L'apparition de Kim Jong-un aux côtés de son père Kim Kong-il lors d'une parade militaire ce week-end semble marquer l'officialisation de sa désignation en tant qu'héritier du régime. Kim Jong-il se faisant vieux et malade, il souhaite désormais transmettre son pouvoir à sa descendance, comme son propre père Kim Il-sung l'avait fait en son temps. La Corée du Nord est tellement obsédée par le secret que bon nombre d'éléments sont inconnus à propos du futur héritier, à commencer par sa date de naissance ou les études qu'il a faites. Pour la Corée, ce peut néanmoins être une opportunité. Il est possible que Kim Jong-un soit un peu plus conciliant que son père. Il lui sera en tout cas difficile d'avoir moins d'égards pour son peuple.

On peut toutefois se demander quelles sont les bases du régime nord coréen. Bien sûr, le peuple a tellement été gavé de propagande depuis des décennies qu'il peine à imaginer ce qu'est une démocratie ou même le reste du monde. Mais si l'Etat nord coréen perdure, c'est qu'il y a une élite qui tient le peuple sous sa férule et organise cette propagande. Kim Jong-il, même aidé de son fils, ne peut tout faire seul. L'état major de l'armée et la grande administration ont donc une responsabilité dans la situation du pays, ne serait-ce parce qu'ils suivent les ordres du leader. Ils doivent quand même mener la belle vie, pour accepter que Kim Jong-un récupère les rênes du pouvoir. Mais ils doivent avoir pleinement conscience de ce qu'il se passe du fait de leurs décisions. Sont-ils vraiment prêts à défendre le régime jusqu'à la mort, ou bien leur loyauté peut-elle varier s'ils y trouvent un intérêt ?

Pour les puissances étrangères, la transition peut être une occasion de favoriser un changement de régime et une éventuelle réunification. Kim Jong-il a montré qu'il était instable et paranoïaque, ses rapprochements avec la Corée du sud sont aussi fréquents que brefs. Au rythme où les discussions vont, on aboutira à rien. Or malgré l'opiniâtreté de l'armée nord coréenne, le pays ne tient que par l'apport des quelques contacts avec l'étranger qui lui restent. Le plus important est son lien avec la Chine : si celle-ci est souvent navrée du comportement erratique de la dictature voisine, elle considère qu'il est dans son intérêt national de ne pas avoir une puissance alliée avec l'Occident à sa frontière. Elle ne veut pas se trouver dans la situation de la Russie voyant l'Allemagne de l'est devenir un pays allié aux Etats-Unis. D'autre part, la Corée du nord bénéficie d'une aide humanitaire de la Corée du sud. Celle-ci reste malgré tout solidaire de la population nord coréenne, leurs frères subissant l'oppression. Cette aide permet d'éviter des famines, mais retarde peut-être une éventuelle révolte du peuple.

Le moment où plus personne n'aura à redevoir quelque chose au leader nord coréen pourrait donc être une bonne opportunité pour tenter de changer les choses. Il faudrait évidemment éviter une invasion par le sud qui entraînerait une riposte immédiate chinoise. Un coup d'état pacifique favorisant une ouverture du régime est envisageable, qu'il soit d'origine interne ou externe. Il faudrait en tout cas entreprendre ce changement en se basant sur la diplomatie, sur le dialogue avec la Chine. Une proposition pourrait être d'effectuer la réunification, mais sans que la Corée unifiée s'engage dans une quelconque alliance : elle resterait alors totalement indépendante à la fois de la Chine et de l'Occident. C'est la solution qui avait été adoptée pour l'Autriche après la Seconde Guerre Mondiale, et avait évité une partition du pays. Le pays aurait de toute façon déjà beaucoup à faire pour remettre à niveau sa partie nord, beaucoup plus handicapée que ne l'était l'Allemagne de l'est. La neutralité de la Corée pourrait donc être une issue où tout le monde serait gagnant.