mercredi 13 octobre 2010
La bonne concession
Par xerbias, mercredi 13 octobre 2010 à 18:19 :: General
Comme d'habitude en France, ça grévouille, les services publics ne sont pas assurés et les sempiternels deux millions d'habitués de la manifestation s'adonnent à leur passe temps favori. Dans cette comédie de gestes bien connue et très codifiée, les responsables de l'opposition et les syndicats réclament le retrait pur et simple du projet, ou bien sa suspension le temps de le renégocier (ce qui aurait la même conséquence, soit un immobilisme total). Ces temps-ci, on parle de retraites. Le gouvernement a d'ores et déjà fait une grosse concession de plusieurs milliards d'euros, le maintien du départ à taux plein à 65 ans pour les mères les plus âgées de trois enfants ou plus. Les adversaires du projet ont immédiatement rejeté cette concession, en réclamant des biens plus importantes. Le gouvernement pourrait être tenté d'accepter en tentant d'acheter la "paix sociale". Mais à quel coût ?
Il faut déjà savoir à qui l'on parle. L'opposition au Parlement, craignant de se faire dépasser par une base en colère, préfère se contenter de jouer l'opposition pour l'opposition. Leurs contre propositions sont inaudibles, si jamais elles existent. Malheureusement, le dialogue s'avère peu constructif, dans la mesure où l'idée même d'un besoin de réforme des retraites semble ignorée. Du côté des syndicats, Sud ne prend pas part aux négociations et la CGT ne signera jamais rien par principe. Seule la CFDT est un interlocuteur de bonne foi parmi les gros syndicats.
François Fillon l'avait bien compris en 2003, lorsqu'il avait relevé le nombre d'années de cotisation nécessaires pour toucher la retraite à temps plein. La négociation avec la CFDT avait notamment permis de mettre en place un système validant les années travaillées lorsque l'on a commencé tôt (avant 18 ans) sa carrière, sans qu'il y ait des preuves administratives pour le démontrer. A cet égard, une simple attestation de l'employeur suffisait pour l'établir. Le mécanisme, très juste dans ses ambitions, a servi à une fraude massive. Nombreux sont ceux qui ont eu recours à des personnes complaisantes, souvent des anciens patrons aujourd'hui très âgés (à qui cela ne coûte rien), pour leur fournir de telles attestations sans qu'ils aient jamais travaillé dans leur entreprise. La combine permet ainsi aux indélicats de gagner deux ans de cotisation avec un simple bout de papier. Le gouvernement peut ensuite s'étonner qu'il y ait 600 000 personnes qui aient bénéficié de ce système au lieu des 100 000 prévues, et que cela a un coût direct de plusieurs milliards d'euros (rendant d'ailleurs plus urgent une nouvelle réforme).
Ce n'est d'ailleurs pas la seule fois où les concessions en la matière s'avèrent dommageables. Fin 2007, le gouvernement avait ainsi réformé les systèmes spéciaux de retraites de la SNCF (ce qui avait occasionné là encore bien des grèves), mais au final, les concessions acceptées ont été telles que le système coûte encore plus cher qu'auparavant. Et ce n'est pas comme si les premiers concernés en était reconnaissant au gouvernement. D'ailleurs, le gouvernement sera haï quelques soient les concessions acceptées, et même si le projet est entièrement retiré. Quel intérêt a-t-il donc à retirer le projet actuellement débattu ?
En 1995, Alain Juppé avait ainsi commis la plus grosse erreur possible en retirant le projet de loi de réforme de la Sécurité Sociale malgré son bien fondé. Les questions que cette loi abordait ne se sont pas ensuite réglées d'elles-mêmes, bien au contraire même, puisqu'elles ont empiré. La France fut ainsi condamnée à l'immobilisme de longues années, et les politiciens étaient effrayés de faire quoi que ce soit. Si Alain Juppé a motivé ce retrait pour des raisons électoralistes, bien mal lui en a pris : il perdit la majorité en 1997.
Les exemples passés et l'observation de la situation présente montrent donc qu'il n'y a pas de bonne concession à faire. Tant que tout débat se posera de façon frénétique sur le thème de la "casse sociale" plutôt que sur une approche pragmatique, calme et raisonnable des choses, le peu de dialogue existant mènera à une impasse.
Il faut déjà savoir à qui l'on parle. L'opposition au Parlement, craignant de se faire dépasser par une base en colère, préfère se contenter de jouer l'opposition pour l'opposition. Leurs contre propositions sont inaudibles, si jamais elles existent. Malheureusement, le dialogue s'avère peu constructif, dans la mesure où l'idée même d'un besoin de réforme des retraites semble ignorée. Du côté des syndicats, Sud ne prend pas part aux négociations et la CGT ne signera jamais rien par principe. Seule la CFDT est un interlocuteur de bonne foi parmi les gros syndicats.
François Fillon l'avait bien compris en 2003, lorsqu'il avait relevé le nombre d'années de cotisation nécessaires pour toucher la retraite à temps plein. La négociation avec la CFDT avait notamment permis de mettre en place un système validant les années travaillées lorsque l'on a commencé tôt (avant 18 ans) sa carrière, sans qu'il y ait des preuves administratives pour le démontrer. A cet égard, une simple attestation de l'employeur suffisait pour l'établir. Le mécanisme, très juste dans ses ambitions, a servi à une fraude massive. Nombreux sont ceux qui ont eu recours à des personnes complaisantes, souvent des anciens patrons aujourd'hui très âgés (à qui cela ne coûte rien), pour leur fournir de telles attestations sans qu'ils aient jamais travaillé dans leur entreprise. La combine permet ainsi aux indélicats de gagner deux ans de cotisation avec un simple bout de papier. Le gouvernement peut ensuite s'étonner qu'il y ait 600 000 personnes qui aient bénéficié de ce système au lieu des 100 000 prévues, et que cela a un coût direct de plusieurs milliards d'euros (rendant d'ailleurs plus urgent une nouvelle réforme).
Ce n'est d'ailleurs pas la seule fois où les concessions en la matière s'avèrent dommageables. Fin 2007, le gouvernement avait ainsi réformé les systèmes spéciaux de retraites de la SNCF (ce qui avait occasionné là encore bien des grèves), mais au final, les concessions acceptées ont été telles que le système coûte encore plus cher qu'auparavant. Et ce n'est pas comme si les premiers concernés en était reconnaissant au gouvernement. D'ailleurs, le gouvernement sera haï quelques soient les concessions acceptées, et même si le projet est entièrement retiré. Quel intérêt a-t-il donc à retirer le projet actuellement débattu ?
En 1995, Alain Juppé avait ainsi commis la plus grosse erreur possible en retirant le projet de loi de réforme de la Sécurité Sociale malgré son bien fondé. Les questions que cette loi abordait ne se sont pas ensuite réglées d'elles-mêmes, bien au contraire même, puisqu'elles ont empiré. La France fut ainsi condamnée à l'immobilisme de longues années, et les politiciens étaient effrayés de faire quoi que ce soit. Si Alain Juppé a motivé ce retrait pour des raisons électoralistes, bien mal lui en a pris : il perdit la majorité en 1997.
Les exemples passés et l'observation de la situation présente montrent donc qu'il n'y a pas de bonne concession à faire. Tant que tout débat se posera de façon frénétique sur le thème de la "casse sociale" plutôt que sur une approche pragmatique, calme et raisonnable des choses, le peu de dialogue existant mènera à une impasse.