Réflexions en cours

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jeudi 31 mars 2011

Non à un grand stade pour le rugby

En novembre dernier, la Fédération Française de Rugby (FFR) a dévoilé un projet de grand stade de 80 000 places pour son équipe de France. Celui-ci serait situé en région parisienne, et aurait également vocation à recevoir des concerts ou des spectacles. En bref, la FFR réinvente le Stade de France. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Alors que le Stade de France peut parfaitement recevoir des matchs de rugby (actuellement, il accueille non seulement les matchs de l'équipe nationale, mais aussi certains du Stade Français et du Métro Racing 92), la FFR veut créer un doublon imposant.

Les raisons invoquées sont assez dérisoires. La première est la volonté d'avoir un stade pouvant être opéré à sa guise. Cela permettrait à la FFR de programmer des matchs aux dates qui lui convient. La deuxième est la recherche de meilleures retombées financières. Le Stade de France coûte cher, ce qui limite les recettes en billetterie de la FFR. Ce n'est rien qui ne puisse être surmonté lors de discussions avec le consortium opérant le Stade de France. Le planning de celui-ci reste quand même très ouvert en l'absence d'équipe résidente. Avant le Stade de France, l'équipe française de rugby jouait de nombreux matchs au Parc des Princes, où jouait également le Paris Saint-Germain. Ce n'était pas un drame. Là, les disponibilités sont bien plus importantes.

Quand bien même le Stade de France venait à être occupé, l'équipe française de rugby peut tout à fait jouer dans un autre stade en province. D'ici 2016, de nombreux stades seront agrandis et modernisés dans l'optique de l'Euro de football. Il y aura notamment le Grand Stade Lille Métropole de 50 000 places, particulièrement novateur, le nouveau stade de l'OL de plus de 60 000 places, et un Stade Vélodrome agrandi et couvert à Marseille. Une équipe de football ne joue qu'un match sur deux à domicile, il y aura donc moult stades de grande capacité pour accueillir les matchs de l'équipe nationale de rugby.

Et la perspective qu'il y ait un concurrent au Stade de France n'a pas vraiment d'intérêt pour l'intérêt général. En 2008, l'Etat continuait encore de verser une indemnité de deux millions d'euros au Stade de France pour l'absence de club résident. Cela a beaucoup diminué depuis 2000, où cette indemnité était de 15 millions, mais c'était grâce à un bon taux d'occupation du Stade de France via les différentes manifestations autres que le football (concerts, spectacles, rugby...). L'intérêt du plus grand nombre est bien de supprimer au plus vite toute indemnité. Et une telle concurrence ne va pas dans ce sens, surtout que ce grand stade de rugby, à la rentabilité douteuse, pourrait bien se transformer également en puits à subventions.

Évidemment, le plus probable reste encore que cette histoire de grand stade de rugby soit une manœuvre de négociation de la FFR envers le Stade de France. La Fédération Française de Tennis avait utilisé un subterfuge similaire, en affirmant d'abord que la France risquait de perdre son tournoi du Grand Chelem, puis qu'il changerait l'emplacement de l'Open de France si la mairie de Paris ne la laissait faire les transformations qu'elle voulait au site de Roland Garros. La convention entre le Stade de France et la FFR se termine en 2013. Il vaudrait mieux qu'ils trouvent un accord, car il n'est pas sûr que le public comprenne bien la nécessité d'un deuxième Grand Stade si proche du premier.

mardi 29 mars 2011

La panique du castor

Pour de nombreux observateurs, la défaite de la CSU (la première sur plusieurs décennies) dans l'élection de dimanche dernier dans le Bade-Wurtemberg est liée à un soudain regain d'intérêt pour les politiques écologistes. La victoire des Verts s'expliquerait ainsi par la crainte renouvelée de la population envers l'énergie nucléaire, suite aux troubles de la centrale de Fukushima. L'année dernière, Angela Merkel avait décidé dans un climat de politique de prolonger de plusieurs années la durée de vie des centrales nucléaires allemandes. Suite aux événements japonais, elle a fait un violent volte-face en suspendant l'exécution de cette mesure, et en décidant même de mettre à l'arrêt 7 des 17 réacteurs allemands. Peut-être prévoyait-elle déjà les effets électoraux qu'aurait son choix du nucléaire dans l'élection prochaine du Bade-Wurtemberg... Toujours est-il que ce fut bien une décision prise dans la panique et ne se justifiant absolument pas, le tremblement de terre n'ayant aucunement endommagé les installations européennes. Des contrôles de sécurité dans l'immédiat, puis l'implémentation de nouvelles mesures tenant compte des leçons apprises à Fukushima auraient suffi.

La victoire des Verts était de toute façon probable bien avant le tremblement de terre japonais. Cela fait des mois que la capitale de ce Land, Stuttgart, est l'objet d'un conflit intense sur l'opportunité de construire une nouvelle gare souterraine très moderne. Les Verts la rejetaient, la CDU en faisait la promotion, ce qui la rendait très impopulaire. Mais le mouvement de panique d'Angela Merkel montre bien la peur profonde d'une grande partie des Allemands pour l'énergie nucléaire. Les Français en ont un avant goût à l'occasion des convois "Castor" pour le retraitement des déchets nucléaires, entre l'Allemagne et la Hague. Ce sont à chaque fois l'occasion de manifestations et de tentatives de sabotages qui débordent même sur le territoire français. "Castor" est devenu un symbole des liens difficiles de l'Allemagne avec sa filière nucléaire. Et les Verts français se montrent aussi très hostiles au nucléaire.

Les écologistes allemands préfèrent mettre l'accent sur les énergies renouvelables. L'avancée de l'Allemagne en matière d'énergie éolienne est grande, on peut difficilement le contester. Mais c'est le pylône éolien qui cache les cheminées des centrales thermiques. Alors que le débat politique semble être sur le choix entre nucléaire et énergies renouvelables, il s'avère qu'il y a en fait un vrai choix collectif pour les énergies fossiles en matière de production d'électricité. On le voit sur ce graphique :



On le voit, la France a trois fois plus recours au nucléaire que l'Allemagne. L'essentiel de la production électrique allemande vient du charbon, du pétrole et du gaz, ce qui en fait un pays bien plus pollué par le dioxyde de carbone que la France. L'énergie hydroélectrique y est moins développé, les autres sources renouvelables y prospèrent davantage, mais leur poids est bien loin d'être aussi important que le nucléaire ou les énergies fossiles. Les éoliennes sont impeccables sur le plan environnementales, mais l'électricité produite coûte plus cher, et surtout ça ne suffit pas.

En remettant en cause l'énergie nucléaire, l'Allemagne risque donc de dépendre davantage de ses centrales thermiques, hautement polluantes, et aux dangers bien moins contrôlables. Il y a non seulement le réchauffement climatique, mais aussi les dangers sur la santé de la population. C'est certes moins spectaculaire qu'une explosion à une centrale nucléaire, mais il n'est pas certain du tout que ce choix soit meilleur.

Graphique : The Economist

lundi 28 mars 2011

Perdu de vue : François Bayrou

Les dernières élections cantonales sont passées, et les commentateurs institutionnels déblatèrent inlassablement sur le même phénomène : la montée du Front National. Ce faisant, ils perdent leur temps, et font perdre le temps de ceux qui les lisent ou les écoutent. Car le Front National ne monte tout simplement pas. Dans les faits, il s'avère même qu'il baisse. Lors des élections cantonales précédentes sur les mêmes cantons, en 2004, les candidats FN avaient recueillis 1 490 315 voix au premier tour sur l'ensemble de la France. Il y a une semaine, ils ont recueillis 1 379 902, soit une diminution de 7,41 %. Si l'on calcule en termes relatifs, sachant que le nombre d'inscrits a augmenté de plus d'un million de personnes, la diminution est alors de près de 13 %. Difficile dès lors de parler de montée d'un parti qui perd des électeurs.

Le principal enseignement de ce scrutin est donc bien la force de l'abstention, le nombre de votants ayant diminué d'un quart entre 2004 et 2011. Le fait qu'il ne soit pas lié à une autre élection comme auparavant a joué. Mais la désaffection de la population pour la démocratie est à un niveau déstabilisant pour l'ensemble des partis. L'UMP a perdu beaucoup d'électeurs, mais le grand gagnant désigné de ces élections, le PS, aussi (plus de 29 % de disparus). Il n'y a vraiment pas de quoi se réjouir. Mais si l'on doit faire le palmarès des gamelles électorales, la plus grosse est probablement celle du Modem. En 2004, l'UDF, le prédécesseur du Modem, avait réuni 584 587 votes au premier tour. En 2011, le Modem a fait 111 887 voix, soit une diminution de plus de 80 %. Cela donne 0,53 % des inscrits, 1,22 % des suffrages exprimés. Même le Nouveau Centre a fait davantage, avec 3,2 % des suffrages exprimés, soit plus du double que le Modem.

L'une des raisons de cet résultat rachitique vient du fait que le Modem, qui aurait du transformer la vie politique française, ne s'est pas vraiment donné la peine de prendre part à ce scrutin. Après l'abstention des électeurs, il y a désormais l'abstention des partis politiques. Il faut dire que les revers électoraux du Modem aux européennes de 2009 et aux régionales de 2010 ont été cinglant, et les dirigeants comme les militants de ce parti ne semblent même plus motivés pour défendre leurs idées politiques. Et aujourd'hui, quand on parle de centristes dans l'actualité, on fait référence à Jean-Louis Borloo. La personne qui semble s'immiscer dans le duel gauche/droite de la présidentielle de 2012, c'est pour l'instant Marine Le Pen, et non François Bayrou, qui aurait pourtant pu récupérer les suffrages des mécontents des partis traditionnels. Cela ne veut pas dire que le Modem ou François Bayrou ne referont jamais surface, mais pour l'instant, ce qui est vraiment frappant (et que personne n'aborde), c'est qu'ils sont aux abonnés absents.

jeudi 24 mars 2011

Le retour de Kashima

Suite au derniers événements, le Japon est dévasté. Des villes entières ont été rayées de la carte. La puissance atomique en a profité pour montrer le visage terrifiant qu'elle peut avoir. Le pays doute de son modèle de société. Nous sommes en 1945.

Comme après l'armistice de 1945, le Japon est aujourd'hui face à des défis immenses... et certains d'entre eux sont d'ailleurs les mêmes. Mais c'est justement cette Histoire qui peut lui permettre de redémarrer au plus vite. Pendant l'après guerre, le Japon a connu un baby boom, une très forte croissance économique et l'émergence d'un nouveau modèle de développement. La réussite japonaise était telle que les Etats-Unis se sentaient menacés à la fin des années 80. Pourtant, lors des 20 dernières années, le Japon a semblé prendre un chemin inverse : la croissance économique a laissé place à l'éclatement d'une bulle immobilière, suivie d'une crise déflationniste increvable. La forte baisse de la natalité pousse au vieillissement de la société. Des grands groupes comme Sony font face à de nouveaux concurrents. Le système politique sclérosé a entraîné une instabilité gouvernementale inefficace. Le Japon doutait déjà fortement de lui-même. La catastrophe récente fut en quelque sorte le couronnement de ces difficultés.

Mais cela peut également être le signal du redémarrage. Bien sûr, il faudra d'abord mettre fin aux problèmes de la centrale nucléaire de Fukushima. Le plus dur est quand même passé : si elle avait du explosé à la manière de Tchernobyl, cela aurait eu lieu pendant la première semaine. Avec le temps qui passe, l'enjeu est de calmer doucement les réacteurs. Cela reste un sujet d'inquiétude, mais les principaux enjeux sont ailleurs. Combien de morts pendant le tremblement de terre ? Combien de morts suite au tsunami ? Et en comparaison, combien de morts précisément suite aux troubles de la centrale de Fukushima ?

Aujourd'hui, il faut donc reconstruire. Toutes ces destructions auront des conséquences terribles sur l'économie, et la reconstruction, si elle est entamée rapidement, pourra contrebalancer cela. L'Etat japonais a des atouts dans cette optique. Il est très lourdement endettée, mais comme les Japonais sont de grands épargnants, cette dette est principalement détenue par les ménages. L'inflation n'y existe pas. Il y a donc une solution pour financer de grands projets et relancer l'activité : profiter de cette crise pour que la banque centrale japonaise rachète massivement les titres de dettes de l'Etat, comme l'ont fait les Etats-Unis il y a quelques mois. C'est un facteur d'inflation, mais cela importe peu vu son niveau actuel. C'est surtout un facteur de relance de l'économie via l'afflux de liquidités. Et peut-être que le choc sera un instrument de remobilisation pour la société japonaise, avec à la clé un mini-baby boom.

Dans la mythologie shinto japonaise, les tremblements de terre sont créés par un poisson chat géant, Namazu, qui vit sous le Japon. D'habitude, il est contrôlé par le dieu Kashima. Mais lorsque ce dernier relâche son attention, Namazu en profite pour remuer brusquement sa queue sous la terre, provoquant de terribles destructions, jusqu'à ce que Kashima vienne le remettre au pas. Le Japon a connu de terribles secousses, celles sismiques n'étant que les dernières. Mais c'est justement l'opportunité pour Kashima de revenir, et permettre au Japon de connaître un nouveau départ.

mercredi 23 mars 2011

Obligation de moyens ou obligation de résultat en politique

Les derniers sondages et le premier tour des cantonales ont généré beaucoup de tension. La chute de la droite majoritaire au profit de l'extrême droite pose bien des questions. Mais l'un des constats les plus simples à faire est que la droite a déçu, d'où l'abstention et la désaffection des électeurs. Et pourquoi cette déception ? Eh bien très simplement, il y avait des attentes, elles n'ont pas été suivies d'effet. Que ce soit sur l'insécurité, le chômage ou les tensions sociales, il n'est pas besoin de lancer de grandes études pour constater que les dossiers les plus importants ne sont pas réglés. Pourtant, le gouvernement n'a pas été inactif ces dernières années, et les discours volontaristes de la part du Président de la République n'ont pas manqués. En droit, on distinguer l'obligation de moyens de l'obligation de résultat, notamment dans l'exécution des contrats. Mais en politique, demande-t-on aux responsables une obligation moyen ou bien une obligation de résultats ?

Comme on a souvent tendance à croire que l'Etat est responsable de tout, le sentiment prédominant privilégie l'obligation de résultat, la notion que le politicien doit réussir à transformer la société dans un meilleur sens dès qu'on lui confie le pouvoir. Or non seulement l'Etat ne peut et ne doit pas intervenir sur tout et n'importe quoi, quand bien même il y a une volonté publique, elle n'est pas forcément suivie d'effet. Nombreux sont ceux qui, constatant leur impuissance, cherchent à obtenir davantage de pouvoirs pour effectuer les changements qu'ils désirent. La grande tragédie de l'ambition est de découvrir, au fur et à mesure que l'on grimpe les échelons, tout le pouvoir qui reste en dehors de sa portée. Même les conquérants qui dominaient des zones immenses étaient l'objet de toutes les contingences, et le sentait probablement plus que nul autre.

Dans ce cadre là, les dirigeants n'auront jamais assez de pouvoir. Et il n'est d'ailleurs pas nécessaire qu'ils en aient davantage. Mais si leurs pouvoirs sont limités, leurs résultats le sont forcément également. Voilà pourquoi il est difficile d'exiger de leur part une obligation de résultat. En conséquence, c'est l'obligation de moyens qui leur est demandé. Ils doivent faire le maximum pour leur concitoyens. Et quand on parle de moyens, cela ne veut pas dire obligatoirement des moyens financiers, mais plutôt de faire de leur mieux, de faire les meilleurs choix pour l'intérêt général.

En fait, l'une des principales origines de la désaffection entre les citoyens et leurs élus n'est pas forcément l'incapacité de ceux-ci à obtenir les résultats souhaités, mais leur manque de sincérité. Ces attentes disproportionnées, ce sont les politiciens qui les génèrent, lorsqu'ils font des promesses non pas en mesures à prendre, mais en résultats qui seront obtenus. Ils ne peuvent pas plus lire l'avenir que les autres, et s'ils peuvent expliquer les effets attendus de telle ou telle politique, ils ne devraient pas se montrer affirmatif à 100 % sur des phénomènes toujours incertains. Car c'est à ce moment là que les gens ont l'impression qu'on leur sert des boniments. Il y a donc une obligation de tenir ses promesses. Dans ce cas, mieux vaut les laisser sous contrôle.

mardi 22 mars 2011

Strasbourg, le combat de trop

Il y a une dizaine de jours le Parlement Européen a voté le regroupement des sessions d'octobre ayant lieu à Strasbourg pour 2012 et 2013. Pour les députés européens, le but est de passer moins de jour dans la capitale de l'Alsace, vu qu'ils préfèrent bien davantage siéger à Bruxelles. Les allers retours entre les deux villes sont coûteux et épuisants pour tous ceux impliqués, c'est vu comme une aberration, un symbole de la gabegie financière que peuvent parfois être les institutions européennes. C'est avec ce genre de choses que les citoyens européens se détournent de la construction européenne. Si la présence du Parlement Européen à Strasbourg est un beau symbole, les grandes transhumances entre Strasbourg et Bruxelles est un symbole particulièrement repoussant. Le Parlement Européen n'a besoin que d'un lieu pour l'ensemble de ses activités.

Les autorités locales de Strasbourg et le gouvernement français déclarent qu'elles feront tout pour empêcher le déménagement du Parlement Européen à Bruxelles. Dans ce cas, ils doivent s'engager pour tout rapatrier depuis la capitale belge. Cette dernière est certainement mieux pourvue en moyens de communication et en capacité hôtelière, entre autres. Mais le statut de la ville est tout de même sujette à quelques questions. Dans les troubles internes que connaît actuellement la Belgique, le rôle de Bruxelles est d'ores et déjà disputé entre les différentes communautés. Peut-être que cette ville est destinée à devenir une espèce de capitale européenne dépourvue de nationalité, ce serait une solution digne du roi Salomon. Après tout, Washington DC au Etats-Unis n'est pas incluse dans l'un des cinquante Etats que connaît le pays.

Le déménagement de l'ensemble des activités du Parlement Européen à Strasbourg est-elle seulement possible ? Déjà, on peut se dire que l'un des rôles de ce Parlement est de contrôler la Commission Européenne, qui restera elle bien attachée à Bruxelles. Ensuite, il semble bien que Bruxelles est préférée par les députés européens. Strasbourg n'est considérée que comme une forfanterie à laquelle la France est attachée, ce qui n'est pas tout à fait inexact. De toute façon, il faudrait désormais prendre une décision assez rapidement, pour que ne s'éternise pas un combat de trop. Il serait ainsi souhaitable qu'à partir de la prochaine législature, toutes les activités du Parlement Européen soient regroupées dans l'une de ces deux villes, même si ce ne doit pas être Strasbourg. Car c'est bien ce qu'exige l'intérêt général, et c'est pour cela que nous faisons la construction européenne.

lundi 21 mars 2011

En Libye comme au Kosovo

On a beaucoup parlé de "printemps arabe" à propos des révolutions en Afrique du Nord et dans d'autres pays du Moyen Orient. C'était pourtant l'hiver. C'est désormais le printemps, et les choses se sont maintenant un peu calmées dans le registre des révolutions spontanées voulues par le peuple. Il faut dire que si celles de Tunisie et d'Egypte sont restées à peu près mesurées en terme de violence, celle de Libye s'est transformée en une authentique guerre civile. Une guerre civile qui était sur le point d'être gagnée par le colonel Kadhafi. Paradoxalement, c'est justement la violence de cette répression qui a poussé la communauté internationale à taper du poing sur la table plus fort que pour les cas précédents.

Il est de bon ton ces temps-ci de rappeler que Mouammar Kadhafi fut accueilli en grande pompe à Paris par Nicolas Sarkozy il y a quelques années. L'objectif est de rappeler la compromission de notre Président. Mais c'est aller un peu vite en besogne, et oublier les circonstances de cette réception. Plus personne n'en parle aujourd'hui, mais Nicolas Sarkozy fut partie prenante dans la libération des infirmières bulgares détenues injustement en Libye. L'une des conditions à cette libération fut justement que la France participe, à l'instar d'autre pays, à la réintroduction de la Libye dans le jeu international. Considéré comme pays terroriste dans les années 80, la Libye aurait très bien pu se retrouver dans l'"axe du mal" honni par les Etats-Unis au lendemain du 11 septembre 2001. Mais Mouammar Kadhafi préféra faire profil bas et multiplier les gestes de bonne volonté en direction de la communauté internationale. Il fit preuve d'un certain niveau de transparence quant à son armement et mis de côté toute intention belliqueuse en échange du rétablissement de relations cordiales. Pour tous ceux qui voulaient la paix, cela reste quand même une bonne issue. Et plutôt que de s'en prendre à l'Occident, il préféra jouer un rôle important dans la politique continentale africaine.

Mais tout cela ne tient plus à partir du moment où il utilise la violence pour réprimer sa population. Autant on ne pouvait pas faire la révolution à la place des Libyens (l'expérience irakienne l'a précisément montré), autant on peut se montrer enclin à aider la population libyenne si celle-ci fait face à une répression terrible lorsqu'elle s'engage pour sa liberté. A ce titre là, la situation rappelle un peu ce l'intervention au Kosovo. Bien sûr, les deux cas diffèrent sur de très nombreux points. Mais il reste que pour les Européens, la perspective de voir un peuple massacré si près de chez eux par un pouvoir autoritaire entraîne une réaction. L'intervention aérienne, forme d'engagement militaire qui reste plus légère qu'un débarquement de troupes au sol, est alors un outil pour empêcher un bain de sang. Ce sera bien aux Libyens de reconquérir le pouvoir ensuite. Et dans ce conflit, c'est bien sur leurs épaules qu'est la charge la plus lourde.

jeudi 17 mars 2011

Les dernières élections cantonales

Ce dimanche, ce sont les élections cantonales pour la moitié de la France. Entre les événements de l'Afrique du Nord et la catastrophe japonaise, il n'y a déjà pas beaucoup de place pour une autre actualité. Mais ces cantonales n'auraient probablement pas été sur le devant de la scène même si l'actualité avait été calme. Déjà, l'enjeu est plus faible, puisque seule la moitié des cantons est renouvelé. Ensuite, la grande majorité de la population ne sait pas exactement à quoi sert les conseils généraux, c'est encore pire que pour les conseils régionaux. Enfin, d'habitude, les élections cantonales ont lieu en même temps que d'autres élections (municipales ou régionales), pour faire d'une pierre deux coups. Cette fois-ci, ce n'est pas le cas. Les électeurs sont appelés uniquement pour les cantonales. Du côté du Front National, l'irrespect pour ces élections a été si loin que c'est uniquement la figure de Marine Le Pen qui est imprimée sur les affiches de tous les candidats, et la profession de foi a été standardisée de telle manière que c'est la même pour toute la France. Ce sont pourtant des élections locales.

Bref, tout le monde s'en fiche. La participation s'annonce ridicule, et la gauche sera déclarée vainqueur. On en est à un point où les conseils généraux peuvent faire n'importe quoi, ça ne change rien à l'issue des élections. Au mieux le conseiller général est élu car il est élu local (maire) populaire dans le canton, au pire les votes ont lieux sur la popularité du gouvernement (ce qui n'a évidemment rien à voir). On peut bien s'étonner ensuite que les finances des collectivités locales représentent un gouffre à part entière dans le déficit public.

Mais la particularité de cette élection, c'est aussi que les conseillers généraux élus n'auront qu'un mandat de trois ans. En 2014, tous les conseillers généraux et les conseillers régionaux auront à passer devant le suffrage universel, donnant lieu aux conseillers territoriaux. Ceux-ci seront élus pour représenter leurs électeurs à la fois au département et à la région. Le résultat peut être intéressant. Notre pays à trop de strates administratives, pour chaque projet, une mairie demande des subventions à la communauté de communes, au conseil général, au conseil régional, voire même à l'Etat. S'il y a au moins un guichet unique pour deux de ces portemonnaie, ce sera déjà pas mal. La distinction entre les rôles des conseils régionaux et les conseils généraux est de toute façon assez artificielle. Et on aura également une élection en moins. Ce sera donc les dernières élections cantonales, mais il n'est pas certain qu'elles soient beaucoup regrettées.

mercredi 16 mars 2011

Quelle logique pour les participations publiques ?

Malgré les vagues de privatisations, un bon nombre d'entreprises françaises comptent toujours l'Etat au nombre de leurs actionnaires. Ces participations publiques passent par différents canaux. Il y d'abord l'Agence des Participations de l'Etat (APE), qui s'occupe des entreprises publiques. Il y aussi la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC), qui n'hésite pas à prendre des participations dans des entreprises privées, selon plusieurs critères. Le but est souvent d'aider au financement de PME non cotées, mais appelées à connaître une croissance forte. Des entreprises de services d'intérêt général ou de gestion immobilière peuvent aussi être financées par la CDC... Evidemment, ces participations ont vocation à être rentable et à rapporter de l'argent via les dividendes. Depuis 2008, la CDC passe aussi par le Fonds Stratégique d'Investissement voulu par Nicolas Sarkozy, à l'origine pour aider des entreprises à stabiliser leur capitalisation pendant la crise.

Mais lorsque l'on observe la liste (longue) des entreprises dans lesquelles l'Etat est actionnaire d'une façon ou d'une autre, on peut quand même se demander si elles sont toutes bien pertinentes. Il ne s'agit pas de remettre en cause une participation majoritaire dans l'opérateur de transports en commun Transdev, puisqu'il s'agit bien d'un service d'intérêt général. Mais comment justifier la possession de 15 % du capital de Renault ? Est-ce le rôle de l'Etat de construire des voitures ? Les circonstances historiques qui avaient permis la nationalisation de cette entreprise il y a de cela 66 ans ne sont absolument plus d'actualité aujourd'hui. CNP assurances est le premier assureur aux personnes en France, quel besoin d'avoir l'Etat comme actionnaire alors que le privé pourrait s'en occuper ? Le groupe de villages de vacances Belambra fut lancé après guerre en tant qu'association pour favoriser le départ en vacances, mais maintenant que l'actionnariat est majoritairement privé, la présence de l'Etat (40 % de l'actionnariat) ne se justifie plus vraiment. De même, les participations importantes de l'Etat dans des groupes aussi énormes que Eiffage ou France Telecom peuvent poser question.

Un exemple parmi d'autres permet de cerner le problème : Quick. Depuis quatre ans, la CDC possède 94 % de ce groupe de restauration rapide. Si Quick s'est développée sous forme de franchises, il est tout de même difficile de qualifier cette entreprise de PME. Avant d'être racheté par la CDC, ce n'était même pas une entreprise française, mais belge. Auparavant propriété du financier Albert Frère, ce n'était pas non plus une entreprise familiale. Et il ne s'agit pas d'implémenter une vision stratégique profitable à l'intérêt général. En effet, le fast food à base de hamburgers et de frites n'est pas exactement le produit équilibré à promouvoir par l'Etat, et comme on l'a vu récemment, la question de l'hygiène est problématique. Enfin, la stratégie d'entreprise fondée sur le communautarisme ne ressemble en rien à ce qui peut être souhaité par un gouvernement. Posons la question clairement : qu'est-ce que la CDC fait la dedans ?

Certains peuvent penser que ces participations sont aussi une façon de financer l'Etat, via les dividendes. Il faudrait voir quel est leur flux financier global, et si c'est bien le rôle de la CDC. Mais tous ces actifs immobilisés ne le sont pas ailleurs. Il est dès lors tout à fait légitime de se demander quelle est la pertinence de chacune de ces participations, et considérer que la revente de certaines d'entre elles pourrait financer l'investissement dans des infrastructures fondamentales pour notre avenir. Ce serait une bien meilleure solution que de faire un grand emprunt qui nous handicape pour longtemps.

mardi 15 mars 2011

On va tous mourir !

...et chaque minute qui passe nous rapproche inéluctablement de notre mort !

En tant que tel, ces affirmations sont parfaitement exactes. Et c'est à peu près la tonalité qu'ont adopté les médias depuis quatre jours. L'actualité nous fournit un flot ininterrompu de pessimisme qui se conjugue à tous les temps. Au passé, ce fut effrayant avec les images du raz du marée dévastateur. Au présent, c'est glauque avec les reportages sur les villes rayées de la carte. Et au futur, les perspectives qui nous sont présentées sont particulièrement lugubres, avec un feuilleton sur le refroidissement de la centrale de Fukushima.

Mais si cela ne suffisait déjà pas, il a fallu qu'on embraye sur une psychose aussi vaine que pénible. Telle une malédiction, il faut que chaque événement qui se passe dans le monde se transforme en polémique française locale. Le manque d'informations en provenance des autorités japonaises (qui ont bien d'autres choses à faire qu'à répondre à nos journaux nationaux) a laissé de la place libre pour que ce moment fort d'actualité soit meublé par les prophètes de la fin du monde. Ce week-end, la chaîne d'information en continue France 24 en était par exemple à utiliser comme consultante sur la centrale nucléaire japonaise une responsable française de Greenpeace... qui assurait que d'après ses sources (lesquelles ?), tout était bien évidemment foutu. Qu'est-ce que des militants anti-nucléaires pouvaient affirmer d'autre ? Chaque matin, les radios font des appels à témoins auprès des auditeurs sur la question "avez-vous peur du nucléaire ?" Les journaux locaux tendent à exploiter le filon en faisant leur une sur les dangers du nucléaire près de chez vous.

Le pire est certainement le fait que dès samedi, les responsables des Verts ont monté une opération de communication sur le thème "sortons du nucléaire, bombe à retardement garantie". Ils n'ont pas eu peur d'être indécent en récupérant rapidement ce drame, alors qu'à l'autre bout du monde on sauve encore des gens coincés dans les gravats et que des ingénieurs travaillent comme des chiens pour limiter les dégâts. La paranoïa est totale. C'est comme si à chaque fois qu'un avion s'écrasait, on remettait en cause la raison d'être de l'ensemble du transport aérien. Et en l'occurrence, à Fukushima, "l'avion" ne s'est même pas écrasé, et ne fait que traverser de fortes turbulences dues à des circonstances exceptionnelles. En aviation, les vraies questions qui se posent sont celles des leçons à tirer de chaque catastrophe pour éviter qu'elles se reproduisent. C'est la même procédure pour l'énergie nucléaire.

Evidemment, rien n'est jamais sans risque. Mais c'est justement parce que le nucléaire est dangereux qu'il y a autant de précautions prises, plus que pour aucun autre secteur. Et en ce qui nous concerne, les avantages sont bien plus importants que les inconvénients. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut développer d'autres sources d'énergie, mais en attendant le nucléaire est une solution solide pour notre production d'électricité. Mais cela paraît difficile à faire entendre dans un "débat" alimenté par l'émotion voire l'hystérie.

lundi 14 mars 2011

Le squat est un vol

Le nouveau site d'information Atlantico.fr a révélé récemment que les squatteurs d'un immeuble lors d'une opération médiatique étaient des salariés tout à fait solvables, mais complètement politisés. Ils ont moins participé à cette histoire parce qu'ils en avaient besoin que parce qu'ils voulaient faire un coup. Ce ne sera pas la première fois, ni la dernière. Mais leur cause en valait-elle la peine ? Qu'il y ait une crise du logement en France, nul ne peut le contester. Celle-ci est plus accentuée dans les grandes agglomérations, conséquence de deux phénomènes : le manque de constructions récentes d'une part, la baisse du nombre d'habitant par logement d'autre part. Néanmoins, le squat ne peut être une solution souhaitable.

Le squat est un vol. L'occupation d'une propriété sans l'accord du propriétaire est révoltante, dans la mesure où il nie le droit de propriété. Rappelons aux défenseurs des droits de l'homme que le droit de propriété est justement l'un des droits naturels et imprescriptibles de l’homme définis par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (citée par notre Constitution). Seule la puissance publique peut forcer quelqu'un à renoncer à sa propriété, et encore, avec des limitations. Que n'importe qui puisse s'arroger de sa propre volonté la possibilité de jouir de la propriété d'autrui ne peut pas être accepté. Dès lors, les militants des associations contre le mal logement doivent trouver d'autres moyens d'action que d'essayer de multiplier les squats. Peut-être serait-il plus efficace que ces associations acquièrent elles-mêmes des bâtiments pour les louer aux vrais nécessiteux. La perspective de voir son appartement, acheté par des années de labeur, occupé du jour au lendemain par des gens qui en ont forcé la porte et qui méprisent les droits du propriétaire (sans avoir même la possibilité de les en déloger rapidement) remet en cause gravement notre contrat social.

Voilà pourquoi l'une des décisions récentes du Conseil Constitutionnel sur la loi Loppsi 2 est inexplicable. Sans parler de chacun des autres points abordés par cette loi, l'article 32 permettait d'une part aux préfets de faire évacuer les terrains publics ou privés occupés illégalement, d'autre part permettait la condamnation du fait d'occuper un domicile sans l'autorisation du propriétaire ou du locataire. Il fut censuré. La justification de cette censure est littéralement incompréhensible pour le commun des mortels, l'article 32 n'est quasiment pas évoqué dans la décision, il n'était d'ailleurs même pas attaqué par les députés et sénateurs de l'opposition qui avaient demandé l'examen de la loi par le Conseil Constitutionnel.

Aujourd'hui, avoir un bien squatté constitue un drame pour les propriétaires qui en arrivent généralement à regretter d'avoir fait cette acquisition. Et dans la crise actuelle du logement, ce que l'on souhaite, c'est qu'il y ait davantage de biens à louer, pas moins.

dimanche 13 mars 2011

Désintégration turque

Devant plus de 10 000 personnes d'origine turque dans la salle omnisports de Düsseldorf, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan déclare qu'ils appartiennent à la Grande Turquie. Il leur dit que leurs enfants doivent apprendre l'allemand, mais qu'ils doivent d'abord apprendre à bien parler le turc. Il exprime à nouveau son rejet de l'assimilation de la communauté turque en Allemagne, considérant que nul ne saurait les arracher à leur culture. Voilà comment le 27 février dernier, un chef de gouvernement étranger a incité des personnes habitant en Allemagne au nationalisme. Ce faisant, il défend bien sûr ce qu'il considère être les intérêts de son propre pays. Mais cela ne rejoint uniquement les intérêts de l'Allemagne. Alors que Angela Merkel a reconnu l'échec du multiculturalisme il y a quelques mois, Recep Tayyip Erdogan s'est positionné comme le leader de la communauté turque en Allemagne, faisant directement la promotion de la coexistence de plusieurs cultures au sein d'un seul pays.

Et ce n'est pas la première fois qu'il agit ainsi. En novembre 2008, à Cologne, il avait déjà incité (en turc) 20 000 de ses ressortissants à ne pas s'assimiler. Il leur recommander de profiter de l'éducation allemande, mais de toujours rester culturellement turc. Quelques jours plus tard, alors que les milieux politiques allemands s'alarmaient de telles déclarations, Recep Tayyip Erdogan poursuivit sa réflexion devant son Parlement à Ankara : "l'assimilation est un crime contre l'humanité". Rien de moins. En avril 2010, il dit la même chose à Paris devant 6 000 Turcs habitant en France. "Personne ne peut vous demander d'être assimilés. Pour moi, le fait de demander l'assimilation est un crime contre l'humanité, personne ne peut vous dire: renonce à tes valeurs". Il en profita pour souhaiter que les prénoms turcs augmentent dans les pays d'Europe.

C'est évidemment totalement le contraire de ce qu'il faut faire et souhaiter. Les pays d'Europe souffrent aujourd'hui justement que les dernières vagues d'immigration n'aient pas pu être assimilées au reste de la population, contrairement aux précédentes. Ce n'est pas un problème de religion ou même d'ethnie, mais bien une question de culture. Et en privilégiant la culture d'origine au détriment de l'adoption de celle du pays d'accueil, nous allons tous devant de terribles incompréhensions dont les conséquences apparaissent chaque jour. C'est déjà suffisamment tragique lorsque c'est par manque de volonté de part et d'autre, mais lorsque cela devient une décision consciente prônée par un pays extérieur, il est difficile de ne pas considérer un tel discours comme un acte hostile.

La culture n'est pas liée à une origine ethnique. La culture est déterminée par le milieu dans lequel on vit. Et pour ceux qui vivent en Allemagne, en France, ou un quelconque autre pays, il est normal qu'ils adoptent la culture de leur nouveau pays. L'assimilation n'est en rien un crime, c'est au contraire un impératif.

jeudi 10 mars 2011

Les rentiers de la couronne

C'était hier soir, au Sénat. Un amendement déposé par Gilbert Barbier est discuté. Il remplace dans le code de la santé publique "l'information écrite délivrée gratuitement au patient comprend, de manière dissociée, le prix d'achat de chaque élément de l'appareillage proposé" par "l'information écrite délivrée gratuitement au patient comprend, de manière dissociée, le prix de vente de ce dispositif médical". Dans ce texte qui concerne les dentistes, le changement de "prix d'achat" par "prix de vente" n'est pas anodin. L'obligation d'annoncer le prix d'achat des couronnes et prothèses par les dentistes avait été votée lors de la réforme des hôpitaux en 2009. Le but était de permettre aux patients de comprendre quelle part de sa facture revient à l'équipement, et quelle part revient au dentiste. C'était un dispositif utile pour établir la transparence, éventuellement faire jouer la concurrence, et surtout éviter les tarifs trop exagérés. En le changeant par prix de vente, cela annule tout, le dentiste vendant ce qu'il veut pour le prix qu'il veut.

La discussion fut d'une inanité singulière, on peut la résumer ainsi :

Gilbert Barbier, auteur de l'amendement : Cette obligation ne prend pas en compte les dentistes [et pour cause]. Le patient n'a pas besoin de savoir.

Alain Milion, rapporteur de la loi : La commission des affaires sociales s'est prononcée contre la suppression, plutôt que de s'en prendre à cette obligation, il aurait mieux valu l'appliquer, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Xavier Bertrand, ministre : Je ne suis pas défavorable aux consommateurs, mais les dentistes sont malheureux, donc passez outre l'avis de la commission.

Jean-Pierre Fourcade, auteur de la proposition de loi : Les dentistes ne veulent pas appliquer cette obligation, je suis donc pour sa suppression.

André Lardeux : Cessons de traiter les dentistes comme des chiens galeux !

Guy Fischer : Comme les dentistes ne peuvent pas se faire plus d'argent sur les soins moins sophistiqués, ils doivent pouvoir s'en mettre plein les poches sur les prothèses.

Claude Bérit-Débat : Les dentistes doivent pouvoir maximiser leur marge comme les autres.

L'amendement fut donc adopté dans une volonté explicite de faire plaisir aux dentistes et de laisser tomber les patients. L'association de consommateurs UFC Que Choisir fut très réactive, en dénonçant sur la place publique cette manœuvre corporatiste. Les dentistes ne voulaient pas de cette obligation prévue dans la loi de 2009. Comme le montrait un reportage récent de l'émission Capital, les couronnes et prothèses dentaires sont de véritables vaches à lait pour les dentistes, achetées de moins en moins cher grâce au développement d'ateliers dans des pays où la main d'œuvre est moins chère, et revendus à des tarifs souvent exorbitants à leurs patients mal informés. Ces prix ahurissants permettent aux dentistes de disposer d'une véritable rente placée issue des dents des Français.

L'obligation mise en place par la loi de 2009 aurait révélé la supercherie, c'est la raison pour laquelle la plupart des dentistes ne l'ont tout simplement pas appliquée. Un peu de lobbying aura suffi pour remettre le sujet sur le tapis, privilégiant les dentistes plutôt que les patients mis à genoux par les montants qu'on leur réclame. Mais si le Sénat l'a voté, ce n'est pas encore passé dans la loi. Les députés, en examinant cette question, devront se rappeler de l'impératif d'intérêt général.

mercredi 9 mars 2011

QPC ? WTH !

Le procès de Jacques Chirac pour l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris a été reporté. Un des prévenus à fait valoir une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui fut acceptée. Le but est de savoir si la jurisprudence (selon laquelle il n'y a pas prescription) ne serait pas inconstitutionnelle. La question pourrait aller jusqu'au Conseil Constitutionnel... où siège Jacques Chirac. Evidemment, dans un tel cas, il ne participerait pas à la prise de décision. Son ami Jean-Louis Debré, président de l'institution, a d'ores et déjà prévenu qu'il ne siègerait pas non plus. Jacques Chirac a aussi des liens passés avec d'autres de ses collègues, y ayant notamment nommé Pierre Steinmetz. De toute façon, qu'on en arrive là ou pas, le principal objectif de cette QPC est bien de gagner du temps, en créant une nouvelle question juridique qui suivra son propre chemin. Le procès aura lieu quand elle sera tranchée. Autant être réaliste, ce ne sera pas pour demain.

Un autre homme politique, Jean-Paul Huchon, a eu recours au même subterfuge avec succès afin d'éviter d'être condamné à de inéligibilité. C'était la sanction prévue pour avoir profité de l'argent du Conseil Régional d'Ile de France dans le cadre de sa campagne de réélection. Ce ne sont pas les premiers ennuis de Jean-Paul Huchon avec la justice. Tous les donneurs de leçons l'oublient volontairement, mais il a déjà été condamné, y compris en appel, pour prise illégale d'intérêts, des actes commis à la présidence du Conseil Régional, poste qu'il occupe encore dans l'indifférence la plus stupéfiante. Quoi qu'il en soit, si les délais de la justice n'étaient déjà pas assez longs, la possibilité de déposer une QPC peut désormais les rallonger encore plus. Mais était-ce bien nécessaire ?

Cette possibilité existe depuis un an désormais. C'était l'une des mesures prévues par la modification de la Constitution de juillet 2008, adoptée de façon assez conflictuelle. Si à l'époque on pouvait se demander quelle était l'utilité de cette mesure, quand on en voit les effets aujourd'hui, on peut difficilement échapper à la consternation. S'il faut bien vérifier de la constitutionnalité de la législation, il faut le faire a priori, avant qu'elle ne soit définitivement entérinée, plutôt qu'a posteriori, lorsqu'elle est déjà effective. La morale de cette histoire est qu'il ne faut toucher à un texte aussi fondamental que la Constitution qu'avec les plus extrêmes précaution. Ici, on aurait très bien pu se passer de cette histoire de QPC.

mardi 8 mars 2011

L'interdiction des déficits

Alors que l'Europe traverse une crise liée aux dettes publiques de plusieurs de ses pays, l'une des idées du pacte de compétitivité lancées par la France et l'Allemagne est l'interdiction des déficits. De la même manière que les décisions concernant les taux directeurs de refinancement ont été déléguées à une autorité indépendante (pour la France : la Banque Centrale Européenne) pour qu'ils ne soient pas l'objet de calculs politiciens à courts termes, inscrire dans la Constitution l'interdiction des déficits serait pour le Parlement une façon de se lier soi-même les mains. Le but serait de forcer le gouvernement et les parlementaires à davantage de responsabilité en la matière, une loi de finance qui ne respecterait pas ce critère pouvant être rejetée par le Conseil Constitutionnel.

La proposition a déjà été faite à plusieurs reprises, notamment par des personnalités centristes ou l'ancien ministre des finances Thierry Breton. Elle reste controversée. Pour les communistes, c'est évidemment une hérésie. Du côté des partis modérés, les avis sont partagés. La nécessité de rétablir l'équilibre des comptes publics est reconnue, mais on s'inquiète beaucoup de ne pas pouvoir financer les investissements uniquement sur fonds propres. Les dépenses de fonctionnement en revanches sont condamnées, il est vrai que les financer par déficit est particulièrement malsain. C'est en fait ce qu'il se passe en France depuis bien longtemps, on en est même arriver à financer les intérêts de la dette par l'emprunt, faisant un effet boule de neige désastreux.

Resterait à distinguer ce qui relève du fonctionnement et de l'investissement. Un premier critère serait de dire qu'un investissement ne peut être que matériel, avec des dépenses ne concernant que des infrastructures pouvant être amorties. Les salaires ou une campagne d'information ne peuvent qu'être des dépenses de fonctionnement, quelque soient les retombées attendues. De même, les dépenses d'enseignement ne peuvent être considérées comme un investissement. La distinction est de toute façon difficile, et il n'est pas certain qu'en autorisant les dépenses d'investissement on arrive à l'équilibre budgétaire. Le "grand emprunt", réalisé totalement en dehors de ces considérations, tend à le montrer.

On peut en revanche essayer de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs. L'Allemagne est la grande championne de la rigueur budgétaire, mais a connu elle aussi des déficits publics ces dernières années. A la faveur du retour de la croissance outre Rhin, la situation s'améliore néanmoins. Nos voisins ont déjà eu l'occasion en 2009 d'introduire cette clause d'interdiction des déficits dans leur Loi Fondamentale. L'objectif est de respecter cette clause d'ici 2016. Les détails de cette interdiction se retrouvent dans l'article 115-2 de la Loi Fondamentale allemande :
  1. Recettes et dépenses doivent être équilibrées sans recettes provenant d’emprunts.
  2. Ce principe est satisfait si les recettes provenant d’emprunts ne dépassent pas 0,35 pour cent du produit national brut nominal.
  3. De plus, en cas d’évolution de la conjoncture s’écartant de la situation normale, les effets sur le budget en période de croissance et de récession doivent être traités de façon symétrique.
  4. Lorsque les opérations effectives d’emprunt s’écartent de la limite maximale fixée par les phrases 1 à 3 , elles doivent être inscrites sur un compte de contrôle ; les endettements qui dépassent le seuil de 1,5 pour cent du produit national brut nominal doivent être réduits conformément à la conjoncture.
  5. La loi fédérale fixe les modalités, en particulier l’apurement des recettes et des dépenses relatives aux transactions financières et la procédure de calcul de la limite supérieure du montant net des emprunts annuels à la lumière de l’évolution de la conjoncture sur la base d’une procédure d’apurement conjoncturel ainsi que le contrôle et la réduction des écarts entre les opérations effectives d’emprunt et la limite fixée.
  6. En cas de catastrophe naturelle ou de situation d’urgence exceptionnelle qui échappent au contrôle de l’État et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l’emprunt peuvent être dépassées sur décision de la majorité des membres du Bundestag. La décision doit être liée à l’établissement d’un plan d’amortissement.
  7. Le remboursement des emprunts contractés en application de la phrase 6 doit intervenir dans un délai raisonnable.
Le but est donc que le déficit public (partie du budget financée par l'emprunt) soit limité à 0,35 % du PNB. Cela s'ajoute à la disposition du Traité de Maastricht stipulant que le déficit public ne peut excéder 3 % du PIB. Mais la Loi Fondamentale allemande introduit des marges de manœuvre liée à la conjoncture. Le budget fédéral doit donc être à peu près à l'équilibre lorsque l'économie allemande va bien. Il y a une distinction entre le déficit structurel qui est celui qui reste dans les périodes normales, et le déficit conjoncturel, induit par les dépenses sociales supplémentaires ou les faibles rentrées d'impôts lorsque le pays subit une récession. Dans ce deuxième cas, une marge supplémentaire est prévue, à condition évidemment que cela ne dure pas. En outre, une autorisation supplémentaire de déficits est prévue en cas de situation exceptionnelle. Si par exemple un tremblement de terre frappait Munich, l'équilibre budgétaire serait forcément remis en cause sans que le gouvernement ne puisse être critiqué à ce sujet.

Il faudra attendre 2016 pour voir quels seront les effets concrets de ces dispositions. Mais la France ne peut pas attendre 5 ans pour s'emparer sérieusement du sujet, et l'exemple allemand est déjà une bonne base de réflexion.

lundi 7 mars 2011

Le culte de la personnalité inversé

Lorsque Nicolas Sarkozy devint ministre de l'Intérieur en 2002, il est rapidement devenu le centre d'attention des médias. Sa volonté d'action et son statut de successeur présomptif de la droite le rendaient particulièrement intéressant à observer pour les journaux. Pour ces raisons, il représenta un espoir pour certains, une menace pour d'autres. Jacques Chirac n'étant plus appelé à se représenter, tout le débat se portait alors sur celui qui se présenterait aux élections en lieu et place. Mais si Nicolas Sarkozy profita de sa popularité pour prendre la tête de son parti puis gagner la présidentielle, il ne fut pas pour autant aussi célébré par son propre camp qu'on aurait pu le croire. Il fut, et reste toujours, l'objet d'une couverture médiatique importante, mais celle-ci est loin d'être systématiquement à son avantage. Bien au contraire : les médias aiment parler de Nicolas Sarkozy sans aimer pour autant Nicolas Sarkozy.

Le plus étonnant est d'ailleurs le fait que de nombreuses personnes trouvent que l'on parle trop de lui, et ne peuvent pas s'empêcher de parler abondamment de lui pour regretter ce fait. Cela aboutit à des situations assez étranges, où des gens qui ne le supportent pas le transforment en source de toute ce qui ne va pas, s'obligeant par la même occasion à penser constamment à lui. Tout cela aboutit à une sorte de culte de la personnalité inversé, où Nicolas Sarkozy est au centre du monde de certains de ses opposants, il est l'objet d'une fixation au mieux comique, au pire malsaine.

Il y a un fort appétit pour ses caricatures. Sur le net, des blogs hostiles lui sont ainsi entièrement consacrés. Toute information négative le concernant sera fortement relayée, comme s'il fallait constamment se convaincre qu'il fallait le combattre. Mais un magazine en a même fait un fond de commerce : l'hebdomadaire Marianne fait ses unes de manière presque systématique sur Nicolas Sarkozy. Tous les angles ont été abordés plusieurs fois, l'un des plus savoureux étant le thème "comment Sarkozy contrôle les médias pour qu'ils parlent de lui". En fait, il n'a pas besoin de contrôler qui que ce soit. Les journalistes comme ceux de Marianne se dévouent volontiers pour parler de Nicolas Sarkozy jusqu'à l'écœurement, ils sont eux-mêmes les auteurs de cette omniprésence médiatique qu'ils critiquent paradoxalement.

Evidemment, si cela perdure, c'est forcément parce que ce doit bien faire vendre. Mais on peut tout de même rester circonspect sur tous ceux qui n'en peuvent plus de Nicolas Sarkozy mais en font une obsession personnelle.

dimanche 6 mars 2011

Assassinats au Pakistan

Salmaan Taseer, le gouverneur du Penjab au Pakistan, a été assassiné il y a deux mois par son propre garde du corps. Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais des minorités religieuses, a été assassiné il y a quelques jours. Tous les deux étaient des opposants à la loi sur la blasphème ayant cours au Pakistan. Mise en place en 1986, cette loi sanctionne quiconque insulte la religion musulmane, les peines allant de l'amende à la peine de mort, pour ceux insultant Mahomet. Insulter le Coran vaut la prison à vie. Elle permet également de rejeter en dehors de la société une communauté qui se dit musulmane mais considère que Mahomet n'est pas le dernier prophète. Entrave révoltante à la liberté d'expression et de religion, cette loi est pourtant populaire au Pakistan. Là-bas, la religion musulmane n'est pas une mince affaire. Le pays s'est scindé de l'Inde du fait de la différence de religion, et les tensions entre les deux nations persistent. Les violences religieuses y sont fréquentes, il faut dire que ses autres voisins sont l'Iran et l'Afghanistan. Le Pakistan est une base arrière des talibans, et leur influence s'y fait sentir. Le précédent chef de l'Etat, Pervez Musharraff, admettait que l'argent envoyé par les Américains pour combattre les talibans allait dans l'équipement militaire afin de faire face à l'Inde.

Au vu de tout cela, les perspectives sont sombres. En France, on reste limité à condamner ces crimes, et à inciter diplomatiquement le Pakistan à punir les coupables et changer ses lois. Le Pakistan (comme la Libye d'ailleurs) aurait pu être ciblé par la guerre contre le terrorisme de George Bush, mais le pays a préféré coopérer, au moins de façade, avec les Etats-Unis (là encore comme la Libye). Les occidentaux restent donc saisis par l'horreur de ces crimes et de ces mentalités. Certains se demandent comment les Pakistanais ont pu en arriver là. Leur idéologie est mise en cause.

"Il faut arrêter de faire peur aux Français avec l'Islam" a dit récemment Rachida Dati. Elle a raison, faire peur n'amène rien. En France, les musulmans sont très majoritairement pacifistes, respectueux de la religion des autres et vivent de la même manière que les autres Français. C'est justement le cas de Rachida Dati, parmi bien d'autres. Mais il n'est pas certain qu'il y ait une volonté consciente de faire peur sur l'Islam. Il y a les anecdotes vécues quelques fois dans la vie quotidienne, lorsqu'on croise par exemple dans la rue une femme en burqa, ou que l'on croise quelqu'un qui a une vision peu tolérante de la religion. Il y a les polémiques, dont en entend parler dans les médias nationaux ou régionaux. Le barbu qui ne veut pas que sa femme soit examiné par un homme, les femmes qui obtiennent des piscines non mixtes, etc.

Mais ces épiphénomènes ne seraient que peu de choses s'il n'y avait pas tous ces témoignages de pays musulmans où le fondamentalisme semble prévaloir, où la violence commise au nom de l'Islam perdure. Voilà la vraie source des peurs de bien des Français : la crainte d'être touché un jour par les conflits qui sévissent dans d'autres pays du monde. Là encore, il est difficile de faire quelque chose de l'extérieur. Le sujet concerne surtout les musulmans modérés.

jeudi 3 mars 2011

Les politiciens n'influencent pas la population, c'est l'inverse

Aujourd'hui, l'opportunité même d'aborder certains thèmes est contestée. De nouveaux tabous sont créés par volonté d'éviter tout risque de "dérapage". La parole serait devenue dangereuse : si les politiciens commencent à évoquer les sujets sensibles, alors les extrêmes (en fait le Front National) grimperont. D'après cette analyse, la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 s'explique par l'insistance de Jacques Chirac à parler de l'insécurité. Toute tentative de débattre sur un thème déjà abordé par le Front National ferait les votes de celui-ci, les électeurs préférant parait-il (bien qu'il n'y ait pas vraiment de source à cette affirmation) l'original à la copie. Et tant pis si la "copie" n'a en fait rien à voir avec "l'original".

Le débat sur l'identité nationale fut ainsi un lamentable échec. Il n'eut pas lieu : on a surtout débattu sur l'opportunité même d'en parler. Et vu au point où l'on en est actuellement, le résultat était probablement une réponse négative : il ne faut pas. Tout cela ne profiterait qu'à Marine Le Pen, et en continuant d'essayer d'en parler, les politiciens pousseraient les gens à devenir de plus en plus racistes. Mais toute cette rhétorique n'a absolument aucun fondement. Déjà, il faut remarquer que ceux qui tiennent ce genre de discours sont parfaitement immunisés au processus qu'ils décrivent : combien d'entre eux se sentent plus xénophobes lorsqu'il est fait mention des immigrés ? S'ils sont immunisés, rien ne permet de penser que le reste de la population ne l'est pas. En fait, lorsqu'on y réfléchit bien, on se rend compte que les politiciens ont en fin de compte peu d'influence sur la population.

Ce serait si simple autrement : les personnalités politiques feraient campagne sur le thème "respectez les lois", et leurs concitoyens qui n'y avaient jusque là pas pensé deviendraient subitement honnêtes. Les prisons se videraient à vitesse grand V, ce qui règlerait de nombreux problèmes. Avec la force de conviction extraordinaire des politiciens, plus personne ne douterait d'eux et l'abstention n'existerait plus, chacun votant avec l'enthousiasme des hypnotisés. Dans les faits, on voit plutôt le contraire. L'opinion d'une personne se forme d'abord par son expérience personnelle, puis par celle de ses proches, ensuite seulement par les sources d'information traditionnelle. Le politicien, souvent déconsidéré, apparaît alors très lointain.

Et alors un grand mythe tombe. Les politiciens n'influencent pas la population, c'est la population en revanche qui influence les politiciens. C'est même le fonctionnement normal de la démocratie. En représentant le peuple, le personnel politique essaie de coller au plus près de ses attentes, au moins dans son expression. Les différentes personnalités politiques peuvent bien sûr avoir leurs propres convictions, mais au bout du compte les électeurs élisent celles qui ont les idées les plus similaires aux leurs. Que ce soit par le fonctionnement théorique d'une démocratie ou par pur électoralisme politicien, nos représentants changent avec les opinions de la population. Le fait que certains d'entre eux veulent aborder des thèmes considérés comme tabous par d'autres n'est que révélateur du questionnement d'au moins une partie de la population. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas aborder d'autres thèmes plus traditionnels, mais si les politiciens ne veulent pas prendre en compte les interrogations de la population, celle-ci finira par les changer.

mercredi 2 mars 2011

Besoin de nouvelles têtes à droite

Le départ de Michèle Alliot-Marie (64 ans) du gouvernement est l'occasion de remarquer sa longévité aux plus hautes responsabilités. En ayant été ministre près de neuf ans, elle n'est égalée par aucune personnalité politique des trente dernières années. Les mises en avant d'Alain Juppé et de Gérard Longuet (65 ans tous les deux) peuvent difficilement symboliser l'arrivée d'une nouvelle génération aux affaires. Pour la prochaine présidentielle, Nicolas Sarkozy, voulant rester au même poste, devra au moins changer sensiblement d'équipe. Par rapport aux socialistes qui sont tous désespérés d'occuper un maroquin, il aura au moins quelques latitudes : bon nombre de hierarques de la droite ont déjà eu l'occasion d'être récompensés au cours des neuf dernières années. A 56 ans, le Président ne peut plus exactement incarner la jeunesse. Les sexagénaires seront donc forcément peu nombreux à incarner la relève. Des gens comme Patrick Devedjian (66 ans), Françoise de Panafieu (62 ans) ou Chantal Brunel (62 ans) auront des perspectives de carrière limitées. Si Jean-Louis Borloo (59 ans) devait revenir au gouvernement, ce serait nécessairement pour en prendre la tête. Michèle Alliot-Marie n'a probablement plus cet objectif.

Lors de la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait mis en avant de nouveaux visages tels que Luc Chatel (46 ans) ou Rachida Dati (45 ans). Il devra recommencer en 2012, et cela suppose de mettre autour de cette candidature des personnalités qui n'ont pas encore été trop usées au gouvernement. Les ministres les plus compétents, comme Valérie Pécresse (43 ans) ou François Baroin (45 ans), pourront occuper des postes plus importants à cette occasion. Mais ils pourront être épaulés par d'autres quadragénaires ou même trentenaires. Il y a déjà ceux qui sont secrétaires d'Etat et qui pourraient devenir ministres, à l'instar de Laurent Wauquiez (35 ans), Nora Berra (48 ans) ou Jeannette Bougrab (37 ans). Il y a aussi ceux qui ont déjà été au gouvernement et qui pourront prétendre y retourner : Jean-François Copé (46 ans), Laurent Hénart (42 ans), Yves Jégo (49 ans), Rama Yade (34 ans)...

Il y a surtout ceux qui n'ont jamais été ministres, mais qui ont le poids politique ou l'expertise nécessaire pour y rentrer. Jean-Luc Warsmann (45 ans) est ainsi un président de la commission des lois à l'Assemblée Nationale particulièrement apprécié. Michèle Tabarot (48 ans) est dans les hautes instances de l'UMP depuis pas mal de temps, et est présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. David Douillet (42 ans) sera bien ministre des sports un jour ou l'autre. D'autres figures du Parlement comme Valérie Boyer (48 ans), Jérôme Chartier (44 ans) ou Valérie Rosso-Debord (39 ans) pourraient également bénéficier de promotions.

Mais le vivier de nouveaux visages ne se limite pas à l'Assemblée Nationale. La députée européenne Sylvie Goulard (46 ans) ferait ainsi une excellente ministre chargée des affaires européennes. Certes, elle fut élue sur une liste du Modem, mais cette experte des rouages européens n'avait pas d'affiliation politique auparavant. Toujours au Parlement européen, comme les élections de 2009 fut un bon cru pour la droite, il y a forcément de nombreuses personnalités qui peuvent en être issues comme Damien Abad (30 ans) ou Christophe Béchu (36 ans). Enfin, d'anciens candidats qui n'ont pas été élus (par exemple Jean-Claude Beaujour, 46 ans, ou Charlotte Bouvard, 38 ans) peuvent avoir également des profils intéressants.

Évidemment, mettre sur le devant de la scène de nouvelles personnalités ne suffira pas pour la droite, le projet restera in fine bien plus important.

mardi 1 mars 2011

Proposition pour le prix Nobel : Vaclav Havel

L'Institut Nobel d'Oslo a reçu 241 propositions pour le prix Nobel de la paix 2011. D'après le directeur de l'Institut, bon nombre de candidatures seraient liées aux révolutions arabes actuelles. Pour le moment, on manque encore un peu de recul par rapport à ce qu'il se passe, et ces révolutions ne sont pas sans quelque violence. Ces révolutions rappellent celles de l'Europe orientale en 1989. Ces dernières sont mêmes un modèle en la matière. La révolution de velours en Tchécoslovaquie fut particulièrement exemplaire, le changement de régime s'effectuant sans qu'il y ait mort d'homme. La rumeur (fausse) de la mort d'un manifestant renforça la mobilisation des manifestants sans que cela tourne à l'émeute pour autant.

La révolution de velours fut donc irréprochable, paisible dans la forme qu'elle a prise, démocrate dans les objectifs qu'elle poursuivait. La présence d'une opposition réfléchie pour encadrer les choses facilita certainement les choses. Alexander Dubcek, l'artisan du Printemps de Prague qui avait été écarté du pouvoir par les communistes à sa suite, se rangea rapidement du côté des protestataires. L'organisation du Forum Civique pris rapidement les événements en main. Il était composé des anciens signataires de la Charte 77, du nom d'un appel d'intellectuels tchécoslovaques à la libéralisation du régime en 1977. L'écrivain Vaclav Havel en premier lieu a été entre ces deux événements un militant politique particulièrement actif, passant plusieurs années en prison pour ses convictions.

Peu après la révolution de velours, Vaclav Havel devint Président de la Tchécoslovaquie, alors qu'Alexander Dubcek devint président du parlement. Celui-ci décéda en 1992. Mais Vaclav Havel resta quatorze ans au pouvoir, supervisant la séparation à l'amiable entre la République Tchèque et la Slovaquie en 1992, et menant les négociations de l'adhésion de la République Tchèque à l'Union Européenne jusqu'à son départ de la présidence en 2003. Depuis, il a repris sa carrière d'auteur. Peut-être mériterait-il d'ailleurs le prix Nobel de littérature. Mais ce qui est sûr, c'est qu'au vu de tout ce qu'il a fait pour la paix dans son pays et en Europe, il mérite le prix Nobel de la paix. C'est même étonnant qu'il ne l'ait pas déjà reçu jusqu'à présent. Il est probablement proposé depuis plusieurs années aux membres de l'Institut Nobel. Mais s'il faut être terre à terre, rappelons qu'il a déjà 74 ans, et que le prix Nobel ne peut être décerné à titre posthume.

Ce serait donc une très bonne idée si le prix Nobel de la paix pouvait lui être décerné rapidement. Le pacifisme de la révolution dont il fut l'une des âmes serait un modèle pour toutes les révolutions actuelles dans les pays arabes. Et son combat pour les libertés en pays communiste serait également un exemple pour les activistes chinois ou nord coréens. Un prix Nobel serait le meilleur moyen pour montrer que les idéaux de Vaclav Havel continuent de résonner aujourd'hui.

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