Pendant la campagne présidentielle, une accusation qui a beaucoup été lancée contre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal fut celle d'être populiste. Cela se basait sur leurs discours, jugés simplificateurs, leur appel au peuple comme juge ultime (notamment en faisant valider leurs idées par les sondages), quitte à balayer d'un revers de main les remarques faites par d'éminents commentateurs.Ce "populisme", qui viserait à attirer les électeurs à coup de propositions à laquelles ils adhèreraient déjà, ne les orienteraient pas vers les concepts que la raison demanderait de prôner. Il les flatterait ainsi dans leurs bas instincts. Ceux qui accusent les personalités politiques de se prêter au populisme souhaitent qu'ils mènent plutôt une politique dont le peuple ne veut pas au premier abord. Ils se prêtent eux-mêmes alors à une autre accusation : celle d'élitisme.

L'élitisme est tout aussi mal vu que le populisme. Mais l'accusation d'élitisme est moins reprise, vu qu'elle vient précisément du peuple, lorsque celle de populisme vient des hautes sphères intellectuelles, à travers ceux que l'on appelle faussement les "leaders d'opinion", alors qu'ils le sont bien moins que ce qu'ils croient. La mauvaise impression que laisse l'élitisme n'en est pas moins forte, vu que c'est bien du mépris vis-à-vis d'autrui qui est ressenti. Les élitistes vivent un peu en vase clot, dans de hautes sphères où l'on se convainct mutuellement d'avoir les solutions refusées par un peuple ignorant. D'une manière générale, c'est la possibilité de faire accepter ses idées à tout à chacun qui est mise en cause, même en ayant les meilleures solutions du monde. Il faut reconnaître que certains sujets compliqués ne sont pas servis si l'on évite de les rendre accessible à ceux qui ne sont pas spécialistes de la question. C'est un écueil que doivent éviter ceux qui recherchent les suffrages de leurs concitoyens. Ainsi, Michel Rocard a souvent souffert de ne pas être suffisamment être compréhensible dans ses interventions. Pour que l'action politique soit acceptée par ceux qu'elle concerne, il faut qu'elle leur soit accessible. Les capacités de communication sont dès lors évidemment nécessaires et souhaitables. En parlant de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal, les gens leur reconnaissait une qualité commune : "on comprend ce qu'il/elle dit", "il/elle parle clairement". C'est en fait la moindre des choses dans un système où le mandat vient du peuple.

Il y a évidemment des sujets compliqués qui ne sont pas facilement accessibles à tous, pour autant l'accusation de populisme est regrettable. Elle ne traduit qu'un élitisme qui souhaiterait pouvoir s'affranchir du peuple pour pouvoir appliquer les politiques qu'il ne pourrait jamais comprendre. C'est une sorte de souhait d'un nouveau despotisme éclairé. Cela est tout à fait vain. D'une part, l'avis du peuple n'a pas à être rejeté. C'est après tout le premier concerné. D'autre part, il ne faut pas que les responsables politiques croient qu'ils peuvent faire ce qu'ils croient bon dans leur coin, lorsqu'ils peuvent et doivent convaincre leurs administrés de leur action. Cela demande plus que capacités techniques, mais cela n'en reste pas moins indispensable.