Réflexions en cours

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samedi 28 avril 2012

Analyse chiffrée du premier tour

Le premier tour de la présidentielle est passée, et comme avant, la campagne électorale ne consiste qu'en invectives, accusations absurdes et délires de toutes sortes. Et si on regardait plutôt les faits, en observant les votes de ce premier tour, et leur évolution depuis le premier tour de la présidentielle de 2007 ? Ne serait-ce qu'en procédant par grands ensembles, même si cela simplifie forcément et élimine bien sûr tous les cas particuliers, on arrive à apprendre certaines choses. Par exemple, avec 828 345 voix, Eva Joly fait mieux que Dominique Voynet en 2007, qui n'en avait récolté que 576 666. Mais elle n'a tout de même pas de quoi se réjouir, sachant qu'à cette époque, José Bové s'était également présenté, et que "Europe Ecologie Les Verts" devaient justement représenter cette alliance de tous les "écologistes" de gauche. A cet égard, Eva Joly fait bien moins que l'addition des voix de Dominique Voynet et de José Bové.

Pour continuer sur les candidats de niche, Nicolas Dupont-Aignan fait également moins bien que le précédent candidat souverainiste, Philippe de Villiers, avec 643 907 voix contre 818 407. Cette déperdition n'a pas profité à Nicolas Sarkozy, qui par rapport à son score de 2007, auquel il faudrait rajouter les voix de Frédéric Nihous qui l'a soutenu cette année, perd 2 115 679 votes.

Le plus surprenant dans tout cela, c'est qu'au final, la droite a gagné des électeurs, alors même qu'il y avait plus de 800 000 suffrages exprimés de moins. En effet, les électeurs perdus par Nicolas Sarkozy et Nicolas Dupont-Aignan ne suffisent pas à expliquer le surplus d'électeurs de Marine Le Pen. Au final, c'est donc près de 300 000 électeurs que la droite en général compte de plus par rapport à 2007.

Bien évidemment, ils ne viennent pas de la gauche. Dans son ensemble, elle progresse elle-même de plus de 2,4 millions de voix. Les 772 593 électeurs gagnés par François Hollande par rapport à Ségolène Royal ne sont pas la plus grande progression. Elle revient à Jean-Luc Mélenchon, qui même lui attribuant les électeurs perdus par Philippe Poutou et Nathalie Artaud sur Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, gagne 1,9 millions d'électeurs qui n'étaient pas à l'extrême gauche auparavant. On voit donc à quel point les extrêmes ont le vent en poupe en France.

Mais alors, si la droite et la gauche gagnent tous deux des suffrages, alors que le nombre de votants a diminué, d'où viennent-ils ? L'analyse froide est cruelle pour François Bayrou et son MoDem, car c'est là que se trouve que se trouve la grande hémorragie. 3 544 997 voix de moins qu'en 2007, c'est moins d'un électeur sur deux qui est resté. C'est plus que la simple augmentation des bulletins blanc ou nuls, ainsi que des abstentionnistes. Certes, ces électeurs perdus n'ont probablement pas directement sauté vers les Fronts, National et De Gauche. Mais cela veut au minimum dire qu'il y a un mouvement global de "décentrage" des électeurs, chacun étant donc plus à droite ou à gauche qu'auparavant, se répercutant en cascade sur tout l'axe politique. Cela aura forcément des conséquences sur la politique française.

mercredi 25 avril 2012

Score record du Front National

Raisonnons en nombre de voix : 6 421 773 personnes ont voté pour Marine Le Pen lors du premier tour de la présidentielle, dimanche dernier. C'est un résultat énorme, un record tant en nombre de voix donc qu'en part de l'électorat. Il en avait fallu beaucoup moins à son père pour passer au deuxième tour en 2002, mais cette année, les deux principaux candidats sont restés à des niveaux bien plus élevés. Il faut noter la progression : en 1988, Jean-Marie Le Pen faisait 4 376 742 voix. En 1995, il passait à 4 571 138 électeurs. 2002 était le précédent record du Front National, avec 4 804 713 voix, mais même en ajoutant les 667 026 voix de Bruno Mégret, un dissident frontiste lors de cette élection, il y a toujours une différence d'un million de personnes. Un millions de voix en plus par rapport en 2002. Le choc était déjà grand en 2002, mais avec ce million en plus, c'est toute la société qui est interpellée. Alors, que s'est-il passé ?

Pour commencer, ce n'est pas une surprise en soi. A vrai dire, on craignait déjà un score élevé du candidat du Front National en 2007, et ce d'autant plus que les sondages traditionnellement évaluent mal ce poids politique. Entre 2002 et 2007, les raisons du vote FN n'avaient pas diminué, et déjà à l'époque, on redoutait le futur remplacement de Jean-Marie Le Pen par sa fille, aussi percutante, mais évidemment plus jeune. A l'époque, la surprise fut le faible score du FN, en bonne partie car Nicolas Sarkozy avait réussi à obtenir le vote de personnes jusque là déçues par la droite.

Au vu des résultats, on s'aperçoit bien que ces mêmes personnes ont été déçues à nouveau. Le fond du problème de positionnement de Nicolas Sarkozy est qu'il a été trop à droite dans le discours, et pas assez dans les actes. Alors que le discours devait attirer les électeurs tentés par l'extrême droite, et la pratique rassurer les centristes, c'est le contraire qui s'est passé. Le discours a heurté les centristes, et la pratique n'a pas satisfait la marge droitière de l'électorat. Reste à savoir comment celle-ci accueillerait une Présidence François Hollande...

En même temps, Marine Le Pen a bien eu l'impact prédit. Elle garde le même ton agressif envers à peu près tout, mais n'a pas les mêmes casseroles que son père. Peut-être contrôle-t-elle mieux son expression. En même temps, il faut également reconnaître que sans le proclamer, le programme du Front National a évolué sur certains points qui étaient susceptibles d'effrayer des électeurs autrefois : par exemple, contrairement à l'époque de Jean-Marie Le Pen, il n'est plus question de mettre tous les étrangers dehors, mais seulement tous les sans papiers, et il est désormais indiqué qu'il y aura soit le rétablissement de la peine de mort, soit la perpétuité réelle, changeant fondamentalement la question. Au bout du compte, le FN est donc moins craint : ce n'est pas un parti fasciste doté d'une milice, les gens s'en rendent compte, il peut davantage être comparé à d'autres partis ultra-conservateurs en Europe qu'à la menace nazie. Voilà qui a probablement aidé à élargir son socle électoral.

Au final, il reste que le Front National est considérée comme la principale alternative aux deux grands partis, plutôt que les communistes en tous genres et les centristes. Cela a forcément une influence. François Hollande a ainsi déclaré vouloir récupérer ces voix, ce qui n'a semble-t-il gêné personne, alors que c'était jusqu'à présent l'un des principaux reproches faits à Nicolas Sarkozy. Le vote FN, c'est principalement un vote contre l'immigration, la mondialisation, la construction européenne, le laxisme en matière de sécurité... Comme sur tous les sujets, il faut à chaque fois trouver le bon dosage. Le PS et l'UMP ne sauraient aller jusqu'aux positions du FN sur ces points. Mais ils doivent au moins comprendre que ces thèmes préoccupent beaucoup de gens, et apporter des solutions convaincantes pour y répondre. Après tout, on l'a vu en 2007, le vote FN n'a rien d'une fatalité.

mardi 24 avril 2012

Un éthylotest par véhicule, une obligation stupide

Par un décret datant du 28 février dernier, il est donc désormais d'avoir un éthylotest dans chaque véhicule. Pourquoi ? On ne sait pas. L'idée est probablement de combattre l'alcool au volant. Fort bien, mais alors, en quoi cette mesure va-t-elle dans la bonne direction ? Rien ne change aux limites de taux d'alcools dans le sang, et ce n'est pas avoir un éthylotest dans sa voiture qui change quoi que ce soit. On comprenait mieux l'obligation d'avoir un gilet de sécurité, puisqu'il devenait utile en cas d'accident : il s'agissait de le mettre le temps de poser la signalisation prévenant les véhicules suivant. L'éthylotest n'aidera pas vraiment le conducteur ivre, puisqu'il ne le dessaoulera pas, et ne le protégera en aucune façon. Ce n'est pas une espèce de paratonnerre à alcool. Le conducteur ivre fera comme avant : il s'abstiendra de conduire. Ou si c'est un conducteur inconscient, il reprendra le volant, sans toucher à l'éthylotest, soigneusement rangé dans sa boîte à gants.

Voilà le fond du problème : il n'y a aucune obligation liée à cet éthylotest, mise à part sa présence. Il relève donc du porte bonheur. Et si jamais un conducteur se décidait un jour à l'utiliser, pour être sûr qu'il est en dessous de la limite légale, eh bien si le test s'avère négatif, il ne pourra pas prendre le volant quand même... puisqu'il n'aura plus d'éthylotest valide dans son véhicule. On marche sur la tête. Quand on sait qu'en plus, ces machins ont des dates de péremption, on comprend bien que ce décret ne servira en fin de compte qu'à une seule catégorie de personnes : les fabricants d'éthylotests.

L'éthylotest obligatoire, c'est à partir du 1er juillet, et la verbalisation pourra commencer le 1er novembre. Mais il y a fort à parier que devant une obligation aussi stupide, les forces de l'ordre préféreront se concentrer sur d'autres points lors d'un contrôle routier... comme faire souffler le conducteur dans un éthylotest qu'ils fourniront. C'est bien ça qui compte après tout.

dimanche 22 avril 2012

Allez Bayrou, la 4ème sera peut-être la bonne ! (?)

Le premier tour de l'élection présidentielle est passé, et l'on a eu droit aux traditionnels dialogues de sourds entre politiciens sur les plateaux télévisés. Pour tout ce beau monde, la politique continue comme si de rien n'était. On ne sait pas encore qui sera le Président de la République dans un mois, mais on connaît déjà les noms de huit personnes supplémentaires qui ne le seront pas. Parmi celles-ci, le cas de François Bayrou est le plus intéressant. Dans son esprit, cette troisième candidature aurait du être celle qui le consacrerait. Après tout, François Mitterrand et Jacques Chirac avaient été élus au bout de leur troisième tentative, et sa deuxième avait déjà eu beaucoup plus de succès que la première. Déjà qualifié du titre de perennial candidate (éternel candidat) par la presse anglo-saxonne, il a encore de la marge par rapport aux cinq défaites de Jean-Marie Le Pen, ou aux six candidatures successives d'Arlette Laguiller. Mais est-ce vraiment le chemin qu'il lui faut prendre ?

A vrai dire, François Bayrou peut difficilement passer la main. Contrairement aux autres partis où il y a toujours quelqu'un prêt à prendre la succession (et rapidement, si possible), François Bayrou n'a pas d'héritier potentiel. On peut même dire qu'il n'a pas grand monde autour de lui. Dans cette campagne, on a vu Marielle de Sarnez, son ombre, Philippe Douste-Blazy, revenant qui a perdu sa place à l'UMP, Robert Rochefort, l'ancien dirigeant du Credoc... C'est à peu près tout. Même ses anciens soutiens Corinne Lepage et Azouz Begag ont appelé à voter directement François Hollande. Aucun de ces noms est une personnalité politique d'avenir. Le MoDem, en tant que parti politique, est totalement dépendant de François Bayrou... et pour cause, puisqu'il a été construit ainsi.

Alors François Bayrou est-il condamné à rempiler ? Après tout, il peut peut-être encore penser que son destin se réalisera un jour, et la quatrième fois pourrait être la bonne. Il n'aura "que" 65 ans en 2017, le même âge que François Mitterrand en 1981. Mais les raisons de ses échecs précédents auront-elles disparues d'ici là ? Quand le centre est en vogue, il ne dépasse pas les 20 %, et quand les extrêmes sont élevés, il n'atteint pas la barre des 10 %. Cette année, il devrait être à peine plus haut que son score de 2002. Au bout d'un moment, un constat s'impose : son intuition d'un centre indépendant est une voie sans issue. Les Français n'ont pas montré vouloir sortir nettement d'un clivage gauche/droite.

Au final, l'"indépendance" du MoDem lui aura assuré de ne pas avoir d'assise locale, et de ne pas avoir d'influence au niveau national. Cela fait quinze ans maintenant que la parole de François Bayrou n'a pas compté quant à la gestion de la France, les électeurs les plus jeunes ne l'ont toujours connus que dans l'opposition. A quoi bon avoir les bonnes solutions si on ne les applique jamais ? Il ne peut pas rester l'éternel remplaçant, au maillot toujours propre, mais qui ne montre jamais rien. Il est temps pour lui d'essayer d'appliquer vraiment ses propositions, et pour filer la métaphore, cela passe par un jeu d'équipe, où ce ne sera pas forcément lui le capitaine. Certes, il lui faudrait pour cela reconnaître que sa tactique n'était pas la bonne, mais au vu des résultats, ce constat s'impose.

jeudi 19 avril 2012

Pour un second quinquennat de Nicolas Sarkozy

La campagne électorale du premier tour s'achève. Les professions de foi arrivent dans les boîtes aux lettres, et force est de constater qu'elles n'ont pas grand chose d'enthousiasmant. Elles sont pour la plupart profondément stupides et totalement déconnectées de la réalité, à croire qu'il suffit de claquer des doigts pour que tout aille mieux et que tout soit plus facile. Les plus navrantes sont évidemment celles du trio de candidats communistes, mais même chez Nicolas Dupont-Aignan, on trouve des choses comme "la gratuité du téléchargement sur internet". D'une manière générale, cette campagne électorale aura été parfaitement consternante, et cela, quelque soit le candidat. Néanmoins, c'est au peuple que revient la décision finale, et il lui faut choisir le Président des cinq prochaines années parmi dix noms.

Il y a de cela exactement un an, j'avais mentionné le fait qu'il n'y avait que trois personnes pour lesquelles je pouvais voter parmi les candidats potentiels. Il s'agissait de François Bayrou, Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy. Cela se confirme maintenant que l'on connait les candidats qui sont présents : Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon sont de dangereuses reliques d'un autre temps, perdus dans leur propre monde et coincés avec une doctrine qui n'a jamais fonctionné. Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen font de la construction européenne le bouc émissaire de nos propres échecs. Jacques Cheminade n'est pas plus pertinent aujourd'hui que lors de sa première candidature, il y a dix-sept ans. Eva Joly s'est montré parfaitement navrante dans cette campagne électorale, et à ce titre, représente bien son parti. Quant à François Hollande, non seulement son programme n'est en rien si raisonnable que l'on cherche à nous le faire croire, mais il n'a jamais montré avoir les qualités nécessaires pour occuper la fonction de Président de la République française. Au contraire.

Jean-Louis Borloo ne s'est pas présenté. Restent donc François Bayrou et Nicolas Sarkozy. Pendant cette campagne, François Bayrou a mis en avant deux axes importants : la nécessité de produire en France, et le rétablissement des comptes publics. Ce sont deux bonnes pistes, ce sont en effet des buts à atteindre. Malheureusement, il est resté flou ou peu convaincant sur la façon d'arriver à ces objectifs. Plus globalement, la rigueur budgétaire et l'engagement européen sont des principes importants traditionnellement défendus par le centre droit. Ils pourraient être davantage défendus dans la France d'aujourd'hui, mais le centre droit est justement divisé par la volonté de François Bayrou. En faisant une fixation sur l'Elysée, il se prive de toute influence politique. Son "indépendance" n'est en fin de compte pas utile pour le pays.

De son côté, Nicolas Sarkozy a clairement les qualités requises pour être chef de l'Etat. Toujours fiable dans les moments importants, son quinquennat aura vu plusieurs échecs, mais aussi un grand nombre de réussites. C'est d'ailleurs un hommage implicite : la gauche ne compte pas revenir sur la plupart de ses réformes. On peut regretter que les réformes n'aient pas été assez loin, notamment en matière de compétitivité des entreprises et sur la maîtrise de la dépense publique. Ce serait justement les grands chantier d'un second quinquennat. Voilà pourquoi la réélection de Nicolas Sarkozy est nécessaire.

mardi 17 avril 2012

En novembre, une élection exposant les divisions des Etats-Unis

Cela aura pris plusieurs mois, mais les primaires américaines ont finalement accouché d'un candidat pour novembre prochain : ce sera Mitt Romney. Certes, il n'a pas encore le nombre de délégués adéquats pour l'emporter, et deux autres personnes, Newt Gingrich et Ron Paul, sont encore officiellement dans la course. Mais Mitt Romney est désormais le seul à pouvoir remporter la Convention républicaine en Floride, et tout le parti se rallie derrière lui. Par rapport à ses adversaires, presque tous des seconds couteaux, il est étonnant que Mitt Romney ait mis tant de temps à l'emporter. Le fait est qu'il doit gérer la volte face entre gouverneur du Massachusetts, où il devait tenir des positions modérées, avec le rôle de champion des républicains, où il se doit d'adhérer à chacune des lubies de la droite américaine. Il lui a été reproché, comme il y a quatre ans, d'être inconstant sur ses positions, et il n'y a guère de doutes qu'il s'agira encore d'une ligne d'attaque de Barack Obama.

Mitt Romney sort affaibli des primaires, et ses chances sont très minces pour l'élection de novembre. Barack Obama a été un bon président, son charisme est intact, il a globalement remporté ses affrontements avec les républicains, et surtout, il y a le sentiment que le souffle de l'Histoire qui le soutient. Son grand projet d'autrefois était d'apporter du bipartisanisme à Washington, pour que démocrates et républicains se reparlent de nouveau, et travaillent ensemble pour améliorer l'Amérique. Seul problème : pour parler à deux, il faut être deux, et les républicains n'étaient pas disposés à s'accorder avec lui sur quoi que ce soit. Les institutions américaines favorisent désormais les blocages, et la vie politique est aussi bloquée que possible de nos jours.

Pour que Barack Obama perde cette élection, il faudra qu'il fasse de grosses erreurs. A priori, il y aura donc beaucoup moins de suspens qu'en 2008 (où le vrai enjeu se trouvait entre lui et Hillary Clinton), 2004 et 2000 (les élections "too close to call"). Mais ce que l'on pourra ressurgir pendant cette campagne, et qui pourrait être traité par les candidats, c'est cette division profonde qui coupe les Etats-Unis : les républicains sont plus à droite que jamais, alors que les démocrates s'affirment eux aussi de plus en plus à gauche. Les chaînes d'information en continu Fox News et MSNBC exposent à leur façon cette coupure, en faisant de l'information éditorialisée 24 heures sur 24. Les deux camps se haïssent, ne se parlent plus, et n'ont quasiment plus rien en commun. Certes, ils ont tous le même drapeau, mais on peine à voir une même nation. Comme cette division est parfois nettement marquée géographiquement suivant les Etats, on se dit que cela ressemble un peu aux divisions qui traversent les pays européens. Ici, la construction européenne en est considérablement plus compliquée, mais là-bas, c'est un pays entier qui n'est plus vraiment géré.

jeudi 12 avril 2012

Grève du coeur

Il y a une dizaine de jours, une greffe du cœur n'a pu être réalisée pour une raison ahurissante : la grève des contrôleurs aériens à l'aéroport de Metz-Nancy Lorraine. La fermeture de cet aéroport a en effet empêché les équipes médicales de faire l'aller-retour entre Nantes, où une patiente attendait ce nouveau cœur, et Metz, où se trouvait le corps de la donneuse. Pour la patiente, c'est une chance de survie de perdue, alors qu'elle avait été prevenue qu'une greffe était imminente. Pour la donneuse, c'est le gâchis de quelque chose qui aurait pu au moins donner un peu de sens à son décès. C'est tout simplement une tragédie, du type qui aurait pu être évité très facilement.

Ce n'est pas la première fois que la profession de contrôleur aérien fait polémique. On apprenait ainsi il y a quelques années que les contrôleurs aériens travaillaient beaucoup moins que le temps pour lequel ils étaient payés, s'arrangeant entre eux pour se donner des congés à tour de rôle. Cela peut influer sur leurs opérations, mais les compagnies aériennes ne souhaitent pas aborder le sujet afin d'éviter le risque d'une grève.

Les grèves, c'est le véritable pouvoir des contrôleurs aériens. Etant en mesure de paralyser l'ensemble du trafic aérien, leur capacité de nuisance est colossale pour tout un secteur, et permet leurs avantages hors normes actuels. Ils ne se privent pas de l'employer occasionnellement, ce qui pénalise entreprises et voyageurs. Les conséquences, comme on l'a vu dans cette dernière affaire, peuvent être de vie et de mort.

C'est en fait la même question pour tous les services d'intérêt général. Personne ne devrait avoir le droit de bloquer les transports, qu'ils soient routiers, ferroviaires ou aériens. S'il existe bien une concurrence entre compagnies aériennes, ce qui permettra à un voyageur de changer de compagnie si l'une fait grève, ce n'est pas le cas pour les aéroports. Généralement il y a un aéroport par ville, et même lorsqu'il y en a plusieurs, ils sont complémentaires et non en concurrence. Ce sont des équipements qui ont vocation à être utilisés en permanence, au service de l'intérêt général. Il est donc nécessaire qu'ils ne puissent être bloqués par une grève. Et ela implique bien sûr, comme pour tous les autres services d'intérêt général, de nouvelles mesures réglementant beaucoup plus strictement la possibilité de faire grève...

mardi 10 avril 2012

Comeback Kid

Les sondages, ça va, ça vient... On les lit pour deviner quel sera le résultat d'une élection, mais on oublie qu'il s'agit en fait d'une photographie de l'opinion à un moment donné, et que ces opinions peuvent changer continuellement, au dernier moment. Ainsi, pour chaque élection présidentielle, les variations ont été fortes au fur et à mesure des campagnes. Edouard Balladur et Lionel Jospin auraient été Présidents si l'élection avait eu lieu au moment des premiers sondages pour les élections présidentielles de 1995 et de 2002, mais il en a été autrement. En 2007, au départ, on s'attendait à un Jean-Marie Le Pen fort et à un François Bayrou faible, mais ce fut l'inverse qui se produisit finalement.

Pour cette campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy fut qualifié de mort avant même qu'elle n'ait commencé. Il y a peine quelques mois, les éditorialistes spéculaient sur la probabilité d'une qualification au second tour de Marine Le Pen à son détriment, son score au premier tour était qualifié de ridicule, et si par hasard il se qualifiait quand même pour le second tour, il se ferait battre par 62 % contre 38 % par François Hollande, le nouvel horizon indépassable de la France. Les journalistes, jamais mesurés, enchaînaient les unes sur la fin de l'ère Sarkozy, enterré avant même l'élection.

Ces derniers temps, l'ambiance a bien changé. Nicolas Sarkozy est désormais en tête des sondages du premier tour, et il réduit régulièrement son retard sur François Hollande au second. Celui-ci ne gagnerait plus que par 53 % désormais, d'après la plupart des instituts. Alors bien sûr, l'élection présidentielle n'est toujours pas jouée, dans un sens comme dans l'autre, et tout cela peut encore évoluer. Mais il y a au moins une chose que l'on a pu constater : Nicolas Sarkozy est bien loin de faire de la figuration dans cette campagne, il est l'un des deux candidats (avec Jean-Luc Mélenchon) autour desquels les énergies se rassemblent.

Un tel retour en force rappelle celui de Bill Clinton, lors des primaires démocrates à l'élection présidentielle américaine de 1992. Dans la primaire primordiale du New Hampshire, il avait au départ perdu beaucoup de terrain, et était considéré comme fini. Mais une campagne acharnée de sa part sur le terrain lui a permis de revenir petit à petit sur le devant de la scène, finissant deuxième, un bon résultat pour lui, considérant là d'où il partait. Il gagna alors le surnom de "Comeback Kid", symbolisant son retour gagnant. Certes, il n'avait pas gagné cette primaire, mais désormais, l'élan était de son côté, et il gagna finalement la nomination, puis l'élection. Il est encore trop tôt pour savoir si Nicolas Sarkozy remportera un second mandat, mais l'ambiance actuelle de la campagne présidentielle française est certainement marquée par une solidité de sa part bien plus forte que pronostiquée.

lundi 9 avril 2012

Haro sur les jeux vidéo d'occasion

Sur le marché des jeux vidéo, les éditeurs préparent une nouvelle évolution. Elle ne concerne pas du nouveau matériel, ou de nouveaux jeux, mais des limitations sur l'utilisation de ceux-ci. Jusqu'à présent, ils avaient déjà essayé de mettre en place des contraintes visant à limiter le piratage des jeux, à travers des codes, la vérification de la légitimité du jeu en se connectant sur le net ou divers autres mécanismes. Mais désormais, de plus en plus d'éditeurs veulent s'assurer que les joueurs jouent avec un jeu neuf, et non d'occasion.

Leur raisonnement est assez simple : un jeu vidéo coûte cher à produire, et demande donc de lourds investissements. Sur console HD, il nouveau jeu coûte 70 euros pour le tarif standard, bien plus que pour la génération de console précédente. A ce tarif là, de plus en plus de joueurs préfèrent attendre un peu, pour pouvoir acheter le jeu vidéo moins cher, en occasion. Seulement, si les magasins prospèrent en vendant tant les jeux neufs que d'occasion (dont la marge est encore plus importante vu les tarifs de rachat), les éditeurs ne gagnent rien du tout sur ces derniers. Cela les fait enrager que l'on puisse profiter légalement de leur travail, sans leur avoir donné de l'argent. D'où des limitations.

Un jeu a poussé la perfidie jusqu'à ne mettre qu'un seul emplacement de sauvegarde sur une cartouche, sans qu'il soit effaçable, nécessitant le rachat du jeu pour faire une deuxième partie. La plupart du temps, le jeu demande à être associé à une console précise, et refuse d'exploiter toutes ses fonctionnalités (notamment réseau) s'il est mis sur une autre console. Il faut alors le débloquer, ce qui nécessite de payer un droit spécial à l'éditeur du jeu. C'est un procédé scélérat, car il vise à déterminer l'usage que l'on fait du produit, et in fine à détruire le marché du jeu d'occasion.

D'un point de vue moral, c'est indéfendable. Le marché d'occasion a toujours existé, et ce, pour tous les biens. Vouloir que seul le neuf soit négocié est stupide, voire irresponsable. Les maçons demandent-ils que seules des logements neufs puissent être achetés ? Cela supposerait de démolir systématiquement une maison en cas de déménagement, pour en reconstruire une nouvelle à la place. Tout le monde se rend bien compte des raisons pour lesquelles c'est impossible. De même, exiger que seules des voitures neuves soient négociées n'a pas de sens : certes, ce serait probablement positif pour l'emploi dans chez les constructeurs, mais ce serait un énorme gâchis de ressources. Les constructeurs, eux, préfèrent produire des véhicules moins chers qui puissent concurrencer les voitures d'occasion plutôt que d'interdire le marché de seconde main (sur lequel ils sont présents eux aussi d'ailleurs).

Mais la lutte contre l'occasion est également une bêtise sur le plan économique. Les éditeurs de jeux vidéo ne semblent pas imaginer que le marché de l'occasion finance l'ensemble du secteur du jeu vidéo, de façon indirecte : quand l'acheteur d'un jeu neuf le revend, il dégage de nouvelles ressources qui lui permettront d'acheter plus facilement un jeu neuf. Le mécanisme permet de vendre le produit à chacun au prix juste. Neuf au prix fort pour les collectionneurs qui (s')investissent beaucoup dans ce loisir. Neuf mais à un prix supportable pour celui qui a revendu ses précédents jeux. Et d'occasion à un prix réduit pour celui qui est patient et est prêt à avoir un produit déjà un peu usé. Il pourra lui-même diminuer sa propre charge s'il revend à son tour ces jeux d'occasion.

Le principe n'est en rien différent de la finance : les entreprises émettent des actions pour se financer, et le financement ne vient en fait que lors de l'émission. La cotation vient du marché des actions de seconde main, où s'échangent des actions déjà émises. Sa nécessité est unanimement reconnue, car la possibilité de revendre ses actions facilite la décision d'achat lors de l'émission, et donc permet le financement d'entreprises par ricochet. Les éditeurs de jeu vidéo feraient bien de s'en rappeler, plutôt que d'essayer de rendre la vie difficile à leurs clients, même lorsqu'ils sont dans la légalité.

mercredi 4 avril 2012

Les commerces communautaires

Les années passent, et certains thèmes deviennent de plus en plus récurrents dans l'actualité. La question du hallal fut ainsi à nouveau posée récemment, le changement étant que cette fois, c'était en pleine campagne présidentielle. Certains diraient que c'est parce qu'il y a de plus en plus d'intolérance à ce sujet. D'autres répondraient que c'est parce que le phénomène est de plus important. Quoi qu'il en soit, pour les professionnels de l'agro-alimentaire, c'est désormais considéré comme une tendance en forte croissance, à ne pas négliger.

En tant que telle, la nourriture hallal n'a rien de nouveau. Les juifs ont un équivalent avec la nourriture casher, et ce depuis toujours. La seule évolution est donc dans sa prévalence, plus forte aujourd'hui. Cela entraîne des conséquences auxquelles nous n'étions pas préparées. C'est en fin de compte une question de choix. On sait bien qu'un musulman pratiquant ne mangera pas de porc. S'il souhaite ne manger que de la viande abattue selon les rites musulmans, cela complexifiera la tâche, et nécessitera une filière de distribution supplémentaire pour lui permettre ce choix. La question devient franchement épineuse quand on constate que dans certains quartiers, c'est la seule filière de distribution de la viande, il devient impossible pour les habitants non musulmans d'acheter une banale tranche de jambon.

Quand on en est là, c'est que la logique communautaire règne : une religion minoritaire sur l'ensemble du territoire s'avère très majoritaire sur ce quartier, ce qui distingue un "ghetto" d'un quartier où il y a une diversité de population. Ce sont des quartiers populaires dont les anciens commerces traditionnels ont disparu, ou bien se sont adaptés. Les commerces les plus vus sont les livreurs de pizza hallal, les boucheries hallal et les taxiphones (pour appeler les pays africains à bas prix). Quand le seul coiffeur est en plus spécialisé dans les coupes africaines, on peut se sentir isolé si l'on n'a pas ce genre de demandes.

Ce communautarisme aussi flagrant met mal à l'aise, quand la France a un modèle assimilationniste. Il y a par exemple plusieurs médias (magazines ou sites) qui s'adressent explicitement aux femmes noires. Ils ne sont pas forcément mal conçus au niveau de leur contenu, mais que dirait-on si un magazine déclarait avoir pour cible les femmes blanches ? Un tel manque d'universalité choquerait, et à juste titre. On s'en rend bien compte à la lecture, les femmes, quelles que soient leurs couleurs de peau, semblent avoir les mêmes interrogations, à la limite du cliché : comment réussir sa vie familiale et professionnelle, comment rester attractive, comment exceller dans l'art de vivre... Il n'y a que les apparences qui sont diverses, au bout du compte, la culture française est la même pour tous. Il est donc inutile de vouloir segmenter jusqu'à l'excès.

dimanche 1 avril 2012

La gauche mimolette

Plus que trois semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle, et François Hollande peine toujours à créer l'adhésion sur sa personne. Dans ses discours, il parle bien plus de Nicolas Sarkozy que de lui-même, et même s'il a adopté un ton vociférant dans les meetings, sa personnalité reste transparente. Sa biographie officielle sur son site internet n'a pas grand chose à raconter, et évite soigneusement les périodes de sa vie où il était prêt à se compromettre pour un coup politique. On voit surtout que François Hollande a passé sa vie à (mal) servir le Parti Socialiste, et non la France. C'est Ségolène Royal, qui le connaît bien, qui résumait en septembre dernier : "Le point faible de François Hollande, c'est l'inaction. Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu'il aurait réalisée en trente ans de vie politique ? Une seule ?" Lui-même n'a toujours pas trouvé de réponse.

Alors, François Hollande, aujourd'hui, qu'est-ce que c'est ? "La gauche molle", avait dit Martine Aubry. "Quand c'est flou, c'est qu'il y a loup" avait-elle également rappelé pour qualifier les positions de celui-ci. Il faut dire que bien qu'il en ait longtemps été le premier secrétaire, François Hollande n'a même pas réussi à gagner le respect du Parti Socialiste, n'y ayant convaincu personne. Laurent Fabius peine d'ailleurs à le défendre à la télévision, après l'avoir traité de "fraise des bois" par le passé. Sa désignation comme candidat est surtout révélatrice du manque de talents de premier plan au Parti Socialiste. Normalement, Dominique Strauss-Kahn aurait du être le candidat désigné, mais ses frasques l'ont mis hors course. Dans les six candidats à la primaire, Jean-Michel Baylet représentait une force trop faible, Arnaud Montebourg et Manuel Valls avaient des positions trop iconoclastes, la vacuité de Ségolène Royal était apparu au grand jour au cours des cinq dernières années, et Martine Aubry souffrait de son bilan des années Jospin. François Hollande, en ayant ni bilan, ni position affirmée, ni personnalité, n'avait pas les mêmes défauts que ses adversaires, son néant devenant son principal atout.

Le parcours d'apparatchik de François Hollande ne plaide pas en sa faveur. Sous sa direction, le Parti Socialiste a vu se développer les clientélismes et les corruptions locales, et il n'a soit pas voulu, soit pas pu y mettre un terme. Il rappelle en fait Guy Mollet, symbole de l'incompétence du temps de la IVème République. C'est à croire que l'on se trompe d'époque pour que ce soit à de nouveau d'actualité. La gauche hollandaise, c'est donc la gauche molle et molletiste... Pour la boutade, on serait donc tenté de l'appeler la "gauche mimolette", ce fromage du Nord parfois appelé... le "vieux Hollande" !

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