Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 31 octobre 2010

Le culte du marché : un panthéisme

En philosophie, le panthéisme est une vision de l'univers selon laquelle tout est Dieu. La somme de chaque être, chaque poussière, chaque atome qui existe formerait Dieu. Dans ce cas, il ne saurait être vraiment question d'une conscience et donc d'une volonté divine. Les événements arrivent par la conséquence de ceux qui les précèdent. Inutile dès lors de trouver impénétrables les voies du Seigneur : il n'y en a pas. Il n'y a que des volontés isolées et individuelles, se confrontant les unes aux autres comme les atomes interagissent entre eux dans une réaction moléculaire. C'est en voyant le résultat que l'on comprend ce qu'il s'est passé. Ce qui est est donc la conséquence de toutes les interactions qu'ont eues toutes les petites parties de l'univers entre elles. Rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme. Au final, on peut s'étonner que l'existence perdure sans volonté unifiée, mais on peut également se réjouir de l'efficacité d'un tel système... si l'on oublie les phases difficiles de destruction, qui ne sont qu'une forme de transformation moins plaisante que les autres.

En réfléchissant bien, on peut retrouver les caractéristiques d'une vision panthéiste des choses dans la célébration du marché, telle qu'elle est faite par la doctrine économique classique (aujourd'hui, dite libérale, voire libertarienne). En effet, selon celle-ci, il y a un très grand nombre d'agents économiques, et ils interagissent constamment entre eux. Le lieu de ces interactions, plus ou moins virtuel, est le marché. Pour de nombreux économistes, chaque agent passe son temps à évaluer son intérêt selon ses propres critères, l'évaluant et se liant avec les autres agents. Il n'y a aucune volonté collective globale, mais seulement des volontés individuelles très atomisées.

Malgré cela, cette théorie explique que ces volontés individuelles isolées finissent par faire l'intérêt collectif global en interagissant entre-elles, sans même qu'elles le souhaitent. Tel le miracle de la nature, le miracle du marché fait prospérer tout le monde. Cela peut passer par divers mécanismes. Il y bien sûr le principe de l'avantage comparatif de Ricardo, légitimant une ouverture complète des échanges internationaux, la concurrence et l'analyse des avantages comparatifs respectifs indiquant à chacun ce qu'il doit faire. Il y a aussi la "destruction créatrice", chère à Schumpeter, selon laquelle toute crise économique permet de planter les graines de la croissance suivante, de façon presque automatique et souvent aux dépends des agents économiques. Mais le principe de base qui s'inscrit le mieux dans cette analyse reste bien celui de la main invisible, théorisé par Adam Smith. Cette métaphore, fondement de la théorie économique libérale, explique que les intérêts particuliers finissent par former l'intérêt général, sans même que les agents économiques aient à s'en soucier.

On retrouve donc bien là les caractéristiques d'une philosophie panthéiste. Le Dieu est ici est le marché, il a beau ne pas disposer d'une volonté propre, il agit tout de même pour sa permanence, et son moyen d'action est la bien nommée main invisible. Si l'on retrouve les caractéristiques d'une religion, comment s'étonner dès lors que certains lui vouent un culte ?

vendredi 29 octobre 2010

Nestor Kirchner, artisan de la renaissance de l'Argentine

Le décès de l'ancien Président argentin Nestor Kirchner est une surprise pour tous. Non seulement il n'était pas très âgé (60 ans), mais encore il restait entièrement impliqué dans la vie politique argentine. Sa femme est actuellement à la tête de l'Etat, et il s'apprêtait lui-même à revenir au pouvoir en préparant sa candidature pour l'élection présidentielle de l'année prochaine. Il y aurait retrouvé son propre prédécesseur, Eduardo Duhalde, dans un duel un peu surprenant. Ce fut en effet par leurs actions combinées que l'Argentine retrouva le chemin de la croissance économique, et pu se sortir d'une crise économique d'une gravité extrême.

Malmené par plusieurs dictatures, l'économie argentine était déjà mal en point dans les années 80. L'inflation était son mal principal. Héritant d'une telle situation, les gouvernements démocrates peinaient à assainir la situation. Leur solution fut la création d'une monnaie indexée directement sur le dollar en 1991, avec un peso = 1 dollar. Dès lors, les prêts n'étaient plus consentis qu'en fonction de la quantité de dollars possédée par l'Argentine. Cela introduisit un facteur liant la possibilité de prêter à l'arrivée de dollars, limitant sérieusement la création monétaire, et donc l'inflation. Pour une économie reposant largement sur les échanges dans la zone dollar telle que l'Argentine, le mécanisme pouvait avoir une certaine logique : son économie exportatrice pouvait profiter de l'afflux de devises, et l'indexation au dollar rassurait les investisseurs souhaitant y investir.

Mais malgré le programme de privatisations du Président Carlos Menem dans les années 90, l'Etat argentin continua d'être lourdement en déficits et d'emprunter de l'argent. Le FMI a notamment largement financé le pays à cette époque, qui vivait alors à crédit. Lorsqu'à la fin des années 90, les Etats-Unis connurent un boom économique, ils devinrent le réceptacle de beaucoup de placements financier. Le dollar s'apprécia largement, et notamment par rapport aux autres monnaies sud américaines. A ce moment-là, l'Argentine, voyant sa propre monnaie s'apprécier d'autant, se trouva en difficulté : ses exportations coûtaient de plus en plus cher, et il lui était possible d'importer à très faible prix. L'Argentine avait la monnaie américaine, mais pas sa croissance. Dépendante de son commerce extérieure, elle n'était plus en mesure d'y participer de façon compétitive. La crise économique commença alors.

En temps normal, l'issue aurait du être une dévaluation rapide. A l'époque des taux de changes fixes (sous le système monétaire international de Bretton Woods ou dans le système monétaire européen), une dévaluation aurait été menée. Mais l'épargne de tous les agents économiques (y compris les investisseurs étrangers) étant comptée directement en dollar, cela promettait d'être douloureux. Pire, privée de son apports de dollars de par la dégradation de ses comptes extérieurs, les banques argentines ne pouvaient plus prêter, renforçant la crise. L'Etat lui même, ayant de facto entraîné une création monétaire en empruntant à l'étranger, ne pouvait plus emprunter pour payer ses dépenses courantes, et encore moins rembourser. A la violence de la crise économique s'ajouta une crise financière et monétaire. Perdant confiance dans les institutions, tous les acteurs voulurent récupérer leurs avoirs en dollar, favorisant un cercle vicieux plombant le peso.

Cela se traduit évidemment par une crise politique très grave, provoquant la démission de deux Présidents successifs. Il revint donc à Eduardo Duhalde, devenu Président par intérim, d'acter la faillite de l'Etat argentin, et d'accomplir une dévaluation de fait, en mettant fin à l'indexation du peso avec le dollar. Ce fut, comme on pouvait s'y attendre, extrêmement violent pour les épargnants et les créanciers de l'Argentine. A partir de ce moment-là, l'Argentine est de fait repartie à zéro. Eduardo Duhalde organisa alors des élections présidentielles, où Nestor Kirchner fut élu. Celui-ci continua l'œuvre de son prédécesseur, et garda le même ministre des finances. L'Argentine revint à ses fondamentaux : l'exportation de matières premières, et en premier lieu de viandes animales. Les investissements nécessaires étaient réduits, peu affectés par la crise. Le peso, devenu bien meilleur marché, favorisa une reprise des exportations. L'Argentine se comporta au cours des années 2000 comme un pays en reconstruction, connaissant une croissance forte. En termes de politique économique, Nestor Kirchner fit notamment le choix de maintenir le peso à des niveaux bas, malgré le retour d'une économie en meilleure santé. Une inflation toujours importante en fut le prix à payer.

Il aurait donc été intéressant de voir Eduardo Duhalde et Nestor Kirchner, les deux artisans de la renaissance argentine, s'affronter. Aujourd'hui, l'Argentine est membre du G20, et aspire à davantage prendre part à la régulation économique internationale. Son expérience récente représente un cas d'école pour ces institutions, une leçon pour elle-même et pour le reste du monde.

mardi 26 octobre 2010

Le cordon sanitaire, aujourd'hui comme hier

Le député UMP Christian Vanneste s'est exprimé récemment pour la fin du "cordon sanitaire", la doctrine édictée à l'époque où Jacques Chirac était à la tête du RPR selon laquelle la droite ne devait jamais s'allier à l'extrême droite. Cette pratique fut parfois impopulaire auprès de certains responsables locaux, dans la mesure où le refus d'alliance avec le Front National leur faisait régulièrement perdre des élections. Les triangulaires lors des élections législatives ou régionales ont fait beaucoup de dégâts du côté de la droite. En 1998, la question s'était posée de façon très directe, lorsque plusieurs candidats UDF voulurent accepter les voix du FN pour être élus présidents de région. Cela provoqua d'ailleurs la scission de Charles Millon.

Aujourd'hui, le cordon sanitaire est à nouveau remis en cause par un élu déjà très à droite au sein de l'UMP, sur la base d'un raisonnement purement électoraliste. Or celui-ci n'a jamais valu quoi que ce soit. Depuis les débuts de la démocratie représentative, la question s'est posée de savoir ce que l'on était prêt à faire pour être élu. Avoir le pouvoir ne vaut que pour ce qu'on en fait, ce ne peut être un but en soi. L'électoralisme a des limites, et c'est précisément celle représentée par le cordon sanitaire. Etre allié avec le Front National est une chose fondamentalement mauvaise, qui ne peut pas permettre l'exercice d'une politique saine et modérée. Non seulement ce parti a une vision extrémiste de tout ce qui est étranger, mais il professe également des idées néfastes pour l'économie (retour à une politique protectionniste), pour les institutions (volonté de mettre fin à la Vème République) et bien sûr pour l'Europe (via une opposition constante à la construction européenne). Et cela sans parler du corpus d'idées personnelles et d'amitiés troubles qu'ont les dirigeants du FN.

Il ne peut y avoir de programme commun avec le FN, car cela serait sacrifier les idées et les valeurs de la droite républicaine. L'argument évoqué par Christian Vanneste selon lequel la gauche ne se gênerait pas de faire alliance avec l'extrême gauche est balayé facilement : ce n'est pas parce que la gauche fait n'importe quoi qu'il faut faire la même chose du côté de la droite. C'est justement ça, être ambitieux. Et c'est d'ailleurs l'occasion de rappeler que le Parti Socialiste serait bien inspiré de mettre lui aussi en place un cordon sanitaire avec les partis qui sont à sa gauche, dont les idéologies sont tout aussi dangereuses et se sont révélées très meurtrières à travers l'Histoire. Du côté de l'UMP, l'objectif doit être de ne pas avoir de tabous sur les thèmes abordés, mais proposer des solutions différentes que celles de l'extrême droite. C'est justement pour cela que la révocation de la nationalité pour certains délinquants évoquée par le gouvernement est une mauvaise idée. Les électeurs du FN expriment généralement une colère, plus qu'ils n'adhèrent en tous points à son programme. Ce n'est pas aux élus du FN qu'il faut s'adresser, mais à leurs électeurs. Ils veulent tout simplement que les choses changent, et non une quelconque alliance politicienne marquée du sceau de la compromission.

lundi 25 octobre 2010

Port de Marseille, ferroutage, France : comment planter une activité (ou un pays)

En France, on n'a pas de pétrole. On n'a peut-être pas d'idées non plus. Mais on a des grévistes. Certaines activités, habituées à une présence importante des pouvoirs publics, en sont de grandes habituées. C'est par exemple le cas au port de marchandises de Marseille. Des syndicats fortement marqués idéologiquement, rétifs à l'idée de profit et de compétitivité y font la loi. Cela se traduit certes par une situation enviable pour ceux qui y travaillent, mais aussi par une productivité faible lorsque le port fonctionne. Et encore faut-il qu'il fonctionne. Car la grève y est très fréquente. Encore à l'heure actuelle, la CGT bloque le port. Pour les clients du port (les compagnies de transport maritimes et les industriels qui ont besoin des marchandises acheminées), ce genre de situation est particulièrement frustrante. L'idée de ne pouvoir profiter de sa propriété du fait de la volonté illégitime d'autrui est particulièrement révoltante. C'est surtout dommageable pour l'activité de ces entreprises qui en dépendent. Mais progressivement, elles s'adaptent. Elles font transiter de plus en plus de marchandises par d'autres ports, notamment étrangers. Même si Marseille, de par sa proximité avec le canal de Suez, est bien situé, il est plus sûr et plus rentable de passer par les ports d'Anvers ou de Rotterdam. Le port de Marseille perd ainsi des contrats, et sa santé économique n'en finit plus de décliner. Mais les syndicats bloquent toute évolution, préférant visiblement la mort de l'activité plutôt qu'un quelconque compromis avec les réalités économiques.

La situation est exactement la même sur le dossier du ferroutage. A l'intérieur de la France, les marchandises transitent quasiment toutes par camions. Au final, c'est lourd et polluant. Le ferroutage pourrait être une solution frappée du coin du bon sens : les conteneurs transitent par trains électriques, les sociétés de camionnage ne s'occupant plus que du dernier maillon, entre le centre de transit et la destination (ou le lieu d'expédition). Dans d'autres pays, ce mode de transport des marchandises a une part notable du marché. En France, il est au mieux anecdotique. Là encore, on sait pourquoi le ferroutage ne se développe pas en France : la SNCF, monopole d'Etat sur le chemin de fer, est percluse de grèves chroniques. A tel point que mettre un conteneur sur des rails, c'est n'avoir aucune idée de quand on le reverra. Tous ceux qui s'y sont risqués en reviennent. Aujourd'hui, le ferroutage est quasi mort, et lorsque la SNCF veut en tirer les conséquences, elle doit faire face à de nouvelles grèves.

Ces deux exemples sont malheureusement révélateurs de la situation globale de la France. L'irrationalité la plus complète domine. Il n'est jamais question de compétitivité, de productivité, d'efficacité, mais toujours de lutte sociale, d'acquis à défendre et de grèves à mener. Le conflit actuel le montre parfaitement. Il s'est facilement transformé en opportunité pour toutes sortes de dérives visant à plomber l'économie française. Non seulement les trains et les administrations publiques succombent une fois de plus à la grève, mais aussi elle donne l'occasion de scènes d'émeutes ou de blocages de raffineries. Lorsque la Grèce a connu cela au printemps dernier, bien des touristes français ont renoncé à y voyager cet été. Il faut bien se dire que l'effet produit par nos habituels "conflits sociaux" donnent également ce genre d'impressions.

La France est-elle vraiment un pays mature, où l'on peut créer ou gérer une activité ? Les années passent, et il est parfois permis d'en douter. Elle est handicapée par les mêmes services publics qui devraient la servir, elle souffre d'un climat malsain où le progrès économique est tout simplement mal vu. De la même façon que le port de Marseille ou le ferroutage français ne sont plus considérés comme des partenaires fiables, beaucoup de gens dans le monde considère d'ores et déjà que la France est un pays avec lequel on ne peut pas travailler. Cela nous fait déjà du mal actuellement, et si l'on continue de si belle façon, cela ne pourra que nous en faire encore plus.

vendredi 22 octobre 2010

Au ministère de la relance

Si le prochain remaniement gouvernemental est une source de spéculations sans fin de la part du microcosme politico-médiatique, il peut être également l'occasion de se débarrasser d'un ministère qui n'avait pas de vraie raison d'être dès le départ. Le ministère de la relance est en effet né d'un coup politique, et non d'une nécessité. Coup politique à deux titres : d'une part, la création d'un ministère dédié permettait un coup de communication, faisant comprendre que le gouvernement prenait la crise au sérieux et agissait pour en réduire ses conséquences via une politique volontariste. D'autre part, ce nouveau poste permettait d'exfiltrer Patrick Devedjian de l'UMP, pour que Xavier Bertrand en devienne secrétaire général à sa place comme l'avait décidé l'Elysée. Et tout cela, alors qu'il existe déjà une administration complètement dévouée à l'économie française. Et elle est bien peu cachée sous le titre de "ministère de l'économie", il est donc surprenant qu'on l'ait oubliée.

Il ne s'agit pas de nier qu'une politique de relance était nécessaire. La prime à la casse a permit au secteur automobile d'amortir le choc, et de nombreuses opérations d'entretien des infrastructures ont enfin pu avoir lieu grâce aux crédits subitement développé. Il n'aura probablement pas in fine un impact aussi fort qu'on aurait pu le souhaiter, mais le but était bel et bien de limiter la casse. Entre la relance institutionnelle et les mécanismes ordinaires de solidarité, l'Etat a été pleinement mis à contribution pour que la France ne plonge pas autant que ses voisins. Cet effort se constate d'ailleurs dans l'énorme déficit qui en a résulté. Mais tout cela aurait pu être orchestré par la seule Christine Lagarde. Surtout que Nicolas Sarkozy avait autrefois mis en avant son souhait d'un gouvernement resserré, il n'est donc nul besoin de doublons.

Aujourd'hui, la poursuite du plan de relance peut également être mené par le ministère des finances. Il n'est d'ailleurs plus question de dépenses supplémentaires, l'humeur est plutôt à la chasse aux déficits. Nul doute que l'on trouvera bien une meilleure place pour Patrick Devedjian. Lui a toujours rêvé de la Chancellerie...

jeudi 21 octobre 2010

Le scandale de l'Aide Médicale d'Etat

Le Figaro Magazine publiait il y a une semaine un long et édifiant article sur l'Aide Médicale d'Etat (AME). Il s'agit d'un dispositif donnant une totale gratuité aux soins aux personnes en situation irrégulière en France. L'article détaille les façons dont cette mesure généreuse a permis un effet d'aubaine considérable, la gratuité totale des soins étant rare et recherchée, que ce soit en France ou à l'étranger. Non seulement celle-ci déresponsabilise ceux qui en bénéficient, mais en plus elle encourage le tourisme médical, où l'on vient en France spécialement pour bénéficier d'un traitement coûteux qui sera pris en charge par l'État français.

Les bénéficiaires de l'AME sont présents en France de manière illégale, ne cotisent en aucune façon pour la Sécurité Sociale, mais n'ont même pas à débourser la franchise pour les soins prévue pour le reste de la population. Le tiers payant prend en charge tous les frais qu'ils génèrent, et c'est l'AME qui régale. Alors que le gouvernement cherche constamment à diminuer le déficit de la Sécurité Sociale en déremboursant régulièrement des médicaments, il y a là un panier percé dont les dépenses augmentent de façon importante chaque année. Et ce d'autant plus que le panier de soins annuel moyen du bénéficiaire de l'AME est largement supérieur au reste des assurés.

Nous sommes ici en présence d'un système qui récompense l'illégalité, et encourage de fait à profiter malgré tout du système de soins français alors qu'il est déjà financièrement bien mal en point. Si l'AME n'est bien sûr pas la seule raison du déficit de l'assurance maladie (le vieillissement de la population et les abus déjà courants du reste de la population ne sont pas à oublier), il n'en faut pas moins remettre en cause son fonctionnement. Pourtant, le sujet est tabou. Jusqu'à présent, seuls des témoignages isolés permettait de découvrir l'existence d'une telle gabegie. Mais c'est justement parce que le sujet à été trop soigneusement évité qu'il faudra particulièrement en tenir compte pour le budget 2011. Le but serait de limiter l'AME aux maladies contagieuses, pour préserver la santé publique. Pour le reste, la France doit se demander si elle doit vraiment faire miroiter une aussi grande récompense à ceux qui ne respectent pas ses lois.

mercredi 20 octobre 2010

Sur la TVA sociale

Coup sur coup, des personnalités aussi différentes que Manuel Valls, Jean-François Copé ou Jacques Attali se sont exprimées en faveur de la TVA sociale. En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s'était montré favorable à une expérimentation, avant que l'idée ne soit abattue habilement par Laurent Fabius pendant les législatives. Pourtant, l'idée reste séduisante, à gauche comme à droite. Le principe est de faire financer une baisse des charges sociales par une augmentation de la TVA. Une telle mesure est favorable à l'emploi, car elle oriente le financement de la protection sociale non pas en pénalisant le travail, qui est un coût dans les produits que l'on exporte mais pas dans ceux que l'on importe, mais vers la consommation. Ainsi, un produit importé pourrait financer lui aussi la protection sociale, limitant un peu les effets du dumping social ayant cours dans les pays où la main d'œuvre est mal rémunérée.

Le premier des obstacles est évidemment l'inflation qu'elle génèrerait. Déjà, on pourrait imaginer que les créations d'emplois (vu la diminution du coût du travail) ou les éventuelles hausses de salaires permettraient d'encaisser le choc via une hausse des revenus globaux. Ensuite, il faudrait étudier dans quelle mesure il faudrait augmenter la TVA. En Allemagne, par une décision du gouvernement Merkel 2007, elle a augmenté de trois points : deux pour la diminution des déficits (et la France en aurait bien besoin aussi), un pour la diminution des charges sociales. Aujourd'hui, l'Allemagne connaît un taux de chômage au plus bas depuis la réunification. Au Danemark aussi cette hausse avait été de trois points, avec une TVA atteignant 25 %. Actuellement, le niveau français de TVA se trouve dans la moyenne de la zone euro. Une hausse de trois points générerait 20 milliards de recettes supplémentaires immédiates.

Si elle était répercutée intégralement, cela ferait une inflation directe de 2,5 %. Mais ce n'est pas certain. Les industriels pourraient affecter leurs gains d'un côté (baisses de leurs charges patronales) à une maîtrise de leurs tarifs. En plus, ils ont parfois justement intérêt à garder leurs prix fixes, notamment pour garder un seuil psychologique, ou rester dans les clous de ce que leurs clients sont prêts à payer. Ainsi, les variations de TVA des années 90 n'ont pas eu des répercussions vraiment spectaculaires pour les consommateurs. Dernièrement, la baisse de la TVA dans la restauration l'a encore démontré. Les restaurants ont très majoritairement gardé les mêmes prix, tout simplement parce qu'ils savaient que leurs consommateurs étaient prêts à payer leurs menus à de tels niveaux, ou bien doutaient qu'une baisse des prix se traduise par une hausse de chiffre d'affaires, même avec une hausse des volumes.

Pour une fois qu'une idée simple, susceptible d'aider grandement à la résolution de nos problèmes est disponible, il serait bien bête de l'écarter d'un revers de main et de ne pas l'étudier attentivement. Il est dit qu'une grande restructuration de la taxation est prévue en 2011. Il faudra que l'idée de la TVA sociale soit au devant de la scène. Sinon, il faudra attendre la prochaine présidentielle pour la retrouver dans les programmes électoraux.

mardi 19 octobre 2010

Union des Etats / Union des peuples

La Commission Européenne aimerait pouvoir compter sur de nouvelles ressources, basées sur un impôt européen. Les différents Etats qui composent l'Union Européenne ont peu de chances d'être d'accord avec cet objectif. Ils aimeraient encore garder la main sur la façon dont leurs agents économiques sont ponctionnés. Surtout, une telle mesure risque fort d'être impopulaire auprès du grand public. Déjà, il peut paraître paradoxal que la Commission souhaite augmenter ses dépenses lorsqu'elle demande aux gouvernements de réduire les leurs. Surtout, la population peut à bon compte se demander si l'argent prélevé est bien utilisé. Et les politiques de l'Union Européenne sont à l'heure très majoritairement incomprises. Bien sûr, on peut vouloir faire de la pédagogie et faire des campagnes d'informations sur l'action de l'Union Européenne. C'est utile, mais cela restera insuffisant. Jusqu'à présent, l'Union Européenne est surtout accessible pour une élite. Aucun particulier ne demande de rendez-vous à son député européen pour lui parler de ses problèmes. Il n'en rencontre jamais dans le marché, et serait d'ailleurs bien en peine pour l'identifier s'il le croiserait. Seules les entreprises peuvent faire pression sur les députés européens, en allant faire du lobbying dans l'enceinte du Parlement. De la même façon, les Commissaires Européens se déplacent peu pour aller au contact de la population, comme pourraient le faire les ministres.

Cet état de fait remonte aux origines mêmes de la construction européenne. A l'origine, il ne s'agissait pas d'une grande réunion populaire, où les peuples auraient exprimés leur envie d'une organisation supra-nationale. Les pères fondateurs étaient des hommes politiques qui ont fait un travail remarquable de diplomatie, permettant de poser de nouvelles bases via des traités qui étaient dès le départ un peu obscurs. De même, les nouvelles adhésions de pays membres se sont fait par des négociations intergouvernementales. La construction européenne est une œuvre de la Raison et de la discussion entre Etats. C'était d'ailleurs certainement la meilleure chose à faire. Mais est-ce suffisant ?

Aujourd'hui, maintenant que le Traité de Lisbonne a donné un cadre formel à l'Union Européenne, ce n'est plus des ses structures dont il faut s'inquiéter. Au bout de cinquante années, nous sommes arrivés à une étape. Le défi des cinquante prochaines années sera de réaliser l'Union des peuples, et non la seule Union des Etats. On ne pourra plus davantage progresser dans la construction européenne sans une adhésion franche des peuples dont elle a vocation à s'occuper. A cette aune-là, le plus dur reste donc bien à accomplir. Et pour commencer, il faudrait que les institutions européennes en soit clairement conscient.

dimanche 17 octobre 2010

La Vague

En 2008, l'un des films qui a rencontré le plus de succès en Allemagne fut La Vague. Jürgen Vogel y joue un professeur de lycée aux tendances anarchistes, contraint de faire un cours pendant une semaine sur l'autocratie. Il décide alors d'exposer les caractéristiques d'une dictature en en formant une à petite échelle dans sa classe. Pour cela, il commence par établir des règles strictes de comportement en classe. Il faut par exemple se lever pour prendre la parole. C'est le pouvoir par la discipline. Il montre également le pouvoir par l'unité, en faisant se rapprocher les élèves par différents moyens. Il les change de place, pour casser les clans dans la classe. Il leur fait porter une tenue unique, en l'occurrence, une chemise blanche. Il accepte l'établissement d'un autre signe de reconnaissance, un salut mimant une vague, le nom de groupe que les élèves se sont donnés.

Les élèves sont les premiers surpris de la façon dont se déroule le cours. Ensemble, ils se sentent plus forts. La discipline et la pression de la communauté amoindrit leurs préoccupations égoïstes antérieures. Leurs projets extra-scolaires, comme une pièce de théâtre ou l'équipe de water polo, fonctionnent mieux. Riches ou pauvres, Allemands de l'ouest ou de l'est, d'origine allemande ou étrangère, ils partagent tous quelque chose. Tim, qui se sentait autrefois exclu du reste des lycéens, est désormais défendu face à ceux qui le martyrisent. L'expérience leur apparaît d'autant plus bénéfique qu'elle se passe sur une base de volontariat : chacun est libre de quitter le cours quand il le souhaite. En revanche, les membres du groupes ne comprennent pas lorsque l'un d'entre eux ne respecte pas sciemment les règles, et remet en question les vertus du projet.

Au fur et à mesure, les élèves du cours d'autocratie se prennent de plus en plus au jeu. Ils proposent à d'autres personnes d'adhérer à cette philosophie. Ceux qui n'en sont pas sont exclus de leurs activités de groupe, et parfois même mal vus. Lorsqu'une opposition apparaît contre leur groupe, ils réagissent même violemment. Le professeur se sent alors complètement dépassé par les évènements. Il décide d'y mettre un terme dans un final dramatique.

Ce film est inspiré par des événements ayant eu lieu en 1967 en Californie. Un livre et un téléfilm en avaient notamment déjà été tirés. Même s'il pousse parfois à l'exagération, il a comme grand mérite de montrer comment naît une dictature. Il ne suffit pas d'un leader charismatique disposant d'une autorité forte. La première condition est d'abord celle de l'anéantissement de l'individualisme, des individualités. Face aux angoisses de chacun, le mouvement de groupe apporte un confort, une base solide, des valeurs, des certitudes. Telles étaient les fondements des nationalismes ou des activismes révolutionnaires marxistes. Les participants échangent leurs interrogations personnelles contre des certitudes collectives.

vendredi 15 octobre 2010

Euro, Nutella et petit déjeuner

Le quotidien La Voix du Nord a la bonne idée de réaliser un dossier sur l'inflation en se basant sur les tickets de caisse fournis par des lecteurs. Cette méthode permet de voir les fluctuations de prix de produits fixes dans le même magasin sur une période de dix ans. Et contrairement à ce que peut affirmer une revue de presse racoleuse, le premier relevé, consacré aux produits du petit déjeuner, n'indique pas du tout une flambée des prix liée au passage à l'euro. Evidemment, ça va contre les idées reçues et c'est moins spectaculaire, mais c'est comme ça.

Les variations de prix de 8 produits sont présentés. Pour 7 d'entre eux, ces variations sont comprises entre -4,2 % (pour le pot de 250 g de Ricoré) et 28,6 % (pour le litre de lait Candia). En faisant la moyenne de ces 7 variations, on découvre que leur augmentation a été de 18,01 %. Or l'article rappelle dès le départ que l'indice des prix à la consommation a augmenté de 18,2 % dans cette période allant de 2000 à 2010. Ces augmentations de prix relevées empiriquement sont donc conformes à l'inflation constatée officiellement, étant même légèrement en dessous. 18,2 % d'inflation en 10 ans, cela fait un taux annuel moyen de 1,69 %. C'est moins que les 2 % d'inflation recherchés par la Banque Centrale Européenne. Il n'y a donc pas de flambée des prix. Au cours des 10 années, on relève bien des évolutions sensibles d'une année sur l'autre, mais surtout en fonction du cours de certaines matières premières. De ce fait, elles peuvent avoir lieu tant à la baisse qu'à la hausse.

Les consommateurs croient souvent que l'euro fut responsable d'une hausse des prix incroyable. Elle ne se constate pas vraiment sur la durée ou sur l'ensemble des produits. Et quand bien même il y aurait eu une augmentation des prix, ce n'aurait pas été la faute de l'euro en lui même. Les coûts des producteurs n'ont pas augmenté en changeant de monnaie, il peut seulement y avoir une croyance que les consommateurs seraient prêts à accepter des prix plus élevés pour l'occasion. Cela ne se vérifie pas, d'une part par ce que le consommateur est généralement attentif à l'emploi de son argent, mais aussi parce qu'il peut toujours faire jouer la concurrence entre producteurs. Qu'ils soient en francs ou en euros, un producteur n'a pas intérêt à être beaucoup plus cher que ses concurrents (car le risque de sanction est fort). Au contraire, si ses concurrents augmentent leurs prix, il a tout intérêt à garder les mêmes : les consommateurs reconnaitront un prix inférieur à un autre, et il en sera récompensé. La concurrence est donc un excellent garde fou contre l'inflation.

Cela se voit d'autant mieux en considérant le huitième article dont le prix fut analysé, le pot de 400 g de Nutella. Son augmentation très importante de prix (102,6 % sur 10 ans soit plus de 7 % par an) ne peut s'expliquer sur les seules variations de cours de la noisette ou de l'huile de palme. Elle s'explique néanmoins très bien quand on se rappelle que le Nutella n'a pas de vrai concurrent. Les pâtes à tartiner des marques de distributeurs ne bénéficient pas du tout de la même cote d'amour et ne peuvent prétendre remplacer le Nutella dont la formule est farouchement gardée secrète. Pour les consommateurs, l'alternative c'est donc soit du Nutella plus cher, soit rien du tout. Et connaissant l'aspect presque addictif du produit sur certaines personnes, Ferrero ne se prive donc pas d'augmenter le prix. Il est confiant sur le fait que ses clients suivront. Au bout du compte, dans le cas du petit déjeuner comme dans d'autres, l'euro s'avère innocent dans l'augmentation des prix. Seule la concurrence peut parfois être prise en défaut.

jeudi 14 octobre 2010

Le niqab en promotion

L'éditeur Michalon peut se targuer d'un nouveau coup d'édition. Il a réussi à faire écrire à une personne au centre de l'actualité un livre de "témoignage", composé rapidement, écrit en gros caractères, imprimé sur un faible nombre de pages (150 environ) mais aux marges importantes, le tout pour un prix standard (15 euros). Il s'agit de donner une valeur marchande à une polémique. Mais le livre du jour consiste tout simplement à faire de la publicité pour le niqab, ce voile intégrale qui ne laisse qu'à peine voir les yeux. L'auteur est déjà une habituée de la polémique depuis qu'elle a contre-attaqué sur le plan médiatique un PV obtenu du fait de sa tenue. Sandrine Moulères, l'épouse du désormais célèbre Liès Hebbadj, était donc ce matin chez Marc-Olivier Fogiel pour faire la promotion de son livre et de son mode de vie. L'entretien est assez effarant.

Elle ne répond pas lorsqu'on lui demande si elle respectera la loi interdisant le voile intégrale. Elle le défend en considérant qu'il ne s'agit là que de "diversité", ce qui lui permet de ressortir l'argument tarte à la crème "la diversité est une richesse". Mais l'enfermement de la femme sous le voile intégrale, est-ce vraiment le type de "richesses" que la diversité est censé apporter ? Tous les comportements sont-ils défendables au nom de la diversité ?

Elle dit "se libérer sous le niqab" pour Dieu, et pour personne d'autres, mais mets tout de même en avant son besoin de se protéger du regard "pesant" des hommes. Plus troublant, lorsque le journaliste l'interroge sur le fait que son père se plaigne de ne plus avoir de contacts avec elle, et que ses petits enfants soient enfermées, elle refuse nettement de répondre à la question. C'est surprenant, après tout, c'est elle qui a voulu offrir son témoignage à tout le monde. La discussion suit le même cheminement sur la polygamie. D'abord, elle explique la polygamie serait moins hypocrite que de tromper sa femme, ce qui selon elle, arriverait de façon quasi systématique. Mais elle ne peut reconnaître qu'une femme trompe son mari, c'est impossible, l'Islam lui interdit, alors que c'est "dans la nature de l'homme". Au bout du compte, elle refuse à nouveau de répondre aux questions du journaliste sur l'égalité entre les sexes. Elle ne souhaite d'ailleurs pas non plus s'exprimer sur les affaires judiciaires de son mari.

Au final, on retient davantage ses silences que ses arguments. Les enfants de cette dame sont-ils empêchés de rencontrer leurs grands parents parce que ceux-ci sont catholiques ? L'égalité entre l'homme et la femme existe-t-elle selon elle ? Considère-t-elle que ce qu'a fait son mari était légal ou non ? La vraie question qui apparaît est en fait celle de son propre rapport avec notre société, avec ses valeurs et avec ses lois. Elle s'est tue à chaque fois que son raisonnement l'amenait à dire que les lois de l'Islam comptaient plus que celle de la République, sans dire autre chose. Si son but était de rassurer la population par sa démarche, le moins que l'on puisse dire c'est que c'est loupé.

mercredi 13 octobre 2010

La bonne concession

Comme d'habitude en France, ça grévouille, les services publics ne sont pas assurés et les sempiternels deux millions d'habitués de la manifestation s'adonnent à leur passe temps favori. Dans cette comédie de gestes bien connue et très codifiée, les responsables de l'opposition et les syndicats réclament le retrait pur et simple du projet, ou bien sa suspension le temps de le renégocier (ce qui aurait la même conséquence, soit un immobilisme total). Ces temps-ci, on parle de retraites. Le gouvernement a d'ores et déjà fait une grosse concession de plusieurs milliards d'euros, le maintien du départ à taux plein à 65 ans pour les mères les plus âgées de trois enfants ou plus. Les adversaires du projet ont immédiatement rejeté cette concession, en réclamant des biens plus importantes. Le gouvernement pourrait être tenté d'accepter en tentant d'acheter la "paix sociale". Mais à quel coût ?

Il faut déjà savoir à qui l'on parle. L'opposition au Parlement, craignant de se faire dépasser par une base en colère, préfère se contenter de jouer l'opposition pour l'opposition. Leurs contre propositions sont inaudibles, si jamais elles existent. Malheureusement, le dialogue s'avère peu constructif, dans la mesure où l'idée même d'un besoin de réforme des retraites semble ignorée. Du côté des syndicats, Sud ne prend pas part aux négociations et la CGT ne signera jamais rien par principe. Seule la CFDT est un interlocuteur de bonne foi parmi les gros syndicats.

François Fillon l'avait bien compris en 2003, lorsqu'il avait relevé le nombre d'années de cotisation nécessaires pour toucher la retraite à temps plein. La négociation avec la CFDT avait notamment permis de mettre en place un système validant les années travaillées lorsque l'on a commencé tôt (avant 18 ans) sa carrière, sans qu'il y ait des preuves administratives pour le démontrer. A cet égard, une simple attestation de l'employeur suffisait pour l'établir. Le mécanisme, très juste dans ses ambitions, a servi à une fraude massive. Nombreux sont ceux qui ont eu recours à des personnes complaisantes, souvent des anciens patrons aujourd'hui très âgés (à qui cela ne coûte rien), pour leur fournir de telles attestations sans qu'ils aient jamais travaillé dans leur entreprise. La combine permet ainsi aux indélicats de gagner deux ans de cotisation avec un simple bout de papier. Le gouvernement peut ensuite s'étonner qu'il y ait 600 000 personnes qui aient bénéficié de ce système au lieu des 100 000 prévues, et que cela a un coût direct de plusieurs milliards d'euros (rendant d'ailleurs plus urgent une nouvelle réforme).

Ce n'est d'ailleurs pas la seule fois où les concessions en la matière s'avèrent dommageables. Fin 2007, le gouvernement avait ainsi réformé les systèmes spéciaux de retraites de la SNCF (ce qui avait occasionné là encore bien des grèves), mais au final, les concessions acceptées ont été telles que le système coûte encore plus cher qu'auparavant. Et ce n'est pas comme si les premiers concernés en était reconnaissant au gouvernement. D'ailleurs, le gouvernement sera haï quelques soient les concessions acceptées, et même si le projet est entièrement retiré. Quel intérêt a-t-il donc à retirer le projet actuellement débattu ?

En 1995, Alain Juppé avait ainsi commis la plus grosse erreur possible en retirant le projet de loi de réforme de la Sécurité Sociale malgré son bien fondé. Les questions que cette loi abordait ne se sont pas ensuite réglées d'elles-mêmes, bien au contraire même, puisqu'elles ont empiré. La France fut ainsi condamnée à l'immobilisme de longues années, et les politiciens étaient effrayés de faire quoi que ce soit. Si Alain Juppé a motivé ce retrait pour des raisons électoralistes, bien mal lui en a pris : il perdit la majorité en 1997.

Les exemples passés et l'observation de la situation présente montrent donc qu'il n'y a pas de bonne concession à faire. Tant que tout débat se posera de façon frénétique sur le thème de la "casse sociale" plutôt que sur une approche pragmatique, calme et raisonnable des choses, le peu de dialogue existant mènera à une impasse.

mardi 12 octobre 2010

Intervenir lors de la succession nord coréenne

L'apparition de Kim Jong-un aux côtés de son père Kim Kong-il lors d'une parade militaire ce week-end semble marquer l'officialisation de sa désignation en tant qu'héritier du régime. Kim Jong-il se faisant vieux et malade, il souhaite désormais transmettre son pouvoir à sa descendance, comme son propre père Kim Il-sung l'avait fait en son temps. La Corée du Nord est tellement obsédée par le secret que bon nombre d'éléments sont inconnus à propos du futur héritier, à commencer par sa date de naissance ou les études qu'il a faites. Pour la Corée, ce peut néanmoins être une opportunité. Il est possible que Kim Jong-un soit un peu plus conciliant que son père. Il lui sera en tout cas difficile d'avoir moins d'égards pour son peuple.

On peut toutefois se demander quelles sont les bases du régime nord coréen. Bien sûr, le peuple a tellement été gavé de propagande depuis des décennies qu'il peine à imaginer ce qu'est une démocratie ou même le reste du monde. Mais si l'Etat nord coréen perdure, c'est qu'il y a une élite qui tient le peuple sous sa férule et organise cette propagande. Kim Jong-il, même aidé de son fils, ne peut tout faire seul. L'état major de l'armée et la grande administration ont donc une responsabilité dans la situation du pays, ne serait-ce parce qu'ils suivent les ordres du leader. Ils doivent quand même mener la belle vie, pour accepter que Kim Jong-un récupère les rênes du pouvoir. Mais ils doivent avoir pleinement conscience de ce qu'il se passe du fait de leurs décisions. Sont-ils vraiment prêts à défendre le régime jusqu'à la mort, ou bien leur loyauté peut-elle varier s'ils y trouvent un intérêt ?

Pour les puissances étrangères, la transition peut être une occasion de favoriser un changement de régime et une éventuelle réunification. Kim Jong-il a montré qu'il était instable et paranoïaque, ses rapprochements avec la Corée du sud sont aussi fréquents que brefs. Au rythme où les discussions vont, on aboutira à rien. Or malgré l'opiniâtreté de l'armée nord coréenne, le pays ne tient que par l'apport des quelques contacts avec l'étranger qui lui restent. Le plus important est son lien avec la Chine : si celle-ci est souvent navrée du comportement erratique de la dictature voisine, elle considère qu'il est dans son intérêt national de ne pas avoir une puissance alliée avec l'Occident à sa frontière. Elle ne veut pas se trouver dans la situation de la Russie voyant l'Allemagne de l'est devenir un pays allié aux Etats-Unis. D'autre part, la Corée du nord bénéficie d'une aide humanitaire de la Corée du sud. Celle-ci reste malgré tout solidaire de la population nord coréenne, leurs frères subissant l'oppression. Cette aide permet d'éviter des famines, mais retarde peut-être une éventuelle révolte du peuple.

Le moment où plus personne n'aura à redevoir quelque chose au leader nord coréen pourrait donc être une bonne opportunité pour tenter de changer les choses. Il faudrait évidemment éviter une invasion par le sud qui entraînerait une riposte immédiate chinoise. Un coup d'état pacifique favorisant une ouverture du régime est envisageable, qu'il soit d'origine interne ou externe. Il faudrait en tout cas entreprendre ce changement en se basant sur la diplomatie, sur le dialogue avec la Chine. Une proposition pourrait être d'effectuer la réunification, mais sans que la Corée unifiée s'engage dans une quelconque alliance : elle resterait alors totalement indépendante à la fois de la Chine et de l'Occident. C'est la solution qui avait été adoptée pour l'Autriche après la Seconde Guerre Mondiale, et avait évité une partition du pays. Le pays aurait de toute façon déjà beaucoup à faire pour remettre à niveau sa partie nord, beaucoup plus handicapée que ne l'était l'Allemagne de l'est. La neutralité de la Corée pourrait donc être une issue où tout le monde serait gagnant.

jeudi 7 octobre 2010

L'artisanat, un métier d'avenir

Une des grandes angoisses des classes moyennes (et parfois populaires) est la peur du déclassement social : que non seulement leurs enfants ne puissent avoir une situation meilleure que la leur, mais que celle-ci s'avère en fait même plus mauvaise. Autrefois considéré comme un passage obligé vers la réussite sociale, les études longues ne garantissent plus du tout d'une bonne situation. Certes, face aux délocalisations et la main d'œuvre à bas coûts dans les pays émergents, le statut d'ouvrier est de plus en plus menacé. Mais contrairement à ce que l'on a pu rêver, la France ne pourra pas facilement occuper une position de "donneuse d'ordres", où une masse salariale fortement diplômée créerait le design des produits fabriqués ailleurs. D'une part parce que les pays émergents n'ont aucune envie de voir cette partie de la création de la valeur ajoutée leur échapper éternellement, d'autre part parce que la France n'est pas un pays où l'innovation et l'entrepreneuriat sont parfaitement valorisés. Cela ne veut pas dire que des entreprises ne peuvent occuper ce créneau, mais il serait illusoire de croire que cela puisse concerner tout à chacun.

Sans forcément vouloir se tourner vers le Plan comme façon d'organiser l'économie, il peut être opportun de se poser la question des débouchés dans la façon de former les futurs actifs. Cela peut se faire de façon simple, en regardant quels métiers sont en pénurie de personnel qualifié, alors que le chômage reste fort : cela donne une bonne indication des déséquilibres entre emplois et travail. Le secteur des services y sont bien représentés : on manque ainsi d'infirmières et d'informaticiens. Si être informaticien demande une formation longue, d'autres métiers réclament de façon insistante de la main d'œuvre. Et on découvre alors que l'artisanat est un très gros employeur qui est bien peu satisfait. Les boulangers ou les plombiers sont ainsi fortement demandés. Les bouchers en particulier sont dans une situation très difficile : peu de jeunes arrivent pour reprendre les boutiques dont les occupants arrivent à l'âge de la retraite. Les supermarchés ont eux aussi des rayons boucheries qui demandent des personnes pour les faire tourner, ils n'en trouvent pas, ou pas assez. La demande des clients dans de tels domaines reste pourtant toujours aussi forte...

Il faudrait donc veiller à orienter une partie des élèves vers de tels métiers, où l'on peut d'ailleurs se faire des situations confortables. La concurrence étrangère y est limitée, et les besoins sont grands. Actuellement, seuls les mauvais élèves sont orientés vers de telles formations. Or on peut être un bon élève, et avoir les qualités nécessaires pour être artisan. D'autre part, de nombreux bacheliers s'inscrivent à l'université faute de réel projet professionnel. Ce pourrait être un bon moment pour en récupérer une partie d'entre eux. Plutôt que de risquer l'échec dans les premières années de fac faute de motivation et/ou des qualités nécessaires pour s'y frayer un chemin, il serait préférable qu'il y ait une sélection à l'entrée. Le nombre d'étudiants par filières se ferait non seulement sur ses capacités d'accueil, mais aussi sur leurs débouchés. Il pourrait ainsi y avoir moins d'étudiants en fac, mais des bacheliers qui entreprennent des formations menant aux métiers de l'artisanat. Au final, ce serait l'opportunité d'une meilleure allocation de nos ressources et d'une possible baisse du chômage.

dimanche 3 octobre 2010

Le renouveau de l'art

Depuis plusieurs années déjà, l'entête de ce blog est illustré par un détail du tableau Le guépier de William Bouguereau. Alors que les expositions consacrées à des peintres tels que Monet ou Picasso rencontrent un grand succès, il étonnant que cet artiste ne soit pas davantage connu du grand public. Et ce n'est pas faute de manquer de talent, bien au contraire. William Bouguereau est même l'un des meilleurs peintres de l'Histoire. Sa maîtrise technique et artistique est indéniable. Son travail sur les couleurs, les lumières, sur toutes les parties du corps humain saute aux yeux. Bien souvent le néophyte est surpris de découvrir des œuvres si superbes, alors que leur auteur est si peu connu. Or il n'en fut pas toujours ainsi. William Bouguereau était en son temps reconnu comme le plus grand artiste vivant. Ses peintures rencontraient le succès que ce soit en France ou à l'étranger, notamment aux États-Unis. Il a ainsi régné sur la deuxième moitié du XIXème siècle, prenant le relais des grands peintres de la Renaissance ou de maîtres plus récents, comme Jacques-Louis David. Mais le XXème siècle lui fut moins favorable, sa perfection même lui fut reproché, alors que la critique s'adonnait aux absurdités de la peinture abstraite.

Les tableaux de William Bouguereau furent alors remisés dans les caves en compagnie d'autres maîtres de cette même période, et ils furent souvent rachetés à bas prix pour appartenir à des collections privées américaines. La virulence des critiques n'affaiblissait pourtant pas les qualités de ce peintre, et depuis quelques temps, des voix s'élèvent pour réaffirmer la domination de William Bouguereau sur bien des peintres qui devinrent renommés par la suite. Sa maîtrise est telle qu'avec son simple pinceau, il atteint un degré de photoréalisme encore difficilement atteignable par les techniques assistées par ordinateur. Ce faisant, il reproduit la réalité, et parfois la sublime. Malheureusement, ses compétences disparurent largement par la suite. Tant d'œuvres relevant de l'escroquerie, n'étant constitués que d'aplats de couleurs ou de quelques traits, ont remporté du succès que la conservation des meilleures techniques de dessin ou de peinture n'était plus une priorité. Contrairement à d'autres domaines de création humaine, l'art régressait.

Mais tout n'est pas perdu. Une initiative privée, l'Art Renewal Center, appelle au renouveau de l'art. Non seulement il promeut les oeuvres de William Bouguereau et de ses semblables, mais il encourage également, notamment par des concours ou la certification d'écoles artistiques, un retour à la maîtrise artistique dans la création contemporaine. Cette initiative doit être encouragée. De telles œuvres parlent pour elles-mêmes, et en conséquence, leur succès est croissant. Le Musée d'Orsay a ainsi acquis cinq nouveaux tableaux de William Bouguereau récemment, s'ajoutant aux deux ou trois qui y étaient déjà présents. Il faudra veiller à ce que ce mouvement continue, non seulement pour William Bouguereau, mais aussi pour s'assurer que les arts plastiques en général se remettent à progresser.

vendredi 1 octobre 2010

Vive Google Street View !

L'annonce de l'arrivée de Google Street View en Allemagne a suscité de très fortes réactions outre Rhin. Alors que ce service offrant des photos géolocalisées de rues est disponible depuis longtemps dans de nombreux pays d'Europe, aucune ville n'était proposée à la visite en Allemagne. Ce pays s'était dès le départ déclaré hostile à ce service internet, mais il semble qu'aujourd'hui Google ait décidé de passer outre. La captation des photos y est donc en cours, et elles ne tarderont plus à être disponibles. Mais les Allemands goûtent fort peu à ce qu'ils apparentent à une violation de la vie privée. Marqués par les régimes nazi et communiste, ils voient dans Google Street View une entreprise de collecte systématique de données concernant l'ensemble des citoyens. Le sujet fait la une de l'actualité, et des centaines de milliers de personnes auraient demandé à ce que leurs habitations soient masquées.

Le souci des Allemands de protéger leur vie privée est tout à fait légitime, mais il est surprenant que ça ait des conséquences sur un service tel que Google Street View. Dans ce cas, il ne s'agit précisément pas de vie privée : on n'entre pas dans les maisons, et aucune information n'est donnée sur les individus. Depuis le début, les visages ont toujours été floutés, jusqu'à ceux présent dans les affichages publicitaires. En l'occurrence, n'est proposé sur internent que ce que tout à chacun peut voir de ses propres yeux en se baladant dans la rue, ce qui n'est interdit à personne. Et à vrai dire, ceux dont les maisons apparaissent déjà sur Google Street View ne s'en portent pas plus mal.

De plus, il faut bien avouer que Google Street View est une invention fantastique. Elle a le mérite d'allier l'utile à l'agréable. L'utile, car cela permet de se repérer en avance pour un trajet à accomplir, en notant des points de repères pratiques pour s'orienter dans les rues. L'agréable, car cela permet de découvrir facilement et gratuitement les rues de villes situées à l'autre bout du monde, créant une espèce de tourisme certes très diminué, mais apte à susciter la curiosité et à comprendre certains aménagements.

Les avantages surpassent donc aisément les inexistants inconvénients. Surtout qu'en matière de vie privée, Google Street View est complètement inoffensif par rapport à d'autres sites qui exploitent ce filon sans vergogne. Les réseaux sociaux, et en particulier Facebook, créent de vrais dangers à ce sujet-là. Leurs membres n'hésitent plus à y transmettre des quantités énormes d'informations personnelles dont ils ne maîtriseront pas leurs utilisations postérieures. Et ces sites permettent également de rendre public les informations les plus diverses concernant des tiers, sans qu'il soit possible de les retirer facilement. En comparaison, Google Street View se révèle donc bien comme un service avantageux n'apportant pas de risque supplémentaire.

free hit counter