Le premier tour de la présidentielle est passée, et comme avant, la campagne électorale ne consiste qu'en invectives, accusations absurdes et délires de toutes sortes. Et si on regardait plutôt les faits, en observant les votes de ce premier tour, et leur évolution depuis le premier tour de la présidentielle de 2007 ? Ne serait-ce qu'en procédant par grands ensembles, même si cela simplifie forcément et élimine bien sûr tous les cas particuliers, on arrive à apprendre certaines choses. Par exemple, avec 828 345 voix, Eva Joly fait mieux que Dominique Voynet en 2007, qui n'en avait récolté que 576 666. Mais elle n'a tout de même pas de quoi se réjouir, sachant qu'à cette époque, José Bové s'était également présenté, et que "Europe Ecologie Les Verts" devaient justement représenter cette alliance de tous les "écologistes" de gauche. A cet égard, Eva Joly fait bien moins que l'addition des voix de Dominique Voynet et de José Bové.

Pour continuer sur les candidats de niche, Nicolas Dupont-Aignan fait également moins bien que le précédent candidat souverainiste, Philippe de Villiers, avec 643 907 voix contre 818 407. Cette déperdition n'a pas profité à Nicolas Sarkozy, qui par rapport à son score de 2007, auquel il faudrait rajouter les voix de Frédéric Nihous qui l'a soutenu cette année, perd 2 115 679 votes.

Le plus surprenant dans tout cela, c'est qu'au final, la droite a gagné des électeurs, alors même qu'il y avait plus de 800 000 suffrages exprimés de moins. En effet, les électeurs perdus par Nicolas Sarkozy et Nicolas Dupont-Aignan ne suffisent pas à expliquer le surplus d'électeurs de Marine Le Pen. Au final, c'est donc près de 300 000 électeurs que la droite en général compte de plus par rapport à 2007.

Bien évidemment, ils ne viennent pas de la gauche. Dans son ensemble, elle progresse elle-même de plus de 2,4 millions de voix. Les 772 593 électeurs gagnés par François Hollande par rapport à Ségolène Royal ne sont pas la plus grande progression. Elle revient à Jean-Luc Mélenchon, qui même lui attribuant les électeurs perdus par Philippe Poutou et Nathalie Artaud sur Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, gagne 1,9 millions d'électeurs qui n'étaient pas à l'extrême gauche auparavant. On voit donc à quel point les extrêmes ont le vent en poupe en France.

Mais alors, si la droite et la gauche gagnent tous deux des suffrages, alors que le nombre de votants a diminué, d'où viennent-ils ? L'analyse froide est cruelle pour François Bayrou et son MoDem, car c'est là que se trouve que se trouve la grande hémorragie. 3 544 997 voix de moins qu'en 2007, c'est moins d'un électeur sur deux qui est resté. C'est plus que la simple augmentation des bulletins blanc ou nuls, ainsi que des abstentionnistes. Certes, ces électeurs perdus n'ont probablement pas directement sauté vers les Fronts, National et De Gauche. Mais cela veut au minimum dire qu'il y a un mouvement global de "décentrage" des électeurs, chacun étant donc plus à droite ou à gauche qu'auparavant, se répercutant en cascade sur tout l'axe politique. Cela aura forcément des conséquences sur la politique française.