits, par son exploitation ou sa revente.

L'Etat doit donc organiser le dépôt et le respect des brevets, pour lier son rôle de gendarme de la concurrence et pour encourager l'innovation, nécessaire à la société. Or le dépôt et le maintien des brevets représente en eux-mêmes des investissements supplémentaires à réaliser alors que l'innovation est complète, se transformant parfois en des gouffres financiers qui encouragent bien peu le dépôt de l'innovation, en pariant sur le fait qu'elle sera peu copiée ou que les pertes liées à cette copie seront faibles, lorsque cela ne décourage pas simplement la recherche d'innovation. Si les frais de préparation sont compréhensibles (pour retranscrire l'innovation dans des termes qui la définissent correctement en cas de problème juridique, et pour qu'elle soit compréhensible d'un point de vue technique), les procédures de dépôt et de maintien sont l'occasion de se voir réclamer un grand nombre de taxes et frais divers réclamés par les organismes régissant cela. Si le brevet a vocation à protéger l'innovation dans plus d'un pays (ce qui est la moindre des choses, lorsque la concurrence est internationale), ces charges sont démultipliées, faisant monter le coût de la (longue) procédure à plusieurs dizaines de milliers d'euros par innovation. Car il est nécessaire alors de faire traduire le brevet dans les langues de tous les pays où l'on souhaite qu'il soit valide. Et cela même dans le cadre du brevet européen. S'il a le mérite d'exister, il reste extrèmement coûteux et fastidieux. Alors il faut imaginer une telle procédure à l'échelle des pays les plus importants au monde...

Autant dire que c'est rédhibitoire pour les petites entreprises, pour que le système soit efficace pour une firme il est souvent nécessaire qu'elle ait un département qui se consacre à la question. D'où une certaine exigence sur la taille de l'entreprise concernée, qui doit aussi avoir une politique d'innovation tellement cruciale qu'elle ne peut se résoudre à courir le risque de copie. C'est le cas du fabriquant d'ustensiles ménagers SEB par exemple, qui met en avant ses fermetures faciles de cocottes minute pour se démarquer de la concurrence étrangère à bas prix. Toujours est-il que cela décourage les très nombreuses petites entreprises de se lancer dans la recherche d'innovations. Alors que l'Etat souhaite relancer la recherche, un bon moyen serait de réduire de façon importante tous ces frais qu'il fait payer à celui qui souhaite faire protéger son innovation pour l'encourager dans sa démarche. De même, au niveau européen, la simplification du brevet européen ressemble à un serpent de mer qu'il serait opportun de faire aboutir. Car si ce n'est pas à l'Etat de s'occuper de toute la recherche, au moins doit-il faire en sorte de ne pas la décourager lorsqu'un organisme privé peut avoir l'envie de s'y lancer.

jeudi 26 avril 2007

L'art du rassemblement

Le premier tour passé, les deux candidats restants cherchent cette fois-ci à dépasser la barre des 50 %. Il leur faut donc récupérer les voix qui leur avait échappé au premier tour, de la part de personnes qui n'avaient pas été convaincues la première fois. Le Président de la République est au dessus des partis, il se doit d'être une figure représentant l'ensemble des Français. Voilà pourquoi le général de Gaulle avait voulu qu'il soit élu au suffrage universel, pour que ce soit la rencontre d'un homme et d'un peuple, manifesté par l'approbation de plus de la moitié des suffrages exprimés lors du scrutin. Les candidats doivent donc rassemblembler au delà de leur propre camp entre le premier et le deuxième tour, et concrètement, cela se traduit par un grand écart dans le champ politique à recouvrir.

De la part de Nicolas Sarkozy, la consigne était claire : dès son investiture le 14 janvier dernier à la Porte de Versailles, il annonçait à l'UMP "Je demande à mes amis qui m'ont accompagné jusqu'ici de me laisser libre, libre d'aller vers les autres, vers celui qui n'a jamais été mon ami, qui n'a jamais appartenu à notre camp, à notre famille politique qui parfois nous a combattu. Parce que lorsqu'il s'agit de la France, il n'y a plus de camp." Alors qu'il était très populaire à droite, il semblait vouloir dépasser ce seul horizon. En l'occurrence, nombreux sont ceux qui ont pensé qu'il essaierait de convaincre aussi à gauche, après un discours qui citait en des termes élogieux Jean Jaurès. Ce fut le cas, mais il ne s'est pas limité à cela. Il a aussi voulu ramener dans le camp de la droite républicaine ceux qui étaient tombés du côté du Front National, si nombreux en 2002. Cela fut à l'origine de ce qui a été perçu comme la droitisation de son discours. Il a aussi tenté de jouer la carte du centre, en mettant en avant les soutiens de Simone Veil et de Jean-Louis Borloo. Car il ne devait évidemment pas laisser trop d'espace au centre.

La montée de François Bayrou pouvait en effet être une menace pour lui, car il avait peu de chance de l'emporter face au candidat de l'UDF au second tour. Pour la candidate socialiste, François Bayrou était même une menace de premier tour, la qualification ne semblant pas assuré. La baisse de Ségolène Royal dans les sondages a d'abord profité à François Bayrou, bien plus qu'à Nicolas Sarkozy. Elle a voulu faire une campagne marquée par un socialisme vieillissant, partant du principe que Lionel Jospin avait été éliminé pour avoir voulu faire dès le départ une campagne de second tour. Ses erreurs, l'arrivée tardive de son projet et les péripéties de sa campagne l'ont amené à perdre du terrain qui a été récupéré par François Bayrou, qui voulait par raison tactique devenir le candidat de la gauche au deuxième tour, doutant du fait de pouvoir battre Nicolas Sarkozy au premier. Ainsi, de nombreux électeurs se classant à gauche ont été amenés à choisir le candidat UDF, provoquant la stupeur du Parti Socialiste qui l'attaquait durement, le qualifiait de candidat de droite, ce qui est censé être une injure chez les électeurs de gauche. Ségolène Royal avait même formellement refusé une alliance avec François Bayrou quand cela lui avait été proposé par certaines personnes de son camp. Par contre, François Hollande insistait très lourdement sur le vote utile, pour éviter que ceux qui avaient voté pour l'extrême gauche en 2002 oublient de porter leurs suffrages sur la candidate socialiste. Cela a bien marché, mais encore une fois cela a créé de l'espace pour François Bayrou.

Celui-ci n'est pas arrivé au second tour. Il est vu par les médias comme l'arbitre du match en cours, ce qui est ridicule car il ne vote par pour l'ensemble de ceux qui ont voté pour lui au premier tour. Mais cela fait que Ségolène Royal s'est découverte subitement centriste, prête à négocier son projet avec lui et à offrir des portefeuilles ministériels à l'UDF. Elle souhaite ainsi avoir une majorité qui rassemble tant les trotskistes (qui doivent être surpris par une telle tournure des événements) que les chrétiens démocrates, oubliant de ce fait tout ce qu'elle avait pu dire sur François Bayrou il n'y a ne serait-ce qu'une semaine. Du côté de Nicolas Sarkozy, le but est de garder ses électeurs du premier tour, tout en en gagnant lui aussi au centre. Il ne s'agit pas de gagner les faveurs de François Bayrou, qui cherche à s'opposer à lui dans son intérêt pour les prochaines législatives. Le but est surtout d'attirer ceux qui se considèrent comme autentiquement centristes (ce qui n'est pas forcément lié à François Bayrou) ou tout simplement les indécis qui avaient voté pour le candidat de l'UDF, pour éviter de choisir entre la gauche et la droite sans s'abstenir. Et non seulement Nicolas Sarkozy peut compter sur les propres composantes centristes de l'UDF, mais il apparait que l'UDF est bien historiquement un parti de centre droit, dans la mesure où la majorité de ses parlementaires choisissent le candidat de la droite face à celle de la gauche.

En fin de compte, il est obligatoire de chercher à ratisser vraiment très large lors de telles élections, quitte à perdre un peu de la cohérence de la majorité dégagée ou dans le projet proposé. Il est tout de même nécessaire de garder une certaine idée de la ligne que l'on suit, aussi large qu'elle soit. Au bout d'un moment, il n'est pas nécessaire de se perdre en tractations et de changer complètement de positions pour opérer ce rassemblement. La personnalité politique a davantage l'étoffe d'une personnalité d'Etat lorsqu'elle arrive à rester assez constant sur ses valeurs fondamentales, et rassemble en étant ouvert aux autres. Car l'électeur ne souhaite pas forcément quelqu'un qui ait des idées semblables aux siennes point par point. Il veut aussi porter à la tête de l'Etat un capitaine capable de garder la barre en pleine tempête. Plutôt que d'aller vers tout le monde, le rassemblement peut aussi se faire en laissant chacun venir vers soi.

mardi 24 avril 2007

La coalition allemande

L'Allemagne est le pays le voisin le plus important de la France, dans la mesure où ces deux pays constituent le moteur de la construction européenne. Enfin c'est ce qui a souvent été dit, mais depuis que les Français ont rejeté le Traité Constitutionnel Européen, il ne reste plus que l'Allemagne pour tenter de faire des progrès en la matière. C'est ce que cherche à faire Angela Merkel alors que l'Allemagne détient pour six mois la présidence de l'Union Européenne. Malheureusement, elle est assez bloqué en matière de prise de décisions quant aux institutions, étant donné que la France se concentre actuellement sur les élections présidentielles, et qu'aucune décision ne peut être prise avant qu'elles ne soient passées. Une fois le nouveau président français élu, il faudra aller vite dans les discussions pour qu'une solution soit trouvée au plus vite. Et alors que les Pays-Bas commencent à considérer l'idée de modifier seulement à la marge le Traité de Nice, les pays qui ont ratifié le Traité Constitutionnel Européen et qui voulaient qu'il s'applique en tous les cas commencent à reconsidérer la possibilité de faire un traité ambitieux pour les institutions, mais limité dans les sujets abordés. N'étant plus une constitution, ce serait une porte de sortie de bon niveau pour l'Europe, en attendant que les mentalités soient prêtes pour une Union Européenne véritablement fédérale.

L'influence que dispose de fait Angela Merkel dans les matières internationales lui vaut une grande popularité dans son pays. Les Allemands finissent par oublier la coalition bancale qui est au pouvoir, pour y reconnaître la main unique du parti d'Angela Merkel, la CDU. De ce fait la droite pèse de plus en plus lourd dans la prise de décisions, ce qui provoque évidemment l'énervement de la gauche : le SPD n'a pas de telle figure de proue. Les deux partis ont du faire un gouvernement d'alliance contre leur volonté, étant donné qu'aucune majorité ne s'était dégagé des élections législatives de 2005. Il n'y avait pas de souhait d'une telle coalition improbable au sein du peuple allemand, seulement une division égale entre les choix. Une certaine tension règne dans le gouvernement allemand au jour le jour, sans compter qu'à partir de 2008 chacun cherchera à se démarquer de l'autre en vue des législatives de 2009, ce qui rendra le pays ingouvernable ou sans réel gouvernement pendant un an et demi. Si des progrès ont été réalisés en Allemagne en matière de politiques économiques et sociales, on peut en fin de compte se demander si cela peut s'expliquer par l'entrée de la droite au gouvernement, alors que le SPD gouvernait seul avec les Verts les sept années précédentes.

Angela Merkel, qui appartient à un parti chrétien démocrate, peut donc nous apprendre des choses utiles pour notre politique française. L'envie de faire des réformes profondes, innovantes, comme dans le cas de la TVA sociale qui y est expérimentée. Mais aussi le fait qu'il vaut mieux des coalitions voulues, plutôt qu'elles soient forcées, faites avec une mauvaise volonté.Ce n'est pas vraiment ce qu'en a retenu François Bayrou, chrétien démocrate lui aussi, mais qui a voulu obliger ses opposants à lui obéïr. Pour faire prévaloir ses idées, il est plus efficace de les apporter à travers des accords clairs de politiques à appliquer une fois au gouvernement. Par dessus tout, l'Allemagne nous rappelle quotidiennement que la relance de la construction européenne est urgente. C'est pour cela que nous devons choisir la voie qui permet une relance rapide, et d'une façon acceptée par les autres pays d'Europe qui nous attendent.

lundi 23 avril 2007

Un choix clair

Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont donc les deux candidats qui se sont qualifiés pour le deuxième tour, arrivant respectivement premier (avec 31,18 % des voix) et deuxième (avec 25,87 %) au premier tour. Les Français se sont énormément mobilisés pour ce scrutin, prouvant l'intérêt que les audiences et les ventes de presse liées à la couverture de la présidentielle laissait entrevoir. Avec une abstention de 16,23 %, ces présidentielles montrent bien que les Français se réapproprient la chose publique. Autre motif de satisfaction : la forte baisse des partis extrémistes, avec Jean-Marie Le Pen qui n'obtient plus que 10,44 % des voix, l'extrème gauche et les autres petis partis étant systématiquement en dessous des 5 %. Ainsi, on assiste à l'acte de décès du Parti Communiste, qui n'aura désormais comme seule ambition viable que celle de se fondre dans une hypothétique union des opuscules d'extrème gauche. Avec 18,57 % des suffrages, François Bayrou n'arrive pas à acceder au second tour. Il clamait pourtant haut et fort à chaque occasion qu'il serait le prochain Président de la République. Mais cela ne l'a pas empêché d'être satisfait, croyant à un rôle de faiseur de roi...

Cette présidentielle aura commencé tôt. Nicolas Sarkozy dit avoir commencé sa campagne en 2002, une fois arrivé au ministère de l'Intérieur. On pourrait aussi dire qu'il l'a commencé lorsqu'il est entré en politique, à l'age de 20 ans. Ces cinq dernières années il n'aura eu de cesse de vouloir grimper les marches, se forgeant une popularité résultante de ses actions et ses prises de position, conquérant l'UMP, avant d'être reconnu comme le candidat naturel de son camp. Il aura mené une campagne de premier tour active, n'hésitant pas à être inattendu, réussissant même à reprendre l'initiative lorsqu'il semblait menacé par la montée de François Bayrou. Ce dernier aussi a été en campagne permanente ces cinq dernières années, et pendant ces derniers mois il faut avouer que celle-ci fut bien menée, en réussissant à se trouver un espace entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Il souhaitait éliminer la candidate socialiste au premier tour sans avoir besoin de l'attaquer, et il s'acharnait sur le candidat de la droite dans l'espoir de gagner les voix des déçus de la gauche et de remporter in fine la victoire au soir du deuxième tour. Il n'a pourtant pas pu montrer qu'il aurait une majorité pour l'accompagner en cas de victoire.

La cause de la réussite de François Bayrou se retrouve en grande partie dans les échecs de Ségolène Royal. Même en ayant atteint le second tour, elle manque toujours d'une stature d'éventuelle Présidente, ayant réussi à faire voter sur son nom à la seule raison du vote utile, en culpabilisant son électorat qu'il ferait disparaitre la gauche si elle venait à être éliminée. Au deuxième tour, elle misera probablement sur un vote de rejet sur la personne de Nicolas Sarkozy, plutôt que sur son propre projet. François Bayrou peut avoir une certaine influence sur l'issue du scrutin, mais il n'est pas plus propriétaire de ses voix que les autres. On peut penser que sa posture qui semblait promettre un minimum de risque à l'électeur a attiré des personnes qui étaient mitigés sur Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal. Ce fut ainsi plus un vote d'indécision voire de contestation qu'un vote d'adhésion. Dès lors, tous ces électeurs peuvent être convaincus par l'un ou l'autre des finalistes sans se référer à la décision du candidat centriste, qui aura une véritable influence que sur ceux qui adhéraient totalement à ses idées.

Mais pour les deux semaines à venir, c'est d'abord un choix clair qui est proposé aux Français. Le 6 mai, ils choisiront quel est le meilleur projet entre deux différents (l'un reposant sur l'Etat Providence, l'autre sur le travail), et décideront aussi quelle personne est la mieux qualifiée pour occupper le poste de Président de la République française. C'est un débat qui a été trop retardé, qui est nécessaire, et qui doit se passer sereinement. Car ce choix influencera à plus long terme que les cinq prochaines années.

vendredi 20 avril 2007

Les propositions de Nicolas Sarkozy

La campagne du premier tour touche à sa fin. Tout pronostic quant au résultat du scrutin de dimanche prochain est vain, tant il y a de facteurs à prendre en compte, et tant les sondages donnent des résultats contradictoires, alors qu'ils sont loins d'être fiable de toutes façons. La campagne officielle aura un peu refroidi l'entrain qui l'avait précédée. Mais d'une manière générale, cette campagne aura été aussi forte que dure. Forte, car au début de la campagne électorale un bon nombre de thèmes de fonds ont été abordés, avec des différences marquées entre la gauche et la droite. Dure, car ces derniers jours, tous ces thèmes semblent avoir été oubliés dans la mesure où une bonne partie des candidats et des médias semblent avoir décidé de ne plus se préoccupper que de la personnalité fantasmée d'un candidat, en l'occurrence Nicolas Sarkozy. On ne peut pas vraiment dire que quoi que ce soit lui aura été épargné : s'il est normal qu'il soit attaqué sur ses propositions, l'homme aura été la cible de l'extrème gauche, de la gauche, de François Bayrou (qui en fin de compte n'aura attaqué que le candidat de l'UMP), et évidemment de l'extrème droite. A chaque fois, la caricature aura fait figure d'argument, et ayant été donné favori à tort ou à raison, il aura la cible de toutes les attaques, malhonnêtes voire odieuses, comme on a pu le voir avec ce qu'il s'est passé sur internet.

A l'heure où les procès en sorcellerie abondent et où le croquemitaine semble être devenu une réalité dans les esprits de certains journalistes, il peut être bon de garder son calme face à la fureur pour mieux considérer les choses. On peut commencer par la question : que valent toutes ces attaques ? Rien, elles ne font que montrer l'acrimonie de personnes qui ne supportent pas le débat d'idées, et qui en viennent aux attaques ad hominem faute de pouvoir argumenter sur le reste. Elles peuvent néanmoins avoir une certaine efficacité, vu l'importance de la tentative de manipulation de foules qui est faite, il ne faut rien sous-estimer. Nous nous grandirions néanmoins si nous arrivions à nous concentrer sur ce qui est vraiment important dans cette campagne électorale, pour décider de la personne qui est la mieux qualifiée pour occupper la Présidence de la République. Et en premier lieu, les projets présentés par les candidats devraient être le critère de choix.

En l'occurrence, celui de Nicolas Sarkozy apparaît comme extrèmement fort. Dès lors, ce n'est pas étonnant que ses opposants souhaitent ne pas en discuter les propositions pour en rester au registre de l'insulte. En regardant dans le détail :

- il souhaite faire sortir l'Europe de la crise en concevant un nouveau traité simplifié, reprenant l'essentiel des mesures qui étaient décrites dans la première partie du Traité Constitutionnel Européen. En ne cherchant plus qu'à adopter rapidement un simple traité sur les institutions, la ratification par voie législative sera possible pour la France et surtout pour la Grande-Bretagne, qui aurait été un obstacle autrement difficile à l'adoption du Traité Constitutionnel Européen par tous les pays de l'Union Européenne. La solution présentée par Nicolas Sarkozy trouve aussi des adeptes dans le reste de l'Europe, et notamment en Allemagne. Ainsi, Angela Merkel préfère largement l'idée d'un traité simplifié à celle du rafraichissement du Traité de Nice, comme l'a présenté dernièrement le ministre néerlandais des Affaires étrangères. En outre, le gouvernement allemand est réticent à l'idée d'un échec à un éventuel nouveau référendum, qui tuerait définitivement l'Union Européenne.

- Nicolas Sarkozy est favorable au service minimum dans les services publics. On peut considérer qu'en effet, le minimum dans la défense d'un service public reste de l'assurer. Et il faut que les réformes soient négociées, et ne résultent plus de rapports de forces dont les perdants sont l'ensemble des Français.

- il est favorable au maintien de la Vème République, considérant que ce n'est pas en changeant de constitution, qui plus pour retrouver des institutions qui ont plongé la France dans le désarroi en 1940 et en 1958. C'est surtout la pratique qu'il faut changer, il est absurde de changer de navire lorsqu'il suffit de changer de capitaine.

- avec Christian Blanc il souhaite continuer la politique de pôles de compétitivité pour créer de nouveaux moteurs de croissance. En investissant dans la recherche et des universités réformées, les entreprises pourront accéder plus facilement à l'innovation et créer de nouveaux marchés.

- Jean-Louis Borloo a vu son projet social intégré dans celui de Nicolas Sarkozy. Cela se traduit par l'image des quatre piliers du plan "EFEL" du co-président du Parti Radical, avec des efforts particuliers en matière d'Emploi, de Formation, d'Equité et de Logement. L'influence de celui-ci est indéniable dans la conception du programme en direction des banlieues difficiles que présente Nicolas Sarkozy, pour permettre aux jeunes actifs qui y habitent de trouver un avenir.

- les régimes spéciaux de retraite seraient réformés si Nicolas Sarkzoy venait à être élu. C'est nécessaire dans un souci de viabilité économique et d'équité.

- il veut basculer une partie de la fiscalité sur le travail vers la pollution. En plus d'encourager les efforts environnementaux, cela permettrait de remettre les entreprises des différents pays dans une certaine équité dans la conquete du marché français.

- il est contre l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne, rappelant que la Turquie n'est géographiquement pas en Europe. En outre, tout projet d'intégration des politiques européennes serait vain dans le cas d'une telle adhésion.

- il est favorable à une politique d'immigration choisie, ce qui qui est une politique modérée entre deux extrèmes que sont l'immigration zéro et la régularisation systématique. A quoi bon émigrer en France, si c'est pour vivre dans une misère équivalente à celle de son pays d'origine faute de ne pouvoir trouver sa place dans la société ? Qu'il soit traité de raciste pour penser cela, alors que son père et son grand-père maternel étaient eux-mêmes des immigrés est ahurissant.

- il propose un modèle de croissance fondé sur le travail. Plutôt que de chercher à rationner les fruits de la richesse nationale, il considère qu'il faut en augmenter le nombre pour que tous puissent en bénéficier. Et le travail est créateur de richesse.

- il est favorable à une approche ferme en matière de lutte contre la délinquance, alors que le réflexe d'un grand nombre de personnes est d'abord de chercher une excuse à celui qui agit mal. Il en résulte un sentiment d'impunité encore trop présent, et qui permet toutes les tragédies.

C'est loin d'être l'intégralité de son projet, mais ces propositions montrent des choix, une volonté affirmée de changer les choses pour améliorer l'Etat de la France. Nicolas Sarkozy considère qu'en disant avant ce que l'on souhaite faire, la mise en oeuvre sera facilité en cas d'élection. Alors que les thèmes abordés sont graves et importants, ses contradicteurs souhaitent en rester aux attaques personnelles. Ce n'est pas forcément la meilleure fin de campagne possible.

Photo : Reuters

mercredi 18 avril 2007

De Margaret Thatcher à Tony Blair

Le Royaume-Uni est un pays marqué par un euroscepticisme fort. La méfiance résulte déjà de la nature insulaire de ce pays, qui a un peu de mal à se sentir tout à fait européen. Elle vient aussi d'un rejet d'une Union Européenne perçue comme trop bureaucratique et centralisatrice. Bon nombre de Britanniques ne souhaitent pas d'une administration qui serait un super Etat, alors que le pays est marqué par un libéralisme économique, par nature hostile à un trop grand rôle de l'Etat. Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi. Dans les années 70, la Grande Bretagne était vue comme l'homme malade de l'Europe. Le chômage était important, la monnaie était attaquée, les déficits publics étaient tels qu'en 1976 le pays a été placé sous la tutelle du FMI. Le parti travailliste qui était au pouvoir entre 1974 et 1979 était dépendant des syndicats, et menait une politique très interventionniste, malgré les échecs économiques successifs. On parlait alors de régression dans le développement, et il n'y avait que les gisements de pétrole de la mer du Nord pour laisser espérer un avenir économique.

En 1979, les travaillistes ont essuyé une cuisante défaite. Margaret Thatcher s'est alors mis en tête de mettre en oeuvre des réformes économiques ambitieuses, voire radicales. Ce fut un vaste mouvement de privatisation, de baisse de l'interventionnisme étatique et de changements structurels. Il y a eu des conflits sociaux immenses, mais elle a obtenu des résultats. Cela s'est traduit dans l'électorat, les conservateurs ayant remportés les élections législatives de 1983, 1987 et 1992. Surtout, il a fallu que le parti travailliste change profondément pour retrouver la faveur des suffrages, en mettant de côté la vieille idéologie qui avait engendré les difficultés de la Grande Bretagne dans les années 70. En acceptant une certaine dose de libéralisme dans l'économie britannique, Tony Blair et les travaillistes ont réussi à se faire élire en 1997, et à se faire réélire en 2001 et en 2005. Si le libéralisme était si effroyable, on aurait pourtant pu penser que les Britanniques auraient demandé une autre politique à leurs dirigeants que celle qui est en place depuis presque 30 ans. Pourtant, actuellement, ce n'est pas le libéralisme économique qui fait débat outre-manche, le problème le plus important est l'implication de la Grande Bretagne dans la guerre en Irak.

Il y a quelques similitudes entre l'état du Royaume-Uni dans les années 70 et celui de la France actuellement. La situation n'est pas aussi grave, mais la croissance économique française est bien faible, les déficits et le chômage importants et les réformes doivent passer le tir nourri des corporatismes. Margaret Thatcher a eu des tords dans la politique qu'elle a appliqué, son hostilité profonde à la construction européenne ayant eu des effets dévastateurs, et son libéralisme économique pouvait pratiquement vu comme une forme de doctrine manquant de pragmatisme. Mais elle a eu du courage et de la volonté dans les réformes qu'il fallait mettre en place, quitte à s'attaquer à des citadelles de corporatismes pourtant considérées comme inattaquables. Une fois ces réformes effectuées, la vie politique et économique pouvait reprendre une vitesse de croisière sur ces bases, avec John Major et Tony Blair, quitte à rectifier les excès de la politique de Margaret Thatcher. De telles réformes sont nécessaires en France, et là aussi il faut de la volonté et du courage pour les accomplir. Il ne faut pas nécessairement adopter la même méthode que la dame de fer : la priorité doit être donné au dialogue social, s'il n'est pas considéré comme un simple rapport de forces dans la défense de corporatismes. C'est actuellement la volonté de Nicolas Sarkozy. Celui-ci s'entend bien avec Tony Blair. Si Nicolas Sarkozy est de droite, et le Premier ministre britannique appartient au parti travailliste, cela n'emêche pas Nicolas Sarkozy d'être moins libéral et plus engagé pour la construction européenne que Tony Blair. Mais ne serait-ce qu'un peu de volontarisme pourrait être suffisant pour améliorer les choses en France...

lundi 16 avril 2007

La campagne médiocre de Ségolène Royal

Ségolène Royal sera peut-être la prochaine Présidente de la République française. Si elle y parvient, ce ne sera pas grâce à sa campagne, dont le moins que l'on puisse dire à moins d'une semaine du premier tour est qu'elle a été médiocre. Elle avait réussi à obtenir l'investiture du Parti Socialiste car les adhérents croyaient qu'elle était la mieux à même de vaincre Nicolas Sarkozy, pas du fait de ses talents propres, mais uniquement en constatant qu'elle était populaire dans les sondages. C'est ainsi qu'elle fut désignée sur l'image qu'elle donnait. Pourtant, elle n'avait pas vraiment de ligne politique à défendre, et encore moins un programme à proposer aux Français. Pour s'en batir un elle s'est lancé dans ce qu'elle a appelé la "démocratie participative", une grande opération de boite à idées menée entre sympathisants du Parti Socialiste dans chaque section. Le processus était encore en cours lorsque la campagne a débuté, lancée par l'investiture de Nicolas Sarkozy qui avait marqué les esprits avec un grand discours fondateur à la Porte de Versailles. Ségolène Royal a voulu le contrer par une offensive médiatique, or l'absence de mesures à présenter aux Français la poussait à parler de façon creuse alors que son concurrent annonçait jour après jour les décisions qu'il souhaitait prendre. Elle voulut aussi se batir une stature internationale, en visitant la Chine notamment, mais à l'instar de ce qu'il s'était passé lors de son voyage au Proche Orient, elle s'est surtout illustrée par sa méconnaissance des questions internationales, par sa légèreté en fait. Tout cela s'est doublé d'une impressionnante série d'erreurs qui montraient au mieux de l'ignorance, au pire un manque de jugement. La sénatrice américaine Hillary Clinton, elle même en campagne présidentielle, a alors préféré annuler la rencontre qui était prévue entre elle et Ségolène Royal, de peur qu'elle apparaisse en train de la soutenir.

La présentation de son programme à Villepinte fut accueillie fraîchement par les Français : il s'agissait d'une grande liste de mesures qui se caractérisaient par l'appui sur l'Etat Providence, sans qu'il n'y ait de piste quant à leur financement. Le résultat de cette campagne chancelante fut la montée de François Bayrou dans les sondages, qui s'amplifia lorsque ces mêmes sondages le donnaient gagnant face à Nicolas Sarkozy dans le cas d'un très hypothétique deuxième tour qui les opposerait. Ainsi, les résultats dans les sondages, qui constituaient le point fort de Ségolène Royal, devinrent précisément son point faible. De plus, la méthode de gestion employée par la candidate s'est révélée problématique, causant bien des incompréhensions au sein du Parti Socialiste, poussant au départ le Secrétaire national du parti à l'économie, Eric Besson. Celui-ci avait notamment mal accepté le fait que Ségolène Royal promette solennellement à Nicolas Hulot de baisser la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité à 50 % dans 10 ans, alors qu'elle est de 80 % actuellement. Une telle baisse est non seulement très difficile à mettre en oeuvre économiquement parlant, mais elle aussi dangereuse pour l'environnement dans la mesure où elle entrainerait une augmentation de la production d'énergie thermique, résultant en une forte augmention des émissions de dioxyde de carbone.

Ainsi s'est déroulée la campagne de Ségolène Royal. Ces derniers temps, ne pouvant plus miser sur son propre programme, Ségolène Royal a préféré se contenter d'attaquer Nicolas Sarkozy. Ce n'est plus une campagne pour l'élire elle en tant que Présidente, c'est devenu une campagne pour empêcher Nicolas Sarkozy d'être élu. Le Parti Socialiste n'appelle plus à voter pour un projet de société, mais contre un candidat. Cela se couple avec la volonté d'en appeler au souvenir du 21 avril 2002, où Lionel Jospin avait été éliminé au premier tour au profit de Jean-Marie Le Pen. Le but est de s'appuyer sur la mauvaise conscience de ceux qui n'avaient pas voté pour le candidat socialiste pour qu'il y ait un candidat de la gauche de cette fois-ci. François Hollande en appelle au "vote utile" dès le premier tour, Ségolène Royal dit se battre "pour être qualifiée pour le second tour, pour arriver en finale", laissant penser qu'il s'agit d'un but en soi, et en arrive à affirmer "avoir besoin du vote des femmes", annonçant explicitement que son élection serait révolutionnaire du fait qu'elle en est une. En tant que politique à appliquer, c'est pour le moins limité. Le vote "contre" et les autres artifices qu'elle déploit peuvent très bien réussir, mais il restera qu'elle n'aura pas été élu pour ses compétences ni pour un projet pour la France. Et ce peut difficilement être de bonnes bases pour les cinq années à venir.

dimanche 15 avril 2007

Le modèle scandinave

Le fait que l'on regroupe le Danemark, la Norvège, la Suède et la Finlande dans la Scandinavie est pratique pour parler d'un ensemble que l'on croit à peu près homogène. Si la proximité culturelle est certaine, ces pays ont aussi des vies politiques assez semblables. Pourtant, en matière d'Europe, les positions sont bien éloignées entre ces différents pays. La Norvège refuse d'adhérer à l'Union Européenne, ayant rejeté par deux fois des référendums qui proposait cette adhésion. La Suède et le Danemark n'ont pas adopté l'euro, et ont profité des refus français et néerlandais pour reporter la réflexion quant au Traité Constitutionnel Européen. De son côté, la Finlande a fait partie de la zone euro dès le départ, et a voté le Traité Consitutionnel Européen par la voie législative, mais on peut objecter que la Finlande n'est compté dans la Scandinavie que par extension, le terme géographique strict se référant normalement qu'aux trois autres pays. Pour ceux là, la question des pertes de souveraineté que pose la construction européenne est une difficulté, un peu à la manière de la façon dont le débat est posé aux Pays-Bas, à la différence près que dans le cas néerlandais la culture économique est plus libérale. Les populations de la Suède et du Danemark craignent que l'Union Européenne soit un facteur menaçant pour leur modèle social très généreux. Les réussites de ce modèle ont été telles qu'il a été envié par le reste du monde depuis des décennies.

Ainsi, Ségolène Royal fait actuellement campagne sur sa volonté d'adopter un tel modèle pour la France, croyant pouvoir bénéficier des mêmes résultats. Cela présuppose déjà que les pays soient comparables. Pour commencer, la France seule est quatre fois plus peuplée que le Danemark et la Suède réunis. Les différences culturelles sont considérables : la France ayant une culture latine, et étant également moins homogène que la Scandinavie. On admire l'éthique, la modernité dans la vie familiale et la protection sociale forte de l'Europe du Nord, mais il est plus facile de vouloir les transposer que de pouvoir le faire. Cette protection sociale vient d'un ancrage assez marqué dans la sociale démocratie, mais cela ne doit pas être confondu avec un Etat Providence conquérant comme semble le croire la candidate socialiste. Certes les prélèvements obligatoires y sont importants, mais en baisse : après la crise économique qui a touché la région au début des années 90, les impôts se sont largement orientés à la baisse. La Suède vient même d'annoncer qu'elle allait supprimer l'impôt sur la fortune, ce qui est inconcevable pour les socialistes français. En outre, le marché du travail y est plus flexible qu'en France : les aides sont importantes, mais le retour à l'emploi doit être rapide. Ségolène Royal s'était trouvée à la peine lorsqu'on lui a rétorqué que le modèle suédois, qu'elle appelait de ses voeux, ne comportait pas de durée légale du travail, alors qu'elle souhaite ramener chaque salarié aux 35 heures prévues par Martine Aubry.

La clé de la réussite de ces modèles se trouvent dans le dialogue social qu'il y a entre entreprises et salariés, et d'une manière générale dans toute la société. Les salariés y sont syndiqués à plus de 80 %, ce qui donne une légitimité forte aux syndicats pour négocier. Il faut dire aussi que ces syndicats ont une approche responsable des choses, ce qui les différencie fortement de ceux qui tiennent le haut du pavé en France. Ségolène Royal confond la cause et la conséquence lorsqu'elle veut qu'il soit obligatoire de se syndiquer, ou bien souhaite donner des avantages consommateurs à la syndication. Cela donne une vision étrange du dialogue social, certainement pas celle qui prévaut en Suède et au Danemark. En fin de compte il apparait que pour mettre en place les modèles suédois ou danois, il faudrait remettre en cause certains emblèmes du socialisme, ce qui est tabou pour la gauche française. Et cela fait justement la différence entre le socialisme dont se revendique la gauche française et la sociale démocratie qui prévaut dans le reste de l'Europe.

vendredi 13 avril 2007

Nourriture bio et commerce équitable

Dans leurs habitudes d'achats, les consommateurs influent sur les procédés de production des marchandises. Pour les produits provenant de l'agriculture, le fait est assez sensible. Alors que les agriculteurs européens sont souvent confrontés à des crises de surproduction, les agricultures des pays émergents ou de pays comme l'Argentine sont de plus en plus compétitives, et permettent de baisser les prix et de nourrir de plus en plus de personnes. Aujourd'hui, la difficulté n'est pas tant de produire suffisamment pour nourrir la population, que de vendre suffisamment cher la production pour pouvoir acheter d'autres choses que ce que l'agriculteur fait pousser lui même. Il n'y a bien qu'en Afrique noire que les famines sont toujours très présentes, mais elles sont la plupart du temps dues à des guerres plutôt qu'à de faibles rendements. Ailleurs, le monde est confronté à des maux qui peuvent sembler étonnant par rapport à des situations antérieures : surproduction et prix trop faibles. Ils sont évidemment liés. En cas de de réel développement des biocarburants, les surfaces occuppées par les cultures nécessaires pourraient limiter la production d'aliments, et amoindrir de fait le problème de la surproduction. Mais peut-être faut-il envisager la question sous l'angle du choix entre la quantité et la qualité ?

En l'occurrence, ces quantités produites résultent de gains de productivité issus de l'utilisation de machines, de meilleures semences, de meilleures gestion des terres, et surtout d'engrais et d'insecticides. Ces derniers éléments sont importants, et ont des inconvénients notables, rarement sur la santé des consommateur, mais surtout sur l'environnement. De tels produits chimiques sont en effet des facteurs polluants notables. Il y a donc un autre prix que celui financier à payer pour des récoltes aussi importantes. La logique de l'agriculture biologique est justement de cultiver les terres sans faire appel à des produits chimiques, accepter le fait que la récolte soit moins importante, plus chère à produire pour éviter d'endommager les sols. En conséquence, il faut que le consommateur soit prêt à payer in fine pour le surcouût représenté par ces pratiques respectueuses de l'environnement. Ce n'est clairement pas à la portée de tous, mais ceux qui sont sensibilisés à la question et souhaitent apporter leur modeste pierre à l'édifice peuvent contribuer en faisant ce choix de consommation. Après tout, la part des produits alimentaires est de plus en plus faible dans le budget des ménages, les niveaux de vie augmentant et les gens n'accroissent pas leur appétit d'autant pour autant. Certains parlent d'"éco-consommateurs", toujours est-il que le fait que le produit soit issu de l'agriculture biologique représente un argument de vente permet à l'écologie de contourner les lois de l'offre et de la demande, ou plutôt d'en profiter. La question est alors de sensibiliser suffisamment les consommateurs pour que critère devienne notable pour une grande partie d'entre eux. En faisant appel à leur esprit citoyen, les retombées écologiques du produit qu'ils achètent ont la même importance que le côté pratique de l'emballage par exemple. L'emballage peut d'ailleurs lui aussi être conçu pour avoir le moins de retombées possibles sur l'environnement et ainsi jouer sur les deux tableaux.

Une autre agriculture fait également appel à la conscience civique des consommateurs : le commerce équitable. En mettant des prix d'achat planchers pour les récoltes d'agriculteurs acculés à la pauvreté par la faiblesse des cours mondiaux des denrées, les entreprises qui vendent des produits issus du commerce équitable favorisent le développement de pays en voie de développement, et peuvent éventuellement garantir une certaine qualité à la production. On peut d'ailleurs imaginer une agriculture biologique vendue selon les principes du commerce équitable. Une fois encore, ce sera à la solidarité du consommateur qu'il sera fait appel, pour qu'il accepte de payer plus pour que le producteur vive sur des bases acceptables. Ainsi, le consommateur peut, en donnant plus d'importance à des critères sociaux ou environnementaux dans ses achats, inciter industriels et distributeurs à s'engager dans les directions qu'il souhaite, et de cette façon influer sur des pratiques qui ont de réelles retombées. La logique du marché est alors vertueuse pour le développement durable. Ces évolutions méritent d'être encouragées à vaste échelle : que ce soit au niveau de la Politique Agricole Commune ou à l'Organisation Mondiale du Commerce, ces pratiques doivent être différenciées des autres, et valorisées.

mercredi 11 avril 2007

Le choix des centristes de l'UMP

François Bayrou "ne représente pas tout le centre. Il ne représente que lui même", a dit Simone Veil en annonçant son soutien pour la candidature de Nicolas Sarkozy. Pour elle, "le véritable centre" est à l'UMP. C'est quelque chose que l'on a tendance à oublier, du fait de la campagne de François Bayrou qui essaie d'opposer son positionnement à celui des autres candidats. Or si Nicolas Sarkozy est un homme de droite, une grande partie de l'UMP est composé de centristes. C'est ce que le candidat de l'UDF n'arrive pas à avaler : pour lui, toute personne qui quitte l'UDF sort du centrisme. C'est loin d'être vrai : Pierre Méhaignerie, Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Borloo ou Simone Veil donc font partie de l'UMP sans n'ayant jamais renoncé à leur centrisme. Les centristes de l'UMP pèsent quotidiennement dans les prises de décisions, font partie du gouvernement, sont investis pour les législatives et sont encore appelés à jouer un grand rôle à l'avenir. Ils ont choisi la logique de l'union, en considérant que pour que leurs idées pèsent, il fallait qu'elles soient prises en compte en dehors du seul parti centriste. Car être centriste ne veut pas forcément dire être au milieu de tout pour mieux être acculé à l'immobilisme. Un centrisme pur et dur ne peut exister : la question se pose invariablement de savoir avec qui faire alliance si l'on veut gouverner. De ce choix, naît le centre gauche ou le centre droit, alors que l'"extrême centre" est une voie sans issue, en dehors du pouvoir car ne pouvant réunir de majorité. Les centristes français sont surtout des chrétiens démocrates ou des radicaux. Autrefois, les libéraux étaient également comptés dedant.

Les centristes de l'UMP ont fait le choix de s'allier avec la droite républicaine pour avoir suffisamment de poids pour une action commune. D'ailleurs, certains parmi l'UDF ont fait le même raisonnement ces cinq dernières années. Ainsi, Gilles de Robien, Christian Blanc ou André Santini ont décidé de soutenir Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle. Cela ne fait certes pas les affaires de François Bayrou, qui essaie de faire prévaloir par tous les moyens sa vision du centrisme, jusqu'à exclure de l'UDF un député (Pierre-Christophe Baguet) qui a eu le malheur d'avoir des opinions différentes des siennes, lorsque celui-ci choisit de soutenir Nicolas Sarkozy. Quoi qu'on essaie de nous faire croire, le centrisme d'action est au coeur du projet de l'UMP. Cela se traduit par un engagement européen fort, un souci constant de la laïcité, la mise en place des politiques de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo ou celles de pôles de compétitivité de Christian Blanc. On peut regretter que François Bayrou, s'il avait des politiques tellement fantastiques à mettre en oeuvre, ait refusé de les appliquer ne serait-ce qu'en partie au cours des cinq dernières années, alors qu'il en avait la possibilité.

Le véritable est centrisme est à l'UMP, et on peut souhaiter qu'après les élections présidentielles, l'UDF se rappelle dans son ensemble de son rôle naturel au centre droit. Cette grande partie de l'UMP que font les centristes, cette grande partie des centristes qui se retrouve à l'UMP, et même des centristes qui n'en font pas partie, ont fait le choix de soutenir Nicolas Sarkozy au poste de candidat de Président de la République. C'est une décision forte qui pèse pour l'avenir et qui doit être prise en compte dans les échéances électorales actuelles.

lundi 9 avril 2007

L'Ukraine divisée

Le Président de l'Ukraine Viktor Yushchenko a dissous le Parlement le 2 avril dernier. C'est le résultat d'une cohabitation très difficile entre lui et son Premier ministre, Viktor Yanukovych, qui était son adversaire lors des élections présidentielles en 2004. Ces élections avaient donné lieu à la Révolution Orange, suite aux irrégularités qui avaient eu lieu. Mais depuis, on ne peut pas dire que la vie politique ukrainienne soit calme : la coalition formée avec Yuliya Tymoshenko n'a pas duré longtemps, du fait des mauvaises relations entre les partenaires qui la composaient. Les résultats du gouvernements étaient modestes, surtout d'un point de vue économique. Les élections législatives de 2006 et les changements de lignes qui ont suivi ont forcé Viktor Yushchenko à nommer Viktor Yanukovych. C'est le genre de situations qu'on connait bien en France. Mais en Ukraine, le gouvernement en a profité pour prendre d'autorité de plus en plus de pouvoirs, outrepassant les attributions du Président. Dans le même temps, la coalition pro-russe gagne de plus en plus d'assurance en récupérant le soutien de nouveaux députés. D'un point de vue institutionnel, le Premier ministre de cohabitation allait donc prendre le pas sur le Président. Celui-ci a donc réagit en dissolvant le Parlement.

La Révolution Orange a montré l'existence d'une profonde division dans l'Ukraine : là-bas, le débat politique ne tourne pas autour des notions de gauche ou de droite comme on l'entend à l'ouest de l'Europe, ce sont les questions géopolitiques qui semblent prédominer. Ex Etat membre de l'URSS, l'Ukraine est profondément partagée entre ses liens anciens avec la Russie et son désir de se tourner vers l'Union Européenne. Viktor Yanukovych qui fait partie du camp pro-russe, était fortement soutenu par la Russie lors des manifestations suivant les élections présidentielles, Vladimir Poutine voyant d'un très mauvais oeil que les pays occidentaux cherchent à intervenir dans ce qu'il considère être encore sa zone d'influence réservée. Pour sa part, Viktor Yushchenko a pu compter sur les puissances occidentales pour soutenir l'annulation du deuxième tour lorsqu'il est apparu que le scrutin avait été irrégulier. Il souhaite résolument que l'Ukraine puisse être considéré comme un pays européen. Du reste, que ce soit avec ou sans irrégularités, il apparait que le vote se fait largement sur une base géographique : l'est du pays, voisin de la Russie, vote massivement pour le camp pro-russe, quand l'ouest vote tout aussi massivement pour le camp pro-occidental, laissant une ligne de partage nette au milieu du pays. C'est un clivage majeur pour un pays d'une taille aussi importante, et assez révélateur des tensions qui subsistent malgré tout entre les deux blocs qui se toisaient pendant la guerre froide. L'Ukraine était d'ailleurs comme étant partagée dans le cadre de la frontière entre la civilisation occidentale et la civilisation orthodoxe dans la thèse de Samuel Huntington, décrite en 1996 dans son livre Le Choc des Civilisations. Ces questions agitent également la Bielorussie et la Moldavie, où la question de la forte influence russe est parfois questionnée. Le déroulement des élections présidentielles en Bielorussie en 2006 a d'ailleurs très similaire à ce qui s'est passé en Ukraine en 2004, même si in fine le camp pro-russe a cette fois-ci réussi à conserver le pouvoir.

Dans le cadre de la reconstruction de la puissance stratégique de la Russie, la question de l'Ukraine n'est pas un dossier mineur. Mais si la Russie n'a pas de scrupules à intervenir directement pour y favoriser ses intérêts, l'Europe doit se contenter de proner le libre choix de la population ukrainienne. Les pays occidentaux sont dans leur rôle lorsqu'elle proteste contre des élections truquées, la Russie ne l'est pas en faisant des pro-russes une succursale du pouvoir de Moscou, en les protégeant dans le cadre de leurs manoeuvres bien peu éthiques. De ce fait, Viktor Yushchenko peut évidemment dissoudre le Parlement s'il le souhaite, si la Constitution ukrainienne l'autorise. L'essentiel sera surtout que les élections qui suivront soient régulières, le Parlement qui en sortira aura alors une légitimité forte, qu'il soit pro-occidental ou pro-russe. Dans ce dernier cas, il faudra bien que les Etats-Unis et l'Europe l'acceptent. Mais même si l'Ukraine n'a pas vraiment vocation à rejoindre l'Union Européenne à long terme, elle a le droit de vouloir quitter la sphère d'influence russe si c'est ce que sa population veut majoritairement, que ce soit ce que souhaite la Russie ou non.

samedi 7 avril 2007

Les langues régionales

On peut difficilement dire que la campagne de Dominique Voynet ait été beaucoup suivie. Il y a pourtant un point sur lequel elle s'est exprimée, où ses concurrents n'ont pas de prises de position très connues : les langues régionales. Elle fait de leur défense l'un de ses chevaux de bataille, en promettant entre autres de modifier l'article 2 de notre Constitution pour en reconnaître l'usage et la nécessité. Certes, ces dernières années, les langues régionales ont disparu du débat public, mais il y avait encore eu une polémique à ce sujet lorsque des associations bretonnes avaient réclamé la possibilité d'enseigner le breton en classe, comme c'est déjà le cas dans les écoles diwan. Avec les langues régionales, c'est toute la question des identités régionales qui se pose. Actuellement, le débat tourne plutôt autour de l'identité nationale française. Mais est-ce incompatible ? Pas forcément. Evidemment, ces notions varient en fonction des époques, et des évolutions en matière de moyens de communications. Ainsi, en des temps très éloignés, la plupart des gens ne connaissaient que les environs de leur village, étant agriculteurs sédentaires, ils n'avaient que peu besoin de voyager. Ils passaient leur vie dans un univers qui était assez peu étendu, le fief pouvant être par exemple de la taille de la moitié d'un de nos départements actuels. Pour les commerçants ou pour les élites locales, l'horizon était la région, guère plus. Au moyen-age, la France était marquée par la féodalité, la faiblesse des pouvoirs du roi laissant peu de place à un échelon véritablement supérieur à celui de la seigneurerie. C'est avec la centralisation de la France, marquée par Louis XIV, que cela a commencé à changer, mais ce furent bien les jacobins, qui lors de la Révolution Française, entreprirent de favoriser l'émergence d'une forte identité commune à tous les Français, s'opposant en cela aux girondins, plus favorables aux initiatives locales. En forçant les écoles à n'enseigner que le français, l'Etat s'engageait à construire génération après génération la France en tant que nation.

Il est dit que le XIXème siècle est le siècle de l'émergence des nationalismes. Dans le cas de la France, marquée par la Révolution et les guerres napoléoniennes, ce fut surtout une prise de conscience d'un destin commun entre les différentes identités régionales qui la compose. A vrai dire, le problème des langues régionales n'en est un que lorsqu'elles servent à solidifier des nationalismes locaux, qui demandent l'indépendance d'une région pour quitter l'ensemble qu'est la France. Dans le cas d'une région de la métropole, la difficulté est évidente, la question de l'intégrité du territoire français étant posé. Du reste, dans la plupart des cas, de telles revendications émanent de minorités locales, faisant d'autant plus de bruits qu'ils sont peu nombreux et qu'ils se démarquent d'une population attachée de façon évidente à leur identité française. Car on peut aimer tant sa localité, que sa région et son pays. Et d'ailleurs, l'un des grands enjeux de notre siècle est justement de favoriser la prise de conscience d'une communauté de destins au sein des peuples européens : on peut se sentir par exemple à la fois très breton, très français et très européen.

D'un point de vue purement utilitariste, on peut douter à vrai dire que l'apprentissage des langues régionales puissent être une priorité. Déjà, cela s'adresse avant tout à une population qui est à peu près certaine de rester toute sa vie dans une seule région, ce qui de nos jours se fait plus rare, au vu de la mobilité demandée dans la France, voire même dans le monde. De plus, en matière de linguistique, les Français auraient beaucoup à gagner à mieux connaître davantage de langues étrangères, à commencer par celles de nos voisins européens. Alors les langues régionales doivent évidemment faire partie d'un patrimoine culturel. Mais un enseignement obligatoire ou une action publique forte n'est peut être pas le meilleur moyen d'opérer cette sauvegarde. Outre l'action des centres régionaux et des linguistes, c'est surtout sur les initiatives associatives ou sur la transmission orale dans le cercle des proches qu'il faut compter pour que survivent les langues régionales. Il est inutile de trop en demander à l'Etat qui n'est concerné que de façon lointaine, qui a des priorités bien plus importantes, alors q'un grand nombre des citoyens ne se sentent pas concernés par le sujet. Or l'identité régionale manifesté par la pratique d'une langue locale demande surtout une forte adhésion de ceux qui la font vivre, il est inutile de compter sur une démarche forcée.

vendredi 6 avril 2007

Les enjeux de la présidentielle

Dans un mois jour pour jour, les résultats du deuxième tour des élections présidentielles tomberont. Nous serons alors qui occuppera pour les cinq prochaines années le poste de Président de la République française. Logiquement, cela devrait influer sur les législatives qui suivront, définissant ainsi la politique à venir. L'enjeu est donc important, et cette campagne électorale intéresse beaucoup plus les Français que les précédentes. Elle est longue et mobilisatrice. On y aura vu à peu près toutes les figures imposées de ces périodes : des attaques plus ou moins dignes, des tentatives de manipulation à bases de rumeurs, mais aussi des discussions sur le fond, lorsque l'on se penche sur les propositions des candidats sans s'arrêter au traitement médiatique de la campagne. Ainsi l'électeur a la possibilité de faire un choix clair. Très souvent, il a surtout envie de changement : il n'est pas satisfait de la façon dont la France va, et souhaite qu'il y ait une action plus forte pour remédier à cela. Si on trouve facilement une majorité de personnes pour dire qu'il y a de nombreux problèmes, il est moins évident de trouver une majorité aussi nette pour s'accorder sur une même définition des problèmes en question, et évidemment sur les mesures à prendre.

Quels sont les problèmes dont souffre la France ? La liste peut être longue : un chômage plus élevé que la moyenne européenne, une pauvreté qui s'est installé chez certaines personnes qui ont pourtant un emploi, un pouvoir d'achat réduit par la hausse des carburants et de l'immobilier, des comptes sociaux déficitaires, un système éducatif qui apparaît inadapté, l'environnement qui est attaqué par la pollution, un problème d'intégration qui affaiblit le lien social, la lutte contre l'insécurité qui doit être continuée, des services public et des entreprises publiques mal gérées... Pour chacun de ces domaines, des réformes importantes sont à mener ou à poursuivre. Trop souvent, on s'est d'abord attaqué aux conséquences qu'aux causes, nécessitant de plus en plus de pansements pour reboucher des plaies qui s'agrandissaient d'autant plus qu'elles ne cicatrisaient pas. Car il fallait une certaine dose de courage pour s'attaquer à la racine du mal, courage que l'on a pas eu depuis des décennies, lorsque l'on a pas tout simplement encouragé involontairement, avec les meilleures intentions du monde, l'aggravation des causes de souffrance. Pourtant, autour de nous, les autres pays européens semblent être moins en difficultés que nous sur chacune de ces thématiques, ou tout du moins sur la plupart. Il faut dire que chez eux la volonté politique a été moins handicapée par un fond de misérabilisme qui nous est cher. Soit les populations étaient moins enclines que la notre à refuser en bloc tout changement, soit leurs responsables politiques étaient meilleurs pour faire passer leurs réformes, et convaincre du bien fondé de celles-ci, y compris lorsqu'elles peuvent être douloureuses de prime abord.

Voilà la question phare de cette campagne : les problèmes sont connus, ce sont les réformes à adopter et leur mise en oeuvre qui sont en discussion. Parmi les trois candidats dont on nous dit qu'ils peuvent emporter l'élection, l'une a pris le parti de poursuivre ce qu'il s'est fait depuis 26 ans : faire jouer l'Etat Providence pour donner l'impression que l'argent public va tout régler, sans s'attaquer au coeur des difficultés. Un autre souhaite mettre en oeuvre des réformes modestes en faisant le pari qu'elles seront adoptées parce que tout le monde finira bien par se mettre d'accord sur leur nature. Enfin, un candidat veut mettre en oeuvre des réformes fortes, avec une volonté forte de résultats y compris si un consensus est impossible à obtenir autour d'elles. Si ces candidats devront rendre des comptes quant aux politiques qu'ils appliqueront, les électeurs doivent dès à présent comprendre leur propre responsabilité quant à l'avenir de la France dans le choix qu'ils feront dans un mois.

mardi 3 avril 2007

Une Pologne eurosceptique

Continuons notre tour d'Europe des relations entre les pays qui la composent et elle : en ce qui concerne le Traité Constitutionnel Européen, il ne faut pas croire que seuls la France et les Pays-Bas ont posé problème à son adoption. En l'occurrence, ce sont les pays qui l'ont rejeté explicitement, mais ils n'étaient pas forcément les pays les plus hostiles à cette adoption. D'autres se sont abrités derrière ces refus pour suspendre leurs propres processus de ratification, vu que l'issue en était encore plus incertaine. C'est le cas évidemment de la Grande Bretagne, mais de pays moins influents, comme la Pologne. Celle-ci est actuellement marquée par un euroscepticisme très fort. Alors que la volonté d'adhésion des Polonais à l'Union Européenne était très forte il fut un temps, le sentiment pro-européen semble avoir désormais disparu. Il avait déjà diminué lors de l'entrée de la Pologne en 2004, mais il est désormais au plus bas, et en tous ce ne sont pas les élites polonaises qui vont encourager le reste de la population dans le mouvement, contrairement à ce qui se passe habituellement dans le reste de la Pologne.

En 2005, à la surprise générale a été élu au poste de président de la Pologne Lech Kaczynski face au libéral Donald Tusk. Le président sortant, Aleksander Kwasniewski, était issu de la sociale démocratie, mais ne pouvait se représenter constitutionnellement après deux mandats. Lech Kaczynski a été élu sur un programme très conservateur, en promettant de s'attaquer à la criminalité, à la corruption, de solder les comptes de la période communiste et de gouverner en conformité avec la doctrine catholique, religion très forte là-bas. En matière de politique étrangère, un certain mépris domine. La hantise d'être entouré de deux pays puissants et souvant envahissants dans le passé ont poussé la Pologne à nouer une relation forte avec les Etats-Unis, considérés comme le seul pays qui peut l'aider dans sa sécurité. C'est ainsi que les Polonais se sont lancés tête baissé dans la guerre en Irak. D'une manière générale, il y a une méfiance envers l'Allemagne, bien qu'Angela Merkel fasse de son mieux pour développer des relations cordiales, et une défiance envers la Russie, dont la prédominance dans les apports énergétiques est vécue comme une menace permanente. Dans tout cela, l'Union Européenne est peu considérée. Si elle a été bien accueillie du fait que la Pologne bénéficie massivement de la Politique Agricole Commune, la réticence d'une partie des membres à accepter l'intrusion du catholicisme dans la définition des politiques a fait naître des incompréhensions. Ainsi, la Pologne n'a pas obtenu la mention des racines chrétiennes de l'Europe dans la constitution européenne malgré un combat acharné. Et l'Europe ne comprend pas la législation de plus en plus conservatrice qui est mise en place : actuellement, certains demandent un durcissement des lois anti-avortements qui sont déjà les plus dures d'Europe, et qui a valu une condamnation à la Pologne de la part de la Cour Européenne des Droits de l'Homme lorsqu'une femme a perdu la vue, la possibilité d'avorter pour des raisons de santé graves lui ayant été refusé.

Le conservatisme de la Pologne semble être une tendance lourde : le candidat qui est arrivé troisième aux élections présidentielles de 2005 était encore plus conservateur que Lech Kaczynski. A cette occasion il est apparu que les campagnes se sont fortement mobilisées pour un tournant conservateur, et ont montré la force du catholicisme et de la ruralité. Dans la mesure où le poste de Premier ministre est occuppé par Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau monozygote du Président, on peut douter qu'il y ait beaucoup de débats à la tête de l'Etat sur les politiques à adopter. Du reste, cette poussée conservatrice et populiste ne semble pas être le monopole de la Pologne, vu que d'autres pays d'Europe de l'Est connaissent des tendances similaires. Mais la Pologne devait adopter le Traité Constitutionnel Européen par référendum, et une issue positive semble invraisemblable aujourd'hui. Et même si le traité est renégocié dans un sens moins ambitieux, il est tout de même nécessaire qu'il obtienne le soutien des dirigeants polonais. Et l'on ne peut pas se permettre d'attendre les prochaines présidentielles, en 2010, pour avoir des responsables polonais mieux orientés envers la construction européenne.

dimanche 1 avril 2007

Redevance et audiovisuel public

Le 26 mars dernier, les représentants des différents candidats à l'élection présidentielle s'étaient rendus à la Mutualité à l'invitation de la Fondation France Télévisions pour exposer leurs vues respectives sur l'audiovisuel public. Il est apparu que seuls deux candidats (ceux de l'UMP et du FN) s'opposaient à une augmentation de la redevance, les autres étant favorables à ce que cet impôt augmente. En France, la redevance finance non seulement France Télévisions, mais aussi Radio France et l'INA. Tous ceux qui possèdent un téléviseur y sont assujettis : ainsi, celui qui ne regardera pas du tout la télévision, ou jamais les chaînes publiques, devra s'en acquitter. De même, tous ceux qui possèdent un téléviseur finance le service radiophonique public, la probabilité qu'ils en soient auditeurs étant encore plus faible. Evidemment, à l'apparition des transistors, ce n'était plus possible de demander un impôt sur un appareil ridiculement petit. Mais les télévisions ont également beaucoup évolué, les chaînes sont d'ailleurs accessibles par le moindre ordinateur. Le fait qu'il y ait un impôt dédié aux chaînes publiques a surtout un contre-effet non négligeable : chacun se considère comme un actionnaire de France Télévisions, vu qu'il paye explicitement pour leurs programmes sans avoir le choix. Et donc chacun y va de son appréciation, et comme d'habitude, l'unanimité n'est pas de mise.

L'audiovisuel public est donc soumis à un vieux dilemme : qualité ou audience ? C'est une des raisons de la valse régulière des dirigeants de France Télévisions. Si un directeur de chaîne fait en sorte que les programmes soient populaires et très regardés, il sera invariablement accusé de faire la même chose que les chaînes privées et de sortir de son rôle de service public, pour lequel la redevance est payée. S'il veille à ce que ses programmes soient d'une qualité exemplaire, il se trouvera évidemment qu'ils n'interesseront pas autant de télespectateurs, or si les gens payent une redevance pour que personne n'en regarde le résultat, c'est que c'est de l'argent mal dépensé. Ainsi, l'audiovisuel public se retrouve structurellement mis en accusation. En fait, les dirigeants de chaînes, les employés et les producteurs de programmes préfèrent eux que leurs financements proviennent surtout de la redevance, et font du lobbying pour cela (l'événement organisé à la Mutualité en étant un exemple). La pression de l'audience y est moins forte qu'avec les recettes publicitaires, où il y a des comptes à rendre aux annonceurs. Surtout, sous couvert de faire des programmes de qualités, cela leur permet de laisser libre cours à leur créativité sans parfois se soucier du télespectateur, ce qui donne des programmes un peu élitistes. Il faut évidemment qu'il y ait un choix de haut niveau disponible pour le télespectateur. France 5 et Arte jouent très bien ce rôle. Mais ces chaînes en illustrent aussi les limites, vu leurs audiences bien plus limitées que celles des autres chaînes hertziennes. Par rapport à TF1 ou M6, la redevance permet déjà qu'il y ait un peu moins de publicités sur France 2 et France 3, et que les programmes soient plus diversifiés, la recherche d'un public composé de ménagères de moins de 50 ans (cible préférée des annonceurs) étant moins forte dans le public. Il reste que la rentabilité de la grille des programmes (en terme de téléspectateurs/argent dépensé quelque soit sa provenance) est plus faible sur le public que sur le privé.

Alors les partisans d'une augmentation de la redevance avancent le fait qu'elle n'a pas augmenté depuis six ans, et surtout qu'elle est plus forte chez nos voisins européens. Elle est, il est vrai, bien plus élevée au Royaume-Uni par exemple. Mais sur les chaînes de télévision de la BBC, il n'y a pas du tout d'écrans de publicité. Et si ces chaînes sont très regardées, il faut sortir du cliché qui consisterait à dire que la BBC serait la meilleure télévision au monde. Outre manche, l'institution est elle aussi attaquée pour la qualité de ses programmes, et il faut savoir que même sur ces chaînes dites très réputées, une fois le "couvre feu" (watershed) pour les enfants de 22 heures passés, les programmes de la BBC peuvent surprendre par leur côté parfois trash.

L'augmentation de la redevance apparaît ainsi comme une solution de facilité. Du côté des radios, elle n'a pas empêché France Info de diffuser de plus en plus de publicités (pour des sociétés publiques) sans qu'on puisse vraiment dire que la grille des programmes soit plus coûteuse, étant inchangée depuis sa création. Surtout, une telle augmentation ne peut pas avoir d'effets positifs auprès de la satisfaction du public : il y aura toujours trop de publicités pour tout le monde (à moins que cette augmentation soit vraiment colossale pour supprimer les annonceurs), certains continueront de critiquer la qualité trop faible des programmes, d'autres continueront de se tourner vers les chaînes privées plus accueillantes et divertissantes. Ce n'est donc pas vraiment une bonne idée que de vouloir augmenter la redevance, en faisant de chaque propriétaire de téléviseur un abonné obligatoire aux chaînes publiques, elle ne peut faire que des mécontents.

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