Réflexions en cours

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mercredi 30 juillet 2008

Des vacances financées par État pour tous les jeunes ?

Le député socialiste Régis Juanico vient de déposer un projet de loi visant à accorder des aides au départ en vacances pour les enfants, d'un montant minimal de 200 euros. Il existe déjà des mécanismes d'aides au départ en vacances, mais ce député explique dans le Figaro qu'elles sont insuffisantes, arguant que "les enfants de classe moyenne échappent complètement à ces dispositifs". Et les grands mots sont utilisés pour défendre cette nouvelle généreuse subvention : le fait que des enfants ne partent pas en vacances l'été chaque année est considéré comme "une injustice et une inégalité majeures dans notre pays". Il considère que le coût de sa proposition va de 600 à 800 millions d'euros, ce qu'il relativise en parlant de la loi TEPA qui aurait déjà été plus coûteuse que ça.

Difficile d'être plus démagogique que ce député. A-t-il entendu parler du déficit public français, qui alourdit chaque année la dette française et augmente la charge énorme des intérêts que doit payer l'État ? Celui-ci ne peut en aucun cas subventionner ce genre de mesures, et s'il avait vraiment par magie 800 millions à dépenser, il y aurait bien d'autres priorités bien plus importantes, telles que la justice ou l'enseignement supérieur. Vouloir donner des aides au départ en vacances aux enfants issus des classes moyennes est bel et bien une mesure digne du plus pesant des États providence, d'autant plus absurdes que ce sont justement les classes moyennes qui payent la plus grande partie de l'impôt sur le revenu en France (par leur nombre et le fait qu'elles soient imposables). Tout prélèvement fait dans le but de leur rendre ne peut qu'équivaloir à prendre des frais de gestions et à forcer les ménages à dépenser l'argent de la façon que l'État souhaite, et non selon leurs propres choix.

Si les Français peuvent compter sur d'importants congés payés, faut-il pour autant qu'ils soient obligés de partir en vacances ? Se conformer à une norme sociale n'est en rien résoudre une injustice, encore moins évidemment une injustice majeure. Ce serait probablement l'un des points les moins importants à prendre en compte. Offrir aux Français leurs loisirs relève de l'accessoire le plus complet, alors qu'il y a tellement plus à faire dans d'autre champs. En conséquence, cette mesure est marquée du sceau de la démagogie la plus insupportable.

A quand le droit à la Playstation 3 garanti par l'État pour tous les enfants ?

lundi 28 juillet 2008

L'anti parti

A la fin du mois de juin dernier, Olivier Besancenot a réuni des comités en vue de la formation d'un "Nouveau Parti Anticapitaliste". Celui-ci viserait à élargir la LCR au delà de ses seuls convaincus trotskistes qui forment ses rangs actuellement, mais la nature des personnes visées est encore floue actuellement. Il s'agit certainement d'une tentative de fusion de l'ensemble de l'extrême gauche, des écologistes gauchistes tels que José Bové et des mouvements anti-libéraux dans le sillage d'ATTAC. Or toutes ces personnes n'ont pas une véritable vision de ce qu'il faut mettre en place en termes de politique, ce qui rend difficile la mise en place d'un programme constructif. Par contre, elles s'accordent plus facilement sur ce qu'elles n'aiment pas, et c'est là où le nom actuel de ce parti en devenir prend son sens : il est "anticapitaliste". L'union se fait donc sur un rejet commun, et la doctrine commune devient la liste de toutes les haines indélébiles. L'extrême gauche n'aime pas l'extrême droite, la droite, la gauche (considérée comme étant de droite), les communistes (encore trop mous) et tout ce qui se rapproche du réformisme. Les valeurs promues sont dès lors toutes "anti".

Il n'est pas si étonnant que ça de voir un parti se construire uniquement sur un rejet, et non sur un projet alternatif. Tous ceux qui s'activent dans de tels cercles avaient bel et bien une autre solution à proposer, et il s'agissait du communisme. Leur communisme à eux était vu comme révolutionnaire, à la suite de Marx, Lénine, Staline, Trotsky, Mao et Che Guevara, alors qu'il était surtout dictatorial. Ce modèle est pourtant mort désormais, totalement déconsidéré, n'ayant plus une once de crédibilité depuis l'effondrement du bloc soviétique, ayant prouvé son inefficacité et son mépris structurel des libertés les plus fondamentales. Il n'est dès lors plus défendable un instant. Voilà maintenant 150 ans que Karl Marx est quotidiennement démenti par les faits, il est ainsi compréhensible qu'Olivier Besancenot préfère s'abriter derrière l'étendard du rejet de ce qui est place, plutôt que de continuer à défendre le nom "communiste".

Il n'en reste pas moins une incompréhension fondamentale : toute l'extrême gauche répète inlassablement qu'elle ne veut plus de la société actuelle, qu'un "autre monde est possible", mais n'explique jamais lequel. Les communistes des années 70 s'appuyaient sur deux jambes : d'une part une violence verbale (voire plus que verbale) incroyable envers l'ordre existant, d'autre part la défense d'une doctrine utopique aux résultats profondément cachés dans les pays l'ayant appliqués. Aujourd'hui, ils n'ont plus que leur vieille rhétorique accusatrice et bloquante, où ils se permettent de mettre en cause à satiété, sans jamais accepter de se poser des questions sur eux mêmes...

samedi 26 juillet 2008

Un projet lointain...

Il est très rare que je parle à la première personne dans les billets de ce blog. Ce fut le cas dans les trois premiers billets, mais l'impression de parler tout seul m'a rendu réticent à imprimer trop la marque de ma personne dans des propos qui ne me concernent pas directement, bien qu'ils soient largement subjectifs. Ce blog a désormais atteint les 300 billets et va sur ses trois ans, mais l'idée ne change pas : mes réflexions en cours sont avant tout des considérations que je m'expose à moi-même dans un processus de construction d'une pensée si possible solide et cohérente in fine. Dès lors, il se trouve que le lectorat est le bienvenu mais pas forcément obligatoire à l'achèvement de ce projet, tout du moins à ce stade. Ce blog fait néanmoins désormais parti du réseau LHC, où se trouvent d'autres blogs politiques aux lignes parfois sensiblement différentes de celle de celui-ci. Ce regroupement, à l'instar de tous les autres, vise humblement à faciliter la discussion. Voilà une ambition également respectable.

Pour ma part, je continuerai sur mon chemin, à évoquer l'Europe, les courants d'idée, certains faits marquants et pourquoi pas, proposer une nouvelle perspective.

jeudi 24 juillet 2008

Droite européenne : besoin d'une clarification

Le gouvernement travailliste de Gordown Brown est au plus bas dans les sondages. Si rien n'est jamais certain en matière d'élections à la venir, le conservateur David Cameron semble promis aujourd'hui à devenir Premier ministre aux prochaines élections générales en 2010. De nos jours, le parti conservateur britannique ne fait pas dans la dentelle en matière de construction européenne : les conservateurs rejettent à peu près tout nouveau projet de l'Union Européenne. Selon eux, l'Union a une vocation de zone de libre échange où est assurée la libre concurrence, le reste n'est vu que comme de la bureaucratie inutile et inefficace. Actuellement, les conservateurs britanniques souhaitent la mort du Traité de Lisbonne, tout comme ils voulaient la mort du Traité Constitutionnel Européen. Ils veulent faire le maximum pour le faire échouer, et sont déterminés à tout bloquer en Europe pour que la Grande Bretagne se libère de tous les traités qu'ils jugent inutiles.

Au Parlement Européen, les tories siègent dans le même groupe que la plupart des partis chrétiens démocrates, qui sont, eux, partisans de la construction européenne. François Bayrou en avait tiré sa conclusion en créant son propre groupe parlementaire et son propre parti politique européen, le Parti Démocrate Européen. Le parti conservateur britannique n'appartient pas vraiment au Parti Populaire Européen, qui est pro-européen, mais son association avec lui dans le même groupe parlementaire empêche un positionnement clair de la droite européenne.

Il est d'ailleurs triste de voir que la droite européenne est autant divisée sur la question de la construction européenne. L'euro-scepticisme exprimé par certains partis tourne parfois au nationalisme, et la haine contre l'Union Européenne fait se rapprocher malgré eux des partis comme les tories britanniques ou le parti polonais Droit et Justice de Lech Kaczynski. Le Parlement Européen a adopté récemment une règle interne pour y diminuer le nombre de groupes politiques. Cela ne doit pas forcément amener les groupes à accueillir des conceptions encore plus diverses, alors que c'est de convergences dont a besoin la politique européenne. Le Parti Populaire Européen devrait, pour bien faire, prendre son indépendance comme groupe politique, et forcer ses membres euro-sceptiques à rejoindre des groupes politiques authentiquement euro-sceptiques. Cela faciliterait les discussions parlementaires, ainsi que la compréhension des débats européens. Quant au cas britannique, on peut y regretter l'absence d'un parti de sensibilité "populaire"...

mardi 22 juillet 2008

Morne Congrès de Versailles

La réforme des institutions est passée à une voix au dessus du minimum des trois cinquièmes requis pour l'adoption lors du Congrès de Versailles d'hier. C'est déjà une surprise en soi, tant étaient nombreux les parlementaires de la majorité à affirmer qu'ils ne voteraient pas en sa faveur, et tant les parlementaires de l'opposition semblaient déterminé à la faire rejeter. C'est d'ailleurs paradoxal dans la mesure où cette réforme reprenait un grand nombre des demandes institutionnelles du Parti Socialiste, mais celui-ci a privilégié l'opposition systématique plutôt qu'un apport constructif, la réticence à laisser Nicolas Sarkozy faire aboutir une réforme quelle qu'elle soit l'ayant emporté. Jack Lang avait participé à l'élaboration du texte au sein de la commission Balladur, il ne pouvait honnêtement faire autre chose que l'approuver. C'est ce qu'il a fait, mais visiblement cela lui sera longtemps reproché par son propre camp. Cette opposition frontale et indifférenciée est d'ailleurs symptomatique du marasme intellectuel du PS.

C'est en fin de compte du côté de la majorité où les débats auront été les plus vifs. La mobilisation des parlementaires de l'UMP aura tenu pour une bonne partie par l'activisme du gouvernement pour les forcer à voter l'adoption, alors que les mécontentements étaient nombreux vis-à-vis du texte. Celui-ci, explicitement conçu pour faire plaisir à la gauche, était loin d'enchanter l'ensemble de la droite. Il n'est dès lors pas étonnant qu'elle renâcle. La réforme en question comporte d'ailleurs beaucoup de mesures accessoires, dont on aurait très bien pu se passer. Il y a même un point nuisible, l'article 88-5, qui vise à passer outre le référendum automatique auparavant prévu pour l'adhésion de nouveaux pays dans l'Union Européenne, une mesure clairement favorable à l'adhésion de la Turquie, pourtant combattue en théorie par l'UMP et le Président de la République.

Au final, il n'y avait pas de nécessité à changer la constitution. Et lorsqu'il est nécessaire de le faire, soit il faut le faire par référendum, soit il faut le faire via le parlement via un large consensus. Hier, il n'a été que de 60 %, avec un clivage très partisan, marqué par la politique politicienne. Cela n'en valait pas la peine.

dimanche 20 juillet 2008

L'esprit olympique perdu

Les Jeux Olympiques de Pékin débuteront dans moins de 20 jours maintenant. Ceux qui ont cru que la tenue des Jeux en Chine entraînerait une libéralisation du régime et un éveil démocratique se retrouvent gravement démentis par les faits. L'organisation des événements, la construction des infrastructures ou la préparation des athlètes ont été autant d'occasions pour les Chinois de prouver au monde entier que le gouvernement mettrai toujours en avant son intérêt d'Etat, une forme de nationalisme qui s'embarrasse peu des préoccupations populaires. Pour rendre Pékin présentable, tout est grossièrement caché, et la censure est plus que jamais à l'œuvre. A ce niveau-là, les spectateurs du monde entier seront traités comme la population locale, et ne pourra aucunement s'exprimer sur la politique. Quoi qu'il se passe, la conclusion pour l'Etat chinois sera que les Jeux se sont bien passés. Le black-out imposé sur le Tibet montre de quoi est capable ce régime pour appliquer sa volonté.

Le grand complice du régime chinois est bien sûr le Comité International Olympique, qui accepte tout dans une semblable volonté de voir les Jeux se dérouler sans anicroche et satisfaire ses généreux sponsors. Il est désormais prouvé que les valeurs olympiques ou même le souci de l'athlète ne sont que des préoccupations de façade pour cette institution, qui n'a plus désormais qu'un crédit relatif, celui d'un pur organisateur d'évènements lucratifs. Cela a au moins le mérite de la clarté. Pourtant, nombreux sont ceux qui croient encore à l'olympisme, une forme d'amour du sport qui n'a plus cours au sein du CIO. Pour ceux-là, plus qu'un spectacle sponsorisé, les Jeux Olympiques sont l'occasion d'une grande fête du sport, une communion planétaire autour du plaisir de se dépasser. Voilà pourquoi pour chaque édition des Jeux Olympiques, plusieurs pays sont candidats pour apporter cet esprit dans leur pays. Mais c'est le CIO qui décide, et ce sont les considérations financières qui priment, ainsi qu'une vision du monde très orientée. A ce titre, il est intéressant de noter qu'entre 1976 et 2012, les Jeux Olympiques se seront tenus neuf fois dans des pays anglo-saxons (quatre fois aux Etats-Unis, trois fois au Canada, une fois au Royaume-Uni et une fois en Australie), soit une fréquence d'une fois tous les quatre ans et demi, c'est presque une fois sur deux. Et les Etats-Unis sont à nouveau bien placés pour organiser les Jeux en 2016 ou 2018.

Le reste du monde doit donc se partager les rares occasions restantes. Il n'y a jamais eu de Jeux en Afrique ou en Amérique du Sud par exemple. Dans ce dernier cas, c'en est même troublant : un pays comme l'Argentine par exemple a les reins suffisamment solide pour accueillir les Jeux, ce qui a été prouvé par l'organisation d'un mondial de football, et est une vraie démocratie. Pourtant, elle n'a jamais été au devant de la scène. La France a fait bien des candidatures, à chaque fois reconnues comme de grande qualité, les dernières étant pour 2008 ou 2012. Elles ont pourtant à chaque fois été rejetée, en 2012, il a été préféré la force du "lobbyisme" du Royaume-Uni aux mérites du dossier, considéré comme le meilleur, présenté par Paris.

La France doit en tirer les conclusions, et plutôt que de se contenter de coller au mieux à l'esprit olympique traditionnel, doit privilégier le nouvel esprit olympique, celui des intérêts bien compris de chaque intervenant, de la manœuvre en coulisse et du contrat juteux. Vu qu'il ne semble pas possible que les Jeux d'été se déroulent deux fois de suite dans le même continent, il faut donc faire en sorte que les Jeux ne se déroulent pas en Europe avant la prochaine candidature française. Pour que ce laps de temps soit suffisamment long, il faudra donc laisser s'écouler deux olympiades pour porter une nouvelle candidature de Paris en 2024. De même, pour ne pas voir s'accuser de trop avoir les Jeux, il est hors de question de laisser s'organiser des Jeux d'hiver en France avant ceux d'été. Les quelques villes des Alpes qui souhaitent accueillir les Jeux devront attendre longtemps. La France pourra aussi veiller à accueillir plusieurs compétitions sportives internationales de toutes sortes dans les années 2010 pour montrer l'éclectisme de la France et ses capacités d'organisations (entendre "rendre des événements sportifs profitables") d'ici 2017, lorsque sera prise la décision pour 2024. Enfin, le Comité Olympique Français devra prendre ses responsabilités, et ne pas hésiter à négocier ses appuis dans le but d'en obtenir pour sa propre candidature. D'une manière générale, c'est un souci constant que la France doit avoir dans la défense de ses intérêts dès aujourd'hui, dans le but de l'accomplissement de sa volonté à terme.

La France est un pays de soixante millions d'habitants qui a recréé les Jeux à l'époque moderne, mais qui, en 2024, n'aura pas vu les Jeux Olympiques d'été se dérouler sur son territoire depuis un siècle. Le CIO représente une force hostile qu'il faudra surmonter pour permettre de redécouvrir d'y redécouvrir l'olympisme à ce moment là. Si la France échoue à nouveau malgré tout, elle pourra se poser la question de l'opportunité du maintien d'un tel consortium, et peut-être se consacrer définitivement à d'autres choses plus saines.

jeudi 17 juillet 2008

La fusion Gaz de France / Suez

Les actionnaires de Gaz de France et de Suez viennent d'approuver la fusion entre les deux entreprises. Le but annoncé est de créer un géant mondial de l'énergie. Mais pourquoi faire ? A l'origine, cette fusion semblait être improvisée par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, en faisant jouer à Gaz de France le rôle de chevalier blanc venant secourir Suez, en proie à une OPA inamicale du groupe italien Enel. Aujourd'hui, le nouveau prétexte est de créer le groupe le plus gros possible. Après avoir séparé Gaz de France et EDF, la pertinence de la taille d'une entreprise énergétique semble être variable. Et c'est surtout la question de la privatisation de Gaz de France qui fait débat. Lorsqu'il était ministre de l'économie, Nicolas Sarkozy s'était engagé à ce que l'Etat ne diminue pas sa participation à moins de 70 % du capital, après une première ouverture du capital. En toute logique, il n'aurait donc pas du laisser passer cette fusion qui, de facto, baisse le niveau de l'Etat à 35 % dans le capital du nouvel ensemble, maintenant qu'il est Président de la République. Et pourtant, il a donné son accord, marquant une renonciation flagrante à un engagement politique. C'est, en soi, déplorable.

C'est d'autant plus troublant que cela concerne un secteur actuellement sensible, celui de l'énergie, où les Français ne seraient pas contre un peu de volontarisme pour amoindrir un fardeau au poids croissant. Les prix du gaz ne cessent d'augmenter, la faute à une corrélation injustifiée avec les prix du pétrole, et les consommateurs français souffrent à cause de l'importance que prend ce poste budgétaire. L'énergie est l'un responsable de la baisse du pouvoir d'achat, et s'il n'est pas réaliste de sur-taxer les profits de Total, au moins pourrait-on faire en sorte que Gaz de France, entreprise sur laquelle la France a un levier, limite l'importance des hausses de tarifs. Et la première annonce faite à la suite de la constitution du groupe fusionné est le versement d'un dividende extraordinaire, laissant le sentiment fort que toutes ces hausses de prix sont en fait destinées à prélever l'argent des consommateurs au profit des actionnaires. Cette manœuvre apporte donc de l'eau au moulin de tous ceux qui dénoncent les méfaits du capitalisme, et c'était loin d'être souhaitable.

En somme, le pire c'est que les consommateurs n'ont pas le choix. Gaz de France, aujourd'hui fusionné avec Suez, garde largement le monopole de la distribution du gaz, créant ainsi un monopole privé sur un service essentiel. S'il est encore possible d'argumenter sur le mérite d'entreprises publiques pour assurer le service public dans un monopole, à condition que le service soit effectué avec efficacité, il est bien difficile de prôner la création d'un monopole privé dans un secteur aussi crucial. Et si l'on ajoute à cela le manquement à la parole politique, le déshonneur est complet.

lundi 14 juillet 2008

La base de la morale

La remise en cause de la religion par certaines figures des Lumières s'est transformé en un athéisme inédit à partir de la fin du XVIIIème siècle. Le refus de Dieu, de plus en plus souvent exprimé, et plus généralement le développement de l'agnosticisme ont bousculé les conventions sociales pourtant précédemment fermement établies. Des penseurs tels que John Locke pensaient auparavant que s'il fallait être tolérant et laisser toutes les religions s'exprimer, seul l'athéisme devait être refusé et combattu, en considérant que ceux qui ne croient en aucun dieu n'ont pas de référence morale. Dès lors, pourquoi accepter les règles de la vie en société lorsqu'aucune directive éminemment supérieure ne s'impose, n'est acceptée au fond de soi ? Celui qui ne croit en rien du tout n'accorde plus d'importance à rien, et se retrouve donc sans limite, sans interdit. Il peut représenter une menace potentielle pour la société. Il arrive parfois que l'on entende parler de ce genre de personnes aux actualités, dans le pire des cas lorsque des "déséquilibrés" armés commettent des massacres dans des écoles ou de quelconques lieux publics. Mais heureusement, de tels drames restent isolés.

Alors si Dieu est si fortement remis en cause, pourquoi la société ne s'est pas totalement transformée en une innommable anarchie ? Il s'avère que Dieu peut rester une énigme, une idée non contraignante, sans que cela empêche les hommes de croire en certaines valeurs importantes, des valeurs auxquelles ils adhèrent tellement qu'elle leur permet une vie en société apaisée en grande partie. On peut considérer que ce qui lie l'individu aux règles de la vie en société c'est la morale. Sans être forcément très érudit en philosophie, il peut être intéressant de retrouver quelques concepts pensés par Emmanuel Kant pour continuer cette réflexion. Celui-ci définit un impératif catégorique qui s'impose à tout homme : "Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen." Ici, Kant énonce le sentiment qui continue d'animer plus ou moins consciemment la plupart des gens, avec ou sans Dieu : l'humanité est la première priorité. Kant n'est absolument pas athée, il considère même l'existence de Dieu et de l'âme comme des postulats de la morale dans sa Critique de la raison pratique. Pourtant, l'humanisme qu'il défend en fin de compte peut s'en passer, à condition de croire en l'homme, et de se sentir sous l'inspection permanente de la morale.

En incitant chaque personne à suivre une conduite qui puisse être universalisable, Kant rappelle d'une certaine façon une formule qui est utilisée à juste titre dans l'éducation des plus jeunes : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse à toi même". Il élève seulement à l'humanité la référence finale. Kant pose comme postulat la liberté, car si l'homme n'avait pas de libre arbitre, il ne serait que le pantin des événements, sans responsabilité. Mais cette liberté d'action ne veut pas dire que l'homme doit faire tout ce qu'il est en mesure de faire. Il doit se fixer lui-même ses propres limites, pour que son action ne nuise pas à celle de son prochain, s'il considère l'humanité comme fin en soi.

On peut donc en déduire que c'est pour cela que chacun accepte de renoncer à une partie de sa liberté en se soumettant aux lois. Dans le cadre d'une démocratie, cette renonciation est d'ailleurs à relativiser dans la mesure où la volonté de chaque citoyen s'exprime dans le processus qui permet la conception de ces lois. A la base de la vie en société, la morale s'impose donc à chacun. Elle doit rester le principe fondateur.

vendredi 11 juillet 2008

Le message des référendums sur l'Europe

Le référendum organisé en Irlande sur le Traité de Lisbonne a été un échec. De nouvelles institutions ne peuvent être données à l'Union Européenne en l'état, consacrant ainsi le système actuel, où les pouvoirs sont déséquilibrés et qui est globalement peu efficace et pas assez démocratique. Si le Traité de Lisbonne était moins ambitieux que le Traité Constitutionnel, rejeté lui aussi par référendums en France et aux Pays-Bas il y a trois ans, il n'en a pas moins été rejeté. Immédiatement en France, ceux qui avaient souhaité la victoire du non en 2005 se sont réjouis, affirmant avec force que cette fois-ci il fallait tenir compte du message envoyé par les citoyens. Ce serait une bonne idée, si elle pouvait surmonter la question : quel message ?

Le débat irlandais sur la question a été d'un très faible niveau. Un point farfelu qui a été évoqué fut le fait que le Traité de Lisbonne obligerait l'Irlande a accepter l'avortement. Pourtant, sur des bases semblables les partisans du non en France affirment que les mêmes dispositions interdiraient l'avortement. Les euro-sceptiques anglo-saxons pointent du doigt une Europe qui introduit toujours plus de bureaucratie par ses réglementations, alors que les euro-sceptiques français conspuent une Europe trop libérale. Cette foire aux incohérences devient d'autant plus spectaculaire qu'en refusant le Traité de Lisbonne, les Irlandais obligent l'Europe à rester sur le Traité de Nice, qu'ils avaient également rejeté il fut un temps. Et en France, le seul argument intelligible (mais non pas pertinent) des euro-sceptiques portait sur l'inscription dans une constitution des politiques pratiquées par l'Union Européenne. Ce n'est plus le cas dans le Traité de Lisbonne, mais celui-ci est quand même conspué par les euro-sceptiques français, au motif qu'il est directement tiré du Traité Constitutionnel. Seule la partie sur les institutions, qui n'avait posé de problème à personne en 2005, en est directement tirée. Les acharnés de l'opposition à l'Union Européenne se découvrent donc pour la circonstance hostile à ces nouvelles institutions. Cette argumentation se noie dans l'absurde avec l'argument selon lequel il faut rejeter le Traité de Lisbonne parce que l'Europe actuelle n'est pas assez démocratique, alors que ce traité permet justement d'améliorer ce point.

Au final, il est difficile de se définir à la fois comme partisan de la construction européenne et hostile à ces nouveaux traités lorsque l'on voit dans les faits les effets de tels refus. La Pologne, par l'intermédiaire de son Président Lech Kaczynski, semble déjà déterminée à bloquer encore plus toute construction européenne, alors qu'elle avait déjà beaucoup nui à la solidité des institutions pensées dans le cadre du TCE lors de sa renégociation l'année dernière. Au Royaume-Uni, la perspective de voir des conservateurs partisans d'une Union Européenne minimaliste se rapproche à grands pas, comme une menace implacable sur l'Europe. Tout cela montre qu'il n'y a pas de message dans ces référendums perdus, les causes sont trop différentes, et elles sont surtout d'une rationalité bien variable.

Et s'il n'existe aucun message clair, le principal enseignement semble être celui-ci : les peuples d'Europe ne se sentent pas concernés par l'Union Européenne. Le point véritablement à noter en Irlande fut la force de l'abstention, montrant surtout que ceux qui ne comprenaient pas le débat ne préféraient pas s'exprimer. Cette attitude, au moins, a une certaine cohérence. Plus que jamais, la construction européenne a besoin d'être soutenue par la population, et cet élan populaire lui fait actuellement gravement défaut. Il faudra tirer les conséquences du manque de cet aspect politique dans le fonctionnement de l'Union Européenne. Mais aujourd'hui, l'urgence est bel et bien d'arriver à de nouvelles et meilleures institutions. Celles du Traité de Lisbonne peuvent justement donner la possibilité d'un tel élan populaire...

mardi 8 juillet 2008

Plébiscite forcé au MoDem

Dans le parti qu'il a créé, François Bayrou est contesté. Des sénateurs ou des députés européens s'expriment dans la presse pour raconter leurs doutes vis-à-vis de la stratégie suivie par le président du Mouvement Démocrate, le parti héritier de l'UDF, auquel ils appartenaient. Afin de mettre fin aux manœuvres dont il se sentait victime, François Bayrou a décidé de lancer une consultation à l'intérieur du Modem pour vérifier l'approbation de sa ligne politique par les militants. Il semble en fait qu'il n'y ait pas d'autre alternative. Thierry Cornillet, député européen du Modem qui regrettait la disparition de l'UDF, a renoncé à présenter sa propre motion, craignant une consultation verrouillée, au vue de l'absence de campagne et des conditions du scrutin. La suite semble le confirmer. Un militant, Eric Julliard, a voulu déposer sa propre contribution en vue du scrutin. Celle-ci fut refusée par les instances du Modem, pour un vice de procédure qui n'était codifié nul part. La direction du Modem a donc soigneusement veillé à ce qu'il n'y ait qu'une seule possibilité de vote pour cette consultation. La contribution rejetée n'était pourtant pas très éloignée des prises de position nationales de François Bayrou, sur le pluralisme et la démocratie. Mais le but de la consultation est bien de donner le score le plus éclatant possible au président du mouvement, et à ce titre, il ne saurait y avoir d'opposants.

Ce qui est troublant, c'est que le pluralisme réclamé par François Bayrou n'est pas appliqué dans son propre parti. Lorsque le pluralisme risque de lui être un tant soit peu défavorable, il devient "division", un facteur honni car le Modem doit donner l'image d'un profond mouvement populaire soutenant un destin de Président de la République. La consultation organisée apparaît donc sous son vrai visage, celui d'un plébiscite forcé, sans rapport avec un véritable mécanisme démocratique. C'est une tendance de fond au Modem : seul l'avis de François Bayrou est écouté et vénéré, quiconque n'est pas d'accord avec lui est immédiatement accusé de trahison, et les militants qui sont venus pour soutenir inconditionnellement François Bayrou souhaitent rapidement le départ des voix discordantes pour éviter tout risque de miner le parti de l'intérieur.

Les adhérents du Modem sont pour l'essentiel des personnes sincères et voulant un vrai changement en politique. Elles l'ont cru possible à travers François Bayrou, mais cet espoir si fort pousse parfois jusqu'à l'aveuglement, comme souvent dans ce genre de cas. Ceux qui se rendent compte des manquements graves par rapport aux principes prônés sont terriblement déçus, quittent le mouvement ou bien tentent désespérément de remettre leur espoir sur ce qu'ils pensent être le droit chemin. Ils font alors face à la majorité des militants, qui ont un rapport à la limite du messianisme envers François Bayrou. Celui-ci ne mérite pourtant pas une telle ferveur, dans la mesure où il fait quotidiennement le contraire de ce qu'il défend. Cela se voit dans ce rejet du pluralisme et dans son instrumentalisation des apparences démocratiques, mais aussi dans ses propres compromissions, comme l'oubli du refus du cumul des mandats lorsqu'il tente la conquête de la mairie de Pau (et échoue). Il évacue ses fautes en accusant inlassablement l'UMP et tous ceux qui le trahissent, vivant ainsi dans un quasi-délire, celui d'un homme en fait à la recherche d'un pouvoir qu'il serait seul à exercer.

Evidemment, ce genre de fonctionnement n'est pas une nouveauté en soi dans le monde politique. De tels mécanismes peuvent être vus au PS ou à l'UMP. Seulement le Modem avait précisément l'objectif d'en finir avec de telles histoires, d'apporter un vrai changement. Au fond, le changement apporté par François Bayrou a un goût bien particulier lorsque l'on constate qu'il ne fait que reprendre les vieux schémas si déconsidérés par tous.

samedi 5 juillet 2008

La rencontre Sarko-Obama

En septembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, rencontra le Président américain, George Bush, à la maison blanche. Ce dernier était, et reste d'ailleurs, une personnalité détestée en France pour l'ensemble de ses positions et de ses actes. Mais au delà de ça, c'était le rapprochement avec les Etats-Unis qui lui fut grandement reproché. Pendant la campagne électorale qui allait suivre, il fut accusé non seulement de vouloir faire les mêmes politiques que George Bush, mais aussi de voir le monde selon le prisme américain. Dans un pays réputé anti-américain comme la France, l'accusation pouvait être porteuse. Pendant ce temps-là, Ségolène Royal cherchait à organiser une rencontre médiatique avec Hillary Clinton, avec un double objectif : renforcer sa stature internationale et faire comprendre que l'accession des femmes aux plus hautes responsabilités politiques était une tendance mondiale. Cette fois-ci, c'est Hillary Clinton qui refusa la rencontre, de peur d'être associée à une personnalité si à gauche, et de plus dangereusement inconséquente.

Il était facile aux adversaires de Nicolas Sarkozy de s'en prendre à sa visite à George Bush, dans la mesure où celui-ci représente en quelque sorte l'incarnation de la droite américaine au pouvoir, une droite qui n'existe quasiment pas en France, et qui fait d'ailleurs peur. George Bush n'est d'ailleurs populaire dans aucun des pays de l'Europe occidentale. Mais à l'époque de cette visite, les médias ont totalement oublié de mentionner que George Bush ne fut pas la seule personne à qui Nicolas Sarkozy rendit visite. Il rencontra également Barack Obama, jeune sénateur américain, célèbre à la fois aux Etats-Unis et en France depuis son discours remarqué à la Convention démocrate de 2004. Depuis, Barack Obama s'est lancé dans sa propre campagne présidentielle. Sa jeunesse, sa nouveauté physique, son éloquence, son rejet de la guerre en Irak et son positionnement plus à gauche que Hillary Clinton pendant les primaire l'ont rendu populaire des deux côtés de l'Atlantique.

La France souhaite en fait unanimement ou presque la victoire d'un démocrate dans la course à la Maison Blanche. Mais les caractéristiques de Barack Obama le rendent particulièrement attractifs dans la mesure où il semble pouvoir s'accorder plus facilement avec les raisonnements tenus en Europe. Rares sont ceux qui critiqueraient Nicolas Sarkozy pour sa rencontre avec Barack Obama, s'ils en avaient eu la connaissance. Pourtant, Barack Obama, bien que relativement à gauche du parti démocrate, reste plus à droite que Nicolas Sarkozy, que ce soit en matière d'interventionnisme public (plus faible au final que dans le volontarisme sarkozyste) ou en termes de positions sur les sujets de société. Barack Obama s'est en effet exprimé pour un renforcement de la peine de mort ou pour le libre droit de détenir des armes à feu, deux choses inenvisageables en France. Si Barack Obama semble donc trancher avec les personnalités politiques américaines habituelles, son fond de proposition reste toujours conforme à ce qui acceptable dans le débat politique américain, et qui est souvent considéré comme hors de propos en France. Il faudra donc rester mesuré dans les appréciations visant à faire de Barack Obama un sauveur de gauche et de Nicolas Sarkozy un quasi-despote de droite, lorsque l'on compare leurs positions respectives.

mercredi 2 juillet 2008

Opération Campus

Le mauvais état global des universités françaises est un fait peu contestable. Le sujet se rapproche de la question de l'effort fait en matière de recherches et développement : il y a unanimité à reconnaître que l'investissement dans la recherche est nécessaire pour construire l'activité économique de demain, et la classe politique s'exprime avec constance pour que les dépenses en recherche et développement atteignent les 3 % du PIB. C'était l'un des engagements de Jacques Chirac en 2002, et aujourd'hui encore, c'est une proposition qui figure en bonne place dans les contributions des socialistes en préparation de leur prochain congrès. L'une des solutions du gouvernement pour renflouer les universités fut de prendre le parti-pris d'en privilégier quelques unes, pour que l'investissement soit plus conséquent. Le but est de créer quelques pôles universitaires d'excellence plutôt que de donner des miettes à tout le monde. Le financement est obtenu par la vente de 3 % du capital d'EDF (soit 5 milliards d'euros), une solution peu pérenne, mais envisageable dans le cadre d'une dépense d'investissement et non de fonctionnement. Ce plan, baptisé "Opération Campus", vise à réhabiliter les campus universitaires via un influx d'argent sur 10 projets déposés par les universités, si possibles regroupées pour permettre des projets transversaux.

A peu près toutes les universités ont été candidates, d'une manière ou d'une autre, attirées par la perspective de financements qui leur font cruellement défaut. Autour de chacune d'elle, les collectivités locales les ont encouragées dans ce processus, étant toujours attachées à l'idée d'avoir un pôle d'université à proximité. Mais il faut reconnaître que les universités ne sont pas égales entre elles, non seulement en terme de moyens, mais aussi en terme de résultats. Les diplômes, bien que nationaux et d'une même valeur théorique, ne sont pas de valeur égale dans les faits. Universitaires et personnalités politiques locales doivent accepter que des petites universités locales ne soient pas au niveau de grands pôles d'excellence. Il y a de la place pour une douzaine de ces pôles en France, mais cet effort financier ne sera pas encore suffisant pour mettre l'enseignement supérieur français au niveau des meilleurs mondiaux.

Pour bien il faudrait faire en sorte que les pôles de compétitivité correspondent à ces pôles universitaires d'excellence. Les pôles de compétitivité sont déjà liés à la recherche universitaire, mais ils sont trop nombreux pour bénéficier d'un financement conséquent chacun. L'idée serait donc de faire coïncider les deux mouvements. Les partenariats avec le secteur privé devraient pouvoir être envisagés sans immédiatement soulever des soupçons irrationnels de privatisation de l'université. Les difficultés dans la mise en place de nouvelles gouvernances dans des universités devenues autonomes illustrent d'ailleurs une politisation forte qui nuit grandement à l'efficacité de leur gestion. Enfin, comment vouloir des pôles universitaires d'excellence s'il n'y a aucune sélection à l'entrée des facultés ? Celles-ci se trouvent condamnées à gérer les conséquences de nombreuses erreurs d'orientations et d'échecs de la part des étudiants. Cette sélection à l'entrée avait pourtant évoquée par Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, en 2007. Les immobilismes de la part des étudiants ont empêché cela. Si l'Opération Campus va donc dans la bonne direction, elle doit donc être accompagnée d'autres mesures fortes sous peine de n'être qu'un pansement temporaire.

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