Réflexions en cours

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vendredi 29 juin 2007

Quelle politique fiscale ?

Quelques jours après la formation du gouvernement, le nouveau ministre du budget (ou plutôt des "comptes publics") Eric Woerth s'est retrouvé dans une situation délicate. Il avait en effet annoncé que l'une des mesures annoncées par le candidat Nicolas Sarkozy, la déduction fiscale des intérêts des emprunts immobiliers ne serait effective que pour les achats de biens effectués depuis l'élection du nouveau Président. Cela entrait en contradiction avec le programme que ce dernier avait développé pour se faire élire, et dans la mesure où celui-ci compte tenir toutes ses promesses, son ministre a été désavoué. D'une manière générale, les différents ministres du gouvernement doivent accomplir les engagements du Président de la République, et la politique fiscale à mettre en place en représente une bonne partie. On peut s'interroger sur la politique fiscale la plus pertinente à mettre en oeuvre, mais le thème est extrêmement vaste, et peut s'assimiler à la question "quelle politique appliquer ?". Plutôt que de se laisser dépasser par l'ampleur de la question, on peut déjà commencer par examiner certains points.

La déduction des intérêts des emprunts immobiliers de la déclaration de revenus a été critiquée par certains économistes sur le fait que cette mesure augmenterait la demande immobilière, et favoriserait ainsi l'augmentation des prix des biens mis en vente. Cela peut paraître paradoxal : cela voudrait dire que pour faire baisser les prix et rendre les biens immobiliers accessibles à un plus grand nombre, il faudrait durcir les conditions du crédit. En poussant ce raisonnement à l'extrême, cela voudrait dire qu'il faudrait se réjouir de voir l'immobilier à un très faible prix alors que les conditions de paiement en serait très difficile. Pourtant, si l'on suit la théorie de l'offre et de la demande, une augmentation des prix immobiliers pousse à la construction de logements pour profiter des opportunités créées. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle les prix sont déjà élevés, et cela a des répercussions sur les ménages qui peuvent difficilement devenir propriétaire. Ils doivent pour cela s'endetter fortement sur de très longues durées. Cette pénurie immobilière a aussi des conséquences pour les locataires, qui ont parfois des difficultés à trouver des appartements à louer, pour des loyers évidemment toujours plus élevés. Dès lors, la non imposition des montants déboursés pour les intérêts des emprunts réalisés pour acheter un logement principal ne peut qu'être une bouffée d'oxygène bienvenue. Celle-ci n'est bien sûr pas suffisante, et doit être accompagnée d'une véritable politique de construction de logements, comme l'avait engagée Jean-Louis Borloo au quinquennat précédent.

La question de l'impôt sur la fortune se pose depuis longtemps pour la droite. Certains effets néfastes lui sont attribués, comme la fuite de personnes dont le seul tort aura été de réussir dans la vie. Mais sa suppression par Jacques Chirac pendant la cohabitation de 1986 à 1988 avait été impopulaire, et il apparaît difficile de revenir dessus. Pourtant il touche de plus en plus de personnes, non pas que le nombre de gens réellement fortunés ait vraiment augmenté, mais avec l'envolée des prix immobiliers certains propriétaires y deviennent assujettis du jour au lendemain. L'exemple des familles modestes habitant l'île de Ré depuis des décennies qui se retrouvent confrontées au fisc pour ne pas avoir versé l'impôt correspondant à leur fortune virtuelle en cas de revente. Car il s'agit d'un impôt sur la valeur, où chacun doit prendre conscience que son logement vaut davantage que le prix qu'il a acheté, et doit alors se déclarer fortuné au Trésor Public. Il est déjà étonnant que cet impôt soit sur le patrimoine et non sur les revenus qu'il procure. Un possession peut avoir de la valeur, mais ne pas dégager le moindre revenu. Dans une telle situation, l'imposé est justement condamné à être de moins en moins riche. Le fait que ce soit la valeur de marché qui soit prise en compte est également troublant : il serait plus juste que l'estimation se fasse sur la valeur d'achat plutôt que sur une valeur qui peut n'apparaître que comme virtuelle. Malgré les inconvénients de cet impôt, Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité y mettre fin. Il préfère que le bouclier fiscal soit rabaissé, c'est-à-dire que personne ne paie plus d'impôts que la moitié de ses revenus. La non prise en compte du domicile principal dans le calcul du patrimoine est également une possibilité d'évolution avancée.

Un autre sujet qui a fait polémique dernièrement est celui de la TVA sociale, jettée en pature dans l'entre deux tours des législatives. Le débat qui a suivi fût caricatural, alors que la question méritait d'être étudiée. L'idée est de faire basculer le coût des charges sociales du travail à la consommation. En théorie, les économies réalisées par les entreprises françaises sur les frais de productions leur permettent de prendre en charge le surcoût de TVA qui apparaîtrait. Au niveau des prix, le résultat serait ainsi neutre pour les consommateurs... pour les produits fabriqués en France. Les importations ont souvent déjà de faibles coûts du travail, et l'augmentation de la TVA serait alors une vraie charge supplémentaire. Néanmoins, les différentiels de prix sont tels que la variation ne doit pas être exagérée. La mesure redonnerait un léger avantage à l'industrie française, dans la mesure où celle-ci est actuellement fortement désavantagée dans la compétition internationale par ses forts coûts du travail. Et elle n'aurait certainement pas comme conséquence une baisse de cinq points de pouvoir d'achat, contrairement à ce qu'a affirmé une gauche aux abois pendant les législatives.

Enfin, le plus grand fer de lance de la politique fiscale de Nicolas Sarkozy est certainement la défiscalisation des revenus issus des heures supplémentaires, pour l'employé comme pour l'employeur. C'est la traduction en mesure concrète du slogan "Travailler plus pour gagner plus". Après des années où la réduction du temps de travail passait comme le paradigme de la marche vers le bonheur du travailleur considéré comme malheureux, ce changement de philosophie étonne. Evidemment, tous n'ont pas la possibilité de faire des heures supplémentaires. Mais lorsque la gauche dénonce le fait que le recours aux heures supplémentaires empêche des embauches, elle oublie le fait que c'est le travail qui crée la richesse, que celle-ci n'est pas un simple gateau à partager, mais qu'il est aussi possible de le faire grandir. En l'occurrence, cette mesure fiscale vise à favoriser le pouvoir d'achat des travailleurs sans se contempter d'une augmentation artificielle des minimums contrôlés par l'Etat, qui favorise l'inflation plus qu'elle n'est censée la rattrapper.

mercredi 27 juin 2007

Les présidentielles américaines de 2008

A peine les mid-terms elections étaient elles passées lors de l'automne dernier que le principal sujet de politique intérieure américaine devint la présidentielle suivante, devant se dérouler en novembre 2008. A environ un an et demi de l'échéance, la course commence à être déjà bien entamée. Avant les mid-terms, la question était déjà un sujet de spéculation. Dès qu'elles se furent achevées, elle ne relevat plus du tabou trop précoce, au contraire, alors que les journalistes ne se préoccuppaient plus que de cela. Les candidats ont alors commencé à suivre les étapes consacrées de la course. D'abord en lançant des comités exploratoires, pour préparer la candidature. Puis, les déclarations de candidatures se sont rapidement enchaînées au début de l'année 2007. L'idée est de pouvoir se lancer dans les nécessaires levées de fond pour pouvoir se constituer un trésor de guerre à utiliser pendant les étapes coûteuses des primaires, où des écrans publicitaires sont achetées dans les Etats clés. Ainsi, la principale mesure des avancées de chacun réside dans les déclarations trimestrielles de fundraising. Après tout, c'était de cette façon que Bill Clinton avait gagné les primaires en 1992 : en se concentrant d'abord massivement sur le fundraising, qui lui permettrais de ne pas être à sec au moment crucial par la suite. Mais cela n'est pas tout : il s'agit aussi de se constituer une base militante, de créer des têtes de pont dans les importants Etats de l'Iowa et du New Hampshire et de s'imposer parmi les candidats les plus en vus pour que l'on soit très reconnu de l'électorat. Plusieurs débats entre candidats de chaque camp ont déjà commencé sur les chaînes d'information américaines. A ce niveau de la course, certains candidats comme Al Gore ou Newt Gingrich peuvent encore y entrer. Tom Vilsack l'a déjà quittée après s'être lancé, faute de perspectives favorables. A l'automne, les candidats pourront commencer la campagne intensive dans les Etats dont les primaires arrivent le plus tôt. Au début de 2008, les candidats viables se détacheront nettement, et il n'en restera qu'un par parti dès le printemps. A partir de l'été commence la campagne entre républicains et démocrates.

Du côté de ces derniers, cela se joue actuellement d'abord entre Hillary Clinton et Barack Obama. L'ex-Première Dame est la favorite, mais elle a de très nombreux ennemis, tant du côté des anti-guerres que des républicains qui ne lui ont pas pardonné son plan de sécurité sociale de 1993. De son côté, Barack Obama s'est lancé, fort d'une grande popularité. Alors qu'il a la faveur des médias, il apparait pourtant jeune et surtout peu expérimenté pour une telle fonction. Ils sont suivis de John Edwards, l'ancien candidat à la vice-présidence qui tente une candidature anti-système et assez libérale, puis de Bill Richardson, le gouverneur du Nouveau Mexique qui lui a de l'expérience à revendre dans tous les domaines. Viennent enfin de nombreux petits candidats très respectables pour la plupart, mais aux chances limités. Ce sont par exemple les sénateurs Joe Biden et Christopher Dodd.

Chez les républicains, les primaires semblent se jouer actuellement entre trois candidats : John McCain, l'une des plus importantes figures du sénat depuis sa candidature remarquée en 2000, Rudy Giuliani l'ancien maire de New York au moment du 11 septembre 2001, et Mitt Romney, le gouverneur du Massachussets aux multiples succès personnels, mais qui attire la curiosité du fait qu'il est mormon. Après tout, son père avait également été candidat en son temps, mais la candidature de Mitt Romney apparait comme bien plus sérieuse, dans la mesure où ses performances en matière de fundraising sont particulièrement notables pour un relatif inconnu. Il a même déjà commencé à diffuser des publicités en sa faveur sur les chaînes du câble. Pendant ce temps, Rudy Giuliani bénéficie d'excellents sondages... s'il obtient l'investiture, ce qui n'est pas gagné vu ses positions assez libérales en matières de moeurs. Quant à John McCain, son soutien répété de la guerre et son âge l'handicapent fortement alors qu'il était autrefois considéré comme le favori. Il y a aussi Mike Huckabee, un enthousiaste gouverneur de l'Arkansas, comme le fût Bill Clinton en son temps... et il y a même un acteur de série télévisée, en la personne de Fred Thompson

Actuellement, au vu des difficultés de George Bush et de son popularité abyssale, les démocrates apparaissent comme ceux qui ont le plus de chance d'accéder à la Maison Blanche. Un ticket Hillary Clinton/Barack Obama pourraît être séduisant pour beaucoup, même si trop novateur. Il n'y a de toutes façons, et c'est une évidence, aucun candidat sans point faible. A la lumière de l'élection de 2004, on peut s'attendre à une campagne très dure, et chacun de ces points faibles sera exploité sans pitié au profit du camp adverse. Les Etats-Unis ont de toutes façons d'ores et déjà trop souffert de huit années de présidence de George Bush, et ce sera difficile de faire pire à vrai dire.

lundi 25 juin 2007

Les logiciels libres

Le poids de Microsoft dans le marché de l'informatique a aujourd'hui atteint un point terrifiant. Le succès de son système d'exploitation Windows et de sa suite de bureautique Office lui font des rentes colossales qui donnent à Microsoft une trésorerie inimaginable pour se lancer sur n'importe quel marché, et le conquérir à l'usure, pouvant supporter des pertes pendant de longues années, et n'hésitant pas à racheter les concurrents mieux implanter pour arriver à ses fins. Le marché des portails internet, des logiciels pour mobiles, des consoles de jeux vidéo ou les applications de messagerie instantané sont autant d'exemples de marchés attaqués de façon agressive. Le monopole de fait qu'a Microsoft sur plusieurs marchés lui donne les moyens de se créer de nouveaux monopoles dans d'autres. En théorie, les autorités de la concurrence sont censées empêcher cela. Mais aux Etats-Unis, la puissance de lobbying déployée par Microsoft a permis de noyer l'affaire. Et en Union Européenne, des poursuites ont été engagées, mais elles durent depuis si longtemps qu'elles n'ont plus de lien avec les enjeux actuels, et semblent bien peu efficaces vis-à-vis de l'armée d'avocats de l'entreprise de Seattle. Alors que le Commissariat à la concurrence intérieure est toujours paranoïaque envers de nombreux cas de concurrence perçue comme insuffisante, dans ce cas là, le plus grave, l'action se révèle être un échec complet.

Plutôt que de compter dessus, il vaut mieux se pencher sur la possibilité de créer une alternative aux produits de l'empire Microsoft. Quitte à se lancer dans la construction de champions nationaux, ou d'aider les petites entreprises qui essayent de s'attaquer à ce monopole. L'une des mesures proposées par Ségolène Royal dans son pacte présidentiel était de privilégier l'utilisation de logiciels libres dans les administrations. C'est en effet une bonne idée. Le fait qu'ils soient développés dans une grande mesure par des volontaires, ce qui diminue évidemment les frais de développement. Par ce biais, le nombre de développeurs est important, et la fiabilité de ces logiciels est éprouvée. Des entreprises peuvent se charger de commercialiser ces logiciels, ou d'en faire les finitions. Ce peut être un fer de lance intéressant pour créer une alternative. Ce qui peut favoriser une vraie compétition avec Microsoft est souhaitable, tant pour l'amélioration de la qualité des logiciels, que pour se sortir du contrôle omnipotent d'une seule entreprise. Ce doit donc être encouragé par l'action publique dans le cadre de la politique industrielle. C'est dans une certaine mesure le cas en France, puisqu'un pôle de compétitivité dans le domaine des logiciels libres a été créé en Ile-de-France, sous le nom d'Ouverture. Dans l'absolu, le but serait de créer toute une gamme de logiciels pouvant remplacer ceux de Microsoft. Mais pour faciliter leur adoption, l'idéal serait que la conversion entre les logiciels Microsoft se fasse très facilement. Il ne doit pas être difficile de faire des logiciels "génériques" pouvant prendre en charge les fichiers .doc ou .xls par exemple, se prenant en main de la même façon et ayant les mêmes effets.

Actuellement, les logiciels libres sont très performants, qu'il s'agisse de système d'exploitation, de suite bureautique ou de retouche d'image. Le navigateur Firefox commence même a être beaucoup utilisé. Mais pour qu'il y ait de vrais concurrents à Microsoft, il faudra que la base d'utilisateurs croisse de façon substantielle. Cela suppose donc de s'adapter aux besoins des utilisateurs, et donc qu'il y ait une compatibilité entre les logiciels libres et ceux issus de Microsoft. Au bout du compte, si l'on bénéficie des faibles prix et de la facilité de conversion, il peut être possible de créer des micro-ordinateurs de premiers prix, assurant largement la plupart des fonctions demandées par les consommateurs. Et ce d'autant plus que l'accroissement du nombre de fonctions et de capacités demandées à un ordinateur est moins important, vu le point où l'on en est arrivé. Cela peut populariser les logiciels libres, en même temps que de diminuer le coût représenté par le monopole Microsoft. De plus, cela peut créer de nouveaux emplois, et favoriser la croissance d'une branche industrielle. Autant de raisons qui poussent à l'encouragement dans ce domaine.

samedi 23 juin 2007

Malte débordée

Au cours du sommet européen qui vient de s'achever, une décision prise par le Conseil de l'Europe n'a pas attiré l'attention tellement elle était attendue : Malte et Chypre se sont vus accordés la possibilité d'adopter l'euro comme monnaie, ce qui sera fait le 1er janvier 2008. Ces deux îles de la Méditerrannée sont certes de tailles modestes, mais leurs économies sont fortes et leur engagement pro-européen constant. Lorsque l'on s'adresse à elles, on est sûr de ne pas faire face à des pays eurosceptiques enclins à bloquer la construction européenne. Le passage à l'euro est en fin de compte le symbole de cette volonté de s'accrocher à l'Europe. Mais malgré cette adhésion forte au projet européen, Malte ne se sent pas reconnu en retour, dans la mesure où l'île se sent bien peu aidée par les autres pays de l'Union Européenne dans un dossier qui les concerne pourtant également, et qui est devenu l'un des principaux sujets de débat des Maltais. La question de l'immigration clandestine se pose en effet avec force à Malte : de par sa proximité avec la Lybie, Malte se doit de recueillir les clandestins qui traversent par bateaux la Méditterrannée en espérant rejoindre les pays d'Europe continentale en raison de ses engagements envers les droits de l'homme. Seulement, l'afflux est tel que les centres d'accueil maltais ont rapidement été débordés, et le nombre d'immigrants a des répercussions démographiques visibles. Ainsi, ils représentent désormais l'équivalent de la moitié des naissances de l'île dans la croissance démographique, alors qu'elle n'est pas préparée pour cela. Il faut dire Malte est une île vraiment petite, et contrairement au Canaries qui envoient leurs immigrés dans la métropole espagnole, son territoire s'arrête à ses côtes.

Voilà pourquoi Malte demande l'aide du reste de l'Union Européenne pour prendre en charge une partie du problème avec elle. Il faut dire que la situation devient grave là bas, certains habitants parlant même d'"invasion", la vigueur du mouvement entraînant des sentiments xénophobes vis-à-vis des nouveaux venus imprévus. C'est ainqi que Malte souhaite que ses voisins européens accueillent eux aussi les clandestins qui arrivent à Malte. Bien évidemment, ces autres pays d'Europe sont très réticents à accueillir les clandestins de Malte, alors qu'ils ont déjà fort à faire avec ceux qui sont déjà sur leurs territoires. Malte regrette de ce fait le manque de solidarité envers elle. Pourtant il peut difficilement être question pour les autres pays d'Europe de régulariser les immigrants arrivés à Malte. Ce serait une prime à l'irrégularité, et de plus ce type de décisions est de nature à favoriser les tensions intérieures. Une autre demande de Malte est plus réalisable : accomplir des raccompagnements communs dans les pays d'origine.

Néanmoins, tous ces dilemmes ne sont que la conséquence d'un thème plus vaste, celui des migrations de l'Afrique vers l'Europe. Celles-ci sont difficiles, et leurs chances de succès sont limitées. Plutôt que de chercher de façon presque illusoire la fortune en Europe, la jeunesse africaine doit chercher à créer les conditions propices au développement sur son territoire. A l'heure actuelle, seule l'Afrique parait déséspérée et peu optimiste quant à sa faculté de se développer. Il n'y a pourtant aucune fatalité. Le continent souffre de plusieurs maux qui ne sont pas destinés à exister éternellement. Il est d'une part ravagé par les guerres. D'autre part, les pays d'Afrique sont nombreux à connaître des situations démographiques difficiles : la pyramide des âges est déséquilibrée par sa jeunesse, et les villes enflent au delà de toute raison. Des politiques peuvent être envisagées pour le progrès. Le tabou du contrôle des naissances doit ainsi être levé. Certes, cela implique des changements culturels importants, mais pour ceux qui sont prêts à risquer leur vie pour passer d'une misère à une autre, il faut mettre un tel courage dans ces domaines. Quant à Malte, l'île doit être soutenue dans la protection de ses frontières : après tout, les frontières de chaque pays forment les frontières de l'Europe.

jeudi 21 juin 2007

Refonder la droite

Après son échec aux dernières élections, la gauche retourne réflechir aux raisons de sa défaite. Des expressions comme "il faut refonder la gauche" refont leur apparition, pour signifier qu'elle a manqué quelque chose aux évolutions de la société, qu'elle n'est plus adaptée aux défis actuels. A vrai dire, c'est une évidence. La gauche ne peut plus continuer comme actuellement. La question se posait d'ailleurs dans les mêmes termes en 2002, après l'élimination directe de Lionel Jospin à l'élection présidentielle. Le jeu délicat des motions, des synthèses, des consultations internes qui font le quotidien du Parti Socialiste ont permis de ne rien refonder du tout, et la gauche en est au même point qu'il y a cinq ans. Cela n'a pu que jouer dans sa défaite. Alors que le PS lance le débat pour "réactualiser le logiciel" aux milieux d'amertumes et luttes de personnes, on peut penser que le moment le plus propice pour mener de telles réflexions est quand il n'est pas déjà trop tard. En l'occurrence, pour la droite, il peut être nécessaire de commencer dès maintenant la réflexion qui lui permettra de construire le projet de société de dans cinq ans. Le fait d'être majoritaire apporte un cadre opportunément serein pour penser la façon dont il faut bâtir un mouvement politique en forme pour 2012. Avant que les conflits personnels et les contingences quotidiennes reprennent le dessus, il y a une fenêtre pour mettre ses idées au clair.

Pour cela, plusieurs étapes peuvent être envisagées. D'abord, il s'agit de faire l'état des lieux de chacune des composantes qui forment la droite et le centre droit. Dans ce cadre il est difficile d'ignorer les analyses de René Rémond en la matière. Il avait identifié trois courants qui cohabitaient au sein de la droite française, jusqu'à les appeler "les droites". Il s'agit des orléanistes, des bonapartistes et des légitimistes. Ces forces ont bien sûr évolué à travers le temps, mais ce ne sont plus les seules qui se situent de ce côté de l'échiquier politique désormais. A ce titre, les radicaux ou les chrétiens-démocrates forment désormais le centre droit, étant constamment rejetés à droite par l'apparition de nouveaux partis politiques d'extrème gauche. Une fois cet état des lieux, l'on pourra s'intéresser à ce qu'il se passe à l'étranger, où les mouvements politiques peuvent avoir des natures très différentes. Enfin certains traits du mouvement à construire pourront être tracés, en fonction des chantiers à mener. Il n'est donc pas trop tôt pour commencer la réflexion.

Photo : L'Express

mardi 19 juin 2007

La realpolitik de Kissinger

Dans son livre Diplomatie, Henry Kissinger retrace l'opposition qu'il perçoit à travers le temps entre une approche idéaliste de la diplomatie, et une approche réaliste. Sa thèse, en fin de compte, est plutôt simple : pour que la paix règne, il est illusoire de compter sur les grands principes moraux, ils poussent surtout à s'enferrer dans les situations les plus internables. Il est bien plus efficace en revanche de s'appouyer sur les intérêts de chaque nation, car ils permettent de trouver plus facilement des accords, ou plutôt des points d'équilibre. Le modèle de diplomate de Henry Kissinger s'appelle ainsi le prince de Metternich. Celui-ci représentait l'Autriche au Congrès de Vienne à la fin des guerres napoléoniennes, et il batit un équilibre des forces entre les puissances européennes tel que la paix fut sauvegardée pendant plusieurs décennies par la suite, ce qui relevait de l'exploit au vu des antagonismes qui séparaient chaque nation. Selon l'analyse de ce système faite par Henry Kissinger, l'équilibre des forces et la prédictabilité des intérêts nationaux étaient la clé de voute de raisonnements dissuadant chacun de se lancer dans la guerre, au vu des risques en terme de gains et de pertes. Ce n'est qu'avec Bismarck que cette logique fut vraiment brisée, laissant la porte ouverte aux nationalismes à travers l'Europe, et par leur biais, aux revendications absolues, idéalisées, éloignées du pragmatisme qui fait les succès diplomatiques.

Dans la politique étrangère américaine, Henry Kissinger loue Theodore Roosevelt pour ses visions internationales qui le classent justement du côté des réalistes, et met l'engagement des Etats-Unis dans la première guerre mondiale sur le compte de l'idéalisme de Woodrow Wilson. C'est ce même idéalisme qui serait à l'origine de la création de la Société des Nations, où est placé le concept de paix avant tout. Henry Kissinger semble méfiant envers de telles organisations, car cet idéalisme se révèle être un handicap lorsqu'il s'agit de négocier avec des puissances hostiles, comme l'a montré le déclenchement de la deuxième guerre mondiale. Il ne croit pas vraiment que l'on puisse s'appuyer sur un intérêt mondial, et préconise davantage de jouer sur les intérêts propres à chaque pays pour trouver un consensus. C'est à travers ce prisme que Henry Kissinger a conseillé Richard Nixon et Gerald Ford dans le domaine de la politique étrangère des Etats-Unis. Pour faire face au danger de la puissance soviétique, plutôt que de passer par la confrontation frontale, il a souhaité porter la lutte sur des théatres de combats d'importance relative, pour éviter l'expansion de l'influence russe. Il a surtout opéré le rapprochement avec la Chine communiste, et à ce titre le voyage de Richard Nixon à Pékin pour voir Mao Zedong est le modèle de coup diplomatique voulu par Henry Kissinger au nom de politiques réalistes. Le but des Etats-Unis était de limiter l'expansion russe, et pour cela, il fallait montrer à l'URSS qu'ils étaient prêts à faire face à toute menace provenant d'eux. C'est ainsi que l'équilibre des forces nucléaires est valorisée comme étant un élément qui a permis que la guerre ne se déclenche jamais. Il se trouvait aussi que la Chine et les Etats-Unis avaient des buts communs en voulant contrôler l'expansion soviétique. Le réalisme fût donc pour les Etats-Unis d'oublier que la Chine était communiste, que Mao était responsable de millions de morts, pour rétablir des relations diplomatiques entre les deux pays et laisser ainsi sous entendre qu'ils étaient des alliés implicites face à l'URSS. Dans le contexte de la guerre du Vietnam où les Viet-congs étaient soutenus par les soviétiques, cela comptait évidemment.

Seulement, pour que le modèle "réaliste" puisse fonctionner, il faut que chaque pays se montre raisonnable dans le calcul de ses espérances. De nos jours par exemple, il est quasiment impossible de négocier quoi que ce soit avec les islamistes, où même de trouver un modus vivendi implicite avec eux, lorsque ceux-ci sont obnubilés par des questions religieuses qui ne se posent qu'en des termes absolus. Il faut de toute façon être conscient que la realpolitik amène des relations diplomatiques où la tension est constante entre les pays, l'important étant de toujours rester dans des limites acceptables pour la survie même des entités. Et avec les technologies actuelles, les destructions vont vites. Enfin, la realpolitik peut facilement être qualifiée de cynique, dans le sens où les résultats comptent bien plus que les moyens, et que les résultats sont mesurés à l'aune de l'intérêt national plutôt qu'à une quelconque morale. Cela peut mener à tous les excès en terme de manipulations et de coups, si l'intérêt est présent et le risque calculé. Henry Kissinger est ainsi souvent accusé d'être à l'origine de nombreuses opérations moralement scandaleuses à travers le monde, qui n'eurent comme seul but de servir les intérêts américains. La plus célèbre d'entre elles étant bien sûr le coup d'Etat opéré par le Général Pinochet contre Salvador Allende, qui avait accedé au pouvoir au Chili de façon démocratique. Il reste néanmoins qu'une vision de l'ordre mondial fondée sur les intérêts nationaux de chacun et l'équilibre des forces entre chaque protagoniste demeure opérante dans les relations internationales.

lundi 18 juin 2007

La France d'après

Lors des élections législatives, les Français ont donné la majorité absolue des sièges de l'Assemblée Nationale à l'UMP, permettant ainsi au Président de la République Nicolas Sarkozy de pouvoir s'appuyer sur elle dans ses réformes, qui seront très certainement difficiles. Cela clôt une importante séquence d'élections, au cours de laquelle les pays s'est exprimé clairement dans la voie du changement proposé par Nicolas Sarkozy. Ces campagnes électorales furent difficiles, mais il faut bien être conscient que le plus dur commence aujourd'hui. Les réformes seront d'autant plus impopulaires qu'elles seront vastes. Alors que l'état de grâce a cours aujourd'hui, il ne faudra pas être surpris d'éventuelles défaites de la droite dans les diverses élections à venir. Cinq années lui ont été données pour accomplir son programme, mais celui-ci devra être appliqué au plus tôt, pour que les effets s'en fassent sentir rapidement. Ces cinq années devront être fortes, chargées et ambitieuses. A la fin de ces cinq années, la France ne devra plus être la même.

"La France d'après". C'était un slogan imaginé par un publicitaire proche de Nicolas Sarkozy lors de sa pré-campagne. On peut considérer les slogans pour ce qu'ils sont, c'est à dire des mots qui ne servent qu'à donner une apparence. Ici, cela ne dessert pas de donner une vision à celui-là. "La France d'après", c'est la France qui suit la "rupture" avec les pratiques précédentes. C'est la France où "tout devient possible" pour reprendre un autre slogan, c'est-à-dire où l'on est plus condamné à la fatalité. C'est la France qui devra être le résultat des politiques appliquées au cours des cinq prochaines années. Mais si le travail politique est important, et devra être surveillé, celui-ci n'est pas suffisant. "Ensemble", il faudra que nous nous attelions nous aussi à construire cette France rénovée. Il faudra donner à l'avenir une vision, instiller les graines des évolutions à venir. En voyant loin, c'est possible si l'on s'en donne la peine.

De toutes façons, en 2012, pour les personnalités politiques de droite, la situation sera très difficile. Il est déjà remarquable qu'elles aient réussies à être reconduites en 2007 : c'est la première fois qu'une majorité a été réélue depuis 1978, mettant à mal la croyance qui voulait que l'alternance soit systématique à chaque élection nationale. Cette fois-ci, la droite a réussi à conserver la majorité en présentant tout de même une certaine forme de rupture avec la continuité, avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, celui-ci promettant une méthode politique très différente de celle appliquée par Jacques Chirac. En 2012, ce ne sera plus possible. Le Président de la République aura été de droite depuis 17 ans, et Nicolas Sarkozy pourra difficilement proposer le changement par rapport à lui-même. Il ne lui reste alors qu'une seule solution pour pouvoir être réélu à ce moment là : réussir. Certes, il est fondamentalement impossible de réussir en tous points. Si le plein emploi est de retour, le débat portera sur le pouvoir d'achat. Si le pouvoir d'achat augmente pour tous, la question de la précarité sera posée. Dans les pays qui connaissent la prospérité économique, d'autres thèmes surgissent dans le débat et font l'objet de discussions virulentes. Pourtant, si aucune élection ne peut être gagnée d'avance, un excellent bilan est le meilleur fer de lance pour être reconduit. Il n'est toutefois pas suffisant. C'est pour cela qu'il est nécessaire que dès maintenant, l'on commence à réflechir à la vision qu'il faudra développer lors du prochain quinquennat. Cela doit s'allier au succès du mandat en cours, qui doit se traduire en résultats économiques, mais qui doit également donner lieu à un certain changement des mentalités. La tâche est colossale. Elle commence aujourd'hui.

vendredi 15 juin 2007

Le marché des droits à polluer

Depuis le 1er janvier 2005, un système de droits à polluer a été lancé en Europe. Chaque pays distribue des autorisations d'émissions de CO2 à l'industrie et aux producteurs d'électricité. Le mécanisme est censé les pousser à investir dans des procédés visant à réduire ces émissions, dans la mesure où s'ils n'utilisent pas tous leurs droits, ils peuvent les revendre dans une bourse d'échanges spéciale, et s'ils dépassent les autorisations reçues, ils doivent en racheter dans ce marché des droits à polluer. Le but est donc de faire jouer les mécanismes de l'offre et de la demande pour favoriser une baisse des émissions de CO2. D'une année à l'autre, les émissions sont censées diminuer, devant normalement rendre plus rares ces droits à polluer, et donc les rendre plus chers. La motivation grandit alors pour les entreprises de faire en sorte d'émettre moins de CO2. Avec la ratification du traité de Kyoto, l'ensemble des pays européens s'est engagé à diminuer de façon significatives ses émissions. Ce procédé est censé représenter la solution, vu qu'il concernerait la moitié environ des émetteurs de gaz carbonique.

Pourtant, cela ne fonctionne pas comme prévu. En effet, les droits distribués ont notablement dépassé les émissions constatées en 2005 et en 2006, et comme l'offre de droits à polluer dépassait la demande, leur cour s'est effondré, passant d'une vingtaine d'euros à ses débuts à un euro environ aujourd'hui. A ce prix là, aucune entreprise ne voit d'intérêt à investir pour réduire le niveau de ses émissions. Une explication est le fait que des hivers doux ont favorisé une baisse de la consommation d'électricité, et donc une moindre production à partir d'énergies fossiles, pour les pays qui dépendent largement de centrales thermiques. Une autre, plus convaincante, est que les gouvernements n'ont tout simplement pas voulu poser de problèmes aux industriels qui voyaient d'un mauvais oeil cette nouvelle source de dépenses. Les industriels français ont par exemple annoncé que s'il leur manquait des droits à polluer, ils n'en achèteraient pas à la bourse vu le coût trop élevé que ça représenterait. Cela se traduirait alors par une baisse de l'activité, tout simplement. Ils mettent également en avant que le plus simple moyen de respecter ces engagements est de fermer les usines dans l'Union Européenne pour les entreprises qui travaillent dans un milieu concurrentiel mondialisé (à l'inverse par exemple des cimentiers, qui sont tenus de rester physiquement proche des débouchés), pour les rouvrir dans des pays n'ayant aucune politique en matière d'environnement, où les coûts sont donc plus faibles.

Bref, les résultats ne sont pas probants, et d'une manière générale on peut s'interroger sur l'opportunité de confier au marché l'enjeu de l'environnement. Ne serait-ce que l'idée de vendre des droits à causer du tort laisse un goût amer, rappelant fortement le commerce des indulgences par l'Eglise en son temps : l'argent viendrait à bout de tous les torts. Les mérites de la main invisible en la matière restent à prouver. L'effet du mécanisme est tout simplement de renchérir l'émission de CO2, ce qui est à peu près l'effet d'une taxe, mais sans les revenus inhérents pour les gouvernements ou la Commission Européenne. La différence est que la vente de droits excédentaires est censé pousser les industriels à diminuer plus que prévu leurs émissions, pour pouvoir être récompensés en conséquence, tout cela, sans qu'il n'y ait de nouvelles administrations publiques pour s'occupper de cela.

Quoi qu'il en soit, on ne peut douter que dans une concurrence mondialisé, les entreprises soient peu enclines à faire face à de nouvelles charges qui ne se transforment pas en un avantage pour elles, et que certains de leurs concurrents ne connaissent pas. Alors qu'on parle de désindustrialisation des pays développés, la question pose problème. Surtout que si les émissions provenant de l'industrie et de la production d'énergie ont tendances à baisser en Europe, celles venant des transports augmentent fortement. Or les transports représentent déjà un quart des émissions européennes, ils ne sont pas soumis à ce mécanisme alors qu'eux ne subissent pas le même degré de concurrence : pour eux, la notion de marché intérieur a encore un sens. Enfin, on peut se demander sur le degré d'efficacité de telles mesures pour la planète alors que certains pays en développement (comme la Chine) sont bien loin de ces problématiques, quand leurs émissions sont considérables et en constante augmentation. L'idéal serait évidemment que le monde entier soit en concurrence sur les mêmes bases, et ne pas récompenser ceux qui se montrent les plus insouciants. Dans un étonnant reversement des rôles, voire dans un moment d'honnêteté cynique, Pékin s'est même permis de faire valoir le statut particulier de son industrie "qui permet aux pays riches d'importer en masse des produits bon marché en délocalisant leurs activités polluantes". Elle refuse donc de souscrire au Traité de Kyoto, et rejette les objections des pays développés en montrant leur prétendue hypocrisie. Hypocrisie que la Chine partage bien elle-même : si elle ne représentait pas un eldorado de la possibilité de produire de façon polluante à bas prix, les entreprises seraient moins tentés de faire face aux réglementations sur la pollution par la fuite que représente la délocalisation.

mercredi 13 juin 2007

Un certain malaise en Belgique

Les élections législatives belges de dimanche dernier devraient déboucher sur un changement de Premier ministre. Guy Verhofstadt serait ainsi remplacé par Yves Leterme, cela traduit certes de bonnes performances électorales de la part des chrétiens démocrates, mais l'analyse des résultats en Belgique peut être plus compliquée. En effet, le pays est notable pour avoir adopté le système de la proportionnelle depuis un siècle maintenant. De plus, ces dernières décennies, un mouvement s'est engagé visant à séparer la vie politique flamande de la vie politique wallonne. De ce fait, les partis politiques belges ont finis par tous se scinder en deux, du fait de forts désaccords entre les branches francophones et néerlandophones. Pour constituer un gouvernement, il faut donc passer par un procédé complexe, où le roi nomme un informateur, qui désigne le formateur du gouvernement. Celui-ci deviendra Premier ministre, et doit tenir compte dans la composition de son gouvernement du poids de chaque formation et de chaque communauté, pour obtenir un dosage qui puisse avoir l'assentiment de l'Assemblée élue.

Avec l'arrivée de Yves Leterme au pouvoir, c'est en tous cas la volonté d'une autonomie encore plus grande de la Flandre qui l'emporte. Celle-ci souhaite en effet pouvoir se dégager de ce qu'elle perçoit comme un fardeau, c'est à dire la Wallonie. La Wallonie francophone est en effet plus pauvre, et donc demande davantage de ressources de l'Etat fédéral. Elle peut être vue comme semblable par certains aspects au nord de la France. De son côté, la Flandre est très proche culturellement des Pays-Bas. Et en fait, l'attelage peut sembler étrange, voire même instable.

La Wallonie est très attachée à l'unité de la Belgique, et au maintien des pouvoirs du roi. Elle n'en reste pas moins souvent curieuse de ce qu'il se passe en France, parfois même davantage de ce qu'il se passe en Belgique. La campagne présidentielle française a ainsi passionné les Belges, qui y trouvaient une clarté qu'ils ne trouvaient pas chez eux. Le débat télévisé entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy a ainsi attiré davantage de téléspectateurs belges que celui entre Yves Leterme et Guy Verhofstadt pendant la campagne pour les législatives belges. Les personnalités politiques belges francophones font d'ailleurs désormais référence à leurs contreparties françaises, en se comparant soit à la ligne de Nicolas Sarkozy, celle de Ségolène Royal ou bien de François Bayrou. Une "UMP belge" a d'ailleurs été créée en Belgique par des admirateurs de la démarche de Nicolas Sarkozy souhaitant de façon troublante que son programme soit appliqué en Belgique. Il existe même un parti "rattachiste", qui souhaite que la Wallonie soit rattachée à la France. Certes, son audience est limitée. Mais son existence même est révélatrice d'un certain malaise qui règne en Belgique. A ce titre, l'agitation née de l'émission de la RTBF simulant une séparation des communautés belges est emblématique. Lorsque la Flandre se prononce pour d'avantage d'autonomie ou pour une confédération plutôt qu'une fédération en Belgique, il existe le Vlaams Belang, qui milite carrément pour l'indépendance de la province.

Cette cohabitation entre deux ensembles, peut-être deux nations, forme donc la base de la vie politique belge. Si la situation n'est pas forcément la plus saine, elle a permis néanmoins de tenir l'unité belge depuis la création récente du pays en 1830. Il est pourtant difficile de prévoir comment la situation va évoluer. Si la Belgique devait devenir confédérale, ce serait probablement déjà un aboutissement en soi, étant donné que la dislocation du pays n'est souhaitable pour personne, que ce soit la Wallonie, la Flandre, les Pays-Bas et la France. Au moins, la Belgique dans son ensemble est largement favorable à la construction européenne. Elle l'accueille d'ailleurs largement, au vu des nombreuses institutions européennes présentes à Bruxelles. Pourtant, le caractère obscur de la vie politique belge pour les Belges eux-mêmes a également valeur d'exemple. C'est d'un contre-exemple dont il s'agit, tant les dosages complexes, les manœuvres de partis, le manque de clarté de la politique peut détourner les citoyens de la vie de leur pays. En Belgique, cela ne se voit pas, mais c'est uniquement parce que le vote est devenu obligatoire, sous peine d'amende. Sans ce signal de mécontentement que représente l'abstention aux élections, comment prendre en compte le véritable avis des Belges sur leur classe politique ? En se voilant la face pour mieux préserver un système bancal, les responsables politiques belges maintiennent un malaise fort tant en Wallonie qu'en Flandre.

lundi 11 juin 2007

Entre les deux tours...

Après le premier tour des législatives, un certain nombre de mouvements sont déjà à remarquer. En premier lieu, celui de l'abstention record. Cela confirme le fait que les législatives sont devenues une simple répercussion des présidentielles. De nombreux commentateurs le déplorent. Pourtant, ce n'est pas un tord que l'Assemblée soit de la même couleur politique que le Président de la République. Il est vrai que Nicolas Sarkozy a une interprétation des institutions qui met en avant son poste dans la conduite du pays. Il n'entend pas se contenter des domaines réservées de la Présidence, et souhaite s'impliquer sur tous les dossiers importants. Cela ne veut pas dire pour autant que le Premier ministre n'a aucun rôle, en un mois, François Fillon n'est pas particulièrement apparu effacé. Mais il faut avouer que l'essentiel du débat a été mené pendant la campagne présidentielle, et qu'aujourd'hui, la question est surtout de donner une majorité pour permettre de rendre effectif le choix fait lors de l'élection présidentielle. Les députés de la majorité élue devront leur élection à celle du Président, ce qui les poussera à le soutenir... du moins jusqu'à que ce pose la question de leur réelection, qui leur donnera une vision différente de leur rôle. Il n'en reste pas moins que le choix de chacun d'entre eux compte. C'est pour cela que les législatives sont les élections les plus importantes après la présidentielle, et rien ne justifie que d'aussi nombreux Français s'absentent lors d'un scrutin national.

Parmi les évolutions recensées, la diminution des voix du Front National va dans la bonne voie. Certes, le mode de scrutin ne lui permet pas d'avoir de sièges à l'Assemblée Nationale. Mais le fait que de moins en moins de gens choisissent les mauvaises solutions aux questions qu'ils se posent rend optimiste. Le fait que Nicolas Sarkozy ait choisi de briser des tabous a rendu espoir à une partie de ceux qui s'étaient réfugiés dans la contestation extrémiste, et cela limite d'autant le pouvoir de nuisance que représente ce parti qui servait à donner mauvaise conscience à la droite, et à l'empêcher d'être au pouvoir. Il ne faut pour autant pas croire que le Front National est décimé à jamais, bien au contraire. Lorsque le Front National était passé par le schisme provoqué par Bruno Mégret, et que ses résultats aux élections européennes de 1999 étaient mauvais, il avait déjà été donné pour mort. Trois ans plus tard, Jean-Marie Le Pen était au second tour de la présidentielle.

Du côté de l'autre extrême, le Parti Communiste se tient mieux que ce que le résultat de Marie-George Buffet ne le laissait penser. Sa forte implantation locale sur quelques circonscriptions devrait lui permettre de garder un nombre notable de députés pour une formation qui appartient pourtant au passé. Pour ce qui est des autres mouvements d'extrême gauche, soit la LCR ou Lutte Ouvrière, ils ne cherchent même pas à obtenir le pouvoir ou une représentation institutionnelle, donnant la primeure à ce qu'ils appellent la "lutte sociale", soit la manifestation et la grêve par principe.

Le Mouvement Démocrate de François Bayrou aura moins de députés que n'en auront les communistes. C'est qu'il n'a pas d'aussi fortes implantations locales, et se refuse d'être l'allié de qui que ce soit. Cette voie qu'a choisi François Bayrou revient à refuser de fait de participer aux affaires. Les anciens députés qui étaient restés à l'UDF n'ont pour la plupart pas voulu le suivre dans cette voie, et François Bayrou se croit probablement trahi du fait que ses amis n'aient pas voulu "mourir" pour lui. Lui est probablement satisfait du chemin qu'il prend : à l'écart des grands partis, suffisamment pour mieux se faire passer pour l'alternative en 2012. Il espère que la stratégie mise en oeuvre entre 2002 et 2007 qui n'a pas fonctionné réussira mieux à l'issue des cinq prochaines années.

Le Parti Socialiste essaye mollement de faire campagne, d'une part en critiquant le gouvernement, d'autre part en voulant se faire passer comme une force d'opposition nécessaire qui doit être nombreuse à l'Assemblée pour être efficace. De toutes façons, il est difficile de faire campagne dans une telle situation, immédiatement après avoir été désavoué, et proposer un projet alternatif apparaîtrait probablement comme vain. Le Parti Socialiste devra néanmoins proposer des solutions alternatives à l'avenir plutôt que de se contenter de critiquer toute action du simple fait qu'il est dans l'oppostion. Le fait marquant de ces dernières semaines est surtout le fait que Ségolène Royal tente de s'impose de facto à la tête du PS, prenant des initiatives en son nom alors qu'elle n'en a aucun mandat, s'expriment depuis le siège du parti lors de la soirée des élections, ou essayant de contacter François Bayrou alors qu'elle n'est même pas candidate ou responsable. A ce rythme là, le Parti Socialiste n'aura pas l'opportunité de se poser la question des raisons de sa défaite avant que l'ancienne candidate devienne la candidate de la prochaine présidentielle. En continuant de s'appuyer sur une fraction aveuglement dévouée du Parti Socialiste, Ségolène Royal continue de croire à son destin, envers et contre tout, de façon presque forcée.

Enfin, l'UMP semble promise à une large victoire dimanche prochain. Et le gouvernement aura besoin d'une majorité large pour conduire ses réformes. Il ne faut pas croire que tout soit déjà joué pour autant, ce n'est qu'à l'issue des élections que les comptes pourront être fait. Pour les cinq prochaines années, il faut être exigeant et ambitieux. Il faut aussi s'en donner les moyens.

samedi 9 juin 2007

L'indépendance de l'Ecosse

La semaine dernière, Tony Blair assistait à son dernier sommet du G8. Le Premier ministre britannique sera en effet remplacé par son ministre des finances, Gordon Brown, à qui le poste était réservé depuis la conclusion d'un accord d'ambitions entre les deux hommes dans les années 90. Tony Blair s'en va alors qu'il est de plus en plus impopulaire, mais il est possible que son successeur ne le soit pas vraiment davantage. Gordon Brown est tout aussi comptable du bilan des travaillistes, et le parti apparaît usé aujourd'hui, même s'il n'a pas démérité sur le plan intérieur. Alors que Gordon Brown n'apparaît comme un renouvellement, il sera encore moins facile de travailler avec lui sur la construction européenne, vu qu'il est réputé pour être plus eurosceptique que son prédécesseur. Certes, la situation serait pire avec les tories, mais l'ensemble n'est pas vraiment enthousiasmant, surtout que la politique irakienne ne sera probablement pas remise en cause. En outre, il se trouve qu'il est Ecossais, et que de nombreux Anglais sont réticents à l'idée qu'ils soient dirigés par quelqu'un qui vienne d'une région qui cherche à prendre de plus en plus ses distances avec l'Angleterre.

En fait, le fait que l'Ecosse puisse être un jour indépendante relève désormais du domaine du possible. Lors des récentes élections pour le parlement écossais, les indépendantistes ont reçu le plus de sièges. Leur leader, Alex Salmond, souhaite organiser un référendum sur la révision de l'Acte d'Union de 1707. Car, à la différence de l'Irlande, l'Ecosse n'est pas sous domination anglaise. La Grande Bretagne allie ces provinces avec leur accord. L'Ecosse peut devenir indépendante légalement si elle le souhaite. Certes, il y aurait de très nombreuses difficultés administratives. Mais l'Ecosse dispose déjà d'une bonne dose d'autonomie, et elle imagine pouvoir entrer facilement dans l'Union Européenne pour avoir un cadre, un support. L'euro serait naturellement la monnaie écossaise. Seulement l'adhésion n'est plus aussi simple de nos jours, vu que les Français ont décidé d'approuver chaque nouvelle adhésion par référendum (grâce à la perspective de la question turque). Cela rend tout de suite les choses moins évidentes...

De son côté, les Anglais ne seraient pas forcément fâchés de voir l'Ecosse voler de ses propres ailes. Un certain ressentiment existe envers cette région qui est accusée d'être un puits à subventions nationales, et de peser sur l'économie du Royaume-Uni. Il reste étonnant tout de même que les sentiments nationalistes soient aussi forts en Europe occidentale, qu'on en est encore à vouloir créer de nouveaux pays, lorsque ceux qui prévalent actuellement ne sont déjà pas d'une taille démesurée. Il n'est d'ailleurs pas certains que les autres pays d'Europe soient enchantés de devoir faire face à un nouveau pays, alors que les micro-pays sont déjà de mise dans les Balkans. Quant à Gordon Brown, ces mouvements électoraux sont une mauvaise nouvelle pour lui. D'une part car ils le mettent dans une situation bancale entre son terroir et son poste. D'autre part car l'Ecosse, avant d'être en majorité relative pro-indépendantiste, était surtout une terre favorable aux travaillistes. Pour les prochaines élections générales de 2008, il n'est plus certain qu'elle leur apporte une grande réserve de voix. Et l'usure du Labour fait que ces élections sont déjà prévues comme difficile pour le parti de Gordon Brown. Il peut d'ores et déjà s'attendre à une bataille rude.

jeudi 7 juin 2007

Trop chers transports en commun

La RATP a décidé d'augmenter le prix du ticket de métro en le faisant passer de 1,40 € à 1,50 €. L'idée est qu'il suive l'inflation. Pourtant, à 1,50 € le voyage simple en métro, les déplacements se révèlent rapidement coûteux, y compris avec les réductions faites lorsque l'on achète les tickets par carnet de 10. Cela montre que la priorité affichée pour privilégier les transports en commun relève plus de la façade que de l'action concrète. En effet, à l'heure où chacun souligne la nécessité de quitter le tout automobile et favoriser les transports en commun, la région Ile de France, le Syndicat des Transports d'Ile de France et la RATP s'accordent pour augmenter leur prix, donnant ainsi le mauvais signal. Ce n'est pourtant pas comme si les prix pratiqués auparavant étaient très faibles : d'une manière générale il est assez onéreux de vouloir se déplacer avec le réseau ferré d'Ile de France. Ce devrait pourtant faire l'objet d'un prix risible, car la première des libertés est celle de se déplacer.

Il faut dire que la région Ile de France préfère partir d'une logique différente, en donnant la gratuité des transports en communs aux RMistes. Certes, ils doivent eux aussi pouvoir se déplacer à un prix faible, mais leur retour à l'emploi ne doit pas être sanctionné par la perte d'un tel avantage. Il est en fait nécessaire que les prix soient faibles pour tous, pour le RMiste comme pour le cadre, pour que chacun finisse par préférer l'utilisation de ces transports en commun plutôt que de la voiture. Evidemment, il y a d'autres contraintes, comme celles de la régularité ou du confort. Mais au vu de l'importance de la question, rien ne doit pas être négligé. Après tout, c'est bien pour cette raison que la RATP est publique : pour que le service aux usagers soit le meilleur. Alors il reste encore des efforts à faire à la RATP. Et surtout, il manque vraisemblablement une volonté politique au conseil régional d'Ile de France, qui est censé s'occuper de cela.

mardi 5 juin 2007

La République Tchèque, exemple d'une "nouvelle Europe" bien peu pro-européenne

Lors du sommet européen qui s'annonce, les prises de position de la République Tchèque seront très attendues. Alors que le processus de relance de la construction européenne bat son plein, ce pays pourrait en effet représenter un obstacle à l'adoption d'un traité simplifié, moyen privilégié de sortir de l'impasse actuelle. Car même si les changements sont les mêmes que ceux qui étaient prévus initialement dans le Traité Constitutionnel Européen, ceux-ci ne sont plus vraiment désirés en République Tchèque. Le Président de la République Tchèque, Vaclav Klaus, est en effet un eurosceptique convaincu. Il rejoint en cela les frères Kaczynski en Pologne dans le sens où ces pays de l'est sont tous fortement réticents à ce que le Traité de Nice soit remplacé. La Pologne refuse cette évolution car le Traité de Nice l'avantageait clairement au niveau des droits de vote. Ce n'est pas le cas pour la République Tchèque, qui n'a rien à perdre à ce niveau là. D'ailleurs, lorsque la Pologne est gouvernée par des conservateurs traditionalistes, la République Tchèque l'est par des libéraux. Ainsi, dans l'optique de ceux-ci, l'Europe ne vaut qu'en tant que zone de libre échange, et ils refusent toute évolution vers une Europe politique assimilée à un "super Etat". C'est ni plus ni moins la position britannique.

La République Tchèque montre bien ce qu'il se passe dans les ex-pays communistes de l'Europe de l'est. Tout est fait pour se différencier de ce modèle honni du passé. Désormais, il est temps d'être performant dans l'économie mondiale, et à ce titre, la République Tchèque a bien compris les préceptes libéraux inculqués par les Anglo-saxons. Derrière le rideau de fer, elle ne rêvait pas vraiment de l'Europe occidentale, mais plutôt du modèle américain, qui n'avait pas peur de se poser comme opposant frontal du communisme. Et aujourd'hui, la priorité de la politique tchèque est l'amitié avec les États-Unis. Ce n'est alors pas très étonnant que la Pologne et la République Tchèque acceptent d'abriter les anti-missiles américains sur leurs territoires. La coopération est totale et presque aveugle, quitte à sembler être plus royaliste que le roi en matière d'atlantisme.

Nul rêve européen dans cet état d'esprit. Vaclav Klaus combat tout simplement la construction européenne, et est très populaire à son poste. Car si l'Europe de l'ouest la célèbre sur la base qu'elle a permis de mettre fin aux guerres, les pays de l'Europe de l'est célèbre surtout l'Amérique qui leur avait tendu la main. C'est à propos de cette Europe de l'est qui lui était soumise que Donald Rumsfeld avait parlé d'une "nouvelle Europe", pour l'opposer à celle occidentale, qui refusait de le suivre dans ses désirs guerriers. Et c'est bien là le paradoxe : cette "nouvelle Europe" n'a pas de désir d'Europe puissance, bien au contraire. Elle y a adhéré un peu cyniquement, pour profiter des avantages financiers qu'elle offrait, et bénéficier d'un grand marché commun. Avec leurs entrées, l'Union Européenne est encore un peu plus ancrée dans une optique libérale, qui la met en porte à faux avec certains de ses fondateurs. Il est dès lors peu étonnant que les accords soient si difficiles à être trouvés, quand de telles divergences sur le but même de la construction européenne existent. Pour les prochaines adhésion, il est nécessaire qu'il n'y ait plus de telles ambiguïtés.

dimanche 3 juin 2007

Le biais de Fox News

Aux Etats-Unis, la chaîne d'informations la plus regardée est Fox News. Conçue dès sa création, dans les années 90, pour être très spectaculaire dans son approche de l'information, elle a réussi à attirer un certain public qui était insatisfait avec l'offre d'informations présente. Des émissions comme The O'Reilly Factor (animée par Bill O'Reilly), Hannity & Colmes ou The Big Story (de John Gibson) attirent aujourd'hui un public nombreux à l'échelle du câble américain, et le traitement de sujets largement people ou très polémiques donne une couleur "infotainment" (le divertissement en même temps que l'information) à l'antenne qui se révèle être payante. Ce n'est clairement pas la chaîne de la rigueur journalistique, et loin d'être une référence, elle n'en reste pas moins visiblement appréciée. Seulement, l'accusation de vanité n'est pas la seule qui lui est reprochée : à cela s'ajoute celle de partialité. Il a même été fait un film documentaire sur le sujet : Outfoxed, qui montre le biais conservateur qui est le lot de la chaîne à longueur de journée. A vrai dire, ce film n'était pas forcément nécessaire, tant cette partialité est flagrante. Bill O'Reilly et John Gibson annoncent fréquemment leurs positions personnelles, qui sont presque toujours celles des républicains, à un tel point que parfois la limite de la malhonnêteté intellectuelle est franchie. Dans Hannity & Colmes, les deux présentateurs sont de bords différents pour donner en théorie un équilibre à l'émission, mais le conservateur Sean Hannity est éloquent et ressemble au gendre idéal, lorsque Alan Colmes apparaît comme beaucoup moins attirant et plus fade. Même dans l'émission matinale Fox & friends, les présentateurs évoquent avec légèreté les dernières informations, et souvent avec des commentaires ironiques à propos des positions démocrates. D'une manière générale, il est impossible d'ignorer le biais de la chaîne : Fox News est une chaîne républicaine, ce qui au fond est logique, dans la mesure où elle est la création du très conservateur magnat de la presse Rupert Murdoch.

Dès lors, cette partialité représente moins un problème que ce que veulent le faire croire ceux qui la dénoncent. Regarder cette chaîne est insupportable pour ceux qui particulièrement démocrates, et les indépendants savent bien quelle est la part de partialité dans le traitement de l'information de la chaîne. Dans tous ces cas de partialité des journaux ou des émissions, il ne faut pas prendre le lecteur ou le téléspectateur pour un idiot incapable de faire la part des choses. Il est absurde de vouloir infantiliser l'audience en considérant qu'elle est trop stupide pour se faire sa propre idée lorsqu'elle fait face à une information partiale. Car si on en arrive à un tel point que la source d'information est trop biaisée, le téléspectateur/lecteur/auditeur arrêtera de la regarder/lire/écouter, ou bien le fera quand même tout en gardant à l'esprit le biais qui colore l'information. La question se pose de la même façon, même si moins prononcée, pour les médias français. Le Figaro et le Point sont de droite, Libération et le Nouvel Observateur de gauche, il est vain de critiquer cela, ces prises de positions entrent même dans la liberté d'expression. Quant aux émissions de télévision, TF1 diffuse le Droit de Savoir qui est souvent de droite, lorsque Canal Plus diffuse les Guignols de l'Info qui sont particulièrement à gauche. Si l'un pose problème, alors c'est aussi le cas pour l'autre.

Dans le cas de Fox News, ce qui est le plus choquant, c'est que la chaîne se présente comme fair and balanced (juste et équilibrée) alors que ce n'est manifestement pas le cas. Elle a parfaitement le droit d'être conservatrice, mais le nier est une profonde hypocrisie, surtout que le slogan est répété plusieurs fois par jour. Il ne peut toutefois tromper personne tellement le biais est flagrant. En fait, le slogan est surtout conçu en réaction vis-à-vis de ce qui est perçu par une partie des Américains comme un biais libéral de la part des médias qui se disent neutres. Alors en effet, Fox News est certainement moins libéral. Et cela reflète le point de vue de toute une partie des Etats-Unis, qui est beaucoup plus rurale et conservatrice que les élites des côtes. Le succès de la chaîne vient en grande partie de cela : elle propose une ligne éditoriale qui plait à une Amérique conservatrice qui se sentaient délaissés par l'offre traditionnelle d'informations, perçue comme trop à gauche. Ainsi Fox News apparaît comme ce qu'elle est : une chaîne biaisée qui ne touche en fin de compte que des convaincus.

vendredi 1 juin 2007

Une majorité pour le gouvernement

Le gouvernement est désormais nommé, et depuis deux semaines a pu commencer à se mettre en action. Vu le nombre restreint de ministres, chacun aura fort à faire, surtout tenu compte du nombres de réformes à mettre en place, telles qu'elles étaient indiquées dans le programme de Nicolas Sarkozy. "Je dis ce que je ferai, et je ferai ce que j'ai dit" : telle était et reste l'axiome de l'action du nouveau Président. Chacun se met donc au travail sur les mesures les plus urgentes : Rachida Dati met au point la loi sur les peines planchers, Valérie Pécresse doit faire passer rapidement une loi sur l'autonomie des universités, Xavier Bertrand commence les négociations sur le service minimum, Eric Woerth prépare le prochain collectif budgétaire, Christine Lagarde annonce la position de la France en matière de politique d'échanges commerciaux, François Fillon rencontre à plusieurs reprises chaque syndicat et Nicolas Sarkozy voyage à travers l'Europe pour convaincre les autres pays de la nécessité d'un traité simplifié pour relancer la construction européenne. A vrai dire, avant même le déroulement des élections, l'UMP commençait déjà à écrire les morceaux de législations les plus pressants pour que l'on perde le moins de temps possible en cas de succès.

Mais bien évidemment, tout ce travail ne peut aboutir que si le gouvernement ait une majorité suffisante pour adopter les lois que présenteront les ministres. Il faut donc donner au gouvernement, et au Président, une majorité claire pour que le changement soit possible. Les réformes qui arriveront dans les prochains mois seront sans aucun doute difficiles à mettre en oeuvre : elles sont certes voulues par le peuple français, comme l'a montré l'élection nette de Nicolas Sarkozy, mais de nombreux mouvement "sociaux" corporatistes n'en émergeront pas moins, et l'on peut d'ores et déjà compter sur une impopularité qui survient mécaniquement lorsque des risques sont pris. Pour le moment, ce n'est certes pas encore la situation dans laquelle nous nous trouvons. L'état de grâce, période quasiment miraculeuse, semble dominer. Il faut d'autant plus en profiter. L'économiste Milton Friedman avait théorisé le fait qu'après les 100 premiers jours, tout devenait plus compliqué et les tentatives de réformes étaient plus incertaines. Contrairement à Jacques Chirac qui voulait donner du temps au temps, Nicolas Sarkozy désire que les chantiers soient tous lancés dès le départ, pour faire un électrochoc. Le gouvernement peut déjà commencer à négocier les réformes avec les partenaires sociaux, pour que les lois soient prêtes à l'arrivée de la nouvelle Assemblée.

Si l'on peut être optimiste sur l'issue des prochaines élections législatives, il n'en faut pas moins rester mobilisé pour qu'il y ait vraiment une majorité présidentielle, et évidemment, qu'elle soit la plus forte possible. Une victoire nette de la droite pourrait favoriser une redistribution des cartes au sein de la gauche. Celle est nécessaire : François Hollande et Ségolène Royal ne représentent pas une alternative crédible à Nicolas Sarkozy, et il faut veiller qu'un échec de la droite ne puisse signifier automatiquement un échec de la France. Car au vu de la campagne législative, au niveau de la gauche, ce que l'on nous promet est une opposition pavlovienne, mécanique et caricaturale. La France mérite une bien meilleure gauche que celle là. Il y a en fait un double enjeu : d'une part permettre le succès de l'action du gouvernement en lui donnant la majorité parlementaire dont il a besoin, et mettre de côté la partie du PS qui tire le pays vers le bas. A ce titre, les élections législatives qui arrivent dans une semaine sont loin d'être mineures.

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