Le quotidien La Voix du Nord a la bonne idée de réaliser un dossier sur l'inflation en se basant sur les tickets de caisse fournis par des lecteurs. Cette méthode permet de voir les fluctuations de prix de produits fixes dans le même magasin sur une période de dix ans. Et contrairement à ce que peut affirmer une revue de presse racoleuse, le premier relevé, consacré aux produits du petit déjeuner, n'indique pas du tout une flambée des prix liée au passage à l'euro. Evidemment, ça va contre les idées reçues et c'est moins spectaculaire, mais c'est comme ça.

Les variations de prix de 8 produits sont présentés. Pour 7 d'entre eux, ces variations sont comprises entre -4,2 % (pour le pot de 250 g de Ricoré) et 28,6 % (pour le litre de lait Candia). En faisant la moyenne de ces 7 variations, on découvre que leur augmentation a été de 18,01 %. Or l'article rappelle dès le départ que l'indice des prix à la consommation a augmenté de 18,2 % dans cette période allant de 2000 à 2010. Ces augmentations de prix relevées empiriquement sont donc conformes à l'inflation constatée officiellement, étant même légèrement en dessous. 18,2 % d'inflation en 10 ans, cela fait un taux annuel moyen de 1,69 %. C'est moins que les 2 % d'inflation recherchés par la Banque Centrale Européenne. Il n'y a donc pas de flambée des prix. Au cours des 10 années, on relève bien des évolutions sensibles d'une année sur l'autre, mais surtout en fonction du cours de certaines matières premières. De ce fait, elles peuvent avoir lieu tant à la baisse qu'à la hausse.

Les consommateurs croient souvent que l'euro fut responsable d'une hausse des prix incroyable. Elle ne se constate pas vraiment sur la durée ou sur l'ensemble des produits. Et quand bien même il y aurait eu une augmentation des prix, ce n'aurait pas été la faute de l'euro en lui même. Les coûts des producteurs n'ont pas augmenté en changeant de monnaie, il peut seulement y avoir une croyance que les consommateurs seraient prêts à accepter des prix plus élevés pour l'occasion. Cela ne se vérifie pas, d'une part par ce que le consommateur est généralement attentif à l'emploi de son argent, mais aussi parce qu'il peut toujours faire jouer la concurrence entre producteurs. Qu'ils soient en francs ou en euros, un producteur n'a pas intérêt à être beaucoup plus cher que ses concurrents (car le risque de sanction est fort). Au contraire, si ses concurrents augmentent leurs prix, il a tout intérêt à garder les mêmes : les consommateurs reconnaitront un prix inférieur à un autre, et il en sera récompensé. La concurrence est donc un excellent garde fou contre l'inflation.

Cela se voit d'autant mieux en considérant le huitième article dont le prix fut analysé, le pot de 400 g de Nutella. Son augmentation très importante de prix (102,6 % sur 10 ans soit plus de 7 % par an) ne peut s'expliquer sur les seules variations de cours de la noisette ou de l'huile de palme. Elle s'explique néanmoins très bien quand on se rappelle que le Nutella n'a pas de vrai concurrent. Les pâtes à tartiner des marques de distributeurs ne bénéficient pas du tout de la même cote d'amour et ne peuvent prétendre remplacer le Nutella dont la formule est farouchement gardée secrète. Pour les consommateurs, l'alternative c'est donc soit du Nutella plus cher, soit rien du tout. Et connaissant l'aspect presque addictif du produit sur certaines personnes, Ferrero ne se prive donc pas d'augmenter le prix. Il est confiant sur le fait que ses clients suivront. Au bout du compte, dans le cas du petit déjeuner comme dans d'autres, l'euro s'avère innocent dans l'augmentation des prix. Seule la concurrence peut parfois être prise en défaut.