Les dernières élections cantonales sont passées, et les commentateurs institutionnels déblatèrent inlassablement sur le même phénomène : la montée du Front National. Ce faisant, ils perdent leur temps, et font perdre le temps de ceux qui les lisent ou les écoutent. Car le Front National ne monte tout simplement pas. Dans les faits, il s'avère même qu'il baisse. Lors des élections cantonales précédentes sur les mêmes cantons, en 2004, les candidats FN avaient recueillis 1 490 315 voix au premier tour sur l'ensemble de la France. Il y a une semaine, ils ont recueillis 1 379 902, soit une diminution de 7,41 %. Si l'on calcule en termes relatifs, sachant que le nombre d'inscrits a augmenté de plus d'un million de personnes, la diminution est alors de près de 13 %. Difficile dès lors de parler de montée d'un parti qui perd des électeurs.

Le principal enseignement de ce scrutin est donc bien la force de l'abstention, le nombre de votants ayant diminué d'un quart entre 2004 et 2011. Le fait qu'il ne soit pas lié à une autre élection comme auparavant a joué. Mais la désaffection de la population pour la démocratie est à un niveau déstabilisant pour l'ensemble des partis. L'UMP a perdu beaucoup d'électeurs, mais le grand gagnant désigné de ces élections, le PS, aussi (plus de 29 % de disparus). Il n'y a vraiment pas de quoi se réjouir. Mais si l'on doit faire le palmarès des gamelles électorales, la plus grosse est probablement celle du Modem. En 2004, l'UDF, le prédécesseur du Modem, avait réuni 584 587 votes au premier tour. En 2011, le Modem a fait 111 887 voix, soit une diminution de plus de 80 %. Cela donne 0,53 % des inscrits, 1,22 % des suffrages exprimés. Même le Nouveau Centre a fait davantage, avec 3,2 % des suffrages exprimés, soit plus du double que le Modem.

L'une des raisons de cet résultat rachitique vient du fait que le Modem, qui aurait du transformer la vie politique française, ne s'est pas vraiment donné la peine de prendre part à ce scrutin. Après l'abstention des électeurs, il y a désormais l'abstention des partis politiques. Il faut dire que les revers électoraux du Modem aux européennes de 2009 et aux régionales de 2010 ont été cinglant, et les dirigeants comme les militants de ce parti ne semblent même plus motivés pour défendre leurs idées politiques. Et aujourd'hui, quand on parle de centristes dans l'actualité, on fait référence à Jean-Louis Borloo. La personne qui semble s'immiscer dans le duel gauche/droite de la présidentielle de 2012, c'est pour l'instant Marine Le Pen, et non François Bayrou, qui aurait pourtant pu récupérer les suffrages des mécontents des partis traditionnels. Cela ne veut pas dire que le Modem ou François Bayrou ne referont jamais surface, mais pour l'instant, ce qui est vraiment frappant (et que personne n'aborde), c'est qu'ils sont aux abonnés absents.