Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 29 septembre 2011

L'objet du courroux

Les blogueurs se prononcent sur les 10 choses qui les énervent. Dans mon cas, il y a en fin de compte beaucoup de choses qui, en définitive, ont tendance à me faire plutôt rire ou à me rendre triste, plutôt qu'à provoquer un énervement. Dans les points déjà évoqués, je peux me retrouver dans certains : le mot stigmatiser, les services clients kafkaïens, les parents démissionnaires... Mais les vrais sujets d'énervement peuvent se réduire à trois items :

- La CGT. Ou plutôt les syndicats favorables à la lutte des classes... dans les services publics. Du coup, cela implique évidemment Sud. C'est bien évidemment un non sens de base. Normalement, faire grève, c'est mettre en danger les profits des actionnaires pour faire pression et obtenir un meilleur partage de la valeur ajoutée. Dans les services d'intérêts généraux, monopoles d'Etat, il n'y a pas d'alternatives pour les clients en cas de grève, et pas de patronat sur qui faire pression. Il ne s'agit donc que de nuire à la collectivité par intérêt personnel. Ces syndicats n'ont jamais réussi à comprendre en quoi dégrader volontairement le service public pour "défendre le service public" pouvait être absurde.

- Les encapuchonnés. Certains les appellent également "sauvageons", ou bien d'autres termes. Ce sont des personnes qui arborent capuche et écharpe même lorsqu'il fait beau, et qui ont un respect tout à fait minimal pour les lois. Ils aiment brûler la voiture de leur voisin, faire du trafic de drogues, se réunir en nombre pour s'en prendre à des personnes plus faibles qu'eux... De temps à autres, des sociologues écrivent un papier sur eux pour expliquer qu'ils sont des victimes de la société. Il faudrait voir dans quel sens au juste. Après tout, c'est bien leur choix que d'avoir ce mode de vie éminemment répréhensible (mais bien peu réprimé). On pourrait néanmoins retourner à la question des parents démissionnaires, déjà évoqués plus haut.

- Et pour bien finir : les encapuchonnés de la CGT, plus connus sous la désignation pudique de Syndicat du Livre - CGT. Quand quelque chose leur déplait, ils n'hésitent pas à revêtir casques et cagoules, et à tout casser. Par leur monopole de fait, ils ont un pouvoir de vie ou de mort sur la quasi totalité de la presse française. Non seulement cela fait que les quotidiens français sont économiquement à genoux du fait d'une structure de coût insupportable, mais ils ne peuvent pas non plus publier des articles mettant en cause ce syndicat (sous peine de non parution). En cas d'apparition de structures concurrentes où il ne dominerait pas, le Syndicat du Livre essaiera d'user de violence. Voilà ce qui peut considérablement m'énerver.

lundi 26 septembre 2011

Le bon candidat socialiste : Manuel Valls

Dans les banlieues rouges, les sempiternelles affiches du PS collées sur les murs n'évoquent plus les thèmes habituels comme la fierté d'être à gauche, une quelconque réunion publique ou une exhortation à s'opposer au gouvernement inique. On y voit désormais le visage en gros plan de Martine Aubry, preuve que les socialistes ont commencé leur campagne électorale. Celle-ci reste interne pour l'instant, et les différentes factions s'opposent entre elles. Le programme étant censé être défini par le parti, les électeurs de la primaire devraient probablement déterminer leur vote sur la bonne tête du candidat. Mais vu la médiocrité du programme socialiste, on ne peut guère douter que le candidat désigné le remettra au placard, et en publiera un conforme à ses propres opinions, comme en 2007. Dans cette primaire, le profil de chaque candidat comptera donc. La primaire socialiste étant dans deux semaines, on peut se demander lequel des six candidats serait le meilleur pour être le prochain chef de l'Etat.

Voyons les un par un. La première secrétaire du PS, Martine Aubry, n'est présente dans cette compétition que parce que son allié d'autrefois, Dominique Strauss-Kahn, n'a pu se présenter pour cause de comportement très malvenu. Candidate malgré elle, elle ne s'était jamais préparée à cette fonction, et son parcours s'en ressent. Après avoir été l'architecte des 35 heures de sinistre mémoire, elle quitta le gouvernement Jospin pour prendre la mairie de Lille. Elle n'aura été députée que quelques jours en 1997 (puisque immédiatement nommée au gouvernement), elle est battue lors des législatives de 2002 et ne remettra plus les pieds dans l'hémicycle. On entendra plus parler d'elle pendant longtemps, avant qu'elle ne prenne la tête du PS (grâce à des irrégularité électorales, d'après Ségolène Royal). Elle est partisane d'une ligne politique bien à gauche, et à vrai dire, déconnectée des réalités économiques. Sa proposition hallucinante d'augmenter le budget de la culture de 50 % en est un exemple significatif.

La candidature de Ségolène Royal repose sur une seule question : "pourquoi pas moi ?" Elle ne comprend pas que la bonne question devrait plutôt être "pourquoi moi ?" Après s'être ridiculisée lors de la présidentielle de 2007, elle promettait "d'autres victoires", et fut ainsi une candidate permanente au cours des quatre dernières années. Les Français ont désormais appris à la connaître, et en conséquence, elle n'est plus soutenue que par une frange marginale du Parti Socialiste.

Dans cette primaire, Arnaud Montebourg fait figure de candidat le plus à gauche. Il a souvent voulu faire sa promotion personnelle en multipliant les coups d'éclats et en martelant ses lubies, comme le fut son idée de VIème République. Ardant opposant au cumul des mandats, il fit la preuve de son inconstance en devenant président de conseil général tout en restant député. S'il se verrait bien à l'Elysée, il se trouverait également tout à fait à sa place au poste de garde des Sceaux, lui qui voit presque tous les problèmes d'abord sous un angle juridique. Une bonne performance lors de la primaire devrait lui assurer cette promotion depuis si longtemps désirée en cas de victoire de la gauche.

François Hollande pensait qu'il serait le candidat socialiste à la présidentielle de 2007. Mais à sa grande surprise, bien que premier secrétaire du PS, personne ne pensa à lui. Du coup, il quitta ce poste et annonça à l'avance qu'il sera candidat pour 2012. Pour un présidentiable, son CV reste pourtant dramatiquement vide, et ses onze ans à la tête du PS ne lui auront permis que de démontrer son manque de leadership. Pour un chef de l'Etat potentiel, c'est embarrassant. Mais le fait qu'il n'ait jamais rien accompli se transforme désormais en un avantage, puisque personne ne peut lui reprocher sa politique passée. Il se repositionne désormais en candidat économiquement responsable, et peut remercier DSK de lui avoir laissé un espace par son détour par la case prison.

La participation de Jean-Michel Baylet à cette primaire reste anecdotique. Le président du Parti Radical de Gauche sait qu'il n'a aucune chance, n'étant lui-même pas une tête d'affiche. Le drame du PRG, c'est d'être constamment maltraité par le PS, son imposant allié. Faute de pouvoir de négociation, les places proposées aux personnalités radicales de gauche restent la portion congrue. En 2002, ils ont voulu faire pression sur le PS en présentant leur propre candidate, Christiane Taubira... et furent accusés d'avoir favorisé l'élimination de Lionel Jospin. En 2007, ils ne firent rien, et n'eurent rien. Participer à la primaire permet au PS de leur donner un peu de temps de parole, sans leur donner de places éligibles supplémentaires. Si Jean-Michel Baylet voulait avoir de l'influence, il ferait mieux de chercher à voir ce qu'il peut faire avec Jean-Louis Borloo...

Sur les six candidats, cinq n'apportent donc que des perspectives très limitées. Le dernier, Manuel Valls, est déjà plus enthousiasmant. En refusant le laxisme en matière de budget et de sécurité, il se rapproche du reste de la gauche européenne, et se démarque d'une gauche française fossilisée depuis plusieurs décennies. Son refus net d'une dépénalisation des drogues est également à mettre à son crédit, quand d'autres dans son parti sont plus sensibles aux vapeurs des narcotiques. Par le passé, il s'est également prononcé contre l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, estimant que cela accentuerait la "dilution de l'Union". Bien sûr, il a également quelques aspects négatifs. Il se prononça pour le "non" au TCE lors du référendum interne au PS (mais soutint le "oui" par la suite). Il ne peut se prévaloir d'aucune expérience gouvernementale. Mais en comparant avec ses concurrents dans cette primaire, il émerge quand même haut la main comme le meilleur candidat. Ses chances de dépasser le premier tour de la primaire socialiste ont beau être quasi nulles, il n'en reste pas moins celui dont il faut espérer la désignation.

dimanche 25 septembre 2011

La grammaire gauchiste

Vous l'avez peut-être vous-même remarqué. En lisant certains tracts ou certains sites, on rencontre des textes à la grammaire un peu curieuse. Les accords entre les mots n'y suivent pas les règles de grammaire du français. On pourrait soupçonner une ignorance de la part de leur auteur, mais il est plus probable que ces libertés prises avec notre langue soit volontaires. Pour se rendre compte facilement de quoi il s'agit, voici quelques exemples : "les indigné(e)s", "les étudiant-e-s", "les révolté/e/s", "les instituteurs(trices)... Le principe est donc, pour les mots au pluriel pouvant être soit au masculin, soit au féminin, de ne pas choisir et de marquer les deux genres à la fois. C'est bien évidemment contraire à la grammaire française. Dès l'école primaire, on apprend ainsi que lorsqu'il y a un rassemblement comportant des êtres ou des objets des deux genres, il est adressé en utilisant les règles du masculin. Tout simplement car dans ce cas, le masculin assume un statut de neutre qui n'existe pas indépendamment.

C'est un principe de base du français, mais il est combattu. Les tracts et les sites en question ont tous quelque chose en commun mis à part leur grammaire déviante : leur coloration politique. Ils sont tous de gauche, et généralement, pas à moitié. Les textes subissant ce genre de traitement deviennent pénibles à lire mentalement, et à l'oral, on ne sait pas vraiment comment prononcer ces mots aux marques féminines hypothétiques. Mais pour les promoteurs d'un tel langage, le but est de féminiser le langage pour mettre fin à son horrible sexisme. La règle selon laquelle le masculin pluriel peut englober à la fois le masculin et le féminin est pour eux la preuve du sexisme du langage, qui conditionnerait les discriminations dont souffriraient les femmes.

Cette pensée est en soi assez drôle, car parfaitement ridicule. Pour commencer, on pourrait dire qu'il y a des mots féminins qui sont également sexistes, car n'acceptant pas de masculin. Par exemple, le mot tortue est féminin pour tout le monde, y compris les tortues mâles... Il n'y a pas de quoi crier au scandale. Ensuite, cette particularité de la langue française n'a aucune conséquence sur les schémas de pensées. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer avec les langues étrangères. L'anglais ne connaît pas d'accords en genre. En allemand, le pronom personnel de la troisième personne du pluriel est le même que celui de la troisième personne du singulier féminin. En japonais, il n'y d'accords ni en genre, ni au nombre, évitant cette complexité grammaticale (mais rendant plus flou le discours). Eh bien il est impossible de dire que dans les peuples utilisant ces trois langues, le sort des femmes soit significativement meilleur que chez les peuples francophones. Au Japon et en Allemagne, l'insertion des femmes dans la vie active est même moins importante qu'en France.

Les règles de grammaire ne jouent donc aucun rôle sur les différences hommes/femmes, et cette grammaire gauchiste n'est donc qu'un nouvel exemple de la volonté de ses promoteurs de prouver leurs indignations qui tournent à vide. En dehors des aspects purement littéraires, si chacun devient libre de respecter les règles de grammaire qu'il estime justifiées, alors on peut croire que de nombreux écoliers commenceraient par remettre en cause l'accord du participé passé avec le complément d'objet direct si celui-ci est placé avant l'auxiliaire avoir !

jeudi 22 septembre 2011

La non-adhésion palestinienne à l'ONU

Cette année, l'Assemblée générale de l'ONU voit se dérouler un débat sensible. Le Président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, souhaite que la Palestine soit admise comme pays à part entière à l'ONU. Il considère que le processus de paix n'a fait aucun progrès depuis des années, il a même reculé avec le retour de Benjamin Netanyahu au pouvoir en Israël, vu que celui-ci a permis le redémarrage de la colonisation. Cette demande palestinienne n'a aucune chance d'aboutir. Les Etats-Unis ont d'ores et déjà déclaré qu'ils y mettraient leur véto. Les Israéliens y sont hostiles, et l'Amérique les suit. Cela peut paraître paradoxal. En effet, quand on négociait la paix après la première guerre mondiale, les Etats-Unis défendaient avant tout le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Et après la seconde guerre mondiale, ils étaient très favorables aux décolonisations, étant eux-même une ancienne colonie.

Mais tout cela ne s'applique pas quand il s'agit d'Israël. Ce pays jouit d'un soutien important d'une grande partie de la classe politique américaine. Au début de son mandat, Barack Obama avait tenté de mener une politique plus équilibrée, mais il s'aperçut vite qu'il n'était pas capable de faire pression sur le Premier ministre israélien, celui-ci n'hésitant pas au besoin s'adresser au Congrès américain directement. Il y a peu, les démocrates ont perdu un siège qu'ils considéraient comme imperdable à la Chambre des représentants, et la politique pas assez pro-israélienne de l'administration Obama fut considérée comme la cause de cette défaite. Les candidats républicains à la Maison Blanche accusent déjà Barack Obama de ne pas assez soutenir Israël, leur "seul allié dans la région".

Barack Obama a donc cédé, et a tenu un discours classiquement pro-israélien à la tribune des Nations Unies. Cela met en péril sa vision d'une réconciliation entre l'Amérique et le monde arabe. De son côté, Mahmoud Abbas ne recule pas, et veut acter cette orientation américaine. Alors, la Palestine doit-elle être reconnue comme un Etat indépendant ? Eh bien on peine à trouver tant les arguments contre que les arguments pour. Quand Barack Obama justifie son véto en affirmant que ce n'est pas ça qui établira la paix, il donne un argument trop faible pour un geste si fort : si ça n'établit pas la paix, en quoi est-ce vraiment mauvais pour autant ?

Nicolas Sarkozy a proposé un statut d'observateur au sein de l'ONU à la Palestine, ce qui est une marche supplémentaire vers l'admission complète, ainsi qu'une reprise des négociations sans conditions préalables. Ces négociations seraient alors organisées par non seulement les Etats-Unis, mais aussi par les autres puissances mondiales. Mahmoud Abbas ne serait pas contre un tel chemin, mais les chances de succès sont là aussi particulièrement minces. Israël ne veut pas renoncer à la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem Est, et l'arbitre traditionnel américain est politiquement contraint de suivre les positions d'Israël. La Palestine, elle, n'accepte pas la colonisation. Il n'y a donc pas vraiment matière à discussion...

Comme l'année dernière, et comme toujours en fait, le pessimisme est donc de mise pour cette région. Avec les révolutions arabes, Israël se sent encore plus menacé, maintenant que le pays est confronté à des pouvoirs qu'il ne connait pas encore. L'adhésion de la Palestine à l'ONU aurait peut-être pu faire avancer les choses, mais elle n'arrivera pas. A vrai dire, c'est moins un travail de dialogue réciproque que les deux pays doivent prioritairement engager qu'un travail de réduction de leurs propres extrémismes.

mercredi 21 septembre 2011

Une prostitution d'Etat pour les handicapés

Dans le quotidien Libération de mercredi dernier fut publié un appel pour "l'assistance sexuelle des handicapés". Cet appel a généré des réactions dans la presse ou sur le net. L'appel commence par une question qui parait simple : "Accepteriez-vous une vie sans relation sexuelle, alors que vous en avez le désir ?" Mais voilà, cette question est d'emblée mal posée. En effet, dans une relation sexuelle, il ne faut pas qu'il y ait un désir personnel, mais deux désirs réciproques. La vraie question posée par cet appel est donc "souhaiteriez-vous que quelqu'un ait une relation sexuelle avec vous sans en avoir le désir ?".

En fait, cet appel repose sur une confusion assez fréquente sur le mot "droit". "L’accès à une vie affective et sexuelle constitue une liberté fondamentale et doit être un droit véritable et inaliénable pour tous", dit l'appel. Il y a un souvent un glissement entre "liberté" et "obligation d'avoir accès", alors que ce n'est pas la même chose. Le premier terme se réfère au droit, l'autre à une réalité pratique. Ce n'est pas parce qu'on est libre de faire quelque chose qu'on doit pouvoir exiger de le faire en dépit de notre situation personnelle. Par exemple, on est libre d'aller dans l'espace si on le souhaite (rien ne l'interdit), mais l'Etat ne doit pas être obligé de nous payer du tourisme spatial si on le souhaite et qu'on n'en a pas la possibilité par nos propres moyens. Cette confusion se retrouve de plus en plus souvent.

Il y a donc une liberté relative à la sexualité, mais pas un droit à la sexualité. L'Etat n'a pas à se préoccuper de la sexualité des gens, et les désirs sexuels des uns n'ont pas à s'imposer aux autres. En conséquence, une affirmation comme "Toute personne doit pouvoir recevoir l’assistance humaine éventuellement nécessaire à l’expression de sa sexualité" n'est pas valide. Et ici, il s'agit ni plus ni moins de prostitution, une prostitution d'Etat qui plus est. Le rôle de l'Etat est-il de se transformer en proxénète ?

La Sécurité Sociale n'a pas à financer la prostitution, et si des handicapées veulent recourir à des services de prostituées, ils le peuvent déjà comme tout le monde. Tout le concept de "droit à une vie sexuelle" est d'ailleurs faux, car cela supposerait que tous ceux qui n'en ont pas pourraient s'en prévaloir. On en n'aurait pas fini... Et d'une manière générale, il faudrait arrêter de penser que c'est forcément le rôle de l'Etat de tout prendre en charge, quelque soit le domaine.

mardi 20 septembre 2011

Supprimons le statut spécial des cheminots

D'après Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre en charge des transports entre autres, le statut des cheminots ne doit pas être un tabou. C'est ce qu'elle a récemment affirmé dans une interview au Parisien. Pour comprendre comment une chose aussi impensable a pu être prononcée par un ministre, il faut voir le mouvement général du transport ferroviaire : l'ouverture à la concurrence. Evidemment, en France où les syndicats de la SNCF sont tout puissants, cette ouverture à la concurrence se fait de façon aussi lente que possible. Cela a commencé il y a quelques années par le fret. Et cela fonctionne bien pour les concurrents de la SNCF. Vendredir dernier, on apprenait ainsi que le groupe automobile PSA allait quitter le service de fret de la SNCF en faveur de concurrents privés. Pour la SNCF, c'est l'un de ses plus gros contrats qui s'en allait. Il faut dire que le manque de fiabilité du fret de la SNCF, ravagé par les grèves, a des conséquences cruelles pour ses clients...

La deuxième étape de l'ouverture à la concurrence est le transport de voyageurs, mais en étant limité à l'international. Concrètement, il faut que ce soit des lignes entre la France et un autre pays, avec la moitié des voyageurs de cette ligne embarquant à l'étranger. Cela reste donc encore très succin. Mais pendant ce temps, la SNCF n'hésite pas à prendre l'initiative à l'étranger, enrageant ses concurrents internationaux : comme dans d'autres domaines tels que l'électricité, le monopole historique français peut attaquer les marchés étrangers alors que les entreprises étrangères ne peuvent attaquer le marché français. On ne voit pas très bien pour quelles raisons la France devrait être le seul pays à être condamné à vivre sous le joug d'un monopole d'Etat, où le corporatisme est plus important que le client.

Cela finira sans doute par changer un jour ou l'autre. Il est de toute façon prévu qu'à partir de 2019, les régions pourront confier la mission des transports ferroviaires régionaux les TER en premier lieu) à d'autres opérateurs que la SNCF. Il n'est évidemment pas dit que l'ensemble du trafic basculera du côté du privé à ce moment-là, mais si on peut déjà forcer la SNCF à améliorer la qualité de son service face à la menace d'un remplacement par un concurrent, ce sera déjà ça.

En dehors de la qualité de service, il y aurait également concurrence sur les prix. Et les nouveaux entrants, qui n'auraient pas à subir tout le fatras de la législation sociale des cheminots de la SNCF, auraient indéniablement un avantage de coût sensible. Et c'est pour protéger la SNCF que le gouvernement souhaite un cadre social unifié pour tous les cheminots, ceux de la SNCF comme ceux des nouveaux opérateurs. Cela provoque évidemment la colère de ceux-ci, qui se rendent alors compte qu'ils hériteront des mêmes handicaps que la SNCF. Il faut négocier, pour trouver un terrain d'entente pour tous. C'est ainsi qu'on en vient au raisonnement de Nathalie Kosciusko-Morizet sur la suppression du statut des cheminots, comme concession face au maintien de nombreux autres avantages, pour toute la profession.

La CGT a évidemment appelé à la grève en réaction à cette parole audacieuse. Mais la grève était de toute façon prévue avant, cela ne change donc rien, et en France, la SNCF fait grève par principe, quelles que soient les raisons. Pendant ce temps-là, la SNCF est lourdement déficitaire. Elle va certainement augmenter ses tarifs, sans chercher à faire des économies. Supprimer le statut des cheminots purement et simplement pourrait pourtant être une bonne direction pour en faire. Il existe d'ores et déjà de nombreux salariés de la SNCF qui sont embauchés avec un CDI ordinaire (notamment la plupart de ceux embauchés après avoir eu 30 ans). Ce deviendrait alors la norme pour tous. Et ce, en laissant les opérateurs privés embaucher selon leurs propres critères. Si la question n'est plus taboue, alors que l'on présente une telle possibilité.

dimanche 18 septembre 2011

Que s'est-il passé au Sofitel ?

Au 20 heures de ce soir, Claire Chazal accueille Dominique Strauss-Kahn pour une interview très attendue. La première question est simple et très importante : que s'est-il passé ce jour-là avec la femme de chambre dans sa suite du Sofitel de New York ? DSK ne répondra pas. Il donne des termes minutieusement choisis pour qualifier les événements, mais n'explique pas concrètement ce qu'il s'est passé selon lui. Il n'a pas voulu le faire devant la Justice non plus, et a combattu la perspective d'un procès. Donc on ne connait toujours pas sa version des faits. On saura toujours que selon lui, sa "faute morale" n'était pas une agression. Quant à savoir ce que c'était réellement... DSK brandit le rapport du procureur pour affirmer avec force son innocence, le présentant dans un jour qui lui est très favorable, bien plus qu'en réalité.

La suite se transforme rapidement en une séquence surréaliste, où DSK pleure très longuement sur son propre sort. Gare à tous ceux qui ont osé lui poser des problèmes. Les journalistes postés devant chez lui, l'hebdomadaire L'Express, la justice américaine, le possible complot par on ne sait qui... Son accusatrice est évidemment traitée comme si elle était une espèce de sorcière avide, dont il peine à comprendre les motivations. Pourtant, ce fut sa partenaire d'un jour, et ce n'était donc pas une relation tarifée. Il semble s'étonner qu'elle puisse lui reprocher cette "relation inappropriée". C'est la même chose dans l'affaire Banon : il dit ce qu'il n'y a pas eu, pas ce qu'il y a eu. Comment s'explique-t-il qu'il ait été accusé à plusieurs reprises d'agression sexuelle ? On ne le sait pas, mais ce sera toujours des mensonges.

Il dit avoir fait du mal à son épouse, Anne Sinclair, et s'en vouloir. De toute façon, ce n'était pas la première fois. Mais on sent que pour lui, ce n'est pas ça le vrai drame. Le vrai drame, c'est qu'on est venu l'embêter pour sa "légèreté" avec les femmes. Il comptait se présenter à la présidentielle, malgré sa promesse d'aller au bout de son mandat de directeur du FMI. Il ne pourra pas, et il le regrette. Son "rendez-vous avec les Français" est manqué, à croire qu'à travers lui, la France est la grande perdante de cette affaire. Pour essayer de nous le faire sentir, il a été négocié avec TF1 que des questions sur l'économie soient posées. Cela lui permet de dire quelques banalités sur la crise de la zone euro, affirmant qu'il faut "couper les pertes", sans préciser ce qu'il entend par là.

DSK n'a pas annoncé son retrait de la vie politique. Au vu de cette interview, il croit toujours qu'il pourra retrouver l'aura dont il bénéficiait auparavant, que par un malheureux timing, il a manqué la présidentielle, mais qu'il pourra toujours être utile. Pourtant, le doute est toujours très présent sur son attitude. ce qu'il a fait aujourd'hui était un exercice de communication, et non un témoignage, une confession, ou même une explication. Contrairement à ce qu'il croit, le rapport du procureur ne l'a pas blanchi, et ce n'est pas en le répétant sur tous les tons que cela deviendra vrai.

Dans cette affaire, il s'est en fin de compte passé ce qu'on nous avait dit qu'il se passerait. Face à une telle accusation, étayée par des traces ADN, sa seule porte de sortie était de mettre en cause la crédibilité de la plaignante. DSK a donc embauché des détectives pour trouver des éléments permettant d'affirmer que c'est une menteuse. Ce sont ces éléments qui ont joué dans la décision de ne pas aller au procès. Entouré de la meilleure équipe possible, DSK s'en est sorti. Un autre n'aurait pas eu les mêmes atouts en main. Aujourd'hui, c'est celle qui a dénoncé une agression sexuelle qui est traitée de tous les noms, et qui est l'objet de la colère de l'ex directeur du FMI.

C'est donc à nouveau la confrontation du pot de terre contre le pot de fer, décrite par La Fontaine en son temps. "Ne nous associons qu'avecque nos égaux. / Ou bien il nous faudra craindre / Le destin d'un de ces Pots." DSK s'en sort, mais il regrette plus ce qu'il manquera qu'il n'est heureux de s'en sortir. Dans la primaire socialiste actuelle, il aurait du être le meilleur candidat. Il l'était déjà en 2006. Mais ses problèmes récurrents avec la gent féminine aura constitué son principal défaut, et ce vice seul suffit à immerger toutes ses qualités.

mardi 13 septembre 2011

Evolution de la TNT : limitons les changements de normes

Le président du CSA, Michel Boyon, vient de rendre un rapport au Premier ministre sur l'avenir de la Télévision Numérique Terrestre (TNT). Deux multiplex vont être libres à l'arrêt de la diffusion analogique, la première question est de savoir qu'en faire. A l'origine, il était prévu que les grands groupes présents pourraient chacun lancer une nouvelle chaîne, mais cette disposition est remise en cause par la Commission Européenne. En même temps, toutes les chaînes actuelles ne peuvent être toutes diffusées en haute définition (HD) si l'on s'en tient à la norme de diffusion actuelle. Michel Boyon considère donc qu'il faut donc non seulement procéder à la généralisation de la norme de compression MPEG-4 (qui concerne actuellement les chaînes HD et les chaînes payantes), mais qu'il faut aussi en même temps procéder à un changement de norme de diffusion, pour passer au DVB-T2 au lieu du DVB-T. Concrètement, cela voudrait dire que d'ici quelques années, l'ensemble des Français devraient acheter à nouveau de nouveaux téléviseurs ou de nouveaux adaptateurs.

Michel Boyon est conscient de la colère que cela provoquerait chez les consommateurs : ils verraient qu'on les oblige à réinvestir régulièrement dans leur matériel, et se demanderaient à juste titre quand est-ce que cela prendrait fin. Surtout que le rapport n'exclue pas que par la suite, on doive changer à nouveau de norme de diffusion, pour passer du DVB-T2 au DVB-NGH, avec un nouveau changement de matériel à la clé. Mais il fait valoir que les Français ont l'habitude de changer régulièrement de téléviseur, donc ce n'est pas grave. Ainsi, on travaillerait directement pour l'obsolescence programmée du matériel : quand bien même un téléviseur ne tomberait pas en panne qu'il n'en resterait pas moins un produit jetable, au gré des changements arbitraires de normes. Pour le CSA, la priorité, c'est d'augmenter le nombre de chaînes, et d'augmenter le nombre de chaînes en HD.

Est-ce vraiment l'objectif à rechercher ? Il est en tout cas possible d'être plus serein, de moins agir dans la précipitation. C'est parce que le CSA n'arrive pas à voir à long terme que l'on se retrouve avec ces envies soudaines de changer de normes. Normalement, une norme doit être appelée à durer, et doit donc être solide. La première erreur est d'avoir choisi la norme de compression MPEG-2 pour lancer la TNT, tout en connaissant l'existence du MPEG-4, plus efficace en tous points. Le but était de diminuer les coûts des adaptateurs, mais s'il faut quand même en changer après coup, à quoi bon ?

Il aurait donc fallu lancer la TNT en MPEG-4 dès le départ, et également lancer moins de chaînes. Ainsi, elles auraient toutes pu être diffusées en HD sans problème. Si certaines chaînes ont trouvé leur public, on se demandent ce que d'autres font là. La Chaîne Parlementaire ne devrait pas avoir à supporter les énormes coûts de diffusion sur l'ensemble du territoire, et devrait se contenter du satellite et de la diffusion par le net. Alors que la TNT a été lancée il y a plus de six ans maintenant, certaines chaînes n'ont strictement aucune ambition en terme de contenus. Hier même, deux chaînes adjacentes (NT1 et NRJ12) diffusaient toutes les deux d'épouvantables navets américains avec Steven Seagal. Cela a de quoi alarmer... Il n'est pas forcément nécessaire de créer de nouvelles chaînes, surtout que le marché publicitaire n'est pas extensible à l'infini.

A l'heure actuelle, les revendeurs continuent de proposer des téléviseurs uniquement adaptés au MPEG-2, alors que la fin de cette norme de compression est déjà en vue. Ces ventes de matériels déjà condamnés continueront jusqu'au 1er décembre 2012... On voit donc que le CSA a mal fait son travail, et l'on doit alors rester circonspect sur ses nouvelles recommandations. Gardons à l'esprit qu'il n'y a aucune urgence, et prenons notre temps pour voir les normes de diffusions se stabiliser, quitte à "sauter" le DVB-T2. On peut exiger qu'un téléviseur ait une durée de vie d'une vingtaine d'années. En attendant, le nombre de chaînes peut rester stable, et les deux nouveaux multiplex peuvent être utilisés pour diffuser en HD les chaînes les plus importantes qui ne le sont pas encore (France 3, France 5, Direct 8, W9, TMC, France 4). Si les téléspectateurs sont prêts à payer plus pour avoir plus, libre à eux de s'abonner à des offres par satellite ou internet.

lundi 12 septembre 2011

La France et le génocide rwandais

La visite, aujourd'hui, du Président rwandais Paul Kagame peut laisser circonspect. L'Elysée, pour commencer, a montré bien peu d'enthousiasme à cette visite officielle. Elle était considérée comme nécessaire, pour renouer les relations diplomatiques avec ce petit pays africain. Les choses étaient devenues très compliquées quand, en novembre 2007, Paul Kagame avait ni plus ni moins accusé la France d'avoir participé au génocide qui toucha le Rwanda en 1994. Cette accusation n'est pas vraiment levée, et dès lors, on peut imaginer la gêne que provoque cette visite.

Pour comprendre cette accusation, il faut comprendre l'histoire du génocide rwandais, ainsi que la position de la France à ce moment là. Pour commencer, il faut remonter davantage en arrière. Pendant la colonisation belge du Rwanda, la minorité tutsie représentaient l'ethnie ou la classe dominante. Suite à la décolonisation, la majorité hutue prit le pouvoir, puis écarta et opprima les Tutsis. Nombreux sont ceux qui trouvèrent refuge dans l'Ouganda voisin. C'est depuis ce pays que les forces armées tutsies envahirent le Rwanda en 1990 sous la bannière du Front Patriotique Rwandais (FPR), déclenchant la guerre civile. A l'époque, Paul Kagame était l'un des fondateurs du FPR. Le gouvernement rwandais était parait-il soutenu par les pays francophones, quand les rebelles étaient plutôt soutenus par les pays anglophones. En 1993, des accords de paix sont signés entre belligérants.

Le 6 avril 1994, l'avion transportant les Présidents du Burundi et du Rwanda explose. Immédiatement après, il se déroule deux mouvements simultanés. D'un côté, les forces armées tutsis reprennent l'offensive depuis l'Ouganda et avancent vers la capitale, Kigali. De l'autre, les Hutus attaquent les civils tutsis et les massacrent. Mais pour le reste du monde, la situation fut d'abord très confuse. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder les journaux télévisés (de France 2) de l'époque, pour voir comment ils expliquaient la situation :
  • 7 avril : premier reportage en milieu de journal sur la mort des deux Présidents, des violences meurtrières à Kigali sont mentionnées
  • 8 avril : inquiétude sur les ressortissants français alors que les violences se poursuivent
  • 9 avril : le sujet fait la une du journal, mention d'une intervention française pour protéger leurs ressortissants, l'attaque des Tutsis est mentionnée
  • 10 avril : alors que l'OTAN intervient en Bosnie, les ressortissants français sont évacués, alors que des combats à l'arme lourde sont mentionnés à proximité de Kigali à l'aune de l'avancée des troupes tutsies venues du nord, ainsi que des "massacres inter-ethniques" de plusieurs milliers de personnes
  • 11 avril : les rebelles du FPR tutsi seraient entrés dans Kigali, le chiffre des victimes des massacres inter-ethniques allant croissant (10 000 morts dans Kigali seule)
  • 12 avril : fuite du gouvernement de Kigali devant l'arrivée du FPR, les tutsis sont décrits comme "chassés" lors d'exactions, le FPR demande le départ de tous les militaires étrangers dans les 60 heures
  • 13 avril : fuite des civiles de Kigali alors que les combats s'intensifient entre rebelles et forces pro-gouvernementales
  • 14 avril : départ des militaires étrangers, les Hutus craignent les représailles tutsies
  • 15 avril : l'ONU est décrite comme incapable d'appliquer les accords d'empêcher les massacres
Avec le recul, on se rend donc compte que pendant que les forces armées tutsies prennent le contrôle du pays, les Hutus procèdent à un génocide des civils tutsis. A la suite du retrait des forces étrangères, rien ne peut empêcher ces deux mouvements. Le 21 juin, la France demande une résolution de l'ONU pour intervenir au Rwanda, mais les Tutsis s'y opposent, partant du principe que l'armée française viendrait combattre le FPR au côté des Hutus. Les associations humanitaires sont contre aussi car elles considèrent que cela ne ferait qu'aggraver la situation. Cette intervention, prévue pour deux mois, est pourtant décrite comme humanitaire par la France, avec comme seul but de faire cesser toutes les violences. La résolution de l'ONU est votée le 22 juin. L'opération Turquoise menée par l'armée française commence alors.

Le génocide s'arrête au fur et à mesure que les Français se déploient sur le territoire rwandais. Les offensives des Tutsis sont également stoppées à la même période. Un gouvernement alliant Hutus et Tutsis est alors mis en place. Paul Kagame devient Président du Rwanda en 2000, après une période de transition. En novembre 2006, le juge français Jean-Louis Bruguière, en enquêtant sur la mort de trois Français se trouvant dans l'avion des deux Présidents, met en cause des proches du Paul Kagame, à sa grande fureur. C'est en réponse à ce qu'il considère être une attaque du gouvernement français qu'il accuse à son tour les forces françaises d'être impliquées dans le génocide.

Seulement, il n'y a rien pour étayer ses propos. Le reproche que l'on peut adresser à la France, comme au reste de la communauté internationale, est de ne pas s'être rendu compte assez vite de l'ampleur des massacres, et d'avoir soutenu le gouvernement rwandais dans la première partie de la guerre civile. Elle ne l'a plus soutenu par la suite, et les Hutus qui espéraient un soutien armé de la France n'ont rien eu, et ont donc perdu. A vrai dire, le vrai drame est que l'armée française ne soit pas intervenue plus tôt pour mettre fin aux violences. Cette erreur est partagée par le reste du monde. Bill Clinton l'évoque comme son plus grand regret, et ce souvenir encouragea Hillary Clinton à intervenir rapidement en Libye récemment.

Les accusations de Paul Kagame ne s'appuyaient donc sur rien. L'homme est lui-même bien loin d'être un enfant de cœur. Si son rôle au cours de la guerre civile ne suffisait pas, savoir qu'il fut réélu deux fois avec plus de 90 % des voix et qu'il combat activement la liberté d'expression au Rwanda permet de mieux cerner son profil : il s'agit bien d'un despote comme on en croise souvent en Afrique. L'ethnie du dictateur qui gouverne le Rwanda a changé, voilà la conclusion de la guerre. Qu'il y ait eu 800 000 morts pendant ce temps nous laisse horrifiés.

dimanche 11 septembre 2011

Inquiétudes allemandes

Parfois, on peut se dire qu'être politicien, c'est comme avoir comme mission de remplir le tonneau des Danaïdes. Quoi qu'ils fassent, ils ne rendront jamais parfaitement heureux les populations dont ils s'occupent. Quand ils règlent un souci, ils ne font que libérer de la place pour qu'un autre puisse prendre de l'importance. C'est ainsi qu'en France, dès que le chômage diminue, tout le monde commence à s'inquiéter du problème soudainement crucial du pouvoir d'achat. En Allemagne, c'est pareil. Le chômage qui a durement touché le pays jusque récemment est désormais en voie de résorption. Mais il ne faut pas croire qu'en conséquence, la popularité de la Chancelière allemande Angela Merkel soit au beau fixe. Non, sa situation politique semble difficile, car il lui est reproché sa gestion de la crise de l'euro. Et il s'avère en effet que pour les Allemands, le premier sujet d'inquiétude n'est plus le chômage, mais bien cette crise de l'euro.

Actuellement, l'Allemagne ne risque pas grand chose elle-même de la crise des dettes européennes. Et pour cause, elle a tout fait pour cela : le pays est géré sainement, l'économie est bonne et les déficits à peu près sous contrôle. Si l'Allemagne venait à être en danger, ce serait du fait d'un éventuel effondrement des pays les plus faibles de la zone euro, ce qui provoquera un choc économique dommageable pour tous. Mais paradoxalement, ce qui la contrarie, c'est justement sa bonne santé, qui fait qu'elle se voit comme victime d'un racket de la part de ces pays les plus fragiles. Les Allemands ne veulent plus qu'ils soient appelés à aider, par leur argent durement gagné, des pays qui ont jusqu'à présent trop laxiste. On peut le comprendre, même si c'est rester à une courte vue. Ils s'en plaignent auprès de leur gouvernement, qui répercute lui-même cette inquiétude au sein des instances européennes. Cela contribue à miner la confiance dans un prochain rétablissement, et donc engendre un cercle vicieux. Et alors les Allemands ont eux aussi l'impression d'essayer de remplir le tonneau des Danaïdes.

La façon de s'en sortir est peu claire. Certains proposent un saut fédéral, ce qui est en effet tout à fait envisageable, mais demande tout de même un certain niveau de soutien de la part des populations. D'autres considèrent qu'il faudrait commencer par régler les problèmes structurels des pays en piteux état. Ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Certains ne sont qu'attaqués de façon assez spéculative, alors que la Grèce a un vrai souci résultant d'années de tromperies. C'est toute une administration fiscale et une morale publique qu'il faut construire là-bas. La population grecque peut difficilement regimber si les autorités allemandes leur donnent des leçons, c'est bien le minimum. Quant à la population allemande, elle a certainement besoin d'être un peu plus sereine. Il y aura toujours un "plus grand sujet d'inquiétude", cela ne veut pas dire qu'il doive être pour autant un sujet de panique.

jeudi 8 septembre 2011

Le CV d'un présidentiable

L'ancienne candidate socialiste à la présidentielle Ségolène Royal vient de déclarer à propos de François Hollande, son ancien compagnon et lui-même candidat à la présidentielle : "Le point faible de François Hollande, c'est l'inaction. Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu'il aurait réalisée en trente ans de vie politique ? Une seule ?" Elle n'a pas tort. Depuis trente ans au PS, député pendant une vingtaine d'années, premier secrétaire du Parti Socialiste pendant onze, il ne peut se targuer de rien. A la tête du PS, il manqua cruellement d'autorité, transformant un poste de leadership en une farce. Alors que le PS avait pris position pour le oui au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen en 2005, il ne fit rien pour empêcher une partie de son partie faire campagne contre la position officielle. Il dut sa longévité qu'au fait qu'il représentait le plus petit dénominateur commun, ne représentant aucune menace pour les autres éléphants.

Il est tout de même préférable qu'un présidentiable ait un CV adéquat pour la fonction visée. On demandera ainsi aux candidats les plus importants qu'ils aient l'expérience nécessaire pour occuper un poste exécutif exigeant. Avant d'arriver à l'Elysée, Georges Pompidou fut Premier ministre, Valéry Giscard d'Estaing fut ministre des finances, François Mitterrand fut ministre de l'intérieur, puis de la justice, Jacques Chirac fut deux fois Premier ministre, et Nicolas Sarkozy fut ministre de l'intérieur, puis des finances. Chaque Président de la Ve République occupa donc des responsabilités éminentes avant de se présenter à la magistrature suprême. Cela a un double avantage : d'une part, de développer les compétences des personnes concernées, ensuite, pour l'électorat de pouvoir juger de sa performance à un poste à responsabilités.

A ce niveau-là, François Hollande n'a rien à présenter. Avoir été un mauvais premier secrétaire du Parti Socialiste ne parle pas non plus en sa faveur. Du reste, il n'est pas le seul dans cette situation. Arnaud Montebourg et Manuel Valls n'ont pas d'expérience ministérielle non plus. Et de fait, ils peinent à avoir la stature d'un présidentiable. Dans chaque pays, on demande certaines qualifications pour les candidats aux plus hautes responsabilités. Aux Etats-Unis par exemple, avoir été ou être gouverneur, sénateur ou vice-Président permet de rentrer dans le cercle des candidats potentiels. Au Royaume-Uni ou en Allemagne par exemple, être chef de parti suffit pour prendre la tête d'un gouvernement, mais avoir été ministre auparavant peut être un avantage pour arriver à cette position.

François Hollande a donc tout au plus la carrure d'un Premier ministre. A 57 ans, il réussit l'exploit d'apparaître comme une figure ancienne de la vie politique, sans pouvoir pour autant se prévaloir du moindre accomplissement. Si l'on veut vraiment un candidat inexpérimenté, autant en choisir un plus jeune et dynamique.

lundi 5 septembre 2011

Le retour de la théorie des dominos

L'une des raisons invoquées par les Etats-Unis pour combattre le régime marxiste nord-vietnamien dans les années 60 était illustrée par la théorie des dominos. Selon celle-ci, la propagation du communisme était contagieuse, et si on laissait le Vietnam devenir communiste, alors ce serait au tour des pays situés à proximité d'être sujets à la menace communiste. En Corée et au Vietnam, les Etats-Unis luttaient donc pour empêcher que toute l'Asie bascule dans le camp communiste. Si ce principe, énoncé pour la première fois dans les années 50, est facile à comprendre, il s'avère assez imprévisible dans les faits.

On l'a justement vu en premier lieu à la suite de la guerre du Vietnam. Malgré leurs efforts, les Etats-Unis ont bel et bien quitté le pays en laissant le Sud Vietman seul face aux communistes du Nord. Et comme anticipé, les communistes prirent rapidement le contrôle de tout le pays. Cette victoire fut rapidement suivi par le basculement dans le communisme des deux autres pays de l'ancienne Indochine, le Laos et le Cambodge. Pourtant, la chute des dominos s'arrêta là. La Thaïlande, directement voisine du Laos et du Cambodge, ne bascula jamais dans le communisme. Le roi y resta chef de l'Etat sans discontinuer pendant des décennies, pendant que la vie politique thaïlandaise alternait entre régimes démocratiques et régimes conservateurs militaires. On crut alors la théorie des dominos invalidée.

Mais lorsque le mur de Berlin tomba en 1989, c'est l'ensemble des pays du bloc soviétique qui souhaitèrent mettre fin à leurs régimes dictatoriaux et s'affranchir de la tutelle russe. Le mouvement, d'abord originaire de Pologne, se propagea rapidement et entraîna la fin du communisme en Hongrie, en RDA, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie et en Roumanie. Puis, ce fut l'URSS qui s'écroula, avec l'indépendance des pays dominés par la Russie... La concomitance de ces révolutions et leur proximité géographique permirent de ressortir la théorie des dominos du placard, pour constater qu'elle avait cette fois fonctionné, cette fois au bénéfice de la démocratie.

Désormais conscients que la théorie des dominos pouvait jouer en leur faveur, elle servit à nouveau de justification aux Etats-Unis pour leur intervention en Irak en 2003. L'idée de l'administration Bush était alors d'installer un régime démocratique à Bagdad, ce qui influerait sur les pays voisins. Ils souhaiteraient basculer à leur tour échapper au joug de leurs dictateurs respectifs, ce qui finirait par pacifier l'ensemble du Proche et du Moyen Orient. A posteriori, on ne peut que constater que ces espoirs ont été bien douchés, l'enthousiasme des Irakiens et la réussite de leur démocratie étant en premier lieu très relatifs.

Au moment où on l'attendait le moins, la théorie des dominos s'est à nouveau appliquée sans prévenir. Le succès de la surprenante révolution tunisienne, opérée par l'initiative de la seule population de ce pays, eut valeur d'exemple pour les autres pays arabes. C'est ainsi que le régime fut renversé par la population en Égypte, et que des mouvements similaires ont éclaté dans d'autres pays arabes, comme la Libye ou la Syrie. Après des mois de lutte, la Libye a finalement réussi à se débarrasser de son dictateur local. Mais il semble que les choses soient plus difficiles à chaque pays supplémentaires. Ainsi, à l'heure actuelle, les perspectives sont sombres pour les révoltés syriens. Et il n'y a pas grand chose à espérer en Iran.

La théorie des dominos est donc un concept pertinent. Si l'effet d'entrainement d'un pays sur un autre joue incontestablement, il ne faut pas pour autant négliger le droit des peuples à disposer d'eux mêmes. Ils sont les seuls légitimes pour mettre fin aux régimes qui les oppressent. Et c'est pour cela qu'il est inutile de prendre l'initiative à leur place, ou bien de les libérer sans qu'ils en montrent le désir.

dimanche 4 septembre 2011

Taxes et obésité

Le Premier ministre François Fillon a dévoilé un plan de réduction de déficits qui pour une fois, ne cherche pas à éviter pudiquement le mot "rigueur". Honnêtement, le grand tort d'un tel plan, c'est de ne pas avoir été mis en place plus tôt. Si les mesures du paquet fiscal reposaient sur des questions d'opportunités politiques (augmenter le pouvoir d'achat via la défiscalisation des heures supplémentaires par exemple), elles avaient l'inconvénient de ne pas être financées proprement. C'est déjà une première leçon à tirer pour la suite : arrêter de financer des mesures économiques par l'augmentation de la croissance qu'elles génèreront. Le procédé est trop incertain. Pour réduire les déficits, la première priorité du gouvernement est de cibler les niches fiscales. On a ainsi vu ces derniers jours une polémique sur le taux de TVA réduit dont bénéficient les parcs d'attraction. A ce propos, on peut déjà être surpris d'apprendre qu'une telle niche fiscale existait, sans qu'il y ait une véritable justification économique.

Mais dans la liste de mesures de François Fillon, celle qui a le plus fait parler d'elle est la taxe sur les sodas. Elle fut présentée autant comme une mesure de santé publique que comme une mesure de réduction des déficits. Mais le doute est permis. Pour ne pas plomber le pouvoir d'achat des ménages, elle devrait rester mesurée, ce qui signifierait des recettes modérées, et également peu d'incitations à un changement de consommation. En fait, la vraie question est de savoir si les sodas sont quelque chose de nuisible. Ce produit n'a rien à voir avec quelque chose comme la cigarette : il n'y a pas d'addiction physique au soda, et celui-ci n'a pas directement d'effets négatifs sur la santé. Le débat s'élargit alors sur la question de la lutte contre l'obésité.

S'il y a des différences morphologiques entre les individus, personne n'est prédisposé pour autant à l'obésité, qui dépasse la question du simple surpoids. Le secret d'un poids de forme n'en est justement pas un : il suffit de manger équilibré (et en quantité modérée), et d'avoir une activité physique régulière. Pour ceux qui l'ignoraient, la propagande intensive de l'INPES sur MangerBouger.fr permet de combler les manques d'informations. Cela ne coûte pas plus cher de manger équilibré que de manger n'importe quoi. Il s'agit seulement de se soucier de soi-même.

L'obésité est d'abord un problème de responsabilité individuelle. Si l'on en croît la frénésie entourant tel ou tel régime, les Français gardent le souci de ne pas être trop en surpoids. Un mode de vie sain est préférable à des cycles excès/régimes. Les Français échappent déjà aux plus grandes hérésies diététiques. Aux Etats-Unis, l'apparition cet été de bâtons de beurre fris en guise de snacks a laissé pantois de nombreuses personnes.

free hit counter