vendredi 31 octobre 2008
Par xerbias,
vendredi 31 octobre 2008 à 21:23 :: Pensée politique
Paul Krugman, le dernier prix Nobel d'Economie, explique dans son livre The Conscience of a Liberal que les inégalités s'accroissent profondément aux Etats-Unis, comparant la situation actuelle avec celle post-New Deal, où l'Amérique était prospère et plus homogène, c'est à dire dans les années 50 et 60. Il montre que les inégalités ne sont pas seulement fortes en matière de patrimoine, comme ce fut surtout le cas jusqu'à présent, mais qu'elles s'élargissent également en matière de revenu. Il n'a pas de mal à démontrer que les dirigeants des grandes entreprises américaines ont des salaires bien plus élevés en proportion de ceux de leurs employés aujourd'hui que pendant les Trente Glorieuses. Il considère cela comme étant le résultat des politiques libérales menées par Ronald Reagan, qui ont à la fois remis en cause le rôle de distributeur qu'avait pu avoir l'Etat, mais aussi déculpabiliser ceux qui réussissent par rapport au niveau élevé de leurs revenus. Au cours des années 80 s'est imposée l'idée qu'il était bien de vouloir être toujours plus riche.
En France également, nombreux sont ceux à s'interroger sur le niveau de rémunération des dirigeants des grandes entreprises. Chaque année, la presse publie des enquêtes montrant les rémunérations stratosphériques des patrons des plus grandes entreprises françaises, et surtout, constate une forte augmentation chaque année de celles-ci. Le reste de la population se sent en bonne partie mal à l'aise face à ce constat. De tels salaires sont-ils mérités ? Une manière d'en juger est de déterminer quelle est la part de mérite du dirigeant dans la bonne santé de l'entreprise. Etre chef d'entreprise est une tâche difficile, qui demande beaucoup de temps, de qualités et une certaine prise de risque. Mais quel risque y a-t-il en cas de parachutes dorés ? Les débats politiques et économiques actuels montrent l'inanité de telles mesures. Quant à la charge de travail, elle est la même pour de nombreux dirigeants d'entreprises de toutes tailles, mais ils n'ont pas tous les mêmes salaires. Ces différences pourraient alors s'expliquer par la différence dans la qualité du travail.
Il peut être difficile de juger de l'impact personnel de quelqu'un sur de grandes organisations. Le cas simple est celui où la personne concernée est le responsable principale et presque unique du succès ou de l'échec : dans la musique ou l'édition par exemple, un chanteur ou un auteur verront mis leur talent mis à contribution, et c'est cet apport qui représentera l'essentiel de la valeur proposée aux clients. La rémunération sera donc largement proportionnelle aux ventes, et des revenus conséquents seront seulement la conséquence de la reconnaissance de ce talent par les clients. Dans le cas de l'acteur de cinéma, c'est déjà plus délicat. Il peut représenter une tête d'affiche susceptible de motiver la venue du public dans les salles, mais il est plus rarement l'unique raison du succès d'un film. Si son rôle est important, il peut être rémunéré sur la base des entrées. Le cachet habituel ne représente que la valeur que les producteurs se font de son travail, mais c'est tout de suite plus subjectif. Alors dans le cas d'un chef d'entreprise, mesurer l'impact personnel peut être vraiment hasardeux. Lorsque Carlos Ghosn a réussi à refaire de Nissan une entreprise profitable, l'impact était indéniable. Dans le cas d'autres périodes moins tranchées, comment déterminer le critère de succès ? Ce peut être par corrélation avec le cours de l'action, censée représenter une création de valeur pour l'actionnaire. Mais ce critère n'est retenu que lors des périodes de hausse des marchés, jamais de baisse. Paul Krugman montre justement dans son livre comment les critères retenus pour évaluer la performance des dirigeants ont tendance à changer quand les résultats sont mauvais. S'installe alors un soupçon notable sur la l'aspect "juste" de ces rémunérations.
Un élément donné par les chefs d'entreprise pour expliquer ces fortes rémunérations est celui que les entreprises sont obligées d'offrir des salaires compétitifs à leurs dirigeants pour les forcer à ne pas partir dans d'autres entreprises. C'est probablement l'argument le plus hypocrite. C'est ce qui sert aussi de justification aux salaires des footballeurs : quelques clubs se battent pour offrir des salaires très élevés aux plus grandes stars, quitte à être structurellement déficitaires. Un tel système est assez malsain, mais au moins, l'impact du footballeur est vue à l'aune de ses performances sur la saison. Une fois celle-ci finie, le palmarès permet de voir rapidement comment elle s'est déroulée. Or les décisions d'un chef d'entreprise ont des répercussions sur une distance bien plus longue qu'une année. Nombreux sont ceux qui ont été considérés comme très satisfaisant jusqu'à ce que l'on se rende compte qu'ils n'avaient su préparer leur entreprises à de nouveaux défis ? Ils sont alors remplacés, mais les années ne peuvent être remplacées, et les mauvais dirigeants s'en tirent toujours bien.
La vérité est qu'il n'y a pas de réel marché des chefs d'entreprises comme il y en a un pour les footballeurs. Les différences de performances ne sont pas telles qu'un changement de dirigeant suffise à couler une entreprise du jour au lendemain. Dès lors, il ne saurait être question d'augmenter les salaires de craintes d'un départ. Et ces justement ces augmentations fortes et régulières qui posent problème. Elles se produisent même en l'absence de croissance. Les chefs d'entreprises du CAC40 seraient les mieux payés d'Europe. Ce n'est pas étonnant : ils ont la mauvaise habitude de siéger dans les conseils d'administrations des uns des autres, formant ainsi un petit groupe qui auto-juge ses performances. D'un point de vue moral, ce n'est pas neutre.
A l'heure où il est question de "moraliser les règles du capitalisme", le salaire des plus grands patrons ne pourra être un sujet tabou. Ceux-ci doivent eux-même se rendre compte qu'il doit mesurer leur mérite personnel de manière équitable avec les autres employés. Car en attendant, ils ne font qu'attiser l'incompréhension du plus grand nombre, et laisser planer une impression de lutte des classes qui ne sert personne.
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mercredi 29 octobre 2008
Par xerbias,
mercredi 29 octobre 2008 à 12:36 :: Monde
La présidentielle américaine de 2000 était assez curieuse : le bilan de Bill Clinton était bon, mais celui-ci ne pouvait se représenter. Son vice-Président, Al Gore, aurait du être élu sans difficultés. Mais de nombreux citoyens américains n'étaient pas enthousiasmés par l'élection. L'abstention fut énorme. Le programme de George Bush, alors gouverneur du Texas, s'était limité à quelques principes. Essentiellement, le message était qu'il fallait diminuer les impôts. Cela était envisageable car Bill Clinton avait réussi à rééquilibrer le budget et à produire plusieurs années consécutives d'excédent. Voilà pour le programme. Le reste s'appuyait sur la personnalité de George Bush, un conservateur capable de compassion, et sympathique de surcroît. Au final, il a remporté l'élection, même si ce fut serré. Il bénéficia de la lassitude envers les démocrates. Au Royaume-Uni, les tories auraient pu se contenter de suivre un tel plan. Leur nouveau leader, David Cameron, est jeune, prometteur et télégénique. Contrairement à ses prédécesseurs à la tête du parti conservateur, il ne promet plus grand chose de différent par rapport aux travaillistes, si ce n'est la même chose mais en mieux. La lassitude envers le Labour est réelle, elle avait motivée le départ de Tony Blair, affaibli au fur et à mesure par l'envoi de troupes britanniques en Irak, mais son remplaçant, le terne Gordon Brown n'échappait aux difficultés de la gestion de divers scandales s'accumulant avec les années.
Seulement la crise financière a permis de remettre en question ce processus qui devait apporter sur un plateau le pouvoir aux conservateurs. Mais ce fut surtout pour Gordon Brown l'occasion de reprendre la main par temps de crise. Son plan visant à protéger les banques britanniques a été si bien reçu qu'il a servi d'inspiration à celui suivi par le reste de l'Europe. Depuis, il est considéré comme certains comme un sauveur, un homme d'expérience sur lequel l'on peut compter, et qui, après une dizaine d'années passées aux finances de la Grande Bretagne, a les armes pour faire face aux difficultés économiques. C'est d'ailleurs dans ce même moment qu'il a rappelé Peter Mandelson de Bruxelle, afin de l'aider à surmonter ces difficultés. Au passage, le départ de Peter Mandelson de la Commission Européenne ne sera pas forcément regretté partout en Europe, et notamment à Paris...
Gordon Brown n'est pas sauvé pour autant. Il a peut-être sorti la tête hors de l'eau, mais il nage toujours en pleine tempête. Les tories doivent néanmoins maintenant se demander ce qu'ils ont à proposer.Au lieu de compter sur la seule lassitude, ils augmenteraient considérablement leur chance s'ils avaient un projet alternatif à proposer. Depuis l'arrivée de Tony Blair au pouvoir, ils ont souvent été une caricature d'eux-mêmes. Le New Labour avait réussi a élargir son champ d'action en se recentrant, peut-être David Cameron peut-il aussi faire évoluer les positions de son parti sur certains thèmes. Aujourd'hui, la coopération européenne apparaît comme un outil utile pour faire face aux difficultés mondiales. Accepter de prendre place dans la politique européenne pourrait être une voie à explorer pour les conservateurs. Les deux dernières alternances britanniques, avec Margaret Thatcher et Tony Blair, ont été l'occasion de profonds changements idéologiques. Les conservateurs devraient être prêt à en apporter un nouveau s'ils veulent conquérir le pouvoir, car actuellement, Gordon Brown tient bon.
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lundi 27 octobre 2008
Par xerbias,
lundi 27 octobre 2008 à 16:11 :: Europe
Actuellement l'un des plus gros problèmes de l'Union Européenne est le décalage entre les institutions et les citoyens : les premières doivent servir les seconds, mais elle a besoin pour cela de pouvoirs. Ces pouvoirs doivent nécessairement être délégués par les différents Etat, et donc, in fine, par les citoyens de chaque pays. Que se passe-t-il alors, quand les habitants de l'Europe n'estiment plus les institutions européennes légitimes pour agir en leur nom, quand ils ne leur accordent pas leur soutien ? L'action politique est à ce moment considérablement ralentie, rencontrant d'innombrables obstacles à chaque étape. L'Union Européenne devient alors une organisation éloignée, aux motivations obscures, qui en se voulant au service de tous, n'obtient plus la reconnaissance de personne. Le fait est que pour les problèmes dont le niveau de résolution le plus pertinent est l'Europe, il doit y a avoir une prise de conscience d'une communauté d'intérêts entre les différents peuples. Mais cet intérêt général européen n'est pas présent dans les esprits, à l'heure actuelle.
Si l'intervention de l'Etat est mieux acceptée lorsqu'elle est effectuée par un gouvernement nationale, c'est parce que la population a conscience de l'intérêt supérieur du pays dans son ensemble. C'est bien évidemment une conséquence de la notion d'Etat nation, qui, à partir du XIXème siècle, est devenue dominante en Europe. Auparavant, l'horizon était moins clair. A l'époque féodale, nombreux étaient ceux qui restaient attachés aux zones proches de leur villages d'origine, ignorant largement ce qu'il y avait au-delà . Ceux qui avaient des métiers plus mobiles se déplaçaient à travers les régions. Les particularités régionales comme les langues ou patois prédominaient. Seules les personnes les plus hautes dans la hiérarchie sociale concevaient avec aise les relations entre royaumes, parfois entre grosses féodalités comme celles formant le Saint Empire Germanique. En France, même si la monarchie absolue avait considérablement renforcé l'unité de la France en tant que royaume, il fallut attendre la révolution pour que l'idée de nation française prenne toute son ampleur. L'Etat jacobin s'est alors appliqué à réduire l'influence des particularismes régionaux pour fonder une nation unie. Certaines identités locales subsistent largement, toutefois.
Un tel effort de centralisation ne s'est pas forcément vu dans tous les pays. Le fédéralisme est aujourd'hui un système efficace dans de nombreux pays qui n'en sont pas moins considérés comme des Etats-nation. Le peuple des Etats-Unis par exemple forment bien une nation, bien qu'il peut y avoir des différences notables entre les modes de vie d'habitants de Californie du Sud et du Wyoming. Certains événements ont formé des étapes fondatrices à la nation américaine. A l'époque des colonies, cette union n'était pas forcément évidente. Mais la révolte commune contre la Grande Bretagne a forgé un lien solide entre les différents Etats. La guerre de Sécession a achevé en fin de compte définitivement l'édification de cette nation américaine. Dans d'autres régions du monde, la nation reste encore une force politique puissante autour de laquelle continuent de se former des Etats.
C'est donc autour de l'idée de nation que s'assemblent les peuples désirant de prendre en main leur destinée. Alors faut-il penser qu'il doit y avoir une nation européenne pour qu'une politique menée au niveau de l'Europe ait une chance de réussir et d'être soutenue par les citoyens ? Cette fois-ci, il ne serait être question d'un conflit avec un ennemi contre lequel faire l'unité, ou tout du moins, pas un conflit armé. Mais face à certains défis, comme ceux économiques actuels, cela pourrait être possible. Une nation européenne pourrait être capable de dire "Nous, peuples d'Europe", en regard du "Nous, le peuple des Etats-Unis" de la déclaration d'indépendance américaine. Il serait illusoire et même dangereux de vouloir briser de force les différences entre les peuples des différents pays d'Europe. Seule la prise de conscience d'un intérêt supérieur commun est nécessaire.
L'idée de nation européenne a déjà été évoquée par le passé, mais la plupart du temps par des groupuscules à l'influence limitée. Cela ne peut difficilement être le résultat d'une construction purement logique, vu qu'elle serait en même temps artificiel. Une nation ne se construit pas autour d'un simple plan de communication, ou aussi facilement que selon les plans d'apprentis sorciers. Une nation se construit d'abord autour de sentiments, et l'Union Européenne est justement à la base un lieu de rationalité uniquement. Face à une technocratie puissante, l'Europe a besoin de sentiments humains pour se donner l'élan dont elle a besoin. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas. Le chemin pour que cela le soit un jour n'est pas évident non plus. Mais l'idée est digne d'intérêts...
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vendredi 24 octobre 2008
Par xerbias,
vendredi 24 octobre 2008 à 15:45 :: General
Le 23 octobre 2008 aura été la grande journée de protestations des magistrats, invités par leurs syndicats à exprimer toute leur exaspération devant leurs tribunaux respectifs. Dans l'esprit collectif des Français, l'événement n'en est pas tellement un : ils sont largement habitués à voir tous les corps de métier et intérêts divers à s'exprimer de façon bruyante et régulière. Le corps des magistrats est plutôt réduit, ils n'allaient donc pas organiser la grande manifestation traditionnelle entre Nation et République qui fait la joie des riverains. En matière de visibilité, ils se sont largement refaits via une initiative organisée par le blog de l'avocat Eolas, où les magistrats ont eu la possibilité d'exprimer leur ressenti.
Cela a donné lieu à des dizaines de billets. Le lecteur a pu constater la variété des moyens d'expressions, allant des récits personnels aux poèmes, en passant par la tribune politique. Mais l'on peut dégager de grandes tendances de fond sur les motifs de cette révolte.
Le premier de ces motifs est l'impression de mal faire son métier, à cause du manque de moyens. L'exigence de productivité attendue des magistrats et le manque de temps et d'argent pousseraient à la faute. Viennent alors le constat selon lequel la Justice française est maltraitée budgétairement, que les prisons sont indignes et surpeuplées, la vie des magistrats presque impossible. Ce constat n'est pas nouveau, loin de là . Or cela fait des années que les gouvernements successifs ont déclaré que la Justice était leur première priorité budgétaire. Et lorsque l'on prend la peine d'aller vérifier ces affirmations, on se rend compte que c'est tout simplement vrai : le budget du ministère de la Justice a augmenté de 61 % entre 2000 et le projet de budget pour 2009. Cela représente une hausse annuelle moyenne de plus de 5,3 %. Et cela, alors que l'heure est aux réductions de dépenses, et que les finances françaises restent dans un Etat calamiteux. En conséquence, de nouvelles prisons ouvrent chaque année, et le ministère de la Justice voit des créations nettes de postes, alors que les autres ministères voient leurs effectifs diminuer. Evidemment, tous les problèmes du système judiciaire ne sont pas encore réglés, mais les magistrats semblent agir comme si rien ne se passait. Peut être il y a-t-il un problème dans les méthodes de travail, pour que ces moyens supplémentaires ne débouchent sur rien...
Les magistrats se révoltent également contre l'idée de leur responsabilité dans leurs décisions. Ce qui découle directement du premier problème : si une décision est mauvaise, c'est de la faute au manque de moyens. Pourtant, s'il n'est pas question de systématiser les poursuites lorsqu'une décision a des répercussions fâcheuses, il est troublant de constater que les magistrats français ne sont quasiment jamais inquiétés par leur hiérarchie en comparaison avec leurs équivalents européens. Qui eux disposent de plus de moyens. En fait, c'est surtout un sentiment fort qui s'exprime envers le pouvoir politique, en particulier envers Rachida Dati.
Il serait difficile d'affirmer que celle-ci n'a pris que de bonnes décisions depuis qu'elle est arrivée Place Vendôme. Les nouvelles consignes contre le suicide en prison ont une utilité assez faible, par exemple. Rachida Dati est également magistrate à l'origine, mais elle est violemment attaquée à cause de son mode de vie. A l'instar de Claude Allègre en son temps, son tort est probablement de ne pas cajoler avec suffisamment de tendresse les fonctionnaires qui dépendent d'elle, et dont elle faisait partie autrefois. Alors que les précédents Gardes des sceaux se faisaient l'avocat des magistrats auprès de la société, elle s'est faite avocate de la société auprès des magistrats. Et il y a bien une forte incompréhension entre une grande partie des citoyens et le système judiciaire. Car l'insécurité n'est pas qu'un sentiment, c'est aussi une réalité.
Les efforts de la police pour combattre la délinquance et la criminalité ont été parfois amoindris par un phénomène curieux : celui de voir repartir dans la nature les délinquants alors qu'ils venaient d'être arrêtés. Afin d'être sûr de punir les récidivistes, ceux qui nuisent de façon répétée à la société et qui ne sont plus au stade auquel la clémence est de mise, le Parlement a ainsi voté la loi sur les peines planchers, visant à donner une limite minimale de peine au cas où la récidive était constituée. Cette loi est le symbole même des directions que ne comprennent pas les magistrats. Ils estiment qu'elle va contre leur liberté de juger, contre leur indépendance. Et dans les faits, elle les gêne effectivement. Dans leurs témoignages, on comprend le cœur du problème. A travers de nombreux exemples concrets, les délinquants sont dépeints comme avant tout des victimes de la société, qu'il faut aider en dernier ressort, puisque personne d'autre n'a réussi à le faire jusqu'à présent. Le cas de "Monsieur F." nous est ainsi dépeint, celui d'un homme qui s'est endetté de façon déraisonnable, ce qui justifierait un abus de bien social dans le cadre de son travail, puis le fait de voler de l'argent à une dame, victime anonyme qui ne fait pas l'objet de plus de considérations, devant un distributeur de billets. L'homme, en situation de récidive, risque un an de prison à cause des peines planchers, raconte le magistrat avec pour objectif de susciter l'émotion. Mais puisque le risque pénal était clair, pourquoi avoir recommencé ?
Le délinquant est ainsi souvent décrit comme celui qui n'a pas le choix, alors que ce choix existe précisément. Les magistrats ne veulent pas faire partie de la société qui oppresse, mais la société qui est victime a aussi le droit d'être considérée. Bien des gens vivent de façon difficile sans pour autant basculer du côté de la délinquance, que leur dire lorsqu'ils constatent que celui qui choisit la voie facile ne prend pas un grand risque ? Surtout que ce sont eux, les plus pauvres, qui sont les premières victimes de la délinquance. Les victimes de la délinquance savent qu'il existe des coupables, mais on leur présente une société où rien n'est jamais de la faute de personne. A part, peut-être, celle du gouvernement. Qui ne fait pourtant qu'être le porte voix du reste de la société... Les magistrats ont certainement beaucoup de mérite dans leur tâche quotidienne, mais les voir se révolter parce qu'il leur est demandé d'appliquer la loi laisse une étrange impression.
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mardi 21 octobre 2008
Par xerbias,
mardi 21 octobre 2008 à 16:37 :: Faits politiques
Le Congrès de Reims du Parti Socialiste se déroulera dans moins d'un mois désormais. Six motions ont été déposées pour le vote des militants, quatre d'entre elles devraient vraiment compter. Quoi qu'il puisse y avoir d'écrit dans les motions, elles valent surtout comme étant le véhicule de candidatures au poste de Premier secrétaire du PS. Et alors qu'à peu près tout le monde s'était déclaré candidat il y a quelques mois, la situation a fini par se décanter, comme à chaque fois, pour ne laisser plus que quelques noms possibles. Quoi qu'en pense Pierre Moscovici, qui aura échoué à ce jeu là , le vainqueur aura une option forte pour représenter le PS à la prochaine présidentielle. Actuellement, le choix se fait donc entre Bertrand Delanoë, Martine Aubry, Benoit Hamon et Ségolène Royal.
Bertrand Delanoë s'était fait remarquer en déclarant être "libéral". Que n'a-t-il pas dit ! Depuis, il récuse ce mot devant la réaction largement négative de la part des militants socialistes, qui considèrent justement le libéralisme comme l'ennemi à abattre. Bertrand Delanoë se justifie en affirmant qu'il ne parlait que de libertés politiques et sociales, et non économiques. Mais si les soupçons de libéralisme débridé ont pris corps chez les socialistes exigeants, c'est qu'en appartenant à une sociale démocratie réaliste, il n'avait pas en conséquence les brevets de respectabilité socialiste. Bertrand Delanoë, ancien disciple de Lionel Jospin, doit faire face à l'accusation d'être le fantôme de ce dernier. Parmi les socialistes, il y a pire. Plus embarrassant devrait être pour lui le soutien de François Hollande...
De son côté Martine Aubry fait son grand retour sur la scène nationale. Elle s'en était éloignée après sa défaite aux législatives en 2002, mais le fait qu'elle garde la mairie de Lille aux dernières municipales semble servir de justification à un tel retour. Elle est surtout connue pour avoir prôné avec véhémence le passage aux 35 heures, une mesure autrefois surtout mise en avant par Alain Krivine lors de sa candidature à la présidentielle de 1974. Aujourd'hui totalement déconsidérées, les 35 heures ne semblent pas représenter un fardeau suffisant pour convaincre Martine Aubry de faire autre chose que de la politique. Idéologiquement, elle se situe plus à gauche que Bertrand Delanoë.
Quant à Benoit Hamon, sa jeunesse représente un paravent pour le courant d'idées le plus ancien du Parti Socialiste, celui de la "vraie gauche", soit la tendance la plus à gauche du PS, qui se soucie de doctrine et jamais de réalisme. Benoit Hamon se fait ainsi le porte voix de Henri Emmanuelli et de Jean-Luc Mélenchon, deux personnalités connues pour leur intransigeance face à toute dérive "droitière". Leur jusqu'au-boutisme est inquiétant dans ce qui devrait être un parti de gouvernement. Il semble bien que malgré les années, ils n'aient pas tiré les conséquences des premières années catastrophiques de la présidence Mitterrand.
Reste encore Ségolène Royal, qui ne comprend toujours pas pourquoi elle doit faire face à une compétition pour prendre la tête du parti. Dans sa vision des choses, son résultat à la présidentielle aurait du lui assurer une suprématie incontestée au sein de la gauche. Elle pourra encore longtemps se considérer victime des médias, des éléphants et du machisme, alors qu'elle continue d'organiser son culte personnel. En dehors de ceux qui lui sont soumis par une dévotion frénétique, ne lui restent que des personnalités motivées par l'intérêt ou le dépit. Celles-ci auraient pourtant mieux à faire que de la soutenir.
Vu que Dominique Strauss-Kahn doit faire face à de grandes responsabilités et à de petites responsabilités de l'autre côté de l'Atlantique pendant encore quatre ans théoriquement, le choix entre ces différents candidats est vite fait. Faute de mieux, il serait souhaitable que celui qui l'emporte au Congrès de Reims soit... Bertrand Delanoë.
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samedi 18 octobre 2008
Par xerbias,
samedi 18 octobre 2008 à 18:41 :: Monde
Le Premier ministre israélien Ehud Olmert a été poussé à la démission à cause d'encombrantes affaires de corruption. La ministre des Affaires étrangères du gouvernement qu'il dirigeait, Tzipi Livni, a remporté les primaires internes au parti actuellement au pouvoir, Kadima. Elle a été chargée par le Président israélien, Shimon Peres, de former un gouvernement, une tâche rendue difficile par l'opposition du parti de droite, le Likud. Cela fait deux ans maintenant que le fondateur de Kadima, Ariel Sharon, se trouve dans le coma. Considéré à l'origine comme un faucon en matière de relations avec la Palestine, il a surpris en se montrant disposé à faire progresser la paix. Il a ainsi compris que le maintien de colonies israéliennes dans les territoires attribués aux Palestiniens selon les frontières de 1967 représentait une plaie ouverte à toute tentative de paix. En effet, s'il n'est pas question de minimiser les effets dévastateurs de l'extrémisme d'une partie des Palestiniens, le non-respect par un Etat démocratique de décisions prises lors d'accords de paix nuit gravement aux relations avec l'ensemble des Palestiniens et génère quotidiennement de la haine. Pour dire les choses clairement, les Palestiniens, qui n'avaient déjà pas bien vécu l'établissement de l'Etat d'Israël au Proche Orient, ont le sentiment de se faire voler toujours davantage de terres par les Israéliens. Pour qu'il puisse y avoir coexistence, il doit y avoir respect mutuel.
Or il s'avère que les mouvements de colons restent toujours aussi actifs, et continuent d'agrandir celles existantes en Cisjordanie, ainsi que d'en établir de nouvelles. Les colons obéissent à des injonctions religieuses et idéologiques, et ce faisant, n'envisagent pas véritablement le maintien de la Palestine. La paix, dès lors, n'est pas un objectif pour eux. Leur responsabilité est comparable à celle des fondamentalistes du Hamas dans le maintien de cet interminable conflit. Si de nombreux hommes ont consacré leur vie à la paix, d'autres semblent dévoués à continuer une guerre ancestrale.
Le dernier passage d'Ariel Sharon au pouvoir avait permis deux réussites. D'une part, il a permis de limiter le nombre d'attentats suicide commis par des terroristes palestiniens en construisant un mur autour de la Cisjordanie. Ce mur est certes un symbole atroce de défiance, et surtout, il a été construit à l'intérieur de la "ligne verte" qui constitue la frontière palestinienne. Ce faisant, la Palestine a perdu une partie de son territoire. Israel promet des compensations. D'autre part, Ariel Sharon avait également réussi à faire évacuer les colons de la Bande de Gaza. Ce mouvement était nécessaire, mais il reste incomplet. Les colonies établies en Cisjordanie doivent également être démantelées. Ehud Olmert, qui a succédé à Ariel Sharon, a lui échoué sur ces mêmes plans. Son intervention militaire au Liban n'a pas permis d'affaiblir le Hezbollah, qui par ses roquettes, nuit à la sécurité d'Israel. Quant aux colonies, elles se sont largement développées au cours de ces deux années et demi. En dépit des protestations des Etats-Unis, le gouvernement israélien a laissé faire un mouvement qui ne peut avoir que des conséquences fâcheuses. La Cisjordanie est de plus en plus recouverte de colonies, et les colons semblent plus décidés que jamais à y rester, n'hésitant plus à recourir à la violence au besoin.
En fermant les yeux, Ehud Olmert est coupable de laisser la situation empirer. L'apparence de calme actuel est trompeuse, dans la mesure où ces mois de paix ne serviront, comme à chaque fois, à préparer la prochaine période de guerre. Construire la paix est pour Israël un éternel défi. Le gouvernement sortant semble l'avoir oublié. Tzipi Livni devra se souvenir qu'en plus de demander aux Palestiniens de faire leur part pour permettre la paix, elle devra également faire la sienne. Et à ce titre, la colonisation est un problème dont la gravité s'accroit de jour en jour.
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mercredi 15 octobre 2008
Par xerbias,
mercredi 15 octobre 2008 à 20:03 :: General
Voilà des années que la société anticipe le moment où la génération née du baby boom, ces années où le taux de natalité a explosé après la deuxième guerre mondiale, quittera le premier plan, devenant inactive en se mettant à la retraite, formant ainsi un papy boom d'ampleur équivalente. Le grand nombre d'enfants nés dans un nombre restreint d'années a renforcé l'impression d'une génération unifiée. Plus de soixante ans après le début du baby boom, cette génération a montré être une force de changements profonds au cours de ses différents âges. Dans les années 50, alors que la reconstruction puis la modernisation de la France était encore en cours, la présence massive d'enfants était comme un symbole d'un nouveau départ. Leurs parents étaient ceux qui avaient été en quelque sorte sacrifiés par la guerre, et qui ont du rebâtir des bases solides pour garantir la paix et la prospérité. Mais dès les années 60, les baby boomers, arrivés à l'adolescence, ont commencé à remettre en cause la société dans laquelle ils vivaient, et ont ainsi attaqué ces mêmes bases qui venaient d'être remises en place et qui avaient justement permis le retour de l'opulence. Les manifestations de mai 68 ont été le symbole de cette colère issue de la jeunesse contre le monde qui l'avait vu naître, et qui ne l'avait jusque là pas mal desservi.
Ce fut un mouvement que l'on retrouva dans la plupart des pays développés. Pourtant, les années 50 et 60 n'avaient pas vraiment été celles de l'oppression. Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe occidentale, les gouvernements ou administrations qui se sont succédés ont été résolument centristes économiquement et même socialement parlant. Les généraux Eisenhower et de Gaulle sont devenus les Présidents de leurs pays respectifs et les ont dirigés avec respect pour l'opposition, et surtout un grand pragmatisme dans la conduite quotidienne des affaires. C'est contre ces périodes de prospérité que la partie la plus mobilisée de la génération du baby boom que s'est élevée, parfois avec virulence.
Les années 70 ont ainsi été très chargées idéologiquement. Certains baby boomers ont été influencés par la culture hippie, mais ils furent en fin de compte en nombre limités. D'autre se sont concentrés sur les théories marxistes, condamnant toute forme de capitalisme de façon définitive, et se disputant sur les mérites comparés du stalinisme, du maoïsme et du trotskisme. Aussi puissants qu'ont été chacun de ces mouvements, avec le recul, on peut se rendre compte qu'ils n'ont rien apporté de positif à la société. La totalité des baby boomers a été dans la vie active et citoyenne dans les années 80, et à partir de ce moment, ils devinrent la principale force de la société. Dans les pays anglo-saxons, ces personnes encore jeunes ont fini par se tourner vers le libéralisme économique, qui fut interprété comme une forme de chacun pour soi. En France, le premier souci a été de se protéger face aux menaces économiques, ce qui s'est traduit par un renforcement des réglementations de toute sorte, diminuant d'autant les chances des exclus de rentrer dans la société.
Les dirigeants politiques issus de cette génération sont arrivés au pouvoir à partir des années 90 : l'élection d'un Bill Clinton quadragénaire donna une forte impression de changement, de même que celle de Tony Blair au Royaume Uni. En France, il a fallu attendre 2007 pour qu'un Président de la République soit né après guerre. De toute évidence, la génération du baby boom restera encore bien des années aux commandes des plus hauts postes. Mais quel bilan jusqu'à présent ?
Un grand tort des 30 dernières années a incontestablement été le fait que les camps politiques se sont éloignés les uns des autres, rendant plus difficile une conduite efficace des politiques publiques. La révolution conservatrice américaine s'est révélée être pleine de mépris envers les démocrates, et l'extrême gauche, toujours très active en France, ne cesse de parler en absolus qui disqualifient tout ce qui est autre. Cette division reste profonde et même fondamentale pour comprendre les sociétés actuelles. Du côté de la défense de l'environnement, cette période a été marquée par une vraie prise de conscience, mais par un refus tout aussi manifeste de tirer les conséquences de la menace pesant sur le monde. Et du point de vue des politiques économiques publiques, des pays comme la France, les Etats-Unis ou l'Italie ont laissé filé leurs déficits pendant des décennies entières, créant une dette qui handicape dès maintenant ceux qui ne font que commencer dans la vie active, et qui devront payer la facture des inconséquences de leurs parents.
Ce ne sont donc pas les baby boomers des pays occidentaux qui ont réussi à changer le monde d'une manière positive, mais plutôt ceux des pays sous domination soviétique : en faisant s'écrouler le bloc soviétique, la population des pays de l'Europe de l'est ont réussi non seulement à se créer de meilleures perspectives d'avenir, mais aussi à mettre fin à une menace grave et omniprésente de guerre mondiale qui était l'héritage direct de la seconde guerre mondiale. Et c'est là l'une des réalisations les plus remarquables des dernières décennies.
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dimanche 12 octobre 2008
Par xerbias,
dimanche 12 octobre 2008 à 20:17 :: General
La décision prise par l'Elysée de ne pas extrader la terroriste italienne Marina Petrella dans le pays où elle a commis des crimes provoque la stupéfaction. Sa libération pour raison médicale n'était déjà pas justifiée, elle est même incompréhensible alors que l'Italie l'a condamné par contumace à une peine de prison à perpétuité en 1992. L'Italie est un pays fondateur avec la France de l'Union Européenne, et l'on trouve des gens en France pour croire que la justice italienne n'est pas pertinente, et que la France saurait mieux que l'Italie quel sort réserver à leurs criminels. Car c'est bien ce qu'est Marina Petrella, puisqu'elle a été condamnée pour assassinat. Mais il faut comprendre qu'en faisant partie de l'extrême gauche, elle fait appel au pêché mignon d'un certain nombre de Français : la bienveillance envers les terroristes. On peut le vérifier avec les terroristes d'extrême gauche locaux : pour réclamer la libération des terroristes venant d'Action Directe, il n'est pas difficile de trouver des personnalités politiques telles que Noël Mamère ou Olivier Besancenot prêts à s'investir et à oublier les actes passés. Ainsi, Jean-Marc Rouillan, condamné à perpétuité en 1989, a été libéré après seulement 19 années de prison sans même regretter l'assassinat qu'il avait commis. Et s'il vient d'être incarcéré à nouveau, c'est pour l'avoir dit, alors que tout le monde le savait, et de plus, ce retour en prison a provoqué un tollé dans certaines familles politiques, alors qu'il n'aurait jamais du en sortir.
Le cas est semblable pour une autre des terroristes d'Action Directe, Nathalie Ménigon, que de plusieurs personnalités et associations s'emploient inlassablement à faire libérer, alors qu'elle non plus ne regrette rien. D'une manière générale, la France est bien le pays qui prend soin des terroristes, l'extrémisme marxiste arrivant visiblement à justifier tous les méfaits. Il s'est même trouvé un chroniqueur, Daniel Schneidermann, pour légitimer dans un article paru dans un grand journal le meurtre de patrons d'entreprise. Cela s'inscrit dans un mouvement plus général de compassion avec criminels et délinquants. Ainsi, lorsque les prisons sont surchargées, nombreux sont ceux qui réclament des peines "alternatives", où le malfaiteur retrouve la liberté, et bien peu sont ceux qui pensent à construire de nouvelles prisons.
En 1981 déjà , Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan avaient été amnistiés par le nouveau Président de la République, François Mitterrand. Ils assassinèrent un homme, Georges Besse, en 1986. C'était aussi François Mitterrand qui avait voulu faire de la France un havre de paix pour les gens des Brigades Rouges. Aujourd'hui, c'est un Président d'un bord politique différend qui choisit de protéger une terroriste de la peine décidée par un pays démocratique ami. La France, ce pays qui protège le criminel et oublie la victime, créé une blessure morale dans le cœur de la Justice. Et la décision prise par Nicolas Sarkozy de ne pas extrader Marina Petrella est une ignominie qu'il devra porter avec lui toute sa vie.
Image : AFP
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jeudi 9 octobre 2008
Par xerbias,
jeudi 9 octobre 2008 à 12:09 :: Europe
Des pays comme le Danemark ou la Suède rechignent encore à passer à l'euro. Ce n'est pas pour sauvegarder l'indépendance de leur politique monétaire, vu que ces deux pays voient leurs monnaies largement sous l'influence des mouvements de l'euro, la couronne danoise restant même dans des marges d'évolution réduites autour de la monnaie européenne, au sein du mécanisme de taux de change européen. Lors des référendums ayant eu lieu sur l'adoption de l'euro, les citoyens concernés ont justifié leurs refus par la volonté de garder leurs particularismes, dont le symbole est la monnaie nationale, ainsi que par la crainte d'une inflation résultant du changement de monnaie. Cette dernière question est d'autant plus aigüe qu'elle s'appuie sur l'expérience des pays ayant déjà effectué le changement de monnaie. Il peut paraître paradoxal de voir en l'euro un facteur d'inflation : la Banque Centrale Européenne a été construite sur une base doctrinaire clairement monétariste, et les présidents de cette institution n'ont pas laissé de doute sur le fait qu'ils étaient prêts à sacrifier la croissance pour combattre l'inflation.
Seulement, avec le recul, il apparaît bien que sur le moment précis du passage à l'euro, certains prix ont augmenté. Entre le 31 décembre 2001 et le 1er janvier 2002, le prix de journaux quotidiens tels que Le Monde, Libération ou Les Echos est passé de 1,14 euro à 1,20 euro, soit une augmentation de plus de 5 % en une seule nuit. De la même façon, plusieurs petits prix ont subitement augmentés. Les coûts du passage à l'euro ont été très réduits pour les entreprises, ils n'ont pu en rien être un facteur d'inflation instantanée. La volonté d'afficher des prix "ronds" ou psychologiques (qui se finissent par ,99) n'est pas une raison suffisante, dans la mesure où ces ajustements auraient très bien pu se faire à la baisse (le journal Le Figaro a lui profité de l'occasion pour descendre son prix à 1 €). Cette hausse de prix a surtout été l'occasion pour les entreprises de tenter de profiter de la perte de repères des prix des consommateurs pour augmenter leur marge. Les consommateurs ont beau ne pas avoir été dupes, ils n'ont pas eu le choix que de voir ces prix augmenter. Dès lors, les véritables coupables apparaissent : ce n'est pas l'euro qu'il faut blâmer, mais bien les entreprises qui ont opéré un mouvement que l'on pourrait comparer à une vaste escroquerie organisée de façon implicite.
Cette situation n'est possible que parce que la concurrence interne est faible : aujourd'hui les entreprises préfèrent garder leurs champs intacts plutôt que de tenter d'en gagner. L'augmentation du bénéfice d'une entreprise ne saurait se faire ni en améliorant les produits, ni en prenant des parts de marché aux concurrents, mais en forçant le consommateur à payer davantage, qui évidemment, le prend mal. L'euro et l'Union Européenne favorisent néanmoins la concurrence, et celle-ci manque grandement, surtout dans les diverses branches du secteur de la distribution. Pour en profiter, le consommateur doit parfois accepter de changer certaines de ses habitudes qui forment des rentes pour entreprises passives.
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mardi 7 octobre 2008
Par xerbias,
mardi 7 octobre 2008 à 21:37 :: Faits politiques
Les célébrations pleuvaient sur la France il y a quelques mois à propos du 40ème anniversaire de mai 68. Les événements qui ont eu lieu il y a 40 ans ne font pas particulièrement l'unanimité, et leurs conséquences ne sont pas positives, il est désormais possible de le voir avec le recul. Pourtant, bon nombre de responsables de médias ont décidé d'évoquer longuement le sujet, ayant surtout pour objectif de faire des clins d'œil nostalgiques à ce qu'ils considéraient être la folle jeunesse des baby boomers. Tout cela était en grande partie ridicule, surtout qu'il n'est pas certain que les premiers concernés étaient vraiment demandeurs. Mais voilà maintenant 50 ans que la Vème République est le régime politique en place en France, et l'anniversaire n'a tout simplement pas été célébré. Evidemment, il reste encore des personnalités politiques prêtes à se jeter dans l'inconnu pour créer une nouvelle constitution qui les avantagerait, et l'on trouve facilement des partisans d'une VIème République. Mais au sein de la population, il n'y a pas de véritable mouvement populaire contre les institutions tel que la IVème République en rencontrait. Aujourd'hui, ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, mais le personnel politique qui les occupe.
De ce fait, il n'aurait pas été inutile de marquer le coup, même modérément, pour faire le bilan institutionnel des 50 dernières années. Et il est loin d'être négatif : la Vème République a mis fin à l'instabilité parlementaire qui handicapait gravement la IVème République et la IIIème dans ses dernières années. Elle a réussi à dépasser l'épreuve de la décolonisation, et d'une manière générale, elle a réussi à surmonter les différentes crises politiques qui émaillent invariablement la vie de tout pays démocratique. Elle s'est également adaptée aux changements de pratique politique. Que ce soit par Congrès ou par Référendum, des modifications ont parfois été évoquées, avec succès, comme pour l'adoption de certains traités européens, ou dans l'échec, comme avec la tentative de réforme du Sénat de 1969. En tout état de cause, elle représente le plus grand héritage du général de Gaulle.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni obéissent aux mêmes institutions depuis plus de 200 ans maintenant, et leur stabilité a été un atout pour ces deux pays. Voilà 50 ans que la France a trouvé un régime qui lui correspond avec la Vème République, et il faut souhaiter que celle-ci reste en vigueur encore longtemps. D'ici 20 ans, elle aura une plus grande longévité que la IIIème République, et sera alors le régime le plus stable qu'ait connu la France depuis la monarchie absolue. Il était bien temps que la France se pose et quitte les affres des changements répétés de régime. Et de la même façon, les responsables politiques actuels seraient bien inspirés d'arrêter de vouloir la changer pour y inclure leurs préoccupations du moment. Elle a besoin de plus de respect que cela.
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dimanche 5 octobre 2008
Par xerbias,
dimanche 5 octobre 2008 à 22:57 :: Pensée politique
Les pays d'Europe centrale et orientale se sont vus imposer le communisme après la seconde guerre mondiale. Ils ne l'avaient jamais demandé, mais lors de leur libération par l'Armée rouge, l'URSS a fait en sorte que les partis communistes qui lui étaient rattachés noyautent les différents gouvernements, et rapidement ils réussirent à instaurer le communisme dans chacun de ces pays. Les "démocraties populaires" correspondaient en fait à des Etats satellites de l'URSS, des vassaux qui étaient dirigés par des dictateurs locaux. A chaque fois, l'idéologie communiste servait de prétexte pour la suppression des libertés et la mise au pas soviétique. La Russie s'en est servi pour créer et maintenir une zone de domination territoriale sur les pays voisins, laissant transparaître une politique nationaliste qui existait avant et existera après l'épisode d'inspiration marxiste. Lorsqu'à la suite de la chute du mur de Berlin, chacune de ces démocraties populaires a réussi à mettre fin à la dictature communiste, ce fut une nouvelle libération, après celle de l'occupation de nazisme. Au vu de de ces décennies de suppression des libertés publiques et de misère économique, il n'est pas étonnant que les pays de l'Europe de l'est soient peu enclins aux théories issues du socialisme.
Cela va donc faire bientôt une vingtaine d'années que leur vie politique est désormais dominée par des mouvements de tendance libérale, atlantiste et eurosceptique. Le crédit pour la fin du joug soviétique est donné aux Américains, et les Etats-Unis sont donc devenus le modèle à suivre pour ces pays qui redécouvraient la démocratie. Avec l'intégration de 10 pays supplémentaires en 2004, l'Union Européenne a ainsi vu du jour au lendemain les opinions exprimées par la Grande Bretagne considérablement renforcées, créant un défi de taille pour toute l'Europe. Le fossé est grand, en effet, entre les pays fondateurs comme la France, l'Allemagne ou l'Italie, partisans d'une intégration européenne plus poussée et acceptant l'intervention de l'Etat, et les nouveaux comme la Pologne ou la République Tchèque, qui, s'ils ont parfois des positions différentes, se retrouvent sur la confiance en l'OTAN, le rejet de l'intervention européenne et l'hostilité envers la Russie.
Ce fossé n'est peut être pas la seule source de difficultés de l'Union Européenne, mais ce n'est pas la moindre. Les années passent, et la Russie retrouve sa puissance, et en même temps ses ambitions voire son arrogance : à l'instar des pays baltes, toute l'Europe de l'est est partagée entre soumission et révolte fébrile vis-à -vis du retour de la volonté de domination territoriale de la part de la Russie. Ce que les présidents polonais et tchèques expriment, c'est avant tout un refus net du retour à la situation antérieure. Les gouvernements des pays de l'Europe de l'est, que l'on peut classer à droite, rejettent le fédéralisme européen car ils ont des mauvais souvenirs de la domination russe qui les privait de leur indépendance. Aujourd'hui, ils ne rêvent que de libérté, et n'entendent pas les appels à la coopération qui viennent de l'ouest.
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vendredi 3 octobre 2008
Par xerbias,
vendredi 3 octobre 2008 à 12:38 :: Monde
Le 44ème Président des Etats-Unis sera élu dans un mois maintenant. La vraie campagne a commencé en août, et depuis la grande compétition des publicités télévisées politiques bat son plein. Plus l'on se rapproche de l'élection, et plus elles sont de mauvaise foi, accumulant les sophismes et les mises en causes douteuses. Si les candidats se consacrent bel et bien à faire campagne dans tout le pays, leurs efforts ont moins d'impact médiatique qu'en 2004, la crise financière et les questions internationales brûlantes laissent parfois l'élection en second plan. Alors que le psychodrame se poursuit au Congrès au sujet de l'adoption du plan Paulson, les candidats semblent même avoir une influence anecdotique. C'est pourtant dans ce cadre que se forment et se figent les opinions des électeurs quant à leur prochain Président.
Dans ce contexte, le candidat républicain John McCain est en posture difficile : toutes les difficultés que connaissent actuellement l'Amérique ne sont que l'héritage de la présidence Bush, et John McCain ne propose rien qui soit si différent de son possible prédécesseur. La convention démocrate, fin août, fut un grand succès, et le discours que tint Barack Obama à cette occasion devait lui apporter un grand élan populaire en sa faveur. En revanche, la convention républicaine semblait devoir faire face à la morosité, et ce d'autant plus qu'elle avait été tronquée d'une journée pour cause d'ouragan en Louisiane. En choisissant Sarah Palin, la gouverneure de l'Alaska, comme sa colistière, John McCain a fait un pari : celle-ci n'avait que deux années d'expérience, dans un Etat éloigné et peu peuplé et n'apparaissait donc pas comme une possible occupante de la Maison Blanche. Mais elle appartient au courant de la droite sociale et religieuse, et elle dispose d'une fraîcheur qui passe bien devant les caméras, et en dénotant de façon aussi forte par rapport au reste de la classe politique siégeant à Washington, se révèle être une image du changement.
De son côté,Barack Obama a demandé au sénateur Joe Biden d'être son colistier. Ce dernier siège au Sénat depuis 1972, et s'il ne peut être accusé de manquer d'expérience, il trouble le message de changement qu'apportait justement le candidat démocrate : comment penser que Joe Biden peut changer davantage les choses alors qu'il est au premier plan depuis plus de 35 ans ? Le contraste est fort avec Sarah Palin. Le débat qui a eu lieu hier soir n'a pas changé grand chose toutefois, si ce n'est de montrer l'aisance des deux colistiers sur la forme. Ce n'était pas évident pour Sarah Palin, qui apparait quand même manquer de préparation et de connaissances dans ses interviews télévisées. Depuis son apparition sur la scène médiatique nationale, elle a été étrillée par les journalistes, et à juste raison à vrai dire. Un constat demeure : elle a exactement le même profil que celui que George W. Bush avait en 2000, et elle n'apparaît en rien moins qualifiée en comparaison. Evidemment, George Bush est clairement le pire président qu'ait connu les Etats-Unis au vu de son bilan, et donc les critiques envers Sarah Palin sont justifiées, surtout lorsque l'on connaît l'âge et la santé parfois fragile du candidat républicain. Mais comment se fait-il que personne ne se soit posé de questions en 2000, lorsque George Bush se présentait pour diriger les Etats-Unis, alors qu'il en avait pas les compétences ?
Mais il serait inutile de surestimer l'impact qu'ont les candidats à la vice-présidence. Le jour du vote, ce seront bien pour ou contre Barack Obama et John McCain que les électeurs se décideront. Aujourd'hui, il serait surprenant que John McCain parvienne à l'emporter. Il faut se souvenir néanmoins que lors des primaires républicaines, il apparaissait déjà comme hors de la course lors de l'été 2007. Contre toute attente, il a réussi à décrocher la nomination de façon nette. Il serait dès lors présomptueux de l'enterrer trop tôt à nouveau.
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mercredi 1 octobre 2008
Par xerbias,
mercredi 1 octobre 2008 à 19:57 :: Economie
Au conseil des ministres de la semaine dernière, le budget qui a été présenté voit les déficits de l'Etat français s'accroître. Le gouvernement considère désormais que la croissance sera faible, aux alentours de 1 % en 2008 et 2009, mais considère que les déficits publics continueront à représenter environ 2,7 % du PIB français. Si l'on atteint déjà ce niveau avec 2 % de croissance, il est difficile de voir comment la stabilité prévaudra en la matière lorsque le déficit de l'Etat augmente et que la croissance est en berne. Les circonstances économiques difficiles nous sont présentées comme la cause de ce relâchement dans la discipline budgétaire, qui était pourtant déjà assez laxiste. Mais alors quand avons nous connu une période de croissance, si c'est autant la crise aujourd'hui ? Si l'objectif est de mener une politique de relance économique keynésienne, c'est raté. Cela fait maintenant 35 ans que les gouvernements successifs tentent cette stratégie, et cela n'a pas fonctionné une seule fois. Cela pourrait être envisageable si la relance était aussi forte que temporaire, mais cela présuppose alors que l'orthodoxie budgétaire règne le reste du temps. Dans le cas de la France, ces tentatives pathétiques se sont transformés en un Etat obèse, suralimenté et peu efficace de façon permanente. Quitte à puiser les ressources dans l'emprunt, donc, et devoir en payer les énormes intérêts sans limite de temps.
La charge de la dette est aujourd'hui le deuxième poste de budget de l'Etat. L'emprunt peut s'envisager lorsqu'il a une fonction d'investissement, c'est-à -dire de dépenser maintenant pour obtenir un gain supérieur par la suite. Aujourd'hui, l'Etat emprunte pour des dépenses de fonctionnement, des dépenses courantes. Ce faisant, il creuse sa tombe quotidiennement. En permettant un Etat providence bien peu efficace (au vu des résultats), la France ne prépare aucunement l'avenir de ses enfants, bien au contraire : elle les charge dès le départ d'un lourd fardeau qu'ils devront porter, sans qu'il n'en ait vu le moindre aspect positif. D'ailleurs, les personnes d'une vingtaine d'année sont déjà soumises à cette épreuve, étant obligées d'évoluer dans une société où l'équivalent de la totalité des recettes de l'impôt sur le revenu est consacré à payer les intérêts des erreurs passées. Le Traité de Maastricht peut bien inciter la France à être plus sérieuse, elle devrait déjà l'être dans son propre intérêt.
Pour ce faire, il faudrait commencer par arrêter de baisser des impôts, des mesures fiscales étant trop souvent adoptées pour répondre à telle ou telle revendication catégorielle, sans jamais les calmer... ce qui prouve leur inutilité. De la même façon, les différentes taxes qu'imaginent administration ou politiques comme réponse à divers problème ne sont pas une vraie solution. Du côté des recettes, le premier pas est de s'attaque aux très nombreuses niches fiscales, ce qui commence à arriver. Mais c'est surtout du côté des dépenses que l'on note le côté grotesque de l'Etat : commissions, couches administratives, subventions en tout genre et fonction publique pléthorique forment un puits sans fond qu'il faut ramener à la raison. C'est bien du côté des dépenses qu'il faut attaquer le budget de l'Etat, et ce n'est plus une lente et timide réforme de l'Etat qui suffira. L'heure est plutôt aux électrochocs.
Cela ne semble pourtant pas être l'humeur actuelle. Ces derniers jours l'illustrent. Le gouvernement annonce ainsi que la prime de Noël versée aux titulaires de minima sociaux allait augmenter. La justification de ladite prime est néanmoins floue. Les gouvernements ont été forcés de concevoir des mécanismes faisant en sorte que le travail soit plus intéressant que l'inactivité en versant de l'argent public en plus des salaires à ceux qui retrouvaient un emploi, pour ne pas qu'ils perdent de l'argent en ne touchant plus l'assurance chômage. La prime pour l'emploi et désormais le RSA vont dans ce sens. Cela laisse penser que l'Etat paye bien l'inactivité, et doit ensuite repayer pour faire cesser l'accoutumance à l'argent public. Tout cela est évidemment coûteux.
Un autre exemple trouvé dans l'actualité impacte certainement moins les finances de l'Etat, mais est encore plus symbolique du peu de conscience fait de l'argent public : l'appartement de fonction réservé à Christian Poncelet après qu'il ait quitté la présidence du Sénat. Celui-ci peut bien vociférer contre "les chiens" à l'origine de la polémique qui l'empêche de profiter de ce qu'il considérait être un avantage acquis. Ce qui est encore plus grave, c'est qu'il considère avoir grandement servi l'institution qu'il présidait, en ayant fourni beaucoup d'efforts pour améliorer son image, ce qui ne consistait en fait qu'en de grosses dépenses de communication, opérations événementielles et chaîne de télévision coûteuse en guise de vitrine. Si chacun raisonne comme cela, les déficits sont garantis pour encore longtemps, et l'intérêt général continuera à être oublié. Pour que rien ne soit fait, c'est que cela doit visiblement plaire.
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