Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont donc les deux candidats qui se sont qualifiés pour le deuxième tour, arrivant respectivement premier (avec 31,18 % des voix) et deuxième (avec 25,87 %) au premier tour. Les Français se sont énormément mobilisés pour ce scrutin, prouvant l'intérêt que les audiences et les ventes de presse liées à la couverture de la présidentielle laissait entrevoir. Avec une abstention de 16,23 %, ces présidentielles montrent bien que les Français se réapproprient la chose publique. Autre motif de satisfaction : la forte baisse des partis extrémistes, avec Jean-Marie Le Pen qui n'obtient plus que 10,44 % des voix, l'extrème gauche et les autres petis partis étant systématiquement en dessous des 5 %. Ainsi, on assiste à l'acte de décès du Parti Communiste, qui n'aura désormais comme seule ambition viable que celle de se fondre dans une hypothétique union des opuscules d'extrème gauche. Avec 18,57 % des suffrages, François Bayrou n'arrive pas à acceder au second tour. Il clamait pourtant haut et fort à chaque occasion qu'il serait le prochain Président de la République. Mais cela ne l'a pas empêché d'être satisfait, croyant à un rôle de faiseur de roi...

Cette présidentielle aura commencé tôt. Nicolas Sarkozy dit avoir commencé sa campagne en 2002, une fois arrivé au ministère de l'Intérieur. On pourrait aussi dire qu'il l'a commencé lorsqu'il est entré en politique, à l'age de 20 ans. Ces cinq dernières années il n'aura eu de cesse de vouloir grimper les marches, se forgeant une popularité résultante de ses actions et ses prises de position, conquérant l'UMP, avant d'être reconnu comme le candidat naturel de son camp. Il aura mené une campagne de premier tour active, n'hésitant pas à être inattendu, réussissant même à reprendre l'initiative lorsqu'il semblait menacé par la montée de François Bayrou. Ce dernier aussi a été en campagne permanente ces cinq dernières années, et pendant ces derniers mois il faut avouer que celle-ci fut bien menée, en réussissant à se trouver un espace entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Il souhaitait éliminer la candidate socialiste au premier tour sans avoir besoin de l'attaquer, et il s'acharnait sur le candidat de la droite dans l'espoir de gagner les voix des déçus de la gauche et de remporter in fine la victoire au soir du deuxième tour. Il n'a pourtant pas pu montrer qu'il aurait une majorité pour l'accompagner en cas de victoire.

La cause de la réussite de François Bayrou se retrouve en grande partie dans les échecs de Ségolène Royal. Même en ayant atteint le second tour, elle manque toujours d'une stature d'éventuelle Présidente, ayant réussi à faire voter sur son nom à la seule raison du vote utile, en culpabilisant son électorat qu'il ferait disparaitre la gauche si elle venait à être éliminée. Au deuxième tour, elle misera probablement sur un vote de rejet sur la personne de Nicolas Sarkozy, plutôt que sur son propre projet. François Bayrou peut avoir une certaine influence sur l'issue du scrutin, mais il n'est pas plus propriétaire de ses voix que les autres. On peut penser que sa posture qui semblait promettre un minimum de risque à l'électeur a attiré des personnes qui étaient mitigés sur Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal. Ce fut ainsi plus un vote d'indécision voire de contestation qu'un vote d'adhésion. Dès lors, tous ces électeurs peuvent être convaincus par l'un ou l'autre des finalistes sans se référer à la décision du candidat centriste, qui aura une véritable influence que sur ceux qui adhéraient totalement à ses idées.

Mais pour les deux semaines à venir, c'est d'abord un choix clair qui est proposé aux Français. Le 6 mai, ils choisiront quel est le meilleur projet entre deux différents (l'un reposant sur l'Etat Providence, l'autre sur le travail), et décideront aussi quelle personne est la mieux qualifiée pour occupper le poste de Président de la République française. C'est un débat qui a été trop retardé, qui est nécessaire, et qui doit se passer sereinement. Car ce choix influencera à plus long terme que les cinq prochaines années.