Réflexions en cours

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mercredi 31 janvier 2007

La protection du consommateur

La loi sur la protection du consommateur, prévue de longue date par le gouvernement, ne sera pas votée sous la législature actuelle. En d'autres termes, elle vient d'être enterrée. La raison est pour le moins risible : il n'y a plus assez de temps pour qu'elle puisse être discutée. La loi en question vise à permettre des actions juridiques groupées de la part des victimes de mêmes pratiques commerciales délictueuses (les class actions à la française), de ne plus faire payer le temps d'attente des hotlines (ce qui est la moindre des choses), à améliorer l'organisation des soldes et d'autres sujets proches. Elle aurait reçu plus de 500 amendements, rendant difficile sa lecture en une quinzaine d'heures disponibles. Il est franchement étonnant que le parlement français en soit à l'heure près, et rechigne à faire des heures supplémentaires pour se pencher sur une loi qui est prête et qui a été conçue pour le bien être des Français. On reprochera difficilement à des députés d'en faire trop, c'est justement le reproche inverse qui est courant. Dès lors, il est incompréhensible qu'ils ne se soient pas débrouillés pour trouver un moyen afin de voter cette loi, y compris après amendement.

Surtout que la protection du consommateur n'est pas un thème particulièrement anodin. Alors que les entreprises sont toujours dans des fièvres de fusion afin de renforcer leur pouvoir de négociation, on se retrouve avec un nombre restreint de fournisseurs, de distributeurs, mais un nombre très élevé de clients en bout de chaîne. La force de négociation n'est pas la même, et si une pratique commerciale néfaste au consommateur prédomine, il est difficile pour celui-ci de s'adresser à un nouveau vendeur qui tenterait de se différencier en ne la pratiquant. Dans la concurrence pure et parfaite, il est censé y avoir un grand nombre tant de vendeurs que d'acheteurs dans chaque produit. En réalité, il n'y a qu'un nombre limité d'enseignes de grande distribution, de marques qui y sont présente par type de produit (la marque leader, la marque challenger, la marque distributeur, et la marque premier-prix, du distributeur également) alors qu'il y a des dizaines de millions de consommateurs. Oligopoles à tous les niveaux donc, sauf au niveau de l'acheteur final, qui passe pour le dindon de la farce.

De même manière que les syndicats d'employés sont légitimes s'ils sont représentatifs, il est nécessaire qu'il y ait des associations de consommateurs fortes, pour peser dans le débat public et avoir le même niveau d'influence sur la législation que les grandes entreprises. De ce point de vue, le retrait de cette loi de défense du consommateur est emblématique des intérêts divergents : alors que ces associations sont amères de devoir tout recommencer, le milieu entrepreneurial se félicite de l'enterrement d'une loi qui les gênait. Pour que cette loi revoie le jour, il faudrait que la prochaine législature décide de la remettre sur le grill. Nul doute que si la loi actuelle a déjà tant attendu, jusqu'à être éliminée en fin de compte, le prochain gouvernement aura bien d'autres priorités. Cette loi était pourtant bénéfique pour les Français dans leur vie quotidienne...

dimanche 28 janvier 2007

Astérix Manager

Comment faire pour qu'une équipe réussisse dans son travail ? Le professeur Yves Enrègle, psychanalyste, repreneur d'entreprise, et enseignant en management, a développé un exemple étonnant d'équipe qui fonctionne : le village gaulois d'Astérix et Obélix. Il y trouve l'inspiration pour 5 archétypes de personnalités, toutes nécessaires pour que le travail en équipe soit un succès, alors qu'il est parfois bien difficile de se supporter les uns les autres. Dans ses cours ou dans son livre (Du conflit à la motivation), ce professeur enseigne qu'une entreprise (mais l'exemple peut s'appliquer à bien d'autres situations où il faut qu'il y ait des relations humaines de collaboration) repose d'abord sur le duo Astérix et Obélix. Obélix ne se pose pas beaucoup de questions, mais il entend bien accomplir sa tâche du mieux possible, et donnera tout pour faire ce qui lui est demandé. C'est le producteur, il se distingue par sa force, traduite en capacité de travail, et son côté "rentre dedans". Il suit le plus souvent les directions données par Astérix, le stratège. Au niveau de la capacité de réalisation, celui-ci est bien inférieur que son volumineux ami, mais ses idées, sa réflexion oriente Obélix dans ce qu'il faut faire.

Bien sûr, il y a régulièrement des frictions entre les deux : Obélix peut à raison se sentir mal considéré par Astérix, surtout si celui-ci change souvent de directions au gré des idées fulgurantes qui lui traverse l'esprit à un rythme soutenu. Le stratège, qui raisonne de façon abstraite, en avance, dans des idéaux, se confronte parfois au côté terre à terre du producteur, qui saura lui rappeler certaines exigences en matière de possible. Surtout si le producteur ne reconnaît qu'une légitimité limitée au stratège... Les deux évoluent ensemble, mais il ne peut y avoir un lien d'autorité entre eux, sous peine de voir l'attelage se disloquer. C'est dans ces moments qu'il est nécessaire de faire intervenir l'organisateur qui disposera lui de l'autorité. Arrive ainsi Abraracourcix, qui devra trouver des compromis rationnels entre les bonnes idées d'Astérix et les exigences d'Obélix. Il n'a pas beaucoup d'idées, n'est pas non plus au coeur de la bataille, mais par contre il a ce côté technocratique rationnel qui doit permettre de faire la part des choses, et l'autorité dont il dispose lui permet de trancher au mieux pour qu'Astérix et Obélix redeviennent bons amis (et puisse accomplir de fait les missions qu'on leur confie).

Malheureusement, ce n'est pas suffisant pour que les tensions soient toutes réglées. En effet, la raison est parfois bien faible pour déminer certains conflits, et l'organisateur peut ne pas être suffisant pour régler un problème. Sa légitimité peut également être remise en cause par ses villageois, et son autorité contestée au vu de sa faible implication dans la bagarre. La raison ne suffit pas toujours, et Abraracourcix lui aussi tombe souvent du bouclier où son titre l'a érigé. Dans ces moments, l'intervention du mobilisateur positif est nécessaire. Celui-ci voit son autorité reposer davantage sur son charisme incroyable plutôt que sur la rationalité. En fait, il est même au-dessus de ce critère : il semble surnaturel dans la mesure où les autres ont foi en lui et dans les miracles qu'il réalise. C'est bien là la description de Panoramix, le druide, aux fantastiques secrets, vu comme un être de sagesse et de magie qui sera vénéré par tout à chacun. Son intervention dans le débat apaise souvent les difficultés, et chaque personne respectant religieusement l'avis du druide retourne alors sur le droit chemin que celui-ci montre.

Pourtant, Panoramix n'est qu'un homme. Sa magie repose en partie sur l'illusion, et s'il est trop souvent sollicité il encourt le risque de ne plus être vu avec autant de ferveur, surtout s'il apparaît englué comme les autres dans les basses querelles, y apportant si souvent la bonne parole qu'il semble être familier de ces scènes. Pour qu'il reste efficace, il faut qu'il demeure l'ultime recours, sous peine de voir ses décisions de plus en plus remises en cause, d'apparaître en fin de compte bien ordinaire. La force de ses interventions repose sur leur rareté, et c'est bien lorsqu'il est parti à la forêt des Carnutes que tout le monde se dit que le druide, lui, aurait la solution, et fait qu'on le croit dès son retour. Pour qu'il garde son rôle à jouer, le mobilisateur positif doit parfois se tenir en retrait et garder son aura charismatique supérieure. Il sera alors temps d'amener le mobilisateur négatif dans le débat, qui peut tout simplement être vu comme un bouc émissaire. Celui-ci fera l'unanimité... contre lui. S'il est bien un domaine où chaque villageois est d'accord, c'est qu'Assurancetourix leur casse les oreilles. Dis comme cela, il apparaît comme une nuisance, mais il est au contraire indispensable, car c'est contre lui que l'unité se reformera, et chacun sera alors rassemblé pour un combat d'une toute autre importance, la résistance face aux Romains. Le barde doit donc être scrupuleusement gardé au sein de l'équipe malgré les désagréments qu'il apporte, car il rend possible la cohésion de celle-ci.

Astérix, Obélix, Abraracourcix, Panoramix et Assurancetourix ont donc chacun un rôle à jouer, et c'est leur travail en équipe qui a permis au village gaulois de garder son indépendance. Ainsi, une équipe forte et soudée devra avoir en son sein un producteur, un stratège, un organisateur, un mobilisateur positif et un mobilisateur négatif pour pouvoir faire face à toutes les situations. L'exemple est amusant et bien plus intéressant lorsque l'on pense à tous les schémas où cette structure se révèle pertinente, pour analyser un succès ou un échec.

vendredi 26 janvier 2007

Décroissance

Nicolas Hulot a eu le mérite d'avoir mis la défense de l'environnement au devant de la campagne présidentielle. Son pacte écologique était surtout remarquable pour son réalisme. Car un bon écologiste est un écologiste qui essaie de concilier écologie et développement économique. On entend parfois parler d'écologistes bien plus extrémistes, qui se veulent être les apôtres de la décroissance. Leur constat part du fait que les ressources naturelles de la planète sont bien trop exploitées et que l'on remet en cause les équilibres de la Terre. Il serait d'ailleurs déjà trop tard dans la mesure où le rythme économique actuel serait dès maintenant disproportionné par rapport à ce que la planète serait capable de supporter. A effort constant, on continuerait de piller les ressources. D'où la décroissance qu'il faudrait suivre.

Le mot paraît étonnant, dans une société où la croissance est nécessaire. En effet, chaque année, le nombre d'emplois doit croître de manière importante, pour accueillir l'augmentation naturelle de la population active et compenser les emplois qui disparaissent par les gains de productivité. A croissance nulle, ou même trop faible, pas de nouveaux emplois créés. D'où le chômage, la pauvreté et la misère. Les récessions sont dans nos économies extrêmement douloureuses, car elles créent un chômage de masse qui minent le tissu social. 1993, année de la dernière diminution du PIB français, reste une année noire à ce niveau. Les dépressions sont, elles, catastrophiques, il suffit de voir l'entre deux guerres et ses conséquences pour s'en apercevoir. Pour que la décroissance soit possible, il faudrait donc qu'il n'y ait aucun progrès technique. A ce niveau là, ceux qui adoptent ce mode de vie se félicitent de vivre dans des conditions de vie dignes des siècles passés. Vouloir que tout le monde les accompagne dans ce registre spartiate parait pour le moins exagéré. Mais pire encore, la décroissance demande à ce que la population humaine ne s'accroisse pas du tout. Si les politiques malthusiennes peuvent être nécessaires pour faciliter le développement, leur usage parait plus troublant lorsqu'elles sont utilisées dans le cadre du retour en arrière. Car c'est bien une logique de mort qui domine dans l'idée de la décroissance, d'absence de foi dans le progrès...

La notion s'oppose frontalement au développement durable, où la croissance nécessaire doit être faite de façon à ne pas heurter l'environnement, et qu'ainsi le développement (bien être humain et écologique) puisse se faire de façon soutenable, sans qu'il soit nécessaire d'arrêter la marche d'un progrès devenu sain. Les partisans de la décroissance, favorables au néant, s'attaquent naturellement à la publicité qu'ils voient comme corruptrice, poussant à la consommation, un terme qu'ils exècrent. C'est oublier que le progrès peut aussi fournir les clés pour réparer les torts que l'on fait à l'environnement, et permettre une consommation renouvelée. C'est en fait renoncer à l'espoir.

mercredi 24 janvier 2007

Echec et retraite en vie politique

Quand peut on parler d'un homme politique qui a réussi ? A la fin de sa carrière, lorsqu'il prend sa retraite, l'homme politique peut-il se dire "j'ai bien agi pour mon pays" ? Ainsi, Edouard Balladur ne souhaite pas se représenter lors des prochaines élections législatives. A 78 ans tout de même, l'heure de la retraite sera arrivée pour lui. Dans le domaine politique, il aura été député, ministre des finances et Premier ministre, et aura été également candidat à la présidence de la région Ile de France, à la mairie de Paris et bien sûr à la Présidence de la République. Il fait partie d'une époque, entre le pompidolisme et le sarkozysme, avec une carrière parallèle à celle de Jacques Chirac. Et chaque époque est marquée d'une certaine façon par les personnalités qui sont au pouvoir : elles passent, la France reste, de toutes façons il faut bien qu'il y ait un dirigeant, au fil du temps l'information devient "qui était au pouvoir à cette époque" plutôt que "la personne qui était au pouvoir a-t-elle réussi ce qu'elle a entrepris".

Malgré tous les clichés, lorsque l'on se lance dans la vie politique, il y a tout de même une envie de bien faire et d'améliorer les choses pour ses concitoyens. Mais le fait est qu'ils sont difficiles à contenter, un problème en chassant un autre. L'insécurité apparaît moins forte ? La priorité devient alors la lutte contre le chômage. Le chômage diminue, en partie par le recours à des contrats de travail flexibles ? La précarité devient insupportable. Si le CDI à temps complet venait à redevenir la règle, cela ne ferait que raviver les plaintes sur le niveau du pouvoir d'achat. Cela peut continuer longtemps comme cela, et c'est d'ailleurs bien compréhensible. Les pays riches peuvent se permettre de polémiquer sur tous les sujets, l'essentiel étant qu'il y ait quelque chose dont on peut polémiquer. Aux Etats-Unis, en absence de guerre, les débats font rage sur l'avortement ou l'opportunité d'une loi visant à réprimer ceux qui brûlent le drapeau national. Si un Président peut vouloir rassembler son peuple, celui-ci reste toujours très divisé, et l'action d'une personnalité politique ne fait donc jamais l'unanimité. Au contraire même, en prenant des décisions il est extrêmement difficile de contenter tout le monde sur tous les points. Un bilan est donc fait d'ombres et de lumières, et la persistance de difficultés donne l'impression d'échecs insupportables. Raymond Barre, Valéry-Giscard d'Estaing ou François Mitterrand ont du se poser la question de l'efficacité de leur action, ou bien se la posent toujours. Et si jamais ils arrivaient à relativiser suffisamment pour ne pas revenir sur le passé, d'autres n'hésitent pas à mettre le doigt là où ça fait mal. C'est bien pour cela qu'une sortie de la vie politique laisse toujours un goût amer, quelles que soit les choses qui ont été accomplies. Le général de Gaulle lui-même a quitté le pouvoir sous un désaveu de la population française, malgré son statut et ce qu'il avait fait pour la France. Quant à Pierre Bérégovoy, la question prend une tournure cruelle...

En fin de compte, on peut se dire que le seul moyen de juger c'est de comparer les personnalités politiques entre elles. Et encore, les situations pouvant être tellement différentes. Valéry Giscard d'Estaing avait dit avoir apprécié pour discuter avec son successeur de leurs expériences respectives. Et alors qu'il s'apprête probablement à quitter le pouvoir, Jacques Chirac pourra juger son action à l'aune de celle de François Mitterrand. Ainsi, ce dernier avait réussi à faire adopter le référendum sur le Traité de Maastricht, alors que le Président actuel n'aura pas réussi à faire adopter le Traité Constitutionnel Européen. Mais François Mitterrand avait pu compter sur l'aide courageuse de Jacques Chirac pour limiter le non à droite en 1992, alors que le Parti Socialiste aura été moins efficace à gauche en 2005... En fait, en matière de politique étrangère, celle de la France évolue assez peu au fil des alternances, et il est peu probable qu'il y ait une révolution dans ce domaine à la suite des prochaines élections. Et en matière de changement, le bilan apparaît toujours douloureux.

En fin de compte, ce n'est pas tant à l'heure de la retraite qu'un homme politique pourra juger de son action. Il est même peu probable qu'il le puisse. "L'Histoire jugera" a-t-on dit, et il faut du temps pour qu'il y ait suffisamment de recul afin de juger d'une époque. Que l'on se souvienne de quelqu'un qui a été au pouvoir il y a longtemps est déjà remarquable, encore faut il que ce soit pour ses actions positives...

lundi 22 janvier 2007

Les déficits américains

L'une des plus grandes menaces qui pèsent actuellement sur l'économie mondiale se trouve dans les déficits jumeaux américains : le déficit budgétaire est fort depuis l'arrivée de George W. Bush au pouvoir, vu la baisse des recettes engendrées par les baisses d'impôts et les hausses des dépenses demandées par la guerre, et le déficit de la balance commerciale s'aggrave d'année en année depuis les années 80, jusqu'à devenir un élément structurel de l'économie américaine. Ce déficit fait qu'il y a beaucoup de dollars qui arrivent dans les caisses des pays qui ont une balance commerciale avec les Etats-Unis. Ainsi, la Chine qui a une balance très excédentaire, utilise ces dollars pour épargner et acheter des bons du trésor américains, les titres de dettes les plus sûrs au monde. La mauvaise balance commerciale américaine permet donc de financer indirectement la dette publique de l'administration Bush. Les taux directeurs la Fed (banque centrale des Etats-Unis) étaient jusqu'à présents assez faibles, ce qui favorise la croissance américaine (et donc creuse le déficit commercial), mais en contrepartie cela favorise une baisse du dollar par rapport aux autres monnaies du monde, plus saines. Au fur et à mesure de l'augmentation de la dette américaine détenue à l'étranger et de la baisse du dollar, il y a de moins en moins d'intérêt à acheter ces bons du trésor. Tant et si bien qu'un jour le procédé pourrait s'arrêter, ce qui amènerait une très grande quantité de dollars sur le marché, le faisant s'écrouler de fait par rapport aux autres monnaies mondiales.

Avec ce décrochage de la monnaie américaine, la confiance dans le dollar s'évanouirait en bonne partie, et les risques de change deviendrait une charge importante pour l'économie mondiale. De plus, les biens et services étrangers verraient leur prix fortement augmenter pour les ménages et les entreprises américaines, et il n'y a pas assez de capacité de production pour que l'économie américaine puisse prendre la relève au pied levé, ce qui favoriserait une inflation forte. Pendant ce temps, la croissance des autres pays seraient atteintes par une baisse de la demande provenant d'Amérique. Avec la chute de la monnaie américaine, les pays qui ont leur monnaie fixé au dollar suivraient les mêmes affres. Bref, il y a largement de quoi faire une énorme crise économique au niveau mondial.

La question pour Ben Bernanke, gouverneur de la Fed, et pour les responsables économiques des autres pays concernés, et de faire face à ce mouvement inéluctable. Il serait souhaitable déjà de diminuer ces déficits progressivement. Ce sera difficile pour le déficit commercial, cela supposerait de calmer la croissance américaine, qui est justement l'un des moteurs de l'économie mondiale. Il faudrait aussi favoriser une croissance forte dans d'autres pays, et justement allumer d'autres moteurs pour rééquilibrer un peu les comptes. A ce titre, la Banque Centrale Européenne pourrait adopter une politique monétaire souple pour s'assurer que la croissance dans la zone euro soit forte. Enfin, il faudrait trouver un moyen d'amener la Chine à laisser flotter sa monnaie (peut être progressivement) afin que celle-ci se réévalue petit à petit à son juste niveau, et cela laisserait suffisamment de temps aux économies occidentales de reconstituer leurs forces pour répondre à leur demande intérieure. Cela ferait baisser de quelques points la croissance chinoise, mais celle-ci est si forte à l'heure actuelle que ça ne remettrait pas en cause la bonne santé générale de son économie. Cela nécessite peut-être des grandes conférences mondiales pour bien orchestrer tout ce processus, mais pour éviter les chocs violents il ne faut pas hésiter à se regrouper entre économies concurrentes. C'est en tous cas plus urgent que le cycle actuel de négociations de l'OMC...

samedi 20 janvier 2007

Le ras-le-bol des bébés zappeurs

Le 22 décembre dernier, Ségolène Royal a rencontré Mizuho Fukushima, présidente du Parti Social Démocrate japonais, lors d'une visite de cette dernière à Paris. Selon la presse japonaise, qui fût la seule à rendre compte de cette rencontre, le contenu de l'échange était assez curieux. L'Asahi Shinbun, le quotidien japonais le plus important, raconte en effet que Ségolène Royal interrogea Mizuho Fukushima sur la condition des femmes au Japon, que la candidate socialiste considère de toutes façons mauvaise, avant de livrer son diagnostic d'autorité : cette mauvaise condition féminine pourrait venir de l'impact des mangas, les bandes dessinées japonaises. Cette analyse pour le moins surprenante et péremptoire a été reçue avec circonspection au Japon. D'une manière générale, la diplomatie japonaise s'inquiète déjà d'une dégradation des relations avec la France si Ségolène Royal venait à être élue, d'après l'Asahi Shinbun.

L'inexpérience de Ségolène Royal au niveau des relations internationales est connue, mais le manque de retenue dont elle fait preuve n'en reste pas moins étonnant. Ce récit nous montre qu'elle juge les autres pays à l'aune de ses propres préjugés, sans se pencher sur les différences culturelles et leurs origines. Et cela ne peut être que préjudiciable pour quelqu'un qui doit représenter la France au plus haut niveau à l'étranger. Et en l'occurrence, si l'on peut bien parler de préjugés déconnectés de la réalité, c'est qu'il ne s'agit pas là de son premier jugement de valeur sur le Japon, vu comme un pays totalement dévasté d'un point de vue culturel par ses bandes dessinées et ses programmes télévisés. Il arrive ainsi en bonne place des exemples négatifs dans le livre qu'elle a écrit en 1989 sur ce qu'elle considère les mauvais programmes télévisés, Le Ras-le-Bol des Bébés Zappeurs.. Elle y décrivait des dessins animés japonais "violents", "nuls", "laids", et surtout coupables de dévoyer la jeunesse française après avoir déjà mise à mal celle nipponne. Car le Japon y est décrit comme le pays des crimes horribles, alors que la criminalité japonaise est l'une des plus faible au monde. Même lorsqu'elle accuse les bandes dessinées japonaises de machisme, elle semble complètement ignorer qu'une partie importante de celles-ci sont destinées aux adolescentes, et montrent des modèles féminins tout faits positifs. Dans son livre, il n'y avait pas que les séries animées japonaises qui étaient clouées au pilori, il y avait également les séries et les téléfilms américains. Et elle voyait tout cela avec l'idée que la télévision était forcément manipulatrice, et néfaste pour les enfants, ce qui en soit est déjà discutable. Pour s'en débarrasser, Ségolène Royal prônait les quotas et la censure. Si l'amendement qu'elle avait déposé à l'Assemblée Nationale a été fort heureusement rejeté, son combat contre l'animation japonaise a permis la propagation de ses propres préjugés au sein de la population française quant à cette partie de la culture japonaise.

Qu'elle n'aime pas les programmes télévisés ou les publications japonaises, libre à elle. Qu'elle souhaite en priver les autres devient franchement douteux. Mais qu'elle juge encore aujourd'hui les sociétés étrangères avec comme seul critère ses préjugés qui sont avant tout la preuve d'une ignorance montre le malaise que l'on peut avoir à l'idée qu'elle puisse être à la tête des relations internationales de la France. Ses récents voyages à l'étranger, censés forger sa stature internationale, ont en fin de compte amplifié l'inquiétude que l'on pouvait avoir sur ce sujet. Car si l'on peut avoir une idée variable du périmètre des domaines dont s'occupe un Président de la République, les relations internationales figurent invariablement au premier rang.

Photo : Asahi Shinbun

jeudi 18 janvier 2007

Une nouvelle arche de Noé pour sauver la biodiversité ?

La protection de l'environnement est, à juste titre, une préoccupation croissante de l'humanité. Les dérèglements climatiques sont déjà une réalité, ainsi que des changements environnementaux d'autres natures, comme la destruction d'écosystèmes naturels. Ainsi, la déforestation amazonienne est d'ores et déjà une calamité qui sera difficile à réparer. Cela a des répercussions dramatiques, en premier lieu sur la disparition d'espèces animales et végétales, et ce dès aujourd'hui. Le programme EDGE (Evolutionarily Distinct & Globally Endangered) créé par la société zoologique de Londres fait sonner l'alarme à propos des espèces animales en voie de disparition pour mieux les protéger. 100 espèces sont particulièrement observées, et classées en fonction de leur degré d'extinction. Certaines sont déjà particulièrement suivies, d'autres semblent s'éteindre dans l'indifférence. Au moins pour ces espèces, ce programme se mobilise d'abord pour alerter l'opinion internationale sur ce drame, ensuite pour étudier leurs habitats naturels, pour enfin mettre en place des plans de protection adaptés.

Du reste, il n'y a pas besoin d'aller dans des terres éloignées et vierges pour trouver des espèces menacées. La pêche et la chasse, professionnelles ou non, sont à l'origine de baisses de populations importantes pour certaines espèces animales. Le changement de l'environnement joue également un rôle, et même le très commun moineau voit ses effectifs décliner en Europe, sans qu'il y ait un constat clair sur les raisons précises de cette disparition. D'une manière générale, on peut se poser la question sur ce que fait l'homme pour protéger la biodiversité. La démarche du programme EDGE est heureuse, mais le défi semble dépasser de loin une centaine d'espèces. On peut même être pessimiste quand on voit le nombre d'espèces déjà disparues, celles qui sont menacées, et la faiblesse des efforts faits pour leur préservation quand il semble y avoir une pente naturelle qui favorisent les facteurs négatifs.

Cela rentre dans le débat global de l'écologie, et sur ce que chacun fait pour protéger l'environnement. Au vu des tendances actuelles, on peut croire qu'il faudra encore du temps pour ne serait-ce que stabiliser la situation. On peut toutefois espérer qu'un jour lointain, les conditions seront plus favorables, après notamment une reconstitution des espaces naturels et une éventuelle fin des émissions de gaz polluants. Certes, encore une fois nous entrons là dans le très long terme, et il faut une bonne dose d'espoir pour croire cela possible. Mais la probabilité n'est pas nulle, et peut être pouvons nous veiller dès aujourd'hui à ce que la situation ne soit pas irréversible. Pouvons nous imaginer dès aujourd'hui, tout en étudiant la vie et l'environnement de ces espèces, de garder une trace génétique de leur passage ? En d'autres termes, pourquoi ne pas faire en sorte que les espèces au bord de l'extinction puisse être réintroduites une fois que les conditions de leur retour seront réunies ? Il faudrait pour cela créer une nouvelle Arche de Noé, qui pourrait se traduire par la conservation dans des programmes zoologiques (dans des espaces totalement contrôlés par l'homme), ou au pire, en passant par les sciences du vivant en laboratoires. Cela parait effrayant, mais peut être faut-il se poser la question tant qu'il reste quelque chose à sauver.

Photo : Nick Garbutt/Nature Picture Library

mardi 16 janvier 2007

Vivre avec Milgram

En 1963, Stanley Milgram, chercheur en psychologie de l'Université de Yale, publie les résultats de ses expériences. Leurs résultats sont devenus célèbres. Il demandait à des personnes normales (prises de façon individuelle) de poser des questions à un cobaye (en fait un acteur), et de leur infliger une sanction si celui-ci ne répondait pas la bonne réponse. Cette sanction se traduisait par des chocs électriques d'importance croissante. La violence des chocs électriques (qu'il faut actionner par des boutons) était clairement expliquée à l'interrogateur, de telle manière à ce qu'il soit conscient de ce qu'il fait. L'acteur donnant de mauvaises réponses, il simulait la douleur des chocs électriques qui allaient croissant. Au bout d'un moment, l'acteur commençait à se plaindre de la souffrance occasionnée, mentionnant le fait qu'il était cardiaque et que ça devenait vraiment dangereux. L'interrogateur commençait alors à montrer des preuves d'une nervosité extrême, mais le chercheur le poussait à continuer malgré tout l'expérience. A la fin de l'expérience, une fois arrivée en haut de l'échelle des chocs possibles (choc mortel), l'acteur ne répondait plus. L'expérience a montré qu'une grande majorité des personnes passées par l'expérience, malgré leurs doutes et leur nervosité, allait jusqu'au bout de l'expérience. Tous les participants ont en tous cas infligés des chocs dangereux. Une fois l'expérience terminée, le participant était rassuré sur la nature de l'expérience, censée montrer les effets de l'autorité sur les actes de quelqu'un. Plus la légitimité de l'autorité est forte, et plus l'obéissance est forte, qu'elle qu'en soit les conséquences (ici, la mort d'un homme innocent). Plus celle-ci est proche physiquement, plus l'obéissance est grande. Si plusieurs personnes font l'expérience en même temps, le comportement de groupe fait augmenter le taux d'obéissance. Si l'expérience consiste à donner l'ordre à quelqu'un d'autre sans infliger soi-même les chocs, le taux augmente, si l'on doit toucher physiquement l'acteur pour permettre à l'expérience de continuer, le taux diminue spectaculairement.

A la fin du film relatant l'expérience, Stanley Milgram conclue que si un seul professeur peut faire tuer quelqu'un par une personne normale juste en faisant jouer sa légitimité de savant, un gouvernement peut faire faire à peu près n'importe quoi à une majorité de citoyens, surtout en cas de comportement moutonnier. L'expérience cherchait à savoir comment la Shoah avait pu être exécutée, et à ce niveau là la démonstration est convaincante. En tous cas il est effrayant de penser à l'éventail de manipulations possibles que laissent entrevoir ces résultats. On peut toutefois se dire que l'effet peut être relativisé : un gouvernement n'arrive pas à faire tout ce qu'il souhaite sans aucune résistance. Les manifestations fréquentes qu'il y a en France pour des sujets bien plus légers (lors des conflits avec tel ou tel ministre) montre que le gouvernement n'est forcément tout puissant. Et ceux qui n'obéissent pas jusqu'au bout peuvent suffire à faire capoter tel ou tel plan machiavélique.

Toujours est-il que si Stanley Milgram fut critiqué à l'époque pour l'aspect iconoclaste (voir à la limite de l'éthique, vu le traitement fait à ses cobayes) de ses recherches, elles n'en restent pas moins extrêmement intéressantes pour comprendre la psychologie humaine. Peut-être est-ce là une façon de vivre avec l'effroi provoqué par la portée de ces résultats ? A ce niveau là, il peut y avoir encore de nombreuses découvertes à faire sur nos façons de pensée, et elles ne seront peut être pas toutes agréables à entendre, surtout si l'on considère toujours être des gens reposants sur une raison infaillible.

lundi 15 janvier 2007

Un papa ou une maman ?

Nous y voilà. Nicolas Sarkozy vient d'être intronisé candidat de l'UMP pour la prochaine élection présidentielle, deux mois environs après Ségolène Royal pour le PS. Le début de cette confrontation apparaît bien plus tôt que lors des précédentes présidentielles. Et tout se fait dans le cadre d'une montée en puissance de la campagne, et des candidats. Cette fois-ci, le choix proposé entre les deux favoris est assez marqué, mais l'opposition droite/gauche n'est pas suffisant pour décrire les différences entre eux. Ils jouent sur des registres très différents : Nicolas Sarkozy a tenté de montrer compétence et fermeté aux ministères de l'Intérieur et des Finances, il souhaite tenir à la France un discours fort et raisonné et apparaître comme la personne solide sur laquelle la France pourrait s'appuyer dans les difficultés. Ségolène Royal se veut plus apaisante, plus éloignée des grandes questions pour favoriser un souci des petites choses, en apparaissant comme une personne peu expérimentée elle espère donner une impression de nouveauté, et n'hésite pas à jouer sur sa féminité, sa différence visible avec ses anciens opposants à l'investiture socialiste, ainsi que sur son statut de mère. En fin de compte, ce serait plutôt ça la promesse de sa campagne : le bon sens d'une mère de famille pour gérer les affaires de l'Etat.

Vu sous cette grille de lecture, les choses sont tout de suite plus saisissantes. Si Ségolène Royal n'est pas la première personnalité politique à mettre en avant le fait que ce soit une femme, c'est la première à se proclamer mère avant tout, comme elle l'avait montré en conviant les photographes à lui rendre visite à la maternité à la naissance de sa benjamine. Mais il est vrai que les valeurs associées au statut de mère sont positives : cela donne l'image d'une personne soucieuse de ses enfants et qui les console, les protège... De l'autre côté, Nicolas Sarkozy, par l'image d'homme d'Etat qu'il veut donner apparaît patriarcal. En effet, il est le père par contraste de la candidate socialiste, qui semble plus distant, mais aussi plus fort. Son ambition, mise au service de la France, "le choix d'une vie", font de lui quelqu'un qui voudrait être l'homme providentiel dont la France a besoin pour relever tous les défis.

Pour les prochains mois, une grande partie du débat présidentiel se portera sur le choix à faire entre ces deux candidats qui ont l'air suffisamment différent pour poser une vraie question à la France : Droite ou gauche ? Sarko ou Ségo ? Détermination ou douceur ? Un papa ou une maman ?

Ces cinq dernières années, le monde n'a pas tant changé que ça, il suffit de voir la presse de l'époque pour s'en rendre compte. Autour de ces deux figures polarisantes, le débat politique lui semble se clarifier, entre celui qui propose ses solutions au peuple et celle qui verra bien une fois élue ce qu'il faut faire. Il ne faudra certes pas sous-estimer les candidats outsiders : François Bayrou peut espérer facilement pouvoir faire deux fois plus de voix que lors de sa dernière tentative, et rien ne peut laisser penser que Jean-Marie Le Pen puisse avoir moins de voix que lorsqu'il est allé au second tour en 2002. Mais la différence, c'est qu'aujourd'hui les candidats des deux principaux partis semblent pouvoir faire de meilleurs scores que leurs prédécesseurs, Lionel Jospin et Jacques Chirac. Au choc du 21 avril a laissé place une action prudente du Président de la République, qui ne se démarquait pas nettement de ce que faisait Lionel Jospin en étant son Premier Ministre. Cette fois-ci, si les difficultés des Français ne sont pas réglées pour une bonne part, le choix de société est autrement différent : il engage clairement la France. Souhaitons que les Français affirment une volonté claire lors de ce scrutin.

vendredi 12 janvier 2007

Analyse politique et économique de la société des Schtroumpfs

Les aventures des Schtroumpfs, ces petits lutins bleus pacifiques, ont connu un succès phénoménal à travers le monde, d'abord par la bande dessinée de Peyo, puis et surtout pas son adaptation en dessin animé par Hanna Barbera. Si cette adaptation a tendance à se concentrer sur l'affrontement entre les gentils Schtroumpfs et le méchant Gargamel, il y a quelques albums de la BD qui sont très intéressants à relire même en ayant quitté le stade de l'enfance. Dès le deuxième album, l'histoire du Schtroumpfissime montre les mécaniques de pouvoir, de politique, des liens entre démocratie et dictature. Le Schtroumpf financier pose la question du rôle de l'argent dans une société. Il y a aussi Schtroumpf vert et vert Schtroumpf qui se veut être le reflet de la division de la Belgique... A la lecture de ces différents albums, on se rend compte que la société schtroumpfe ne tient qu'à un fil, celui de l'irréalité. Celle de la taille constante de cette communauté, l'âge également constant des schtroumpfs, et la personnalisation marginale des individus, qui donnent à la société une certaine stabilité, ainsi que le rôle divin du Grand Schtroumpf.

Dans le Schtroumpfissime, celui-ci doit s'absenter du village. Très vite, un conflit apparaît pour savoir ce qu'il faut faire. Pour résoudre la question, il est décidé de nommer un chef lors d'une élection. Celui qui la remporte gagne en ayant tenu un discours de promesses démagogiques et contradictoires, flatteuses pour ses électeurs. Investi de ce pouvoir, il admet peu la contestation, et transforme le régime en une dictature. Il recrute une armée d'abord en promettant les honneurs, puis en passant par l'obligation. Celle-ci doit lutter contre les résistants qui refuse son commandement. En plein milieu de l'ultime bataille, le grand Schtroumpf intervient deus ex machina, et tout est réglé et pardonné. Une trame similaire est suivie dans le Schtroumpf financier : le Grand Schtroumpf, malade, laisse introduire par un Schtroumpf la monnaie, avec un système similaire aux humains. Pourtant habituellement, la nourriture est donnée à tout le monde, et chacun fournit à peu près sa fonction dans la société. Mais la monnaie révèle que l'utilité de chacun n'est cruellement pas la même dans la société schtroumpfe : le poète gagne beaucoup moins que l'agriculteur et le boulanger, qui nourrissent les autres. Quant au Schtroumpf feignant, sa survie même semble menacée. Plongés dans les tourments du besoin et de l'opulence, les Schtroumpfs en perdent la joie de vivre, et lorsque le Schtroumpf financier renonce à son rêve, le Grand Schtroumpf lui explique que ce qui est bon pour les humains n'est pas forcément bon pour eux.

Car en fait il apparaît que la société schtroumpfe est communiste. Mais vraiment communiste, au sens même rêvé par Marx. Les 100 Schtroumpfs jouent leur rôle, vivent ensemble joyeusement dans une cohésion qui amortit les éventuelles dissensions. Il n'y a pas d'Etat à proprement parler, tout juste un guide révéré en la personne du Grand Schtroumpf dont l'absence conduit immanquablement ses ouailles vers le chaos. Ils sont tous de la même classe sociale et conscients de leur égalité. Le village des lutins Schtroumpfs est utopique, et assumé comme tel. L'idée d'une telle société est séduisante sur le papier, mais totalement irréalisable chez les humains, où tout change chaque jour, où chacun voit le spectre du temps qui passe, et où les individualités sont autrement plus affirmées. Chez les humains, comme tout le monde n'a pas la chance d'avoir l'emploi qu'il souhaite, l'effort est souvent vu comme une torture. Et c'est bien là la différence avec la société schtroumpfe : personne n'y est jaloux du Schtroumpf feignant, épicurien qui vit libéré de l'effort car rien ne le pousse à en faire. Chez les humains, nombreux sont ceux qui souhaiteraient pouvoir adopter un tel comportement. C'est le principe du passager clandestin, où l'on espère profiter sans payer, sans se rendre compte que la généralisation d'un tel comportement empêche le service d'être réalisé. Dans le véritable communiste, il n'y aurait pratiquement plus que des passagers clandestins dans une société où aucun travail ne serait accompli. Aucun travail, donc aucune richesse, aucun confort, aucune nourriture. Si la véritable société communiste n'est jamais apparue sur Terre, c'est bien que le stade du "socialisme" ne voyait pas l'étape suivante possible dans les régimes gouvernés par des communistes. Rien ne laissait penser qu'autre chose que la dictature d'un Etat boursouflé pouvait remplacer l'initiative personnelle.

Quant au Grand Schtroumpf, dont on pourra discuter des ressemblances avec Dieu ou Marx lui-même au choix, il apparaît comme un être parfait, infaillible, un sauveur qui permet ce rêve. Où a-t-on déjà vu tel être dans la société humaine, un sage qui vient à bout de toutes les difficultés ? Nulle part. Les hommes sont décidément bien différents des Schtroumpfs, et le corollaire de la morale au Schtroumpf financier faite par le Grand Schtroumpf est "tout ce qui est bon pour les Schtroumpfs n'est pas forcément bon pour les humains". Le communisme idéal ne relève que de l'utopie, possible uniquement chez des lutins de bande dessinée au milieu d'un royaume imaginaire. Mais sur cette Terre, ce sont des humains biens réels avec tous leurs défauts qui doivent cohabiter, et il est autant illusoire que catastrophique que de vouloir les faire participer à un rêve d'enfant. Il faut bien voir la doctrine communiste pour ce qu'elle est : une impossibilité, un cul de sac. Et il est souhaitable que chaque humain en fasse le deuil désormais.

mercredi 10 janvier 2007

Augmentation des impôts dans les régions

En 2004, la gauche a bénéficié du rejet de l'action de la droite au pouvoir, et a remporté 20 régions sur les 22 que compte la France métropolitaine. Le fait que la gauche soit au pouvoir dans les régions et la droite au gouvernement a créé une sorte de cohabitation. Jean-Pierre Raffarin, ancien président de région, était Premier ministre, et avait fait voter une loi sur la décentralisation. De fait, celle-ci a été accusée par les régions de gauche de créer de nouvelles dépenses pour elles, dépenses qu'elles n'auraient pu financer qu'en augmentant massivement les impôts. Dit comme cela, l'explication peut sembler convaincante, mais elle ne résiste pas à l'épreuve des faits : les transferts de compétence liées à la décentralisation ont été réalisés en 2006, mais les administrations régionales socialistes ont pratiquement toutes augmenté les impôts (taxes professionnelles, immobilières et cartes grises) de façon importante dès 2005. Cette année là, la hausse a atteint 21,1 % en moyenne. En 2006, la hausse continua d'être importante (augmentation avec un pourcentage à deux chiffres) en Ile de France et en Provence Alpes Côtes d'Azur, alors que les versements de l'Etat étaient en augmentation. En Ile de France notamment, l'augmentation de la pression fiscale pouvait sembler d'autant plus étonnante que les charges liées à la décentralisation étaient couvertes, et les investissements en baisse. Si l'on cherchait où étaient orientés ces nouveaux crédits, on découvrait qu'ils servaient à couvrir l'augmentation des frais de fonctionnement. La régionalisation devenait alors l'excuse bien pratique du manque de maîtrise budgétaire des régions socialistes, ou même le prétexte leur permettant de faire n'importe quoi. C'est donc bien parce que ces régions ont oublié de se concentrer sur leurs missions principales (surtout la gestion des transports et des lycées) que leurs impôts ont connu une telle augmentation. En Ile de France, cette augmentation a également permis de payer les intérêts de la dette créée depuis l'arrivée de Jean-Paul Huchon à la tête de la région. Depuis 1998 en effet, les dépenses de frais de réception ont augmenté de 160 %, et celles de communication de 210 %. La démocratie participative a coûté 3,4 millions d'euros à cette région en 2005, si l'on ne voit pas ce qu'elle permet de faire, on voit au moins ce qu'elle coûte. Ce ne sont là que des exemples, mais ils sont représentatifs.

Dans la région Languedoc-Roussillon, le désormais célèbre Georges Frêche est allé jusqu'à augmenter la taxe professionnelle et la taxe sur le foncier bâti de 80 %, ce qui permettra aux autres présidents de régions qu'ils ont limité la hausse des impôts en comparaison. Un reportage du magazine télévisé Capital avait montré l'emploi fait de ces nouvelles rentrées fiscales, en particulier dans l'aménagement du nouveau bureau de Georges Frêche. Mais il a également été dépensé dans les frais de mise en place du nouveau nom de la région, la Septimanie, qui a été un échec en fin de compte. Dans la région Poitou Charentes, la présidente Ségolène Royal n'a pas hésité elle-même à augmenter les impôts (en 2005, + 10,54 % sur le foncier bâti, +4,53 % sur le foncier non bâti et + 16,20 % sur la taxe professionnelle). Mais en tant que candidate à la Présidence de la République, elle affirme sans sourciller qu'elle n'a pas augmenté les impôts dans sa région contre toute évidence. Pendant ce temps là, la région Alsace, toujours gérée par la droite augmentait ses impôts d'environ 2,5 % sur les trois principaux impôts régionaux en 2005, ce qui montre bien que de telles hausses dans les régions passées à gauche étaient totalement disproportionnées, et que la décentralisation était un mauvais prétexte. En fin de compte, cela montre la faible rigueur budgétaire de la gauche lorsqu'elle est au pouvoir. Ainsi, le déficit budgétaire constaté dans le solde budgétaire exécuté a augmenté entre 1997 et 2002 lorsque Lionel Jospin était Premier Ministre, alors que la croissance était forte. Aujourd'hui, François Hollande, premier secrétaire du Parti Socialiste, promet d'ores et déjà d'augmenter les impôts. Cela a le mérite d'être clair.

samedi 6 janvier 2007

Bipartisme

Les maires sont nombreux, mais pourtant très recherchés. Actuellement, chaque candidat potentiel à l'élection présidentielle recherche les 500 signatures d'élues nécessaires à valider une candidature officielle. Et si les favoris n'ont aucune difficulté à trouver ces signatures en s'appuyant sur les maires adhérents de leur parti, les autres connaissent davantage de problèmes pour y arriver. Ce sont les candidats issus de partis extrémistes, des partis mono-thématiques ou bien les illustres inconnus qui peinent actuellement à gagner leur ticket d'entrée à l'élection. Car les circonstances ne sont pas favorables pour eux : après le choc du 21 avril 2002, la tendance est clairement au vote utile. Et maintenant que le risque qu'un parti extrémiste arrive au second tour est avéré, les grands partis politiques passent clairement des consignes auprès de leurs élus pour ne pas apporter leur soutien à des personnalités extérieures. Les petits candidats (ou outsiders, si l'on trouve l'adjectif "petit" dépréciatif) se plaignent donc de l'obstacle qu'est devenue cette procédure, limitant de fait la représentativité et la démocratie, et se montrent comme étant bâillonnés. Si celui qui vitupère le plus sur ce point est Jean-Marie Le Pen, ce n'est pas celui qui a le moins de chance d'être présent au premier tour. En effet, en 2002, il s'était trouvé assez d'élus pour appuyer les candidatures de deux personnalités d'extrême droite. En revanche, le risque est réel pour les autres.

Au premier lieu, il y a la question des illustres inconnus. On en trouve un à chaque élection présidentielle qui arrive à être présent au premier tour contre toute attente, mais qui ne dépasse pas le 1 % de vote. Cette règle des 500 signatures est là déjà pour éliminer les candidatures fantaisistes, pour ne garder que des choix de sociétés clairement différents (et dans la mesure possible, crédibles ou cohérents). Déjà en 2002, avec 16 candidats qui s'étaient hissés au premier tour, il y avait un vrai problème de clarté, et entre certains candidats il n'y avait que des micro-différences. A quand l'équivalent de l'élection gouvernatoriale californienne de 2003, où plus d'une centaine de candidats (dont une bonne part farfelue) avaient réuni les maigres conditions d'entrée dans la course ?

La question se pose autrement pour les partis mono-thématiques. Leur existence peut se justifier lorsque les autres partis politiques ne prennent pas en charge une certaine question. L'idéal, c'est qu'au bout d'un moment la thématique en question soit réappropriée par chaque mouvement généraliste. Si c'est le cas, leur utilité est moindre. Mais en tous cas, on peut se demander quel est le rôle que doit jouer un parti comme Chasse, Pêche, Nature et Traditions, et cela pour n'importe quelle élection. Car il s'agit davantage d'un lobby, et un tel mouvement en agitant comme seul étendard la défense de la chasse, n'agit manifestement pas en faveur du seul intérêt général.

Au fur et à mesure que la restriction s'opère, on peut se demander jusqu'à quel point il doit y avoir une diversité de candidatures. Au plus poussé se pose la question du bipartisme. Aux Etats-Unis, il y a certes plus de deux partis, mais le système est décrit comme bipartiste car ce sont toujours soit les démocrates ou les républicains qui dominent les organisations politiques. Comme le constitutionnaliste Maurice Duverger l'a montré, c'est la conséquence du scrutin majoritaire à tour unique : celui qui a la majorité des voix après un tour est élu, sans avoir nécessairement 50 % des voix. Cela pousse très rapidement les différents camps à limiter les divisions pour que le candidat qui soit élu soit au moins un minimum proche des positions que l'on défend. Ainsi, si en France on disait traditionnellement qu'au premier tour on choisit et au second on élimine, aux Etats-Unis le choix se fait lors des primaires, et l'élimination dans l'élection générale. Pour une élection présidentielle américaine, il peut y avoir une dizaine de candidats à l'investiture de l'un des deux grands partis. Les autres partis sont vus comme une nuisance par les grands. En l'an 2000, la candidature verte de Ralph Nader a été ainsi accusée d'avoir privé Al Gore des quelques voix qui lui aurait assuré l'élection face à George Bush. La procédure peut aussi être contournée : aux dernières élections sénatoriales américaines, le sénateur Joe Lieberman n'a pas reçu l'investiture démocrate de la part du Connecticut. Les citoyens démocrates de cet Etat lui avaient préféré Ned Lamont, plus à gauche. Mais le sortant décida de rester dans la course, en se présentant en tant qu'indépendant. Il fut en fin de compte réélu grâce au vote d'une minorité des démocrates et d'une majorité des républicains (le candidat républicain ayant été réduit à faire de la figuration). Quoi qu'il en soit, le système bipartiste a une logique propre, où les primaires permettent de faire le tri.

Son application est-elle souhaitable en France ? Il est douteux que cela soit possible. La Vème République, qui a fait ses preuves, veut une rencontre entre un homme et un peuple depuis la révision constitutionnelle de 1962. Mais le Général de Gaulle ne voulait certainement pas non plus que l'élection présidentielle devienne une foire au n'importe quoi avec pléthore de candidatures. L'idéal serait donc d'avoir un nombre réduit de candidats, représentatifs de grandes tendances d'opinion. Pour éviter les divisions, il faudrait qu'il n'y ait qu'un candidat pour chacune de ces grandes tendances. Pour les sélectionner, il faut bien trouver un moyen. Primaires à l'italienne, ouverte à tous les citoyens ? Pourquoi pas. Ces primaires peuvent déjà se dérouler dans le cadre des partis politiques. Mais si le Général de Gaulle les détestaient, les voyant déconnectés de la population et concentrés à se préoccuper uniquement de leurs caciques, il s'est fortement appuyé sur son propre "rassemblement" dans ses combats. Pour qu'il puisse y avoir primaire au sein d'un parti, il faut donc que celui-ci soit fortement ouvert à la population, et qu'en même temps chaque citoyen se convainque qu'il s'agit là d'un moyen de participer à la démocratie et à la vie citoyenne. Car avec un nombre réduit de candidats forts, le débat démocratique y gagnera en puissance.

mercredi 3 janvier 2007

Le bourbien irakien

L'arrivée d'une nouvelle majorité démocrate au Congrès américain ne semble pas avoir calmé les ardeurs de George Bush à guerroyer en Irak. Ni même d'ailleurs le rapport bi-partisan de l'Iraq Study Group, qui préconisait un retrait progressif des troupes américaines. Actuellement, tous les bruits venant de la Maison Blanche font état que celle-ci travaillerait sur un plan qui viserait à augmenter le nombre de soldats là-bas, car ce serait le meilleur moyen d'en finir avec la guérilla terroriste qui y sévit. La guerre serait gagnable, ce ne serait qu'une question de moyens. Le constat parait étonnant, tant il y a peu d'indications qui laisse penser cela. Le général américain s'occupant de l'Irak pense même que cela aurait l'effet inverse, dans la mesure où plus on laisse penser que l'Irak est occupé par une force étrangère, plus il y aura d'actions faites contre elle. Mais le général en question est sur le point d'être relevé, étant accusé d'être défaitiste.

Au moins reste-t-il l'explication qui consiste à dire que c'est la guerre civile en Irak, et que les Américains étant ceux qui l'ont permise, il est nécessaire qu'il reste au moins jusqu'à que celle-ci soit réglée. Mais il est bien difficile de voir un moyen qui permettrait cela, et il est douteux que l'envoi de troupes en plus aille vers la voie d'une solution. Mais c'est le dernier motif qui permette de justifier une présence américaine : après la neutralisation d'armes de destruction massive qui n'existaient pas, il y a eu la raison d'un remplacement d'une dictature par une démocratie (qui se révèle être inefficace, tant les élus sont divisés sur les mesures à prendre), c'est désormais la peur d'un chaos absolu qui nécessite l'engagement américain dans l'esprit de George Bush. Il n'est pas question de prendre la défense de Saddam Hussein, dictateur sanglant qui était bien un facteur d'instabilité dans la région. Mais sa destitution et sa mort n'ont rien réglé, et il semble même qu'elles ont créé plus de problèmes qu'elles n'en ont résolues. Les circonstances répugnantes de son exécution sont même de nature à favoriser une rancoeur des sunnites envers les chiites...

Toujours est-il que désormais George Bush agit explicitement contre l'avis de la population, et même de ses élites. Outre la commission Baker qui est bafouée, on trouve également de plus en plus de républicains qui souhaitent arrêter les dégâts sur le dossier irakien. Quant aux démocrates, ils sont désormais dans leur écrasante majorité hostiles à la guerre, et comptent bien faire campagne sur le retrait des troupes lors de la prochaine élection présidentielle si celui n'est pas encore engagé. Le mouvement en faveur du retour des boys dépasse désormais de loin les simples pacifistes béats, au fur et à mesure que l'incompréhension règne sur les raisons de l'engagement d'une telle guerre. Mais ce n'est pas l'administration Bush qui voudra s'y résoudre. Comme le font remarquer les humoristes américains : "quitter l'Irak reviendrait à perdre la guerre, or les soldats ne reviendront qu'à condition de gagner. Pour qu'ils puissent donc revenir, il faut donc qu'ils restent." Le mot "défaite" n'apparaît pas encore pour qualifier ce qu'il se passe en Irak pour les Américains. Mais tout le monde a conscience désormais qu'il s'agissait d'une erreur monumentale. Et croire que la guerre se calmera d'elle-même est bien naïf...

mardi 2 janvier 2007

Bienvenue à la Bulgarie et à la Roumanie

Hier, au 1er janvier 2007, deux nouveaux pays ont adhéré à l'Union Européenne. Avec l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie, c'est donc l'Europe de 27 dont il faut désormais parler. Avec nos institutions européennes actuelles, la gestion d'autant de pays sera donc encore plus difficile, mais en tant que pays européens, il était naturel qu'ils entrent un jour dans l'Union Européenne. Le débat n'était donc pas là, tout juste peut on se demander si la date était la mieux choisie, car l'adhésion aurait pu se produire quelques années plus tard, le temps pour l'Union Européenne d'avoir un cadre plus solide, et pour ces pays d'être plus proches des niveaux de vie et des règles éthiques des pays qui y étaient déjà. Il faudra donc réaliser ces progrès après l'adhésion.

La Roumanie et la Bulgarie souhaitaient fortement adhérer, et ce dès la fin du bloc communiste : la construction européenne leur apparaît naturellement comme un havre de paix et de prospérité, contraire en tous points à l'oppression et à la misère qui a résulté de l'application de l'influence russe soviétique pendant près d'un demi-siècle. Il serait souhaitable que d'autres pays d'Europe mettent autant d'ardeur à adhérer (même s'il faut encore une fois d'abord régler la question des institutions), comme la Norvège par exemple, ou bien que d'autres souhaitent participer pleinement à l'Union dont ils font partie, comme en adoptant l'euro. Car une fois que les limites de l'Europe seront les frontières de l'Union Européenne, il sera bien temps alors de se consacrer entièrement à l'approfondissement des politiques communes. Celles-ci sont nécessaires, et c'est pourquoi il faut veiller à ce que ces frontières soient établies, sans faux-semblant pour les pays au-delà et à qui on laisse entretenir des illusions quant à une éventuelle adhésion.

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