Réflexions en cours

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vendredi 27 février 2009

Un parti écologiste

L'écologie politique a d'abord été un combat dépassant les clivages entre la gauche et la droite. Sous la direction d'Antoine Waechter, les Verts cherchaient à se situer au dessus des partis traditionnels. Avec un certain succès d'ailleurs, leurs scores allant croissant dans les années 80. La prise de conscience des menaces environnementales portait ce parti neuf et volontaire. Cela permettait d'influer dans une certaine mesure sur les politiques gouvernementales, ce qui traduisit notamment par le développement du ministère de l'environnement, même si ses moyens restaient limités. D'autres formations, telles que Génération Ecologie, partagèrent ce refus de se positionner politiquement en fonction de la gauche et de la droite. Certaines existent d'ailleurs encore de nos jours, et font partie des partis mineurs régulièrement en lice aux élections. Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de parti important entièrement dévoué à la cause écologique. Au début des années 90, les Verts ont basculé franchement du côté de la gauche, ce qui fut symbolisé par la candidature de Dominique Voynet à la présidentielle de 1995. Sous son égide, ainsi que celle de personnes comme Noël Mamère, les Verts sont devenus un parti rageusement marqué à gauche, parlant beaucoup de questions sociales, et quasiment plus d'écologie.

Or la défense de l'environnement a toujours besoin d'avocats. Le réchauffement climatique, la destruction de la forêt amazonienne, l'épuisement des ressources, la disparition d'espèces animales ou les catastrophes industrielles ne sont que des exemples parmi les nombreuses questions cruciales qui ont besoin d'être traitées par tous et de façon urgente. Cela n'a rien de facile, et demande une implication constante. Sans verser dans l'extrémisme écologique, les préoccupations environnementales doivent faire partie de toutes les décisions politiques. Lors de la dernière élection présidentielle, il a fallu qu'une personnalité étrangère au milieu politique interfère dans la campagne pour mettre au premier plan les enjeux environnementaux. Nicolas Hulot, en s'adressant à tous les candidats, se donna les moyens d'avoir de l'influence, et est l'inspirateur du Grenelle de l'environnement, encore en cours. C'est en ne revendiquant pas l'écologie comme quelque chose d'un seul bord politique qu'il put convaincre et peser.

Aujourd'hui, la meilleure solution n'est pas d'avoir des partis indépendants consacrés à l'écologie, ou même des partis thématiques dans chaque bloc. La défense de l'environnement est un sujet transpartisan. Chaque parti composant le spectre politique se doit d'être écologiste. Au fil du temps, cela sera d'autant plus facilité que les nouvelles générations de responsables auront grandi en étant sensibilisées à ces préoccupations. Mais alors que le renouvellement du personnel politique est plutôt lent, le besoin de défendre l'environnement n'attend pas.

mardi 24 février 2009

La faillite islandaise

On n'aura jamais autant parlé de l'Islande que ces derniers mois. Cette île peu peuplée se plaisant dans un certain isolationnisme confortable était jusqu'à présent habituée à une certaine discrétion. Autrefois vivant quasi exclusivement de la pêche, l'Islande s'est, au cours des dernières décennies, considérablement développé, s'appuyant sur le dynamisme de son secteur bancaire regroupé et privatisé. Ainsi, ces dernières années, non seulement les ménages islandais vivaient largement à crédit, mais les banques elles-mêmes s'étaient montré très dispendieuses, investissant de nombreux marchés étrangers. Elles finançaient non seulement les projets d'entreprises islandaises à l'international, mais proposaient également ses services aux habitants d'autres pays, notamment la Grande-Bretagne. Les banques islandaises ont fini par se retrouver particulièrement exposées à la crise financière de 2008, à tel point que l'ensemble du secteur financier s'écroula en septembre dernier. Les trois principales banques ont toutes dues être sauvées par l'Etat islandais. Elles avaient été particulièrement atteintes par les dépréciations d'actifs et la baisse du niveau général de l'économie mondiale. Au moment où le crédit interbancaire se raréfia, elles ne purent compter sur la banque centrale islandaise : ces banques avaient fini par obtenir un poids démesuré par rapport à l'économie locale, et la banque centrale ne put suivre davantage.

La suite est alors inévitable : sans son moteur que constituait son pôle financier, l'économie islandaise est à la dérive. Comme si c'était le cours de l'action "Islande" qui était attaqué, les agents économiques ont rapidement cherché à désengager leurs fonds de ce pays. La couronne islandaise connut alors une chute vertigineuse, ce qui entraina une hausse importante de l'inflation (vu le renchérissement des biens étrangers). Pour la contrer, les taux d'intérêts durent être relevés, ce qui rend bien lointaines les perspectives de retour à la croissance. En cette période difficile, une crise politique (modérée quand même, à la façon islandaise) s'ouvrit, et poussa à un changement de gouvernement. La nouvelle chef de gouvernement aura fort à faire, alors que c'est l'Islande dans son ensemble qui semble être en faillite. Même si le pays a bénéficié d'une aide du FMI, et d'une autre de la Russie, l'île se retrouve en quelque sorte victime de sa volonté passée de faire cavalier seul.

La couronne se trouvant dans un sale état, l'Islande souhaiterait pouvoir retrouver une certaine stabilité monétaire. La tentative d'établir une parité fixe avec l'euro a échoué, la banque centrale ne pouvant résister aux attaques sur la couronne. L'idée qui vient tout d'un coup d'apparaître depuis le début de la crise est d'adopter l'euro. Pour cela, il faut normalement faire partie de l'Union Européenne. Une partie importante des directives européennes sont déjà suivies de fait par l'Etat islandais, mais sur certains domaines la réglementation communautaire était rejetée, notamment en matière de pêche. Par exemple, la chasse à la baleine est encore largement pratiquée, comme en Norvège, alors qu'elle est rejetée par les pays de l'Union Européenne. Mais cela prendra du temps, et personne ne semble se poser la question de savoir si les pays déjà membres accepteraient tous cette nouvelle adhésion.

Dans les périodes difficiles, l'euro, comme monnaie de plusieurs pays différents, permet une certaine solidarité entre ceux dont l'économie est forte et ceux dont la monnaie aurait été normalement attaquée. Il évite que certains pays voient leur monnaie flamber à des niveaux empêchant toute exportation, et d'autres de voir leur monnaie chuter à tel point que l'inflation en résultant déstabilise l'économie. Aujourd'hui, les variations de l'euro face au dollar se font en fonction de la comparaison de l'état des économies des deux zones. L'euro est souvent mieux rémunéré de par les niveaux de taux directeurs pratiqués par la BCE, mais l'économie américaine parait régulièrement plus prometteuse aux marchés financiers. Voilà ce qui forme les errements des deux monnaies. Pour un pays petit et isolé comme l'Islande, chaque mauvais coup se traduit directement en bourse. Plongée dans le désarroi, ce qui manque à l'Islande, c'est déjà une planche à laquelle se raccrocher.

Enfin, on peut remarquer les conséquences terribles que peut avoir une spécialisation trop poussée de l'économie. La théorie des avantages comparatifs se retrouve ici en défaut : l'ancien domaine où l'Islande pensait avoir un avantage comparatif fort, les services financiers, se retrouve aujourd'hui être son talon d'Achille. Les pêcheurs islandais doivent espérer ne pas souffrir prochainement de la raréfaction de la ressource par cause de surpêche, car sinon cela ferait que leurs deux seuls atouts se révèleraient détruits à cause d'abus. Voilà un retour de bâton qui donne une leçon à tous les acteurs mondiaux, bien au-delà de la seule Islande.

samedi 21 février 2009

La longévité des hommes politiques américains

Récemment, lors de la nomination de nouveaux sénateurs remplaçant ceux appartenant désormais à l'administration Obama, des controverses ont eu lieu quant à la composition du Sénat américain. Un dessin humoristique sur ce sujet montrait un homme politique proposant de mettre fin à la fracture entre les sénateurs qui avaient acheté leur siège et ceux qui en avaient hérités. C'est vrai qu'il y a un peu de cela au Congrès américain. Si l'arrivée de Barack Obama représente bien un renouvellement et un souffle d'air frais, notamment par ses origines étrangères et son peu de temps passé au premier plan avant de devenir Président, la vie parlementaire américaine est plutôt le théâtre des carrières politiques interminables et des positions qui se transmettent au sein d'une même famille. Les exemples sont nombreux. Il y a évidemment les deux Georges Bush, 41ème et 43ème Présidents des Etats-Unis, respectivement fils et petit-fils du sénateur Prescott Bush. Ce n'était même pas la première fois qu'un fils suit sont son père à la tête du pays, John Quincy Adams, le 6ème président, étant le fils du deuxième, John Adams.

Du côté démocrate, la famille Kennedy a récemment essayé de placer la fille du 35ème président à un poste de sénateur, suivant les exemple de son père et de son oncle, Ted Kennedy. Ce dernier est membre du sénat depuis 1962, mais n'y est pas même pas le plus ancien à son poste. Le doyen s'appelle Robert Byrd, il a 91 ans, et a été élu pour la première fois en 1958. Le plus ancien membre de la chambre des représentants, John Dingell Jr, n'a "que" 82 ans, mais siège depuis 1955, avant même la naissance de Barack Obama ! Son prédécesseur n'était autre que son père, John Dingell Sr, qui commença à siéger en 1933. Le cas de Strom Thurmond est également stupéfiant. Né en 1902, il devint gouverneur de Caroline du Sud à l'âge assez ordinaire de 44 ans, fut candidat à la Présidence de 1948 du côté démocrate sur la base d'un programme particulièrement raciste et ségrégationniste, entra au sénat en 1954 et y resta (sauf une interruption de quelques mois au début) jusqu'en janvier 2003, à l'âge de 100 ans ! Son grand âge (il fut doyen du sénat pendant 14 années) et sa défense de la ségrégation ne l'ont pas empêché d'être réélu sans discontinuer, se contentant simplement de changer de parti en 1964, au point d'être sénateur centenaire.

Si actuellement, au niveau des histoires de familles, le cas Clinton est connu avec les candidatures des deux époux à la Maison Blanche, il faut également lui adjoindre le cas des Dole, où le mari Bob fut sénateur du Kansas, avant que sa femme Elizabeth ne le soit de la Caroline du Sud. Mais l'exemple de tradition politique familiale le plus marquant reste celui de la famille Udall. Au XIXème siècle, un mormon influent de l'Utah, David King Udall, eu deux femmes. Les descendants de sa seconde femme ont formé une lignée de politiciens républicains, dont le dernier membre, Gordon Smith, était encore sénateur de l'Oregon jusqu'aux dernières élections. Quant aux descendants de la première femme, ils ont eux tous été des politiciens du côté démocrate : aujourd'hui encore, les cousins Tom et Mark Udall siègent au sénat, représentant respectivement le Nouveau Mexique et le Colorado.

Ces exemples, parmi d'autres, montrent à quel point certains politiciens américains sont verrouillés à leurs sièges. Même en France, où chaque camp a des circonscriptions imperdables, l'ancienneté ne remonte pas aussi loin, alors que les parlementaires sont plus nombreux au niveau national. Si le doyen de l'Assemblée Nationale, Loïc Bouvard, vient "seulement" de fêter ses 80 ans. Le plus ancien élu est Didier Julia, siégeant à l'Assemblée Nationale depuis 1967. Aucun des sénateurs actuels ne siégeait avant 1980... mais l'on y compte pas moins de 8 octogénaires, soit plus que dans tout le Congrès américain.

mercredi 18 février 2009

Chaos en Guadeloupe

Presque un mois de grève générale en Guadeloupe. Les autorités locales comme l'Etat n'ont réussi à y mettre fin, ni même à éviter une situation La grève est menée par un mouvement contre "l'exploitation". Exploitation par qui ? Le premier message est la lutte contre la "vie chère". Quasiment tout coûte plus cher en Guadeloupe. La faute à la provenance systématique des produits depuis la métropole, alors que certains pourraient être importés pour moins cher depuis des pays proches géographiquement. La faute surtout à des monopoles régnant sur l'île, permettant un contrôle des prix bénéfiques pour les vendeurs, beaucoup moins pour les consommateurs. Alors que les revenus des Guadeloupéens sont inférieurs à ceux de la métropole, il faut bien avouer que ce problème de prix surélevés est un vrai scandale. Un problème qui a néanmoins une solution... Des réformes structurelles ont besoin d'être mises en place, de la concurrence doit être introduit, et en attendant, les entreprises en situation de monopole doivent baisser leurs prix. Toutes ces choses sont possibles, et peuvent être l'aboutissement d'une négociation saine entre syndicats et patronat locaux, encadrée par les pouvoirs publics. C'est d'ailleurs ce qui prend forme dans la Martinique voisine.

Or en Guadeloupe, rien ne progresse, tout empire. Sur plus d'une centaine de revendications, l'Etat les a quasiment toutes acceptées. Seule la question d'une augmentation des bas salaires reste dans la balance. Cette augmentation, seules les entreprises peuvent les accorder. Mais voilà que c'est l'Etat qui est transformé en décisionnaire, par la volonté des grévistes. L'augmentation de 200 € des bas salaires devrait être permise par une baisse de charges accordée par l'Etat. Mais celui-ci n'a pas à subventionner les salaires d'un département entier, surtout à telle hauteur !

Il y a certainement un souci avec le secrétaire d'Etat à l'Outre mer, Yves Jégo. Il est allé sur l'île en déclarant qu'il n'en partirait pas tant que le problème ne serait pas réglé, et l'a quitté alors que la grève continue. Plus grave, d'après les syndicats locaux, il aurait promis ces 200 €, avant de revenir dessus, mettant en cause selon eux la parole de l'Etat. Qu'il les ait promis ou non, il n'avait pas le mandat pour le faire, et cette mesure ne peut donc être validée par le Premier ministre. Mais l'acharnement des syndicalistes et leur volonté indestructible de ne pas laisser le conflit prendre fin laisse voir quelque chose qui ne se limite pas à cette seule mesure, d'autant plus qu'elle ne répond pas de façon structurelle à leurs revendications de base.

Les grévistes guadeloupéens demandent davantage d'argent, mais semblent ne plus se préoccuper de l'économie locale. A ce titre là, la grève est dévastatrice. Outre la cessation du travail qui entraîne la cessation de la création de richesses sur l'île, le mouvement handicape sur une durée plus longue l'économie. Alors que le cadre et le climat de la Guadeloupe sont d'excellent atouts pour attirer le tourisme, cette grève interminable est en train d'en éradiquer la possibilité de façon durable. Les touristes ne viennent déjà plus, et auront d'autant plus de mal à revenir que la situation empirera. L'un des secteurs les plus porteurs de l'île est en train de se faire couler par ceux qui en vivent.

Et tout ça pour que l'économie guadeloupéenne dépende encore plus de l'argent de l'Etat, alors qu'elle est d'ores et déjà largement sous perfusion depuis la métropole. Les grévistes seraient donc prêts à tuer leur économie locale pour ne plus vivre que des aides de l'Etat ? Il y a là une contradiction avec le message glorifiant la population locale tel qu'exprime "la Guadeloupe est à nous". A travers ce délire économique, apparaît le volet identitaire, encore plus lourd. Le mot "exploitation" sonne alors comme un souvenir de l'époque de l'esclavage. Plus de 150 ans après son abolition, les périodes passées semblent encore tourmenter les esprits. S'il s'agit alors d'une espèce de revanche de la part de la population guadeloupéenne, il est certain que la situation aura du mal à s'améliorer, vu qu'il n'y a rien à négocier.

De là le jusqu'au-boutisme. Le leader du mouvement, Elie Domota, veut "affronter" l'Etat français pour le vaincre. Il met un point d'honneur à faire ses discours en créole, et voit d'un mauvais oeil les responsables politiques locaux qui ne s'expriment jamais dans cette langue. Il promet constamment l'aggravation du conflit, et s'en dédouane par avance, transformant son propos en menaces lourdes. Son syndicat, le LKP, ne souffre d'ailleurs pas vraiment la contestation. En guise de grève générale, les syndicalistes forcent tout simplement les commerçants à fermer. Ils ne leur laissent aucun choix et utilisent la force pour cela. Pour être davantage certains de contrôler l'île, ils ont dernièrement décidé de mettre en place des barrages pour empêcher toute circulation. C'est en fait la liberté qui est attaquée. Discours exaltés contre la France et coups de force s'enchaînent dans un tourbillon qui nuit considérablement à l'île, mais flatte ceux qui croient tenir là l'issue à toutes les difficultés. Le but est que l'Etat ne contrôle plus rien, l'anarchie devient un but recherché comme un moyen de pression. Une bavure policière permettrait tous les excès.

Mais ce n'est pas par la police que le sang a coulé. Des jeunes adolescents ont été pris dans le discours ambiants, et semblent bien décidés à leur tour à participer au chaos général. Ils y passent la nuit, les parents laissent faire, de façon incompréhensible. Ils mettent le feu autour d'eux, et ont même des armes à feu, qui sortent d'on ne sait où. Cela laisse songeur sur la mentalité de ceux qui les possèdent. La nuit dernière, un homme est mort par une balle tirée par l'un de ces émeutiers. La police, bloquée par les barrages, a mis du temps à venir en aide à la victime, et d'ailleurs trois policiers ont été blessés en le faisant. Quant à à la victime, il s'agissait d'un syndicaliste. Ce qui montre qu'il n'y a vraiment plus de logique consciente à ces événements.

Elie Domota et ses hommes doivent arrêter de semer le chaos. Il n'apporte rien, bien au contraire. La Guadeloupe souffre déjà beaucoup de ce qui s'est passé depuis un mois, il est temps d'arrêter cette spirale auto-destructrice.

mardi 17 février 2009

Femme debout, mais dérangée

"Ils ont tellement dit que j'étais nulle que j'ai failli finir par croire que c'était vrai !" Cette phrase ironique donne le ton du dernier "livre" de Ségolène Royal (en fait une compilation d'une douzaine d'interviews) : victimisation et absence de remise en cause de sa part. Au fil des pages, elle ne fait qu'enchaîner les satisfecits envers elle-même. Elle n'hésite pas à dire qu'elle aurait pu être élue à la présidentielle facilement avec 55 % des voix si elle avait bénéficié du même soutien des médias et de son parti que son adversaire. Dans ce qu'elle a fait elle-même, rien n'était mauvais. Il semble que la France avait de la chance de l'avoir. Ségolène Royal se sent intimement destinée à diriger ce pays. Tout le drame est que certaines personnes n'aient pas voulu et l'en aient empêché.

Alors tous ceux qui ont eu le mauvais goût de se mettre sur son chemin, ou même de ne pas lui avoir déroulé le tapis rouge, font l'objet de son ire souveraine. Outre les longs passages d'auto-glorification, le livre empile donc les petites attaques envers les inopportuns. Jack Lang "geignard", Nicolas Sarkozy "infantile", et ainsi de suite pour tous ses camarades du Parti Socialiste. Au gré des attaques se dessine l'image du champ de carnages dont elle seule émerge comme pure et triomphante. Il faut dire qu'elle n'hésite pas à se comparer à Sœur Emmanuelle. Dans son esprit, sa seule victoire à la primaire interne du PS pour désigner le candidat à la présidentielle de 2007 est censé légitimer à jamais sa présence à la tête de la gauche. Avant même ce vote, elle partait déjà du principe que son bon niveau dans les sondages devait écarter tout questionnement dans son parti quant à son sujet. Et pour la suite, elle a besoin de boucs émissaires sous les formes des médias, des machistes et des autres éléphants pour justifier son incapacité à accomplir les buts qu'elles se fixent.

La primaire ne lui donnait pourtant une légitimité effective que pour se présenter à une seule élection. Après, elle redevenait simple militante socialiste. D'ailleurs, elle se souvient bien plus facilement de sa victoire lointaine que de ses défaites récentes. C'est qu'elle a tout de même deux défaites à son actif depuis sa victoire à la primaire de 2006 : son échec à la présidentielle fut cinglant, et dans la course au poste de premier secrétaire du PS, son résultat fut bien inférieur aux 60 % dont elle se revendiquait auparavant. A moitié moins, elle a du cette fois rentrer dans la minorité du parti. Dans un cas comme dans l'autre, elle ne montre dans son propos aucune préoccupation pour ce qu'il serait arriver dans le cas où elle aurait été aux responsabilités. Quand elle parle, elle se contente de dire que tout aurait été mieux, sans problème.

Au bout du compte, la question se pose de savoir si Ségolène Royal a un intérêt quelconque pour la réalité. Elle vit dans un monde dont elle est l'unique centre, l'unique raison d'exister. Certes, toutes les personnalités politiques se caractérisent par un égo démesuré, mais on atteint là un niveau stratosphérique, probablement sans égal en France. Le souci est bien que le monde de Ségolène Royal n'a que peu de points commun avec le monde réel. Au vu de ses schémas de pensée délirants, il est préférable qu'elle reste dans la position de la perdante remplie d'amertume plutôt qu'elle n'accède de véritables responsabilités, où sa vision du monde aurait des conséquences autrement plus graves qu'un simple livre d'entretiens.

samedi 14 février 2009

Une culture européenne

Une bonne partie des difficultés rencontrées dans les négociations au sein des instances européennes peuvent être attribuées à des incompréhensions résultant de différences culturelles. A un problème donné, les approches peuvent varier selon les pays, de même que les références, les priorités ou la façon de communiquer. De telles différences culturelles peuvent être rencontrées dans toute forme d'organisation internationale (comme certaines associations ou entreprises), mais elles deviennent d'autant plus exacerbées lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des politiques communes, quand chaque partie engage un peuple derrière soi. C'est en fait un des défis majeurs de l'Union Européenne, depuis ses commencements jusqu'à aujourd'hui et après.

Pourtant, il est possible de les relativiser. Après tout, dans un grand nombre d'Etats nation il existe des différences culturelles sensibles entre les différentes régions, et malgré quelques tensions occasionnelles, ces Etats arrivent à fonctionner. L'Allemagne par exemple a une structure fédérale, et des peuples ne partageant pas tout à fait la même identité entre la Bavière, la Ruhr ou l'ex Allemagne de l'est. Elle n'en n'arrive pas moins à dépasser ces différences quotidiennement. De même la France connaît toujours un certain nombre de régionalismes, et ne se présente pas moins comme une nation unie. C'est qu'au delà de ces régionalismes, il y a un fond culturel commun, des valeurs partagées qui rassemblent malgré tout.

Si l'on simplifie volontairement de façon très grossière les courants de populations européens, on peut arriver à quelques groupes "ethniques" qui ont interagi au cours des siècles, notamment les latins, les germains, les celtes ou les slaves. La France par exemple aurait selon cette façon de voir comme composantes de son identité de base la culture celte, la culture latine et enfin la culture germanique, mélangées au fur et à mesure. Elle connait d'étonnantes similitudes avec l'Italie, totalement latine, mais reste toutefois plus mesurée, s'orientant en cela vers une caractéristique généralement attribuée aux peuples germaniques. Selon cette optique, les cultures des peuples d'Europe pourraient donc être regroupées en quelques vastes ensembles, tout à fait capables de dialoguer les uns avec les autres après des siècles de cohabitation, voire même de s'influencer mutuellement.

Dans ce cas, il apparaît que les différents peuples d'Europe partagent une toile de fond commune. Il faut dire que le continent européen a été fréquemment traversé dans son intégralité par les mêmes vagues d'événements. Que ce soient par l'existence successive de vastes empires (romain, germanique, napoléonien), des guerres qui ont marqué de façon commune tous les peuples, ou par des mouvements religieux (la christianisation, la Réforme) ou artistiques (avec la Renaissance ou les Lumières), l'Histoire a bien donné aux peuples d'Europe des références et même des valeurs communes. Certains parleraient de civilisation occidentale, cela ne fait en tous cas que souligner le mouvement commun qui accompagne l'ensemble de l'Europe.

Tout cela forme donc une culture européenne, qui apparaît en filigrane des différentes cultures européennes. Elle ne s'oppose pas à elles, mais elle forme une unité qui en fait partie. Cette culture européenne fait partie de l'identité de chaque citoyen européen, et sur cela qu'il faut se baser pour la poursuite du projet européen.

jeudi 12 février 2009

Un parti démocratique

La vie des partis politiques permet souvent de bien appréhender leur véritable conception de la démocratie. A ce titre, les événements mêmes récents suffisent à indiquer quelles sont les différences. Ainsi, le Mouvement Démocrate peut se targuer autant qu'il veut d'être le défenseur d'une approche où la diversité des opinions et le souci constant du respect du souhait des anonymes, cela est complètement démenti par les faits. Il suffit pour s'en convaincre comment François Bayrou a forcé son parti à s'organiser de telle manière qu'il ne puisse jamais être contredit. La consultation des adhérents de son mouvement ne se fait plus que sous forme plébiscitaire, les élections internes n'étant organisées qu'à son seul profit, et la nature plébiscitaire de la démocratie au Mouvement Démocrate se retrouve de façon exemplaire dans le cadre de la préparation des européennes, avec l'approbation par les militants de listes uniques composées à l'avance. Et ce, uniquement pour la forme.

Dans le sens inverse, les Verts respectent eux la vision de la démocratie théoriquement à la base du Mouvement Démocrate. Cela se traduit par des motions contradictoires, des représentations établies à la proportionnelle qui doivent ensuite trouver autant que possible des points d'accord. En fait, le système est largement instable, et produit essentiellement des conflits internes, faute de pouvoir désigner une ligne directrice claire. Le Parti Socialiste relève également de cette logique, quoi que moins prononcée, la question étant normalement habituellement réglée au cours de congrès dont la synthèse alambiquée permet de cacher toutes les incompatibilités théoriques. Quant à l'UMP, en souhaitant ne plus avoir de président depuis 2007, et en privilégiant les nominations exercées par les instances les plus obscures (traductions concrètes du "fait du prince"), elle a sombré dans un sommeil profond de la démocratie, ce qui nuit en conséquence au dynamisme du mouvement.

Pour obtenir le meilleur résultat, il faut en fait trouver le bon équilibre entre démocratie systématique et efficacité. La démocratie représentative peut tout à fait être le concept pertinent dans un parti politique. L'idée est alors d'élire des représentants de façon indiscutable (ce qui nécessite souvent le scrutin majoritaire uninominal ou à liste bloquée), pouvant même avoir des mandats impératifs, qui auront alors toute latitude pour prendre la direction des affaires. Les points essentiels seraient alors de permettre une vraie diversité de candidatures, couplée à des mandats assez limités dans le temps (mais avec possibilité de se représenter à nouveau). Aux phases de consultations, se succèderaient alors les phases d'actions. La démocratie donnerait alors sa légitimité à une politique efficace. C'est, après tout, le fondement démocratique de la Vème République à l'heure actuelle. Le modèle peut tout à fait s'appliquer aux partis politiques, et y permettre une véritable légitimité démocratique de par la base. Dans d'autres pays, cela passe par exemple par l'usage très fréquent de primaires. Cela peut être une bonne direction.

dimanche 8 février 2009

Les trois tiers du profit

Au cours de l'émission de cette semaine consacrée à la crise, Nicolas Sarkozy a d'abord souhaité mettre en avant le rendez-vous à venir avec les syndicats. Il a énoncé plusieurs possibilités d'actions en faveur des ménages, se basant sur la marge de manœuvre représentée par les intérêts de l'argent prêté par l'Etat aux banques. Il a néanmoins annoncé la suppression d'une partie de la taxe professionnelle, celle basée sur les équipements et les biens mobiliers, laissant intacte la part de la taxe professionnelle basée sur l'immobilier. C'est une nouvelle remise en cause de la taxe professionnelle, dont l'assiette a toujours été pénalisante pour les entreprises. Il y a encore quelques années, elle était aussi basée sur les salaires, faisant ainsi office de taxe sur la masse salariale. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais si l'embauche n'est plus pénalisée, l'investissement le reste encore.

Quoi qu'il en soit, cette suppression fait l'affaire des entreprises, qui devraient voir à cette occasion leurs profits mécaniquement augmenter, si elle n'est pas compensée par un autre impôt. La question de leur répartition se posera alors encore davantage. Le Président de la République a abordé cette question jeudi dernier, ce qui put surprendre. Il a souhaité que se pose avec les entreprises le sujet de la répartition des bénéfices. Poussé par un journaliste, il a estimé que la "règle des trois tiers" était la bonne, même s'il ne pouvait y avoir de règles communes à tous. Trois tiers, cela veut dire un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés, et un tiers pour l'investissement.

La part réservée à l'intéressement serait dans ce cas la même que celle pour les dividendes. Dans la plupart des entreprises, c'est loin d'être le cas. L'ensemble de l'économie gagne à ce que les salariés ne soient pas considérés uniquement comme un centre de coût, mais également comme une source de débouchés de façon global.

La question de l'investissement est également intéressante. Ces dernières années, le scénario suivi par l'économie française a à peu près été le même. En début d'année, les perspectives de croissance sont encourageantes. Puis, le moral des entrepreneurs baisse sensiblement. Si le moteur de la consommation tourne à plein, l'investissement diminue nettement. Le troisième terme de la croissance, représenté par les exportations, ne la sauve pas : les entreprises françaises sont en général trop peu compétitives. Notamment par manque d'investissements, selon les économistes. La raison du manque de croissance serait donc le faible courage des entrepreneurs. Ce n'est pas tant une question de rémunération de l'investissement qu'une peur de la prise de risques.

L'économie française est formée de décisions de l'ensemble des agents qui la composent. S'il n'est pas question de les forcer dans leurs choix, il peut être intéressant que les différentes parties réfléchissent à l'impact de leurs actions.

vendredi 6 février 2009

Un islam occidentalisé

La religion musulmane fait naitre beaucoup de peurs. Elle est actuellement en croissance, et elle a en même temps été associée à de nombreux événements tragiques dans les dernières décennies. La quasi guerre civile menée en Algérie par le Groupement Islamique Armé, les multiples attentats, que ce soit à Paris en 1995 ou bien à Londres en 2005, et évidemment l'attaque du 11 septembre 2001, sont autant de faits qui ont terrifié les populations des pays occidentales. Le jihad ou même l'application littérale de la shariah ont poussé bon nombre de gens à considérer avec méfiance l'islam, censé les légitimer. Cette peur a généré l'islamophobie, ou même le racisme envers tous ceux qui sont musulmans. Pourtant, il ne s'agit à chaque fois que d'extrémismes. De la même manière qu'il existe une extrême droite ou une extrême gauche, il existe un islam extrémiste, l'islamisme. Cette forme de l'islam n'est pas partagée par tous les musulmans, loin de là. Mais pour les islamophobes, c'est toute la religion qu'il faut condamner.

La lecture du Coran peut certes effrayer, notamment lors de la lecture de certains passages sur les mécréants ou le traitement de la femme. Pourtant, il s'agit d'un texte prophétique et de ce fait très largement soumis à interprétation. Celle des islamistes repose sur une lecture non seulement rigoriste, mais aussi particulièrement intolérante. Mais il ne faut pas oublier pour autant que la Bible peut être interprétée de la même façon, et l'Histoire a montré comment des groupes plus ou moins étendus ont fait régner le malheur en l'invoquant. Voilà pourquoi il ne sert à rien de s'en prendre à l'islam en tant que tel. Cette religion peut autant être vecteur de paix, de bien être et d'équilibre que les autres.

Elle doit donc pouvoir être pratiquée de la même manière que toutes les religions, ce qui, en France, suppose le respect total des règles établies en terme de laïcité. Il ne s'agit pas pour autant de prendre à la légère les problèmes posés par les fondamentalistes en voulant laisser tranquille les musulmans. L'un des terreaux tant de l'islamisme que de l'islamophobie est la relation aléatoire entre le culte et certains pays troubles. Le fait que les imams soient formés loin des lieux dans lesquels ils officieront créé parfois une sorte de lien entre les zones où l'islam devient totalitaire et celles où sa présence est apaisée. De même, le culte en arabe peut rendre hermétique la religion et l'éloigner de la société.

Cela n'est pourtant pas une fatalité. Rien n'empêche les musulmans modérés de faire prévaloir au fil du temps un islam de plus en plus en phase avec la société occidentale, n'hésitant pas à mettre en valeur par exemple les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. Si l'Islam vient du monde oriental, le culte peut se passer de ce lien pour beaucoup de choses. Il ne s'agirait pas de le nier, mais simplement de se concentrer sur ce qui est universel, et d'en reconnaître une vision compatible avec l'occident. Cela n'a rien d'impossible, et permettrait de diminuer tant les risques que les peurs.

mercredi 4 février 2009

Pécresse vs Karoutchi

L'UMP travaille d'ores et déja sur les régionales de 2010. Avec 20 présidents socialistes de régions sur 22, elle pourra difficilement faire pire. Son idée est de désigner le plus tôt possible des chefs de file pour chaque région, qui se transformeront en têtes de listes sauf dans les cas où une personnalité du Nouveau Centre jouerait ce rôle. Ceux qui veulent jouer ce rôle doivent passer par des primaires où ils seront départagés par le vote des adhérents de l'UMP. En Ile de France, on sait officiellement depuis le début de la semaine qui s'affrontera dans les primaires de mars. Comme on pouvait s'y attendre, il s'agit de deux membres du gouvernement, Valérie Pécresse, ministre de la recherche et de l'enseignement supérieure, et Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le parlement. Les tensions entre eux ont d'ailleurs commencé bien avant le début de la campagne directe, Roger Karoutchi parlant d'ores et déjà de tentatives de manipulation.

La question de la présidence de l'Ile de France n'est pas négligeable. Cela va faire 11 ans que Jean-Paul Huchon a pris la tête du Conseil Régional, et jusqu'ici les mots qui décrivent le mieux son bilan sont "échec complet". Alors que le Conseil Régional n'hésite pas à voter des subventions complaisantes à divers projets parfois loin de concerner l'Ile de France, ou bien à augmenter largement frais de fonctionnement, de communication ou de réception, la situation des usagers dans les transports en commun ne fait qu'empirer. Depuis 11 ans, rien n'a été fait contre la saturation de certaines lignes alors que c'est bien le Conseil Régional qui est responsable du Syndicat des Transports d'Ile de France. Les dysfonctionnements pénibles et quotidiens se multiplient, conséquence d'une décennie d'immobilisme. Pendant ce temps, on apprend que Jean-Paul Huchon est condamné définitivement pour prise illégale d'intérêts dans ses fonctions de Président du Conseil Régional, sans que cela ne l'incite à en tirer les conséquences. Il est donc vraiment nécessaire que cette région change de direction aux prochaines élections.

Le choix se fait donc entre Valérie Pécresse et Roger Karoutchi. Ce dernier peut se targuer d'une excellente connaissance des dossiers régionaux, étant chef du groupe UMP au Conseil Régional. Il avait en outre déjà été mentionné comme possible candidat aux élections régionales en 2004, avant que Jean-François Copé n'occupe cette place. Son diagnostic sur les transports en commun est le bon, et il souhaite mettre en place un plan précis et ambitieux pour améliorer la situation. Seulement la campagne de 2004 avait montré que les enjeux strictement régionaux ne suffisent pas, Jean-Paul Huchon ayant surtout bénéficié d'un vote "sanction" contre le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui lui avait permis de rester en place. La personnalité de la tête de liste compte, et celle de Roger Karoutchi peut paraître moins engageante que celle de Valérie Pécresse. Celle-ci travaille actuellement à des réformes nécessaires dans les universités, et jusqu'ici s'y est plutôt bien pris. Egalement conseillère régionale, elle incarne mieux le renouvellement politique que son concurrent. Et en venant de la grande banlieue, elle ne peut être soupçonnée de "clanisme", alors que la droite des Hauts de Seine semble être un lieu propice aux coups tordus.

L'idéal serait bien que Roger Karoutchi et Valérie Pécresse s'allient contre Jean-Paul Huchon, tant la région ne peut se permettre un troisième mandat de celui-ci. Valérie Pécresse a probablement de meilleures chances de l'emporter face à Jean-Paul Huchon, et est capable de prendre les décisions nécessaires pour que l'Ile de France ne soit plus à la dérive. Roger Karoutchi serait donc bien inspiré de l'aider dans cette optique.

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