Réflexions en cours

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mercredi 24 février 2010

Pourquoi Jean-Paul Huchon et son équipe doivent quitter la présidence de l'Ile de France

Les élections régionales sont dans trois semaines, et l'on en parle bien peu. Si peu de Français savent quelles sont les compétences des conseils régionaux, rien n'est fait pour éclaircir cela. Les présidents de région peuvent même espérer se faire élire sur la base de la popularité des différents partis politiques, plutôt que sur un bilan ou un projet. Les précédentes élections en 2004 l'avaient parfaitement montré, en portant 20 socialistes à la têtes des 22 régions métropolitaines sur le simple argument du vote sanction contre le gouvernement. Mais sur ces 20 présidents, certains peuvent avoir profité de leur élection pour œuvrer sincèrement au développement de leur région, et travailler pour appliquer leur projet. Ce n'est pas le cas de Jean-Paul Huchon. Voilà désormais 12 ans qu'il est à la tête de l'Ile de France, et son échec est patent. Ce n'est même pas qu'il a échoué dans ce qu'il a entrepris, mais bien parce qu'il n'a quasiment rien entrepris. Les deux compétences les plus importantes d'une région sont la gestion des lycées et celle des transports. En Ile de France, la question des transports en commun est particulièrement cruciale, vu qu'une grande partie de ses habitants est amenée à y passer deux heures ou plus par jour dans le cadre des déplacements entre le domicile et le travail. Or ils s'avèrent qu'ils sont dans la déliquescence la plus totale.

Les lignes de métro et de RER sont quasiment toutes défaillantes, accablées par une surcharge de trafic désormais constante et le poids des années de l'équipement. Ce sont pourtant ces moyens de transports lourds qui transportent le plus de voyageurs, et qui devraient être donc la priorité des autorités. Or la région Ile de France dirige le Syndicat des Transports d'Ile de France, qui gère tous les aspects des transports en commun francilien. Mais rien n'a été fait ces douze dernières années. Les derniers faits marquants en la matière sont les inauguration de Meteor (la ligne 14 du métro) et d'Eole (la ligne E du RER), respectivement en 1998 et 1999. Évidemment, cela prend du temps de créer de nouvelles lignes. Mais alors que Jean-Paul Huchon et son équipe (composée des Verts, des socialistes et des communistes) sont au pouvoir depuis 1998, rien d'important n'a été fait. Et le matériel roulant ne cesse de se dégrader, conséquence d'un manque d'investissement chronique pour du matériel de renouvellement.

Et qui est mieux placé pour l'admettre que Jean-Paul Huchon lui-même ? Son programme pour les transports en commun de 2010 est un copié collé de celui de 2004, reconnaissant ainsi que celui de 2004 n'a tout simplement pas été appliqué.
Son titre était pourtant évocateur : "des transports publics sans défaut". Viennent alors les engagements les plus marquants :

"NOUS GARANTIRONS DES TRANSPORTS PUBLICS SANS DÉFAUT :
  • création d’une francilienne des transports collectifs (des nouvelles lignes de trains de banlieue à banlieue, de nouveaux bus et tramways, des prolongements de lignes… soit 300 kilomètres de réseaux),
  • rénovation de tout le matériel roulant (trains, bus, RER…),
  • modernisation des réseaux ferrés (lignes B, C, D du RER notamment),
  • transports la nuit et le week-end, augmentation du trafic aux heures de pointe,
  • deux tarifs pour la carte Orange (40 euros / 65 euros), avant instauration d’une carte universelle permettant de passer d’un mode de transport à l’autre dans toute la Région."
Ils sont également suivis d'autres engagements, parmi lesquels ceux d'ordre tarifaire :
  • "carte Orange valable sur tous les réseaux les week-ends et jours fériés,
  • gratuité pour les chômeurs, les jeunes en insertion et les allocataires du RMA pour faciliter leur recherche d'emploi,
  • tarif régional unifié pour les personnes âgées,
  • carte Imagine’R pour tous les 11-25 ans (non salariés),
  • ticket unique de transport valable 1 h 30 en Ile-de-France."
Et maintenant, voilà où on en est sur chaque engagement :
  • La "francilienne des transports collectifs" n'existe pas. Il n'existe pas de lignes de trains de banlieue à banlieue à l'heure actuelle.
  • Le matériel roulant est dans un état encore pire qu'avant. On retrouve ainsi dans le projet 2010 de Jean-Paul Huchon "Modernisation de tous les RER : lignes, matériel, système d’information, services, etc."
  • De même, le projet 2010 continue de promettre des transports ferrés la nuit du samedi au dimanche. Davantage de bus Noctilien sont à nouveau promis. Les usagers des transports en commun ont en revanche bien compris que la vétusté limitait l'augmentation du nombre de trains pendant les heures de pointes. La ligne
  • A montre ainsi qu'il aurait fallu investir il y a bien longtemps sur le prolongement de la ligne E vers la Défense.
  • Les deux tarifs pour la carte orange restent une aimable plaisanterie (et la carte universelle encore plus) : 6 zones demeurent, avec des tarifs allant de 51,10 € à 123,60 €.
  • La carte orange n'est pas valable sur tous les réseaux les week-ends et les jours fériés. La proposition se retrouve dans le programme 2010 pour ceux qui voudront toujours bien y croire.
  • Le copié collé de l'ancien programme continue avec la gratuité pour les jeunes en insertions.
  • De même pour la carte Imagine'R pour tous les 11-25 ans non salariés : six n'ont pas été suffisant pour mettre en place cette mesure, puisqu'elle se retrouve à nouveau dans le catalogue des engagements (pourtant marqués "nous le ferons" à l'époque).
  • Le ticket unique de transport valable 1h30 ne fonctionne que sur les bus et tramways.
Le programme de 2004 est donc un catalogue de promesses non tenues, aujourd'hui recyclées à l'identique. Les transports en commun franciliens sont à l'agonie, et leurs usagers quotidiennement épuisés par les retards, annulations, grèves, dysfonctionnement, surcharges et autres galères régulières. Cette situation pousse de nombreuses personnes à prendre leurs voitures, engendrant ainsi bouchons et pollutions. La dette de la région augmente alors que les investissements reculent en part relative. Si les impôts ont largement augmenté, les dépenses consacrées aux transports en commun ont baissé en valeur absolue. Tout cela au bénéfice de frais de fonctionnement, tels que les dépenses de communication ou bien l'embauche de nouveaux fonctionnaires (hors décentralisation).

Au vu de tout cela, la condamnation de Jean-Paul Huchon à 60 000 euros d'amende et un an de prison avec sursis pour prise illégale d'intérêts (des faits commis en tant que président de l'Ile de France justement) pourrait presque paraître anecdotique. Son plus grand atout est que les deux tiers des Franciliens ne le connaissent pas d'après un sondage de novembre dernier, après pourtant plus de 10 ans à son poste. Il est même favori pour se succéder pour lui-même. Ce serait la pire chose pour les Franciliens. Lui et son équipe doivent quitter la présidence de l'Ile de France à la suite des élections de mars.

dimanche 14 février 2010

Le zonage des DVD

Lors de l'avènement de la cassette VHS, il y eut différents standards d'enregistrement selon les pays pour divers motifs : NTSC, PAL, SECAM... Chacun d'entre eux dépendait des réglementations locales, et les fabricants de magnétoscopes comme les éditeurs de vidéos ont du s'adapter pour proposer des produits correspondants. Cette mésentente a en premier lieu causé du tort au consommateur, qui ne pouvait lire les cassettes qu'il achetait dans un pays étranger sur son propre magnétoscope.

Lors de la création du format DVD vidéo, on pouvait espérer que les choses se passent mieux. Le format avait été créé par les acteurs les plus importants du secteur, il n'était donc plus question de formats différents. Ils choisirent pourtant de créer un système de zonage des DVD, pour qu'ils ne soient pas lisibles dans tous les pays du monde. Un film en DVD n'est lisible que dans une région spécifique, dans laquelle sont également vendus les lecteurs associés. Ce système permet donc de reproduire la fragmentation qui existait entre les différents standards d'enregistrement pour la VHS. Les grands gagnants sont ici les distributeurs de films, qui peuvent ainsi vendre leurs produits à des tarifs et à des calendriers différenciés selon les régions. Le but est de proposer les DVD au prix maximal que les consommateurs sont prêts à payer, et qui est différents dans chaque pays. S'il existait un marché mondial du film en DVD, les différences de tarifs seraient telles qu'il serait parfois rentable d'en importer depuis les pays les moins chers et éviter le circuit de distribution dédié synonyme de prix plus élevé.

Dans cette affaire, les fabricants d'électronique sont complices. Ils implémentent le zonage de leurs lecteurs par complaisance envers les studios hollywoodiens, même s'ils laissent parfois la possibilité de les dézoner plus ou moins facilement. Encore une fois, le grand perdant est le consommateur, qui serait en théorie obligé d'acheter des lecteurs de chaque zone pour pouvoir lire tous les DVD au monde. L'alliance des studios leur permet de former un monopole de fait, et la conséquence négative est le renchérissement du prix des DVD et la diminution du choix pour le consommateur.

Il n'est pas normal que les autorités de la concurrence n'aient jamais fait quoi que ce soit contre cette entrave à la concurrence. Une solution simple aurait été d'interdire le zonage des lecteurs, qui aurait alors rendu inutile celui des disques. Mais rien n'a été fait. Du coup, lors de la création du format Blu Ray, un système de zonage a été de nouveau créé pour continuer cette mascarade. Et comme les lecteurs Blu Ray sont rétrocompatibles DVD, ils ont également été zonés selon les zones de l'ancien format. Tous les studios ne zonent pas leurs disques Blu Ray, mais tous continuent à zoner leurs disques DVD, qui sont toujours de loin les plus vendus. La tonte de la laine du cinéphile a encore de beaux jours devant elle.

lundi 8 février 2010

United Colors of Bande de Cons



Le jour où se déroule un séminaire intergouvernemental sur l'inénarrable débat de l'identité national tombe opportunément un nouveau sondage sur la diversité. Lancé par Equity Lab ("association travaillant à l'émergence de nouvelles problématiques sur les questions de diversité et d'action positive") et publié par le quotidien gratuit Metro, ce sondage réalisé en face à face par la Sofres permet à l'association de titrer sans ambiguité "La diversité des origines et des cultures vécue comme une richesse par les Français". Le graphique réalisé par Metro permet de visualiser la base de cette affirmation :

La diversité des origines et des cultures de la population française est-elle pour vous … ?

Graphique Metro

On s'aperçoit ainsi que 77 % des Français pensent que la diversité des origines et des cultures est une bonne chose. Il est déjà rapide de mélanger les concepts de "diversité des origines" et "diversité des cultures", mais l'on en apprend plus en allant dans le détail des chiffres de la Sofres. A cette question,
  • 27 % ont considéré qu'il s'agissait d'une très bonne chose
  • 50 % ont considéré qu'il s'agissait d'une assez bonne chose
  • 14 % ont considéré qu'il s'agissait d'une assez mauvaise chose
  • 3 % ont considéré qu'il s'agissait d'une très mauvaise chose
  • 6 % ont déclaré être sans opinion.
De tels résultats permettraient donc de titrer de la même façon "67 % des Français pensent que la diversité n'est pas une très bonne chose", ce qui n'est probablement pas l'angle de vue des commanditaires du sondage. Mais au delà des divers effets de manche, le plus frappant est de constater l'absence de l'item "ni une bonne chose, ni une mauvaise chose". C'est pourtant une opinion tout à fait légitime. Si d'un côté le rejet de la diversité des origines a tendance à relever de la xénophobie, il n'est pas forcément évident de dénombrer les exemples concrets et probants de la "richesse" permise par le multiculturalisme. Car après tout, la bêtise est très bien partagée parmi les peuples ou les couleurs de peau. Alors pourquoi renvoyer forcément un individu à son origine pour comprendre ses qualités propres, plutôt qu'a sa personnalité individuelle ?

mercredi 3 février 2010

Après l'échec de Copenhague, une analyse américaine

A la suite du sommet de Copenhague, le site d'information américain Politico a demandé à plusieurs personnalités leurs réactions. Parmi celles-ci, l'intervention de Walter Russel Mead mérite un coup d'oeil. Il est politologue au Conseil des relations étrangères (Council on Foreign Relations, think tank non partisan qui publie la célèbre revue bi-mensuelle Foreign Affairs), et est spécialiste de la politique étrangère des États-Unis. Si Copenhague a été vu comme un terrible échec en Europe, on peut se rendre compte que le résultat fut plus diversement apprécié à travers le monde. Dans son article, il distingue notamment les gagnants des perdants du sommet :

Du côté des gagnants on retrouve notamment :
- Barack Obama. "Quoiqu'on pense du résultat, cela a montré qui est le plus important leader du monde."
- les États-Unis de la même manière. "Tout le monde n'a pas aimé ce que nous avons fait ou non à Copenhague, mais tout le monde sait que les Etats-Unis sont toujours en tête lorsqu'il s'agit de déterminer le destin de la planète."
- la Chine : "Après les États-Unis, la Chine a clairement été la voix la plus importante dans les discussions."
- l'Arabie Saoudite : "Dormez bien, chers cheikhs. Rien de mal n'arrivera à votre industrie pétrolière dans l'immédiat."

Du côté des perdants, Walter Russell Mead pointe du doigt les pays du tiers monde, coupables à ses yeux d'avoir voulu se faire mousser en menaçant d'empêcher un accord en jouant de leurs vétos. Le résultat ridicule du sommet et le fait que tout le monde s'en moque montreraient que ce sont eux les victimes de leur propre attitude. Mais l'auteur distingue surtout l'Europe comme grande perdante, et pour cela n'évite pas les mots cruels :

"Il y a 100 ans, l'Europe régnait littéralement sur le monde. L'Europe a essayé de s'emparer spécifiquement de la question du changement climatique, mais elle n'étais pas de la partie quand les Cinq Grand [les États-Unis, la Chine, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud] ont établi l'accord de Copenhague - et l'accord était bien éloigné de ses attentes. J'ai écrit auparavant comment l'Europe regarde les États-Unis de la façon dont le Coyote regarde Bip Bip. Le Coyote est intelligent, sophistiqué et technologiquement évolué. Bip Bip est un bouffon ignorant. Mais d'une manière ou d'une autre, le Coyote n'attrape jamais Bip Bip. Cette semaine, le Coyote est tombé dans un autre gouffre alors que Bip Bip accélérait."

Cette intervention est un bon aperçu de la vision américaine du sommet de Copenhague. Pendant que les médias européens se passionnaient pour ce sommet, ceux d'outre Atlantique en parlaient très peu, et nombre de commentateurs relativisait son importance, quand ils ne remettaient pas tout simplement en doute la réalité du changement climatique. En Amérique et encore plus en Chine, on se félicite d'avoir obtenu le dernier mot, ce qui prouverait leur puissance internationale. En filigrane, on peut voir comme opinion "peu importe que la planète aille à sa destruction du moment que ça soit nous qui ayons pris cette décision". Le multilatéralisme si cher à l'Europe est moqué, de même que son approche rationnelle des problèmes. Une difficulté de taille est laissée de côté : l'Europe ne peut sauver le monde à elle seule.

lundi 1 février 2010

Le don par SMS : une bonne idée pour Haïti et les ONG

A l'instar de ce qu'il s'était déjà passé lors du tsunami asiatique en 2004, il est possible de faire des dons à des associations œuvrant à Haïti par SMS. Pendant un mois, il est donc possible de donner un euro par SMS pour aider Haïti après le tremblement de terre, en envoyant le mot HAITI au 80 222 pour donner à la Croix-Rouge, au 80 333 pour donner au Secours populaire français et au 80 444 pour donner au Secours Catholique. L'euro en question est facturé par l'opérateur de la même façon qu'est facturée l'obtention d'une sonnerie par les habituels services SMS surtaxés. Cette forme de micro-don est ainsi particulièrement facile, et pour ceux qui ont des forfaits bloqués, l'euro est déduit de la valeur de la durée de communication restante. Depuis le début de l'opération, c'est déjà plus de 850 000 euros qui ont été collectés de cette manière, en complément des dons traditionnels.

Voilà une très bonne idée en faveur des organisations caritatives. Elle n'a que des avantages, et est également utilisée régulièrement dans d'autres pays comme la Belgique ou les Etats-Unis. On peut néanmoins regretter la durée limitée de l'opération. Il semble que tous les opérateurs de téléphonie mobile doivent à chaque fois se coordonner pour rendre ce type d'événements possible (contrairement aux SMS surtaxés ordinaires, ils ne prennent pas de commission), et que le reste du temps, cela soit impossible ou interdit. C'est bien dommage. Il serait, au contraire, intéressant de les pérenniser. Ces associations ont aussi besoin d'argent en dehors des grandes catastrophes, et elles pourraient sûrement bénéficier de ces fonds supplémentaires. De plus, de nombreuses personnes préféreraient certainement verser l'éventuel solde de leur forfait qu'elles ne consommeraient pas à des ONG plutôt que de le perdre faute d'être reconductible sur plusieurs mois. Certes, un don d'un euro est modeste, mais ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières.

En ayant constaté après le tsunami en Asie et le tremblement de terre en Haïti que cette formule fonctionne, il s'agit donc d'une bonne opportunité pour que les grandes associations caritatives et les opérateurs téléphoniques s'organisent pour maintenir ce type de dons, à la fois simples et utiles.

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