Aux Etats-Unis, la chaîne d'informations la plus regardée est Fox News. Conçue dès sa création, dans les années 90, pour être très spectaculaire dans son approche de l'information, elle a réussi à attirer un certain public qui était insatisfait avec l'offre d'informations présente. Des émissions comme The O'Reilly Factor (animée par Bill O'Reilly), Hannity & Colmes ou The Big Story (de John Gibson) attirent aujourd'hui un public nombreux à l'échelle du câble américain, et le traitement de sujets largement people ou très polémiques donne une couleur "infotainment" (le divertissement en même temps que l'information) à l'antenne qui se révèle être payante. Ce n'est clairement pas la chaîne de la rigueur journalistique, et loin d'être une référence, elle n'en reste pas moins visiblement appréciée. Seulement, l'accusation de vanité n'est pas la seule qui lui est reprochée : à cela s'ajoute celle de partialité. Il a même été fait un film documentaire sur le sujet : Outfoxed, qui montre le biais conservateur qui est le lot de la chaîne à longueur de journée. A vrai dire, ce film n'était pas forcément nécessaire, tant cette partialité est flagrante. Bill O'Reilly et John Gibson annoncent fréquemment leurs positions personnelles, qui sont presque toujours celles des républicains, à un tel point que parfois la limite de la malhonnêteté intellectuelle est franchie. Dans Hannity & Colmes, les deux présentateurs sont de bords différents pour donner en théorie un équilibre à l'émission, mais le conservateur Sean Hannity est éloquent et ressemble au gendre idéal, lorsque Alan Colmes apparaît comme beaucoup moins attirant et plus fade. Même dans l'émission matinale Fox & friends, les présentateurs évoquent avec légèreté les dernières informations, et souvent avec des commentaires ironiques à propos des positions démocrates. D'une manière générale, il est impossible d'ignorer le biais de la chaîne : Fox News est une chaîne républicaine, ce qui au fond est logique, dans la mesure où elle est la création du très conservateur magnat de la presse Rupert Murdoch.

Dès lors, cette partialité représente moins un problème que ce que veulent le faire croire ceux qui la dénoncent. Regarder cette chaîne est insupportable pour ceux qui particulièrement démocrates, et les indépendants savent bien quelle est la part de partialité dans le traitement de l'information de la chaîne. Dans tous ces cas de partialité des journaux ou des émissions, il ne faut pas prendre le lecteur ou le téléspectateur pour un idiot incapable de faire la part des choses. Il est absurde de vouloir infantiliser l'audience en considérant qu'elle est trop stupide pour se faire sa propre idée lorsqu'elle fait face à une information partiale. Car si on en arrive à un tel point que la source d'information est trop biaisée, le téléspectateur/lecteur/auditeur arrêtera de la regarder/lire/écouter, ou bien le fera quand même tout en gardant à l'esprit le biais qui colore l'information. La question se pose de la même façon, même si moins prononcée, pour les médias français. Le Figaro et le Point sont de droite, Libération et le Nouvel Observateur de gauche, il est vain de critiquer cela, ces prises de positions entrent même dans la liberté d'expression. Quant aux émissions de télévision, TF1 diffuse le Droit de Savoir qui est souvent de droite, lorsque Canal Plus diffuse les Guignols de l'Info qui sont particulièrement à gauche. Si l'un pose problème, alors c'est aussi le cas pour l'autre.

Dans le cas de Fox News, ce qui est le plus choquant, c'est que la chaîne se présente comme fair and balanced (juste et équilibrée) alors que ce n'est manifestement pas le cas. Elle a parfaitement le droit d'être conservatrice, mais le nier est une profonde hypocrisie, surtout que le slogan est répété plusieurs fois par jour. Il ne peut toutefois tromper personne tellement le biais est flagrant. En fait, le slogan est surtout conçu en réaction vis-à-vis de ce qui est perçu par une partie des Américains comme un biais libéral de la part des médias qui se disent neutres. Alors en effet, Fox News est certainement moins libéral. Et cela reflète le point de vue de toute une partie des Etats-Unis, qui est beaucoup plus rurale et conservatrice que les élites des côtes. Le succès de la chaîne vient en grande partie de cela : elle propose une ligne éditoriale qui plait à une Amérique conservatrice qui se sentaient délaissés par l'offre traditionnelle d'informations, perçue comme trop à gauche. Ainsi Fox News apparaît comme ce qu'elle est : une chaîne biaisée qui ne touche en fin de compte que des convaincus.