Lors du sommet européen qui s'annonce, les prises de position de la République Tchèque seront très attendues. Alors que le processus de relance de la construction européenne bat son plein, ce pays pourrait en effet représenter un obstacle à l'adoption d'un traité simplifié, moyen privilégié de sortir de l'impasse actuelle. Car même si les changements sont les mêmes que ceux qui étaient prévus initialement dans le Traité Constitutionnel Européen, ceux-ci ne sont plus vraiment désirés en République Tchèque. Le Président de la République Tchèque, Vaclav Klaus, est en effet un eurosceptique convaincu. Il rejoint en cela les frères Kaczynski en Pologne dans le sens où ces pays de l'est sont tous fortement réticents à ce que le Traité de Nice soit remplacé. La Pologne refuse cette évolution car le Traité de Nice l'avantageait clairement au niveau des droits de vote. Ce n'est pas le cas pour la République Tchèque, qui n'a rien à perdre à ce niveau là. D'ailleurs, lorsque la Pologne est gouvernée par des conservateurs traditionalistes, la République Tchèque l'est par des libéraux. Ainsi, dans l'optique de ceux-ci, l'Europe ne vaut qu'en tant que zone de libre échange, et ils refusent toute évolution vers une Europe politique assimilée à un "super Etat". C'est ni plus ni moins la position britannique.

La République Tchèque montre bien ce qu'il se passe dans les ex-pays communistes de l'Europe de l'est. Tout est fait pour se différencier de ce modèle honni du passé. Désormais, il est temps d'être performant dans l'économie mondiale, et à ce titre, la République Tchèque a bien compris les préceptes libéraux inculqués par les Anglo-saxons. Derrière le rideau de fer, elle ne rêvait pas vraiment de l'Europe occidentale, mais plutôt du modèle américain, qui n'avait pas peur de se poser comme opposant frontal du communisme. Et aujourd'hui, la priorité de la politique tchèque est l'amitié avec les États-Unis. Ce n'est alors pas très étonnant que la Pologne et la République Tchèque acceptent d'abriter les anti-missiles américains sur leurs territoires. La coopération est totale et presque aveugle, quitte à sembler être plus royaliste que le roi en matière d'atlantisme.

Nul rêve européen dans cet état d'esprit. Vaclav Klaus combat tout simplement la construction européenne, et est très populaire à son poste. Car si l'Europe de l'ouest la célèbre sur la base qu'elle a permis de mettre fin aux guerres, les pays de l'Europe de l'est célèbre surtout l'Amérique qui leur avait tendu la main. C'est à propos de cette Europe de l'est qui lui était soumise que Donald Rumsfeld avait parlé d'une "nouvelle Europe", pour l'opposer à celle occidentale, qui refusait de le suivre dans ses désirs guerriers. Et c'est bien là le paradoxe : cette "nouvelle Europe" n'a pas de désir d'Europe puissance, bien au contraire. Elle y a adhéré un peu cyniquement, pour profiter des avantages financiers qu'elle offrait, et bénéficier d'un grand marché commun. Avec leurs entrées, l'Union Européenne est encore un peu plus ancrée dans une optique libérale, qui la met en porte à faux avec certains de ses fondateurs. Il est dès lors peu étonnant que les accords soient si difficiles à être trouvés, quand de telles divergences sur le but même de la construction européenne existent. Pour les prochaines adhésion, il est nécessaire qu'il n'y ait plus de telles ambiguïtés.