Réflexions en cours

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jeudi 31 mai 2007

Lutter contre les drogues

Les multiples campagnes anti-tabac et l'augmentation du prix du paquet de cigarette finissent par donner quelques résultats. Surtout, l'interdiction de fumer sur les lieux de travail après celle concernant les lieux publics conduit à dissuader davantage les fumeurs de persister dans cette pratique qui leur est nuisible, ainsi qu'à leur entourage. Il est pourtant difficile de se réjouir, alors que les drogues dans leur ensemble restent une menace permanente pour la santé publique. Ainsi voit-on débarquer la consommation de tabac passant par des narguilés. Cette pratique qui semble donner un aspect social à la consommation de tabac est en fait encore plus dangereuse que les simples cigarettes, dans la mesure où chaque bouffée de narguilé équivaut à une cigarette en terme de gaz carboniques inhalés. Une séance peut donc represénter jusqu'à la consommation de deux paquets de cigarettes, avec les effets néfastes sur les poumons associés. Ce ne doit pas être négligé.

Régulièrement, de nouvelles drogues ou de nouvelles façons de les consommer font leur apparition et gagnent en popularité. Leurs usagers commencent souvent par préoccupation sociale, avant de tomber dans un engrenage qui les conduit vers la dépendance physique ou psychologique. Ce sont leur santé qui est touchée, voir parfois celle des autres. En terme de soucis du bien être général, il n'est pas tolérable de baisser les bras, c'est pour cela qu'il est nécessaire de combattre de façon énergique ces comportements, qui ne finissent par profiter qu'aux moins scrupuleux. D'un point de vue idéaliste, il est même souhaitable que les drogues disparaissent toutes. A ce titre, le tabac est celle qui est la plus répandue, et donc celle dont la société a le plus à gagner de son élimination. Il ne doit pas pour autant être remplacé par le cannabis ou d'autres produits chimiques. L'alcool ne poussant pas dans la dépendance de façon aussi forcée que le tabac, il est difficile de le mettre dans la même catégorie, mais sa consommation ne doit pas moins en rester raisonnée.

Dès lors, s'attaquer de façon agressive aux filières d'approvisionnement en drogues illégales est un passage obligatoire. Quand au tabac, sa consommation doit vraiment régresser de façon nette, quitte à considérer la reconversion d'une industrie entière. Campagnes d'information, contrôle des tarifs, protection des non-fumeurs, toutes les armes doivent être employées dans cette lutte contre une drogue aux multiples effets néfastes pour la santé. Le but ultime est plutôt simple, c'est que chacun refuse de prendre la première cigarette. Tout le monde s'en porterait bien mieux.

mercredi 30 mai 2007

De la naïveté en matière d'échanges internationaux

Danone a eu une nouvelle mauvaise surprise en Chine. Les organismes de contrôles chinois disent y avoir trouvé un taux anormalement élevé de bactéries, donnant l'impression aux consommateurs qu'elle pourrait être dangereuse, et entrainant donc un boycott de fait. Cela fait suite aux multiples conflits qu'a le groupe français avec son partenaire chinois Wahaha, qui oublie ses accords pour mieux doubler la multinationale. Le patriotisme économique chinois n'est plus à prouver, et un exemple nous en est ici donné. D'une manière générale, l'obligation pour les multinationales de faire des joint-ventures avec les entreprises locales pour pouvoir s'y développer est l'occasion de créer une alliance tout à fait disproportionnée, dans la mesure où seul le groupe chinois est appelé à en profiter. Si l'entreprise occidentale vient à prendre trop d'importance, les ennuis commencent. Dans un pays où la bureaucratie forme un système politique, les autorisations de faire quoi que ce soit deviennent tout d'un coup très compliquées à obtenir. Le but est évidemment que la partie chinoise prenne l'ascendant sur le contrôle du marché intérieur. Elle pourra éventuellement se développer à l'étranger en bénéficiant de ce marché garanti, et des transferts de savoir faire réalisés pendant le partenariat. En fin de compte, la Chine joue tout simplement ses propres intérêts, en facilitant tout en cynisme le développement des ses propres champions nationaux. En laissant faire cela, les autres pays développés se jette allègrement dans une naïveté touchante.

C'est surtout le trait de caractère de l'Union Européenne à vrai dire. Elle aussi peut être considérée comme ayant une certaine forme de bureaucratie, mais celle-ci est bien moins dédiée à la défense des intérêts communautaires qu'à la concrétisation de doctrines parfois déconnectées de la réalité. C'est le cas dans le domaine des échanges commerciaux. Le but même de l'OMC est de favoriser les échanges entre pays, appelant à toujours lever davantage les obstacles au commerce international. Cette ouverture forcenée devient un but en soi, sa raison de vivre. Et à l'instar du Commissaire à l'élargissement qui veut faire adhérer à tous prix des pays à l'Union Européenne, car c'est sa raison d'être, le Commissaire au commerce, Peter Mandelson, semble si désespéré d'obtenir des accords qu'il est prêt à d'énormes concessions, sortant de loin de son mandat, pour ne pas que l'Europe soit accusée de bloquer le cycle de négociations de Doha à l'OMC. Dans ces discussions, il n'est plus vraiment question de réciprocité, seulement de concessions que l'Union Européenne aurait à faire de façon unilatérale sur l'agriculture. Ce faisant, l'Union Européenne ne peut qu'agrandir le fossé qui l'éloigne de ses citoyens. Elle ne comprend pas qu'il fasse avant tout défendre les intérêts de ceux-ci plutôt que la gloire d'un dogme. Etant une zone de libre échange à l'origine, l'Union Européenne est évidemment imprégnée de libre-échangisme. Si celui-ci est souhaitable, il ne doit pas être une telle priorité que l'Europe en devienne le dindon de la farce vis-à-vis d'autres pays qui eux comprennent bien où sont leurs intérêts.

Lorsque de telles positions ont été exprimées pendant la campagne présidentielle, elles furent accusées de "pop internationalism". Il s'agit du titre original d'un livre de l'économiste Paul Krugman, connu en France sous le titre "La mondialisation n'est pas coupable". Il y ait fait une défense acharnée de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo, accusant ceux qui s'en prennent à la mondialisation de méconnaître cette base de l'économie. Or elle est pour moins difficile, voire illusoire à mettre en oeuvre. En l'occurrence, il s'agirait pour l'Europe de sacrifier son agriculture et son industrie, pour mieux se concentrer sur les services. Mais qui peut croire que les pays dont l'agriculture et l'industrie ont le vent en poupe vont oublier de se développer dans les services ? Il ne s'agit en fait que de créer une incroyabale dépendance vis-à-vis de pays tiers. L'Inde est d'ores et déjà puissante dans des domaines technologiquement évolués, comme l'informatique, et la Chine table sur une stratégie ne délaissant aucun secteur. En outre, pour ceux qui travaillent dans les secteurs "à oublier" en Europe, la transition peut être particulièrement difficile.

S'il ne s'agit pas de faire du protectionnisme pour autant, au moins l'Europe devrait elle prendre conscience du danger qu'il y a de rester trop naïf en la matière. Elle aussi ne devrait pas hésiter à défendre ses intérêts le plus possible. Après tout, une de ses raisons d'exister est d'avoir une taille et une puissance suffisante pour faire poids au niveau mondial. Il faut en profiter, pour que ses citoyens en profitent à leur tour. Quitte à délaisser pour cela les utopies théoriques qui la minent en matière économique.

dimanche 27 mai 2007

L'entrée progressive de l'ex-Yougoslavie dans l'Union Européenne

Aussi disparates qu'ils sont perçus, les pays de l'ex-Yougoslavie ont des relations avec l'Union Européenne bien différentes. Ils ont pourtant tous vocation à entrer dans l'Union Européenne. C'est d'ailleurs le chemin qu'a suivi efficacement la Slovénie. Ce pays situé au nord des Balkans a eu la chance d'échapper aux longs conflits armés qui ont suivi l'éclatement de la Yougoslavie (il n'y eut qu'une faible guerre de 10 jours en 1991). Elle a ainsi pu s'adapter rapidement au modèle économique européen, pour arriver à un niveau de développement comparable à d'autres pays de l'Europe de l'ouest. Elle a ainsi pu adhérer sans difficulté à l'Union Européenne en 2004, et adopter l'euro comme monnaie dès 2007. Elle présidera en 2008 le Conseil de l'Europe, et si elle reste un petit pays (avec deux millions d'habitants), elle n'en est pas moins respectée comme exemple de pays réussissant à passer à l'économie de marché sans difficulté et surtout sans psychodrame. Car le problème de la Yougoslavie n'était pas son économie, certainement en meilleure forme que celles de ses voisines roumaines ou bulgares, mais bel et bien ses nationalismes, sources de conflits depuis un siècle.

A ce titre là, la guerre y a fait rage pendant la plus grande partie des années 90. Entre les Serbes, les Croates et les Bosniaques (soit, grosso modo, entre les orthodoxes, les catholiques et les musulmans), la lutte pour le contrôle de territoire fut sanglante. Le guerre entre les Serbes et les Bosniaques concernant l'indépendance de la Bosnie-Herzegovine a été particulièrement difficile, notamment lors du siège de Sarajevo. Le conflit entre serbes orthodoxes et musulmans indépendantistes se retrouve également dans le cas du Kosovo. Les cicatrices sont encore vivaces. Dans le cas de la Croatie, le pays réussit relativement à mettre cela de côté, se rapprochant en cela de la Slovénie. Le pays peut prétendre adhérer à l'Union Européenne, et des négociations sont sur le point de débuter. Il y a pourtant un obstacle de taille : le manque de collaboration des autorités croates dans la capture des criminels de guerre des anciennes guerres.

Quant à la Serbie, elle semble encore tourmentée par la perte de son rang d'élement central au sein de l'ensemble qu'était la Yougoslavie. Les indépendances du Kosovo et du Montenegro sont encore mal acceptées, et la vie politique y est très mouvementée, voire dangereuse. La notion de "poudrière des Balkans" peut y sembler encore d'actualité. Dès lors, il est peu probable que la Serbie puisse adhérer dans un avenir proche à l'Union Européenne. Les Serbes eux-mêmes ne semblent pas se poser la question. Le Montenegro, lui, déclare son indépendance pour justement mieux se jeter dans les bras de l'Europe. Avec le Kosovo, ils pourraient en effet être éligibles à l'adhésion, mais l'on peut se poser la question de l'opportunité de multiplier le nombre de micro-Etats dans les instances européennes. Il faudra de toutes façons que la question serbe soit vraiment calmée d'ici là.

La Bosnie-Herzegovine peut elle aussi prétendre adhérer à l'Union Européenne. Ce serait déjà un démenti à ceux qui croient que la religion est un critère d'appartenance à l'Europe. La Bosnie et l'Albanie sont majoritairement musulmanes, mais n'en appartiennent pas moins à l'Europe en tant que territoire. Mais là encore, il faudrait auparavant que les blessures se cicatrisent dans le cas de la Bosnie, et pour l'Albanie que l'économie soit vraiment plus forte et se rapproche un minimum des niveaux du reste de l'Europe. D'une manière générale, la Yougoslavie a donc vocation à se retrouver en quelque sorte réunie au sein des instances de l'Union Européenne. Mais les dates d'arrivées seront probablement très étalées dans le temps.

vendredi 25 mai 2007

La fête de la défaite

Le 6 mai au soir, à peine le vainqueur de l'élection présidentielle était-il connu que Ségolène Royal est apparue à la télévision, faisant un discours optimiste en se montrant particulièrement joyeuse. Pourtant, elle avait été battue. La défaite a été nette pour elle. Cela ne l'a visiblement pas empêché d'adopter un comportement victorieux. Elle a même promis à ses partisans de se retrouvez d'ici une dizaine de jours à la Courneuve pour un grand rassemblement festif et militant, semblable à celui qui avait eu lieu au stade Charléty. C'est ainsi une "fête de la défaite" que Ségolène Royal a voulu organiser, ne se rendant pas alors compte que sa non-élection n'était pas vraiment quelque chose dont elle devait normalement être fière. Mais si Ségolène Royal n'a jamais envisagé la défaite avant l'élection, elle ne semble pas plus l'envisager après. Peu importe pour elle que ce soit la troisième fois de suite que la gauche perde l'élection présidentielle, elle se félicite avant tout de l'élan qu'elle a cru rencontrer dans sa campagne, et se contente facilement d'être passée au second tour. Partie comme cela, elle ne se posera pas la question de ce qui a pu la faire échouer. Ou en tous cas, les raisons qu'elle pourrait invoquer ne la concerneront aucunement. Elle accusera son adversaire, les médias ou son parti, mais ne se rendra jamais compte que la première raison de son échec fut elle même. Alors on est prié de participer à l'édification de sa gloire personnelle, y compris dans de tels événements décalés.

La fête de la défaite n'aura en fin de compte pas lieu. Julien Dray met ce renoncement sur le compte des finances du Parti Socialiste, qui sont exsangues après la campagne présidentielle, alors qu'elles seront aussi sollicitées pour les législatives. L'organisation des débats participatifs, aux retombées dérisoires, aura semble-t-il été un puit de dépenses. De plus, peut-être que l'organisation de célébrations lorsques les perspectives sont sombres pour la gauche a paru déplacé pour ceux qui, parmi les socialistes, se rendent compte de la situation. La campagne pour les élections législatives a commencé, et bon nombre de figures importantes se sont repliées sur leur circonscription. Si Ségolène Royal avait promis de mener cette bataille aussi, elle y participe en fin de compte de façon éloignée. Seul François Hollande est sur le pont, prenant la posture de l'opposition politique au gouvernement avant même qu'il ait pu faire quoi que ce soit. Il souhaite que la gauche soit forte à l'Assemblée pour empêcher Nicolas Sarkozy d'appliquer le programme sur lequel il a été élu. Le voilà donc enchaînant les apparitions télévisées, faire des meetings en étant seul à parler, tout en admettant qu'il ne sera plus premier secrétaire du PS après le prochain congrès. Car François Hollande reste le plus petit dénominateur commun du PS : autrefois, tout le monde l'acceptait pour donner une apparence de rassemblement, aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le fait que la non prise de choix qu'il représentait fut coupable.

Dès à présent s'ouvre la bataille pour la présidentielle de 2012. Et sa première étape est la conquète de la direction du parti socialiste. Et si les socialistes laissent François Hollande conduire la campagne des législatives aujourd'hui, alors qu'il est l'un des moins populaires d'entre eux, c'est pour mieux s'en débarasser ensuite. Ségolène Royal est d'ailleurs la première à vouloir la place, et en adoptant une attitude aussi euphorique au soir de sa défaite, c'est qu'elle ne voulait pas passer pour un symbole d'échec. Et si elle l'a fait aussi tôt, c'était pour mieux couper l'herbe sous le pied de ses rivaux, Dominique Strauss-Kahn en tête, qui n'ont pas apprécié ni son investiture, ni son mépris envers eux pendant la campagne. Elle était donc même prête à fêter sa défaite pour tenter de rejeter ses adversaires dans le domaine du passé et se montrer incontournable, sans se rendre compte de l'aspect surréaliste de la chose en question. Une fois les législatives passées, le débat aura enfin lieu a annoncé François Hollande. Il faudra qu'il donne lieu à une véritable clarification de la pensée du PS. Et tant qu'à faire, il serait souhaitable que le résultat soit favorable à la France.

mercredi 23 mai 2007

Le difficile lancement de Galileo

Depuis des années, le dossier Galileo est géré avec attention par la Commission européenne. Il s'agit d'un projet de système de positionnement par satellite semblable et concurrent au GPS, opéré par les Etats-Unis. Ainsi, après le projet pan-européen Airbus, Galileo est une nouvelle occasion de faire progresser la haute technologie européenne via une une nouvelle industrie qui n'est accessible qu'aux pays de grande envergure : les investissements à réaliser sont colossaux, et les infrastructures doivent être solides. Pourtant, si Galileo avait beaucoup d'espoir placé en son avenir, il enchaîne les difficultés avant même que sa naissance soit effective. En premier lieu, le projet hérite de tous les conflits dont a coutume l'Europe, c'est-à-dire des affrontements de pouvoir, pour savoir où tel et tel bases seront installées. Plusieurs pays se disputent le bénéfice des investissements, conditionnent leur financement à l'attribution de prérogatives dans une grande tradition où l'Europe doit servir les intérêts particuliers et immédiats de chaque pays. Ensuite, la Commission européenne doit faire face à des difficultés d'ordre industrielles : les différents groupes qui peuvent mettre au point la technologie et la construire se perdent en luttes entre concurrents plutôt que de coopérer, et refusent de prendre le moindre risque, notamment en terme de financement, alors qu'ils en seraient les bénéficiaires les plus immédiats. En conséquence, le Commissaire aux transports, Jacques Barrot, est obligé de faire appel aux contribuables européens pour financer le projet, en utilisant les crédits du budget européen qui est pourtant bien limité, voire en faisant appel davantage à des financements venant d'Etats membres. Enfin, la Commission européenne ne dispose pas d'expertise directe sur ce dossier qu'elle opère pourtant. Logiquement, il serait plus pertinent qu'il soit placé directement entre les mains de l'Agence Spatiale Européenne pour ce qui concerne la mise en œuvre. Or celle-ci n'est pas une filiation de l'Union Européenne (qui est ici à l'initiative), et ne rassemble d'ailleurs pas exactement les même membres.

De fil en aiguille, les retards s'enchaînent, et le projet pourrait être revu à la baisse, en se servant de moins de satellites. Face à la mauvaise volonté d'à peu près tout le monde, une grande ambition européenne pourrait devenir peu de chose. On peut penser que c'est en fait le lot quotidien de tout ce qui concerne la coopération européenne. Mais il ne faut pas renoncer lorsqu'il y a une telle opportunité. Galileo est l'occasion de développer des technologies de pointe en Europe. Il s'agit de proposer une alternative au GPS, opéré par l'armée américaine : actuellement, de nombreux moyens de transport et diverses organisations sont dépendants d'un système qui peut potentiellement être coupé en cas de crise, si le gouvernement américain décide que c'est dans son intérêt. Les autorités américaines sont d'ailleurs très réticentes à ce qu'un autre système que le leur existe, oubliant au passage les vertus de la concurrence qu'elles prônent si souvent. En fait, la Russie et la Chine développent également leurs propres systèmes de positionnement par satellites, pour avoir une certaine indépendance, au moins concernant leur propre territoire dans un premier temps, quitte à l'étendre pour le monde entier par la suite.

On ne peut donc que déplorer les pitoyables mésaventures qui arrivent à Galileo. Les Etats devraient seconder la Commission européenne dans ce projet novateur, et qui donnerait aux citoyens européens une nouvelle démonstration concrète des bienfaits que peut avoir la coopération européenne. Malheureusement, s'il faut en passer temporairement par le contribuable européen, il faudra s'y résoudre. Mais dans ce cas, il ne sera que justice que le budget européen profite d'éventuels bénéfices lorsque le projet sera amené à terme.

lundi 21 mai 2007

Elitisme contre populisme

Pendant la campagne présidentielle, une accusation qui a beaucoup été lancée contre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal fut celle d'être populiste. Cela se basait sur leurs discours, jugés simplificateurs, leur appel au peuple comme juge ultime (notamment en faisant valider leurs idées par les sondages), quitte à balayer d'un revers de main les remarques faites par d'éminents commentateurs.Ce "populisme", qui viserait à attirer les électeurs à coup de propositions à laquelles ils adhèreraient déjà, ne les orienteraient pas vers les concepts que la raison demanderait de prôner. Il les flatterait ainsi dans leurs bas instincts. Ceux qui accusent les personalités politiques de se prêter au populisme souhaitent qu'ils mènent plutôt une politique dont le peuple ne veut pas au premier abord. Ils se prêtent eux-mêmes alors à une autre accusation : celle d'élitisme.

L'élitisme est tout aussi mal vu que le populisme. Mais l'accusation d'élitisme est moins reprise, vu qu'elle vient précisément du peuple, lorsque celle de populisme vient des hautes sphères intellectuelles, à travers ceux que l'on appelle faussement les "leaders d'opinion", alors qu'ils le sont bien moins que ce qu'ils croient. La mauvaise impression que laisse l'élitisme n'en est pas moins forte, vu que c'est bien du mépris vis-à-vis d'autrui qui est ressenti. Les élitistes vivent un peu en vase clot, dans de hautes sphères où l'on se convainct mutuellement d'avoir les solutions refusées par un peuple ignorant. D'une manière générale, c'est la possibilité de faire accepter ses idées à tout à chacun qui est mise en cause, même en ayant les meilleures solutions du monde. Il faut reconnaître que certains sujets compliqués ne sont pas servis si l'on évite de les rendre accessible à ceux qui ne sont pas spécialistes de la question. C'est un écueil que doivent éviter ceux qui recherchent les suffrages de leurs concitoyens. Ainsi, Michel Rocard a souvent souffert de ne pas être suffisamment être compréhensible dans ses interventions. Pour que l'action politique soit acceptée par ceux qu'elle concerne, il faut qu'elle leur soit accessible. Les capacités de communication sont dès lors évidemment nécessaires et souhaitables. En parlant de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal, les gens leur reconnaissait une qualité commune : "on comprend ce qu'il/elle dit", "il/elle parle clairement". C'est en fait la moindre des choses dans un système où le mandat vient du peuple.

Il y a évidemment des sujets compliqués qui ne sont pas facilement accessibles à tous, pour autant l'accusation de populisme est regrettable. Elle ne traduit qu'un élitisme qui souhaiterait pouvoir s'affranchir du peuple pour pouvoir appliquer les politiques qu'il ne pourrait jamais comprendre. C'est une sorte de souhait d'un nouveau despotisme éclairé. Cela est tout à fait vain. D'une part, l'avis du peuple n'a pas à être rejeté. C'est après tout le premier concerné. D'autre part, il ne faut pas que les responsables politiques croient qu'ils peuvent faire ce qu'ils croient bon dans leur coin, lorsqu'ils peuvent et doivent convaincre leurs administrés de leur action. Cela demande plus que capacités techniques, mais cela n'en reste pas moins indispensable.

samedi 19 mai 2007

L'Espagne ne renonce pas à la Constitution européenne

Depuis une vingtaine d'années, l'Espagne connaît une croissance importante, qui l'a fait quitter son statut de pays à part dans l'occident, vis-à-vis de son faible développement d'autrefois. L'Espagne avait beaucoup souffert de la politique franquiste, qui l'avait laissé dans un marasme économique pendant une quarantaine d'années. Pour se relever, elle pouvait compter sur de nouvelles politiques plus libérales, pour relancer la croissance, mais pour rattraper le reste de l'Europe occidentale, elle a eu besoin de l'aide de l'Union Européenne. Depuis son adhésion en 1986, l'Espagne a massivement bénéficié des aides régionales européennes. Elles lui ont permis de financer des infrastructures indispensables, et de créer de nouvelles industries. Ce fût un élément fondamental du retour de l'Espagne dans la moyenne européenne, comme c'est aussi le cas pour l'Irlande. En conséquence, la construction européenne est plutôt bien vue de l'autre côté des Pyrénées. L'Europe est vue comme un moyen de libération et de développement, plutôt que comme un facteur de perte de souveraineté. Ainsi, lors du référendum qui eut lieu le 20 février 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen, tous les partis avaient appeler à voter oui. L'approbation fût donc de 77 %, même si le taux de participation n'était que de 42 %. C'était le seul référendum organisé sur la question avant ceux de la France et des Pays-Bas, qui s'étaient soldés par des rejets.

Pour José-Luis Zapatero, le Premier ministre espagnol, ce référendum donne du poids au TCE, et c'est la raison pour laquelle il considère que la Constitution ne doit pas être abandonnée. Ainsi, les pays qui ont déjà ratifié le Traité ne devraient pas être les perdants des rejets français et néerlandais, et ce serait alors à ces pays de faire les efforts nécessaires pour se sortir eux-mêmes de cette situation. C'est ainsi qu'en ce début d'année, l'Espagne avait organisé avec le Luxembourg un sommet à Madrid des 18 pays qui avait ratifié le TCE, dans le but de faire une démonstration de force. Le message est simple : le texte du TCE ne doit pas être passé par pertes et profits.

José-Luis Zapatero aurait pourtant tord de refuser de remettre en discussion les institutions européennes. Il doit voir la réalité en face, les échecs français et néerlandais bloquent la poursuite de la construction européenne, sans oublier que d'autres pays qui ont laissé de côté la question sont des obstacles potentiels bien plus forts à l'adoption généralisée du TCE. En outre, en faisant une telle démonstration de force, l'Espagne introduit une vraie division entre les différents pays, et cela ne va pas dans le sens d'une solution. En fait, il ne s'agit pas de faire du dogmatisme, même si l'on peut comprendre que le Premier ministre espagnol ait du mal à accepter l'idée que le référendum qu'il a organisé avec succès n'ait en fin de compte servi à rien. Mais cette légitimité populaire sur l'ensemble du texte, vaut aussi pour le texte en morceaux. En l'occurrence, dans la solution d'un traité simplifié limité aux institutions, l'Espagne pourrait le ratifier sans difficulté en s'appuyant sur la consultation menée en 2005. Elle rejoindrait ainsi le front de la recherche de sortie de crise, formés de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Allemagne ou de l'Italie. La situation a trop durée, il faut aller vite, pour éventuellement viser une issue avant la fin de l'année.

jeudi 17 mai 2007

La majorité silencieuse contre le troisième tour social

Donc c'est fait. Nicolas Sarkozy est Président de la République, et il a nommé François Fillon au poste de Premier ministre. Une fois le gouvernement nommé, ils commenceront tous à travailler, pour mettre en oeuvre le programme évoqué pendant la campagne électorale. Pourtant, le nouveau Président et ses ministres savent qu'ils vont rencontrer une résistance très forte aux changements qu'ils entendent apporter. Et cette résistance viendra bien moins de l'opposition que de mouvements dits "sociaux", lancés par des syndicats qui voient dans chaque modification de l'ordre établi une menace, alors qu'ils utilisent les grands moyens de protestation pour un oui ou pour un non, pour obtenir une augmentation ou pour protester contre le changement d'horaires, comme c'est le cas à la SNCF. A vrai dire, quoi que le gouvernment fasse, il y aura de grandes grêves et des manifestations "monstres". La CGT avait même lancé une grêve préventive au moment même où des personnalités politiques s'étaient interrogées sur l'opportunité du maintien des régimes spéciaux de retraite de certaines catégories de fonctionnaires. Que ce soit la CGT, FO ou Sud, tous se préparent déjà pour bloquer le pays et montrer leur mécontentement permanent. Cela a en fait été théorisé par l'extrème gauche comme étant le "troisième tour social" des élections.

Ainsi, Olivier Besancenot ou Arlette Laguiller ne se posent jamais de question sur le fait qu'ils n'obtiennent pas la majorité ou même des scores importants aux élections, mais annoncent toujours ce troisième tour social, qui consiste en fait en l'organisation de grandes manifestations pour protester contre les décisions du pouvoir issu des urnes. Car selon eux, ce n'est pas la démocratie où l'avis du plus grand nombre est pris en compte qui importe, ils lui préfèrent le système basé sur la lutte des classes. La lutte "sociale" est considéré comme l'alpha et l'omega de la vie politique, dans une vision de la société imbibée de marxisme. Ils sont rejoints en cela par une grande partie des syndicats dont la principale raison d'exister (pour ceux des professions du secteur public) est d'organiser des grèves et manifestations pour faire échouer les réformes gouvernementales. Jamais la question de la légitimité démocratique est prise en compte.

Pour cette élection présidentielle, il y a même eu des manifestations pour protester contre le résultat des urnes. Ces manifestations se sont même souvent transformées en émeutes, où le fait de brûler une voiture ou de lancer des objets aux policiers est considéré comme un signe de lutte contre le nouveau Président, le soir même de l'élection. Des étudiants de la faculté de Tolbiac ont même décidé le blocage de leur lieu d'études, alors que le nouveau Président n'avait pas encore été investi. A chaque fois c'est l'expression de conservatismes, de corporatismes et de dogmatismes, et surtout, de profond mépris pour la démocratie. Issus de la gauche, ces mouvements ne jurent que par la démocratie, mais l'oublie quand elle ne donne pas les résultats qu'ils souhaitent.

Car les élections ont donné une légitimité très forte à Nicolas Sarkozy pour accomplir son action de réformes. Au deuxième tour, il a obtenu plus de 53 % des vois avec 85 % de participation, ce qui fait une différence de 2 192 698 voix. Cette différence est nette, elle lui donne une victoire claire, cela montre un vrai choix de société réalisé par les Français. Cela doit être respecté, même si ceux qui sont minoritaires essaient de jouer à ceux qui crieront le plus fort pour faire prévaloir leurs opinions. Entre les deux tours, Nicolas Sarkozy en avait appelé à la majorité que l'on a du mal à entendre : "J’ai besoin de tous ces sans grade, de tous ces anonymes, de tous ces gens ordinaires,de toute cette majorité silencieuse, auxquels on ne fait pas attention, que l’on ne veutpas écouter, que l’on ne veut pas entendre. Je lui demande, à cette majorité silencieuse,de se lever, de m’aider et de construire la victoire de nos idées." A n'écouter que ceux qui font le plus de bruits, on en oublie la majorité silencieuse, qui veut le changement quitte à dépasser les corporatismes. Il faut se rappeler que la légitimité vient des urnes, pas des mouvements sociaux. Ce n'est pas la rue qui gouverne, c'est le peuple, qui s'exprime lors des élections. Lors des présidentielles, et éventuellement avec une confirmation lors des législatives, le peuple français s'est exprimé. Cela a du en surprendre beaucoup, mais la majorité silencieuse s'est exprimée dans les urnes. Elle s'est exprimée pour des réformes, et il y a donc une légitimité forte pour les accomplir. Chacun doit désormais respecter cela.

mardi 15 mai 2007

Le départ de Jacques Chirac

Jacques Chirac voit son mandat prendre fin. Et alors que son successeur, Nicolas Sarkozy, a de nombreux espoirs mis en lui, pour le Président sortant, c'est surtout l'heure du bilan. Bilan d'une présidence de douze ans, voire même d'une vie consacrée à la politique. Certes, celle-ci n'est pas tout à fait finie, puisque Jacques Chirac souhaite continuer son oeuvre pour le dialogue des peuples et le développement durable à travers une fondation. Mais depuis le début de la campagne présidentielle de 2007, on pouvait sentir qu'une page était en train d'être tournée. Alors quel est ce bilan de la présidence Chirac ? Déjà, il est certain qu'il aura été au niveau du point de vue de la politique étrangère. En gardant des positions issues d'un certain consensus depuis le général de Gaulle, la France continue d'être respectée dans de nombreux pays. Evidemment, le reproche d'arrogance continue d'être fait parmi certains pays d'Europe et aux Etats-Unis, et le rôle français n'est pas toujours aussi important que ce que l'on voudrait croire. Jacques Chirac se sera montré toujours sensible à la construction européenne, étant l'un des plus importants soutiens à l'adoption de la monnaie unique en France. D'une manière générale, il aura été un homme d'Etat solide aux moments sensibles, du point de vue des symboles, mais pas seulement, comme lorsqu'il dénonça la guerre américaine en Irak.

En fin de compte, on pourra reprocher à Jacques Chirac un nombre limité d'erreurs, mais des erreurs qui se sont transformés en échecs graves, et donc qui ne pourront être passées sous silence. Il est aisé de les énumérer :
- il cède en décembre 1995 face aux grêves organisées contre le plan de sauvegarde de la Sécurité Sociale.
- il dissout l'Assemblée Nationale en 1997.
- dans son deuxième mandat il fait durer trop longtemps Jean-Pierre Raffarin, et le fait en fin de compte remplacer par Dominique de Villepin.
- il échoue à faire adopter le Traité Constitutionnel Européen en 2005.
Voilà en tous cas les fautes les plus lourdes qu'il a commises. Mais Jacques Chirac a évidemment aussi eu des réussites en matière de politique intérieure. Les chantiers présidentiels qu'il a défendu pendant son second mandat (handicapés, sécurité routière, lutte contre le cancer) sont à mettre à son crédit, et il est aussi en partie comptable des bilans de ses quatre Premier ministres successifs.

En fin de compte, ce qui sera probablement reproché à Jacques Chirac dans l'avenir c'est la faible trace qu'il aura laissée, le peu de changements qui auront eu lieu dans la société française entre 1995 et 2007. En fait, le constat vaut pour toute l'action politique depuis 1974, et c'est certainement le constat le plus cinglant vis-à-vis d'une génération d'hommes politiques qui aura été aux affaires pendant cette période. Espérons désormais que cela ne soit plus le cas.

dimanche 13 mai 2007

Le clivage politique turc

En France nous venons de sortir d'une élection présidentielle marquée par un clivage politique fort. La Turquie aussi est sur le point d'élire un nouveau président, et là-bas aussi le clivage politique est très marqué. Seulement, il ne s'opère entre la gauche et la droite traditionnelles comme en France ou dans la plupart des pays développés, mais entre les nationalistes et les islamistes. La Turquie est dans un système parlementaire, où le Président est élu de façon indirecte, par l'Assemblée. Le parti majoritaire (formé des islamistes de l'AKP) a essayé de faire élire Abdullah Gül, le ministre des Affaires étrangères en place. Les laïques de l'opposition s'y sont fortement opposés, y voyant un risque pour la nature laïque du régime turc. D'énormes manifestations se sont ainsi succédées, et l'armée, qui en Turquie est très forte et se considère comme garante de la pérennité du régime, a même ouvertement menacé d'intervenir. En fin de compte, les députés de l'opposition refusant de siéger pour le vote, l'élection n'a pu avoir lieu et Abdullah Gül a fini par se retirer. Mais Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre, ne renonce pas pour autant de voir une personnalité de son bord accéder à la Présidence, et souhaite modifier la Constitution pour que le scrutin soit direct, profitant ainsi de la force actuelle des islamistes dans le paysage politique turc actuel.

Vu de loin, la confrontation peut avoir l'air invraisemblable. Les laïques se considèrent comme héritiers du leg d'Atatürk, vu là-bas comme le père de la nation turque. Celui-ci avait orienté le pays vers l'occidentalisation, un système laïque (alors que le pays est quasiment totalement musulman), une armée forte et une doctrine nationaliste, intraitable sur Chypre et les Kurdes. L'armée y a donc un poids considérable, et entend protéger farouchement cet héritage qui différencie la Turquie des pays arabes qui sont aux alentours, quitte à se montrer très autoritaire. De l'autre côté, se trouvent les islamistes "modérés". Ils puisent leur force dans la montée d'un sentiment religieux puissant, particulièrement dans les provinces les moins développées de l'Anatolie. Cette ferveur se traduit notamment par une proportion de plus en plus importante de femmes voilées à travers le pays, mais aussi par les agressions commises envers les religieux chrétiens, accusés d'être des missionnaires pour détourner les Turcs de la vraie religion.

Voilà donc le clivage politique qui existe en Turquie. Entre nationalisme et islamisme, il laisse à penser que les Turcs ont le choix (ou se divisent) entre deux maux. Tant que ces orientations restent modérées, cela peut aller, mais quand l'armée menace le gouvernement d'un coup d'Etat, ou quand l'Etat est réticent à lutter contre les nombreux crimes d'honneur qui ont lieu, on peut se demander dans quelle mesure ces tendances sont réellement modérées. Surtout, cela met la Turquie largement à l'écart du mouvement occidental. Pourtant, tant les laïques que les islamistes souhaitent que la Turquie adhère à l'Union Européenne. Certes, l'ampleur des changements à opérer dans la société turque pour que cela soit en théorie possible est tellement considérable qu'elle finit par les décourager. De plus, la question chypriote ne semble pas pouvoir trouver de solution. Une partie des ceux qui, en Europe, soutiennent cette adhésion, affirment que c'est le seul moyen pour que la Turquie reste à peu près sous contrôle. L'Union Européenne n'aurait pas le choix, et serait condamnée à embracer les problèmes turcs, à avoir une frontière commune avec l'Irak et l'Iran de peur de voir la Turquie se transformer en ennemi mortel. Il y a des bases autrement plus propices à la confiance mutuelle que la seule perspective de cette menace. L'Union Européenne n'est pourtant nullement obligée de se voir imposé sous la contrainte ce nouvel adhérent. Et le peuple turc ne doit pas se résigner à n'avoir que comme unique choix de politique celui qui lui est offert jusqu'à présent.

samedi 12 mai 2007

Libertaires et anarchistes

La doctrine libérale enseigne que le meilleur ordre possible est atteint lorsque chacun est libre d'agir selon ses convenances, avec le marché qui fixe l'équilibre entre l'offre et la demande, et qui donne à chaque agent économique l'information sur ce qui est utile de faire. Dans un tel cadre, l'Etat n'a pas vraiment sa place. Il est vu par les libéraux comme un obstacle à l'ordre naturel qui se met en place lorsque chacun est parfaitement libre. Il n'est toléré que pour garantir la sécurité de chacun, et pour empêcher qu'une entreprise prenne tant d'importance qu'elle en devienne un monopole qui limiterait la liberté des autres, ou pourrait amoindrir l'efficacité du système. Lorsque le libéralisme est appliqué également aux questions sociétales, cela devient du libertarianisme. C'est une vision du monde où la liberté individuelle est absolue, ce qui garantirait le bonheur de tous. La main invisible devient alors le principe moteur de toute la société, et non de la seule économie. Dès lors, le nombre de lois est très limité. L'Etat est vu comme un monstre tentaculaire, toujours tenté de s'étendre plus, qu'il faut combattre pour le contenir que dans le plus strict nécessaire.

Mais à force de prôner de plus en plus de libertés, et de moins en moins d'Etat, l'idéologie libertaire se rapproche de celle anarchiste. En effet, l'anarchisme voit également en l'Etat la structure qui fait que tout va mal. Toutes les règles et lois que celui-ci oblige les citoyens à respecter fait que l'ordre naturel des choses en est dérangé. Pourtant, l'anarchisme est considéré comme étant une mouvance d'extrême gauche, lorsque le libertarianisme, qui est un véritable courant politique aux Etats-Unis, est clairement marqué à droite par rapport à une gauche interventionniste. Ainsi, lorsque des principes opposés sont poussés chacun à leur extrême, ils finissent par se rejoindre. L'extrême gauche et l'extrême droite ont des ressemblances frappantes, notammant car elles se rejoignent sur l'adossement sur le totalitarisme. L'axe politique devient en fin de compte un cercle, où se trouvera d'un côté le centre, et de l'autre l'extrême, totalitariste.

La société communiste théorique annonçait également la disparition de l'Etat... Mais elle était précédée par la dictature du prolétariat de la société socialiste, qui n'était que la dictature de la bureaucratie. Si l'anarchisme d'extrême gauche rejoint le libertarianisme de droite sur leurs visions de l'Etat et de la liberté, il reste une distinction sur la propriété. Propriété considérée comme étant du vol, selon l'un des premiers anarchistes, Pierre-Joseph Proudhon. Il y a bien un courant anarchiste qui reconnaît la propriété, ce sont les anarcho-capitalistes. Mais la distinction reste floue, la seule question de la propriété empêchant ces deux aboutissements de raisonnement de se rejoindre totalement. Pourtant, chaque idéologie prône la recherche d'un maximum de liberté. Mais alors, qu'est-ce qui garantit le mieux cette libérté : la possession ou l'absence de possession ?

mercredi 9 mai 2007

Le point sur l'Europe

En ce jour de fête de l'Europe, l'Union Européenne voit enfin une chance de peut-être poursuivre sa construction. Celle-ci a été bloquée par les non français et néerlandais au Traité Constitutionnel Européen. Mais ce serait réducteur de croire que ces deux pays étaient les seuls obstacle à la poursuite de la construction européenne. La Pologne, la Grande-Bretagne ou le Danemark étaient des difficultés autrement plus coriaces pour cette adoption, que les deux premiers rejets ont permis d'éviter. Toujours est-il qu'il faut surmonter ce bloquage. Alors qu'il n'y avait évidemment aucun plan B pour sortir de cette impasse, nous sommes condamnés à faire quelque chose, à inventer ce plan B malgré les deux ans de perdus, et malgré les renégociations difficiles qui sont à prévoir. Si la Pologne conservatrice semble plus que jamais réticente, le nouveau Président de la France a été élu avec un mandat fort concernant la relance de la construction européenne. José Manuel Barroso, le Président de la Commission Européenne, est conscient des difficultés causées par cet arrêt au fonctionnement des programmes européens, et est prêt à travailler sur un scénario de sortie de crise avec les différents pays. Le prochain Conseil de l'Europe, présidé par l'Allemagne, doit en être le moment opportun. La relance pourrait s'y faire sur la base du traité simplifié voulu par Nicolas Sarkozy dans sa campagne.

Alors que les Polonais ou les Néerlandais souhaiteraient de préférence une renégociation intégrale, raffraichissant seulement le Traité de Nice, cette idée de traité simplifié apparait comme une idée qui fait son chemin, une voie qui a sa pertinence aux autres pays qui ont déjà ratifié le TCE. Ceux-ci préféreraient que les pays retardataires le ratifient à leur tour, mais le réalisme montre que c'est une solution pragmatique, plus évoluée et en fait meilleure que la renégociation totale. Les Britanniques voient la possibilité de s'abstenir de faire un référendum si les Français n'en organisent pas, les Polonais pourraient se faire une raison si quelques points délicats étaient abordés, et l'Allemagne voit d'un bon oeil l'idée de conserver les avancées du TCE, même si les traités d'ordre non institutionnels ne sont pas intégrés à celui qui serait adopté. Certes, le SPD allemand réchigne à cette idée, mais surtout du fait qu'il a une position commune avec le PS français, c'est à dire de rajouter un protocole social à texte déjà bien chargé dans l'idée de le soumettre à nouveau au vote.

En tous cas l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence française est vue comme une bonne nouvelle en Europe, du fait des actions qu'il souhaite accomplir, et avec la Présidence allemande de l'Europe qui est en cours, il reste de l'espace pour agir très rapidement, et obtenir des progrès décisifs avant l'été. Si en France le nouveau traité simplifié serait ratifié par le Congrès, alors les prochaines législatives seront de fait une nouvelle consultation sur l'Europe. Cette dimension ne pourra être absente de la campagne qui s'ouvre actuellement. Et tous nos voisins attendent que la France retrouve son rôle de moteur dans la construction européenne qu'elle a malheureusement perdue.

lundi 7 mai 2007

Notre Président

Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République française avec 53,06 % des voix. Le scrutin s'est déroulé après une longue campagne, durant laquelle il a clairement défendu les idées qui sont les siennes, et le programme qu'il compte mettre en oeuvre. Avec une participation très forte, et un écart des voix entre les deux finalistes du second tour aussi net, il a une légitimité forte pour accomplir les réformes qu'il a prévues. Il est difficilement contestable que c'est pour lui une éclatante victoire. Pourtant, sur le papier, les conditions lui étaient défavorables. En premier lieu, la droite était au pouvoir, et depuis 1981, les électeurs français avaient toujours choisi de changer de majorité, de sortir les sortants. Nicolas Sarkozy a réussi à briser cette malédiction, pour succéder à Jacques Chirac qui a été Président pendant douze ans, venant tous les deux du même camp. Alors que le gouvernement auquel il appartenait n'était pas particulièrement populaire, il a réussi à se détacher du lot en mettant en avant ses propres convictions. De plus, il était au centre d'un vaste mouvement de diabolisation, visant à le faire passer pour une espèce de fasciste sans pitié. Il est certain qu'il est détesté par une partie de la population, mais la grossièreté de la caricature n'a pas eu de réel effet, et de toutes façons elle n'avait de prise que sur ceux qui lui auraient été défavorables, étant très majoritairement de gauche. Son programme plutôt libéral, alors que la France est habituée aux manifestations corporatistes, ou son origine bourgeoise, en étant maire de Neuilly, pouvaient être des handicaps. Enfin, il avait été contesté au sein même de la droite, y ayant de nombreux ennemis. Mais il a su faire de ses oppositions des preuves de sa différence.

C'est pour Nicolas Sarkozy l'aboutissement d'une carrière d'une trentaine d'année. Commençant jeune comme militant de base, il arrive à se faire sa place à la mairie de Neuilly-sur-Seine, puis en tant que député de cette ville. Par son talent et son ambition, il monte rapidement dans les hautes sphères de la politique, étant d'abord un protégé de Jacques Chirac, puis en faisant campagne pour le rival de celui-ci à l'élection présidentielle de 1995, Edouard Balladur. L'échec de cette campagne ainsi que celui de celle des européennes de 1999 le pousse en retrait temporairement. Mais il parvient à revenir au premier plan, et c'est ainsi qu'il est nommé au Ministère de l'Intérieur en 2002, lors de la réelection de Jacques Chirac. Dès ce moment là, il n'a plus que la présidentielle pour ligne de mire, cette fois pour son compte.

En campagne permanente depuis 2002, voire même depuis ses 20 ans, il a largement eu le temps de faire de nombreux tours de la France dans le cadre de telle ou telle élection. Détesté pour sa trahison en 1995, il a retrouvé la popularité par ce qu'il a présenté comme sa "passion pour l'action", un frénétisme qui l'a rendu omniprésent ces dernières années. Lors de cette campagne, il a pu surprendre par sa stratégie positionnée clairement à droite, contestant le fait que les élections se gagnaient forcément au centre. Il a ainsi pu aborder le front le terrain des valeurs, avec en premier lieu le travail et l'autorité. En fait, il a réussi à donner une nouvelle pensée que la droite pouvait assumer. C'est comme cela qu'il a construit une relation avec les Français, laquelle lui a permis de se faire élire.

Mais il devra se rappeler pourquoi il a été élu, sous peine de décevoir autant que ses prédécesseurs à la Présidence de la République. Si toutes les mesures de son programme ne sont pas d'égale importance, il devra notamment avoir, en fin de mandat, réussi dans plusieurs dossiers dont les plus importants sont :
- le plein emploi
- la relance de la construction européenne
- la relance de la croissance
- la maîtrise des comptes publics.
- le service minimum
Evidemment, pour cela, il lui faudra une majorité à l'Assemblée Nationale pour faire des réformes parfois difficiles. La campagne des législatives commence donc dès maintenant. Et peut être aussi celle de 2012...

Photo : L'Express

vendredi 4 mai 2007

La difficulté d'adopter

Le processus d'adoption d'enfant est vécu comme quelque chose de long et difficile. Il dure des années, et le couple doit passer par une incroyable paperasserie et des tests psychologiques. Tout au long de ce chemin, le couple passe à travers toutes les émotions, tous les espoirs et toutes les déceptions. La raison d'être de ce chemin de croix est d'abord de s'assurer que les futurs parents adoptifs seront de bons parents, qui sauront s'occuper avec amour d'un enfant qui n'est pas génétiquement le leur. Seulement, les parents qui ont des enfants de façon naturelle ne sont pas du tout testés quant à leur faculté d'être de bon parents. A ce niveau là, c'est bien une injustice, car tout le monde doit être jugé par défaut comme étant apte à avoir des enfants. Et lorsque ce processus dure plus de neuf mois, le temps qu'il serait nécessaire d'attendre pour avoir un bébé en passant par la grossesse. Cette odyssée peut alors être mal vécue. En dehors des considérations précautionneuses vis-à-vis des qualités parentales, toute cette attente peut aussi être vue comme un moyen de réguler la difficile adéquation entre le nombre de couples qui veulent adopter, et le nombre d'enfants qui peuvent l'être. C'est cynique d'envisager les choses de cette façon, mais le fait est que la demande d'enfants à adopter est plus forte que l'offre d'enfants à adopter.

C'est insupportable de se dire qu'il y a toute cette attente, alors que des enfants restent dans des orphelinats. Mais s'il y a si peu d'enfants à adopter, peut-être peut on se féliciter alors que les orphelinats soient quasiment vides, ou bien ne servent qu'en période de transition. Le fait est aussi que les enfants qui ne sont plus des bébés sont beaucoup moins désirés par des parents qui veulent des enfants : pour les couples infertiles, il faut déjà faire le deuil de la possibilité d'avoir ses enfants par grossesse, là, il faudrait encore faire le deuil de ne pas avoir été les seuls parents qu'ait vraiment connu l'enfant.

Du côté des parents, il faut néanmoins que le maximum soit fait pour que cette aventure sentimentale n'ait pas quelques passages qui ressemblent fortement à des cauchemars. Il est peut-être nécessaire de trouver une autre manière de gérer ce processus, sans que ce soit aussi difficile pour les couples. La situation est parfois aussi absurde, lorsqu'on pense au nombre d'enfants non désirés. Aux Etats-Unis, les conservateurs préfèrent souvent qu'une grossesse non désirée aille à son terme, pour éviter l'avortement, afin que le bébé soit immédiatement adopté par un couple en manque d'enfant. Mais une femme doit avoir le choix de mener une grossesse ou pas, c'est un problème qui peut être indépendant de la volonté de s'occuper effectivement d'enfants. Dans chacune de ces questions difficiles, c'est d'abord le traitement avec de l'humanité qui doit être prioritaire.

mercredi 2 mai 2007

La gauche n'est pas prête

A quelques jours du second tour, Ségolène Royal semble être à la peine. Le score de Nicolas Sarkozy, et surtout son avance, représentent de mauvaises bases pour qu'elle puisse l'emporter. Elle a tenté la semaine dernière de rameuter le vote centriste en ouvrant franchement la porte à l'UDF, laissant même ouverte la possibilité de nommer François Bayrou à Matignon. Celui-ci en profite pour faire sa promotion en vue des législatives, et même des prochaines présidentielles. Mais Ségolène Royal aura du mal à emporter une fraction suffisamment importante de ceux qui ont voté pour le président de l'UDF. La plupart des parlementaires centristes ont décidé d'entrer l'éventuelle majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. Surtout, lors du débat télévisé qui vient de s'achever, Ségolène Royal a fait preuve d'une incroyable agressivité envers son adversaire, ce qui pourrait bien rebuter ceux qui souhaitent que gauche et droite travaillent ensemble pour l'intérêt du pays. De plus, dans ce débat, elle s'est montrée bien évasive sur les questions économiques et sociales, montrant clairement qu'elle n'avait pas de piste pour permettre le financement des retraites, alors qu'elle veut remettre en cause les lois Fillon. Quant à son idée de faire raccompagner chaque femme fonctionnaire chez elle du fait de deux faits divers, elle laisse pantois. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy a su se montrer serein, rappelant même Ségolène Royal au calme lorsque celle-ci perdait son contrôle. Alors que l'échéance se rapproche, il ne lui reste guère plus de cartes à jouer. Il y a toujours la tentation de faire jouer celle du "tous sauf Sarkozy", ce qui est l'argument de campagne le plus déplorable, tant il ne cherche plus du tout un vote d'adhésion sur la politique proposée. Mais le premier tour a montré qu'il portait difficilement.

La perspective de la défaite se profile donc pour le Parti Socialiste, même si une surprise est toujours possible. De toutes façons, que ce soit en cas de victoire ou de défaite, la gauche aura montré qu'elle n'était pas prête pour retourner au pouvoir. Evidemment, ce serait inquiétant qu'elle y accède dans cet état. Elle avait pourtant cinq pleines années pour repartir du bon pied. Cela aurait du largement suffire pour qu'elle puisse faire sa "révolution" sociale démocrate, en devenant modérée, en ayant perdu de vu le concept de lutte des classes... Or avec trois trotskystes, une communiste et un "anti-libéral" à la présidentielle, l'extrème gauche aura réussi à garder une part de voix démesurée. A l'intérieur même du Parti Socialiste, on retrouve une frange qui se perçoit toujours dans une doctrine socialiste à l'ancienne, dont l'inadaptation au monde d'aujourd'hui a été démontrée dans les années 80. C'est cette partie de la gauche qui a voulu le rejet du Traité Constitutionnel Européen, c'est cette partie de la gauche qui n'a pas sa place pour gouverner la France, tant elle semble plus attachée au respect d'un dogme plutôt qu'à un soucis des réalités.

Le Parti Socialiste n'ayant pas su trancher entre cette gauche là et la sociale démocratie, elle a fini par se retrouver derrière une candidature d'apparence, loin du niveau demandée pour le poste de Président de la République. Ségolène Royal n'a ainsi pas tellement surpris en faisant une campagne médiocre, se qualifiant au second tour grâce au seul vote utile qui s'est reposé sur les voix de l'extrème gauche, laminée en conséquence. En s'en prenant frontalement à Nicolas Sarkozy, elle veut le vaincre en jouant sur le rejet de sa personne. Cela ne peut pas donner une présidence qui repose sur un contrat clair entre une candidate et la population française, ce qui fait que une telle présidence n'est pas souhaitable. En fin de compte, il apparait surtout qu'aujourd'hui la gauche doit s'atteler à cette réflexion sur elle même qu'elle aurait du faire avant d'en arriver là.

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