Réflexions en cours

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samedi 31 janvier 2009

Le Livre blanc sur la Défense 2008

La parution du nouveau Livre blanc sur la Défense l'année dernière a été accompagnée par l'annonce d'une vaste restructuration des forces armées françaises, amenant in fine la suppression de 54 000 postes, ainsi que la dissolution ou le transfert géographique de nombreuses unités. Cela peut paraître étonnant, dans la mesure où les missions assignées à la Défense Nationale ne semblent pas si différentes de celles prévues par le précédent Livre blanc, datant de 1994. Ces missions sont le renseignement, la prévention, la dissuasion, la protection et l'intervention. Tout cela est fort compatible avec le modèle envisagé lors de la professionnalisation des armées françaises. Comme à l'époque, l'accent est mis sur la menace de chocs asymétriques, demandant plus d'expertise de la part des militaires, tout en ne négligeant pas la possibilité de conflits entre Etats. Surtout, le nouveau Livre blanc ne minimise en aucune façon l'évolution des menaces dans la dernière quinzaines d'années. Elles sont reconnues comme plus importantes, les situations dangereuses se multipliant. Faut-il vraiment alors diminuer les effectifs des armées françaises ?

Ce n'est pas l'idée qui s'impose tout au long de la lecture de l'ouvrage. L'accent mis sur le besoin stratégique de six sous-marins d'attaques et de quatre sous-marins lanceurs d'engins (ce qui correspond à l'équipement français actuel) laisse au moins présager la reconduction des forces présentes. La logique des diminutions d'effectifs se comprend mieux avec le chapitre consacré à l'effort financier. Il apparaît que les lois de programmations militaires de 1997 à 2003 et de 2003 à 2008 n'ont pas été suivies du financement prévu. Dans la première période, c'est au final 13 milliards d'euros qui ont manqué, par choix budgétaires effectués par le gouvernement de l'époque. Dans la deuxième, les crédits ont été nettement réévalués, mais un milliard d'euro manquait tout de même au bout du compte. A cela s'ajoutait une sous-estimation régulière des besoins de fonds, ainsi que le financement nécessaire d'opérations extérieures (Kosovo, Afghanistan, Côte d'Ivoire...). Dans le cadre de la politique de sécurité prévue sur le territoire français, 6 500 postes de gendarmes ont également été créés, ce qui n'avait pas été prévu.

Tous ces soucis budgétaires ont poussé à des sacrifices en matières de dépenses d'entretien et d'équipements. Des échos ont appris au grand public que le matériel militaire était parfois en très mauvais état, en laissant une portion congrue d'opérationnel pour les entrainements (les opérations extérieures étant correctement dotées). En outre, la lutte contre les déficits budgétaires n'épargne pas le ministère de la Défense, et pousse à une augmentation assez modérée en valeur de ses dépenses, même si elles ne diminuent pas.

La restructuration doit en fait être suivie d'une augmentation nette du budget de la Défense, ne serait-ce que pour pouvoir l'effectuer. Les crédits d'équipement devraient donc en être les grands gagnants. Les économies réalisées par la suite permettront ensuite de les maintenir, malgré la quasi-stabilisation du budget global. Celui ne devrait pas augmenter autant que la croissance française, d'où un niveau estimé à 2 % du PIB en 2020, contre 2,3 % à l'heure actuelle. Et avec cela, la question du deuxième porte avions n'est pas tranchée, le coût important faisant oublier la véritable nécessité stratégique. S'il est souhaitable que les armées françaises soient correctement équipées, et si l'on ne peut éloigner d'un revers de main la question de la maîtrise des dépenses publiques, la circonspection pointe tout de même vis-à-vis du choix de la diminution du nombre de militaire alors que la France et l'Europe font face à de si grands dangers.

jeudi 29 janvier 2009

10 ans d'euro

Le 1er janvier 1999 marquait la naissance de l'euro, la monnaie commune de 11 pays d'Europe. La monnaie unique constituait la 3ème phase de l'Union Economique et Monétaire, dont le but était de mettre fin aux nuisances des variations de taux de change entre les pays européens. Dans le commerce international, ces variations de taux de change ont toujours représenté des difficultés, leurs évolutions étant bien trop brusques par rapport aux économies. Les économies européennes étant de plus en plus liées les unes aux autres, instaurer des taux de change fixes devenait une nécessité, et le meilleur moyen d'y arriver était la monnaie unique. Ces considérations, si elles touchent peu les citoyens directement dans leur vie quotidienne, n'en sont pas moins essentielles. Il suffit de voir pour cela comment les évolutions comparées de l'euro, de la livre, du dollar ou du yuan continuent d'affecter l'économie pour s'en convaincre. Dans le commerce international, les problèmes monétaires plongent régulièrement des pays dans des crises aigües.

10 ans plus tard, c'était au tour de la Slovaquie de devenir le seizième pays de la zone euro. Cette nouvelle entrée tend à prouver que l'euro est un succès durable, puisqu'il continue à attirer des nouveaux pays. C'est vrai des pays de l'Europe de l'est, qui ont adhéré à l'Union Européenne qu'en 2004 ou 2007, mais cela devient de plus en plus vrai également pour des pays plus anciens pour lesquels la fin de la monnaie nationale était une question taboue. Ainsi, le Danemark recommence à s'intéresser à la question après s'être prononcé autrefois contre. Il faut dire que la non-appartenance du Danemark à la zone euro les force à avoir des taux d'intérêts supérieurs à ceux pratiqués par la Banque Centrale Européenne. En période de crise, cela compte. Et d'ailleurs l'euro constitue un formidable bouclier face aux attaques monétaires qui n'auraient pas manqué de s'abattre sur plusieurs pays de la zone euro lors de la crise actuelle. L'exemple de la Grande Bretagne en est un exemple frappant : la livre sterling chute actuellement, tombant à des niveaux extrêmement bas, approchant même la parité avec l'euro. Cela se traduira par un renchérissement immédiat des biens importés, une évolution susceptible de diminuer significativement le pouvoir d'achat des ménages britanniques. Autrefois impensable, la possibilité d'une adhésion à l'euro commence à refaire surface.

Le danger étant d'en arriver à une situation aussi grave que l'Islande, dont la monnaie s'est effondrée avec l'ensemble du système financier, plongeant le pays dans le désarroi le plus total. Aujourd'hui, ce minuscule pays en terme de population (ayant même moins d'habitants que le Luxembourg) cherche de façon paniquée comment pouvoir adopter l'euro au plus vite. Cela prouve bien la force représentée par la protection d'un groupe entier, un atout évident face aux dangers de la solitude monétaire.

Bien sûr, partager la même monnaie nécessite d'avoir des politiques économiques communes. Mais dès que les économies sont ouvertes les unes aux autres, c'est loin d'être un mal. Du haut de ses dix ans, l'euro est donc appelé à vivre longtemps et à devenir la monnaie d'un nombre encore croissant de populations.

mardi 27 janvier 2009

Les régimes de la haine

La guerre à Gaza aura été le dernier avatar de l'interminable conflit israélo-palestinien. La cohabitation de deux peuples sur un petit territoire est difficile, surtout lorsque dans chacun d'entre eux une partie n'est pas prête à faire de concessions. Cette récente guerre a beaucoup émue, notamment par la disproportion des actions engagées par Israël vis-à-vis du Hamas, les "dommages collatéraux" faisant beaucoup de dégâts sur les équipements civils, et bien entendu sur l'ensemble de la population, alors que les enfants y sont très nombreux en proportion. La situation globale peut sembler désespérée. Il y avait pourtant eu une concession unilatérale qui avait été faite pour améliorer les choses. Les Israéliens avaient démantelé les colonies juives de Gaza, une décision politiquement compliquée, mais nécessaire car ces colonies n'auraient jamais du être fondées. Malheureusement, cette main en avant n'a pas été suivie d'effets, bien au contraire. Les élections législatives palestiniennes ont porté le Hamas en tête, aboutissant in fine au contrôle de la bande de Gaza par ce parti. Le problème est que le Hamas est bien moins enclin à la paix que son adversaire le Fatah. A vrai dire, il ne l'est même pas du tout. Le Hamas est tout simplement une organisation terroriste visant à mettre fin à l'existence d'Israël, et est reconnu comme tel par l'Union Européenne.

Au cours des dernières décennies, de nombreux pays ont vu leurs enjeux politiques changer sensiblement. Dans les régimes issus de la décolonisation notamment, la principale doctrine du pouvoir était une forme de nationalisme, demandant la reconnaissance de l'identité nationale et défendant des intérêts d'Etat. Il pouvait tout à fait y avoir des conflits avec d'autres pays, mais essentiellement sur des bases territoriales ou de ressources. L'armée y était puissante, formant un corps influent sur les questions politiques. Mais progressivement, cela a changé avec l'apparition d'une mouvance religieuse extrémiste cherchant à contrôler l'ensemble de la société. Alors que le caractère musulman de la population n'était jusqu'ici qu'une caractéristique parmi d'autres, le fondamentalisme islamiste a commencé à prendre de plus en plus d'importance, promouvant une société purement religieuse, à l'exclusion de tout autres critères. Avec l'instauration de régimes totalitaires, la sharia devient une loi indépassable, avec une interprétation du Coran particulièrement brutale et rigoriste. Le pouvoir ne considère alors plus les questions politiques que sous l'angle religieux. La population peut bien sûr ne pas s'accorder avec une telle vision des choses, mais la répression de tout questionnement, le lavage de cerveaux et l'endoctrinement des enfants finissent par blesser la capacité de réflexion. En matière de politique étrangère, la possibilité de compromis avec de tels régimes devient très difficile.

L'Iran fut la première à basculer dans un régime religieux autant basé sur l'adoration de Dieu et la haine des non-musulmans. L'Afghanistan des talibans suivit un chemin comparable. Avec le FIS, l'Algérie faillit subir le même sort. Aujourd'hui, le Hamas cherche à étendre son influence et établir la loi islamique sur tout le Proche Orient. Au nord d'Israël, le Hezbollah fait de même. En Irak, la menace représentée par Saddam Hussein a été remplacée par celle d'Al Quaida. Le Pakistan vit constamment avec le danger d'insurrections islamistes. La possibilité que dans chacun des pays où ils agissent, les fondamentalistes religieux l'emportent et s'associent entre eux laisse planer une menace non négligeable pour la paix mondiale. L'extrémisme religieux a une nature semblable à l'extrémisme nationaliste, notamment dans l'aveuglement, la volonté de soumettre tout à sa coupe, la haine d'autrui qui créent des régimes incontrôlables. Cela ne justifie pas forcément des actions militaires systématiques, mais cet état de fait nécessite au moins une vigilance constante.

dimanche 25 janvier 2009

Un parti européen

En matière de politiques européennes, bon nombre de partis n'a pas d'idée forte les guidant. Il y a certes les souverainistes, dont l'hostilité à la construction européenne sert de bannière au regroupement. Nicolas Dupont-Aignan ou Philippe de Villiers font partie de cette mouvance. De l'autre côté, seul le Modem, héritier en cela de l'UDF, a une vision pro-européenne claire et connue. Les Verts partageaient également cette vision, mais les propositions d'alliance faites par Daniel Cohn-Bendit à José Bové montrent que cela n'est plus aussi évident que cela ne l'était. La question européenne reste un sujet de fracture au sein du Parti Socialiste, comme l'a montré le référendum sur le TCE. L'idée d'"Europe sociale" peut permettre l'unification des différents courants socialistes, mais cela reste comme du ruban adhésif sur une fissure. Pour pouvoir proposer une direction générale de politique européenne, il faut déjà savoir si l'on est en faveur de la construction européenne. Cette question n'est pas réglée actuellement. Et le poids non négligeable des partisans du non dans le PS montre le douloureux grand écart que doit faire cette formation, et l'empêche, in fine, d'avancer. De son côté, l'UMP devrait être en faveur de politiques intégrées européennes. Malheureusement, la scène européenne n'apparait trop souvent que comme un simple prolongement de la scène française. C'était déjà l'attitude de Nicolas Sarkozy lorsqu'il était tête de liste aux européennes de 1999. Il semble que cela reste le cas. Au final, trop peu est dit, même si le slogan "l'Europe qui protège" émerge parfois.

La question européenne est pourtant l'une des plus cruciales qui se présente aux formations politiques. L'impact de l'Union Européenne sur la vie de chacun est fort, et c'est la raison pour laquelle un discours clair doit être tenu. Le Modem ne peut être le seul (petit) parti à s'engager fortement en faveur de la construction européenne. Il doit y avoir au moins un autre parti pour le faire, pour mettre les questions européennes au cœur de son programme et de sa pensée. Ce parti afficherait son engagement pro-européen sur deux plans : En premier lieu, en soutenant avec vigueur et de façon constante la construction européenne et la démocratisation de l'Union Européenne. Ensuite, en n'hésitant pas à tisser des liens nombreux avec les autres partis politiques d'Europe. Le but étant d'avoir des programmes communs pour les élections européennes, et de partager des avis communs pour tous les enjeux de taille européenne. Ce serait également l'occasion d'échanger sur les manières de résoudre les problèmes nationaux, par le partage d'expériences.

Aujourd'hui, la France se vit trop souvent comme une victime de la construction européenne. Elle ne joue pas pleinement son rôle au Parlement Européen, notamment du fait du mode d'élection des députés français aux élections européennes. C'est encore là une conséquence de l'utilisation de la proportionnelle pour ce scrutin. Mais la France doit justement prendre l'initiative de peser par la force de son engement, ce qui n'est pas le cas actuellement. La présence en France d'un grand parti pro-européen irait dans ce sens.

vendredi 23 janvier 2009

Impact de la crise et plan de relance

La crise économique qui touche aujourd'hui le monde entier est surtout une crise de confiance. Ce paramètre est d'ailleurs central dans l'économie, et joue un rôle dans la plupart des crises, tant l'économie est dépendante des anticipations des différents acteurs. L'événement d'origine, l'écroulement des placements liés aux subprimes, n'était pas d'une taille suffisante pour mettre à mal l'économie mondiale à si grande échelle. Si les conséquences se sont diffusées, ce fut bien du fait de la suspicion qu'elle a entraînée, poussant les établissements financiers à restreindre considérablement le crédit par peur de faire face à des intervenants in fine insolvables, ou bien de vouloir augmenter la marge pour limiter une baisse des profits. Ces premiers signaux ont immédiatement indiqué au reste des agents économiques une situation grave, les poussant à leur tour à faire le dos rond et à attendre des jours meilleurs. Ce qui a entraîné une contraction forte de la demande, faisant basculer l'ensemble des secteurs économiques dans la récession. A partir de ce moment-là, le cercle est vicieux : la récession fait peur aux agents qui donc limitent leurs dépenses, ce qui accroit la la récession. En comparaison avec les crises économiques précédentes, l'aspect plus international que de coutume de celles-ci ne fait qu'ajouter à sa gravité.

Au moins peut-on espérer que l'on appris des expériences précédentes. L'Histoire économique nous a surtout appris qu'il n'y avait pas de principes simples absolus en la matière, qu'une seule recette ne pouvait servir de réponse à tout. Les situations sont diverses et demandent donc que l'on s'adapte au cas par cas. Quels sont les signaux de cette crise-ci ? Contrairement aux années 70, on ne peut parler de stagflation. En effet, l'inflation qui était jusqu'à très récemment une menace, a quasiment été effacée par la baisse brutale de la demande. Les prix des matières premières tels que le pétrole ou les céréales sont en chute libre. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui craignent une déflation, soit un excès flagrant de l'offre par rapport à la demande, forçant baisse des prix, chômage partiel et fermeture des usines. La situation peut ainsi être comparée avec la crise de 29, qui était du même type. Pour y faire face, l'économiste John Maynard Keynes a conçu des politiques économiques fondées sur l'encouragement de la demande.

Les politiques keynesiennes apparaissent comme judicieuses actuellement, mais il faut être conscient qu'elles n'ont pas vocation à être appliquées en permanence. Certains socialistes notamment font de la politique de la demande une exigence constante, principalement pour des raisons idéologiques. Cela ne doit pas être le cas. En France notamment, la persistance de déficits publics importants ont souvent été vus comme une manière de favoriser le bien être social. Cette persistance même créait une accoutumance qui finissait par rendre quasiment neutre les effets de cette politique de la demande, pour n'en conserver que les inconvénients, c'est à dire la dette publique.

Toujours est-il que les pays du monde entier adoptent logiquement des plans de relance basés sur la dépense publique pour créer de la demande. Si aux Etats-Unis, le plan de Barack Obama manque encore de précision, en Europe chaque pays est généralement un peu plus avancé dans ce processus. L'internationalisation des économies, notamment celles de l'Union Européenne, pousse naturellement les différents gouvernements à coordonner leurs efforts, à défaut de pouvoir s'entendre sur un plan global.

Dans le cas particulier de la France, il faut trouver par quels leviers l'argent public peut être à même de favoriser une reprise de la demande. L'un des premiers critères est de trouver de quelle façon l'argent dépensé peut profiter à l'économie française ou même européenne, plutôt que pousser à l'achat de biens par exemples asiatiques : de par sa structure d'échanges, la croissance française dépend de sa demande intérieur et des exportations européennes bien plus que de la demande chinoise. La relance doit pouvoir impacter autant de strates économiques françaises et européennes que possible. Le deuxième critère est celui de l'arbitrage entre la consommation, l'investissement et l'épargne. Aujourd'hui, l'épargne n'est pas quelque chose qu'il faut favoriser. La peur vis-à-vis de la situation économique pousse à épargner, d'où le cercle vicieux déjà évoqué. Les différentes banques centrales l'ont bien compris, et ont pour cela nettement diminué leurs taux d'intérêts, pour rendre le crédit plus attractif et l'épargne moins rémunératrice. Mais cette propension à épargner, facteur psychologique, doit aussi être prise en compte dans le plan de relance. Donner de l'argent aux ménages dans cette optique ne serait pas efficace de façon optimale, dans la mesure où ils risqueraient d'en épargner une bonne partie. Cela doit être pris en compte.

Le plan de relance actuel a principalement été conçu sur ces bases là. L'immobilier et la construction automobile sont des secteurs limitant l'appel aux économies lointaines. Que ce soit pour des sacs de ciment ou des voitures, il y a une limite de poids qui rend le trafic de marchandises peu rentables, et pour la France, les usines peuvent difficilement être plus éloignées que l'Europe ou l'Afrique du Nord. En outre, ces deux secteurs nécessitent une main d'oeuvre importante sur le lieu de vente, et font vivre également un très grand nombre d'entreprises en rapport.

Dans le cas de l'immobilier, il est d'ailleurs à noter que la baisse des prix est faible en France : la demande de logements reste structurellement forte, et les vendeurs sont peu enclins à baisser leurs prix sachant cela. La conséquence est surtout la baisse du volume des transactions, ainsi que des mises en chantiers. Un plan de relance ambitieux peut être l'occasion de faire travailler les entreprises de BTP à des infrastructures publiques, en attendant qu'elles recommencent à construire des logements privés. De très nombreux projets d'infrastructures n'attendent qu'une ligne de financement. Ne serait-ce qu'avancer immédiatement les fonds échelonnés dans le temps est une bonne idée. Il y a par exemple beaucoup à faire en matière de transports en commun en France, et c'est actuellement la bonne période pour faire avancer ce genre de dossiers.

La construction automobile est un bon exemple de façon de contourner la propension à épargner : les fonds versés aux ménages prennent la forme d'une réduction de prix sur les voitures neuves prise en charge par l'Etat directement auprès du constructeur. Les consommateurs n'ont dès lors qu'un choix prédéfini d'utillisation avec l'argent proposé, celui jugé utile pour la collectivité. Mais tant qu'à faire, autant faire en sorte que ces véhicules subventionnés profitent également à la société. Un critère important quant aux réductions devrait être le respect de l'environnement par ces véhicules, poursuivant ainsi les objectifs du Grenelle de l'Environnement. Cela pourrait d'ailleurs être l'occasion de développer les compétences des constructeurs européens en matière de véhicules propres.

D'une manière générale, si les de relance peuvent être des opportunités à la fois économiques et publiques, il ne faut surtout pas oublier que cette crise a vocation à être temporaire. L'économie doit sentir nettement l'impact de relance, mais pas se redimensionner en incluant une dépense publique de cette ampleur. Par exemple, quand Xavier Darcos annonce le financement de l'emploi de 5 000 personnes pour mettre fin à l'absentéisme scolaire sur les fonds du plan de relance, cela ne peut qu'être mauvais à terme. Un tel objectif n'a pas un horizon final de trois ans seulement, et après la crise, la France devra toujours mettre en œuvre des politiques fortes des dépenses structurelles de l'Etat. L'argent dépensé ne peut l'être que de façon conjoncturelle. De même, la crise ne doit pas faire oublier certaines restructurations nécessaires. Ainsi, les mesures en faveur de la presse sont vouées à l'échec malgré les centaines de millions d'euros prévus. Et ce pour une simple raison : rien n'est fait pour remédier à ce qui cause vraiment problème, soit les blocages en matières d'impression et de distribution.

Au final, si la crise donne de grandes difficultés mais aussi certaines opportunités, il ne faudra pas oublier de faire preuve de discernement pour maximiser les chances de récupération rapide.

mercredi 21 janvier 2009

Quelques considérations après le remaniement

L'arrivée de Chantal Jouanno au gouvernement met fin au remaniement de ce début d'année, prévu depuis quelques temps. Cela fait 20 mois maintenant que ce gouvernement a commencé à travaillé, et l'on peut tenter un premier aperçu quand à l'action de quelques ministres.

Avec en premier lieu une mention pour le partant, Xavier Bertrand. Celui n'a pas encore été élu secrétaire général de l'UMP, puisque celui-ci ne se tient que le 24 janvier prochain, mais quitte déjà ses fonctions pour s'y consacrer à temps plein. Depuis décembre, il a été nommé secrétaire général par intérim. Mais par qui ? Aux Affaires sociales, il a su se faire l'interprète fidèle des volontés présidentielles dans ce domaine.

Il est remplacé par Brice Hortefeux, qui, au ministère de l'Immigration, a su permettre un accord européen sur cette question à l'occasion de la Présidence française de l'Union Européenne. Il s'est félicité de ses résultats en matière d'expulsions, mais n'a pas hésité à régulariser des immigrés de façon importante lors des grèves de ceux-ci dans la restauration, brouillant ainsi son message.

Eric Besson lui succède, ce qui est assez troublant au vu de son parcours. Son arrivée à l'UMP peut être comprise, dans la mesure où ce parti peut accueillir tous ceux qui en partagent les idées, mais il y a peu d'arguments pour qu'il y ait un poste à responsabilités dès le départ. Son plan pour l'économie numérique a souffert d'un manque de médiatisation. Il pourra être repris par Nathalie Kosciusko-Morizet, première surprise de ne plus travailler au développement durable. A son nouveau poste, elle a un conflit d'intérêt flagrant avec son frère Pierre, PDG de Priceminister et dirigeant d'un lobby de commerçants en ligne.

Au secrétariat d'Etat au développement durable, la nouvelle titulaire, Chantal Jouanno donc, semble avoir une maîtrise suffisante des dossiers de l'environnement. Elle assistera Jean-Louis Borloo, qui n'a toujours pas terminé l'ensemble du processus de l'Environnement. Le numéro 2 du gouvernement s'enthousiasme facilement quant aux enjeux qu'il traite, mais n'oublie pas la politique générale, en étant à la tête du Parti Radical. Cela va faire 7 ans qu'il est au gouvernement, un temps impressionnant. C'est aussi le cas de Michèle Alliot-Marie, qui, bien que moins que flamboyante qu'à la Défense, assure de façon honorable ses fonctions à l'Intérieur.

Du côté de l'"ouverture", Bernard Kouchner a su coopérer avec Nicolas Sarkozy, le complétant même souvent, et sa fougue continue de lui donner une grande visibilité médiatique. Jean-Marie Bockel, par contre, a été relégué au secrétariat d'Etat aux Anciens combattants, l'un des postes les moins importants du gouvernement. Son pari de lancer un parti de "Gauche Moderne" est risqué, vu sa faible probabilité de survie. Quand certains ministres, comme Valérie Pécresse ou Roselyne Bachelot, ont réussi à défendre l'action du gouvernement face aux attaques, d'autres sont transparents. Ainsi, André Santini, pourtant un "bon client" des médias, n'est jamais en première ligne alors qu'il est chargé de la fonction publique, et que le gouvernement est censé ne remplacer qu'un départ de fonctionnaire sur deux.

Mais au final, on se rend compte que chaque ministre a bel et bien des responsabilités importantes à assumer, ce qui contredit l'idée de l'"omniprésident", selon laquelle Nicolas Sarkozy ferait tout. En fait, le Président de la République s'intéresse à tous les dossiers, mais ses ministres sont ceux qui les font le plus avancer. Le casting par contre n'est pas parfait, et l'idée du ministre de la relance apparaît totalement incongrue : la ministre de l'Economie pouvait tout à fait s'occuper du plan de relance. La parité, promise pendant la présidentielle, n'est à peu près accomplie que pour les ministres de pleine exercice, pas pour les secrétariats d'Etat. Vu que les ministres peuvent désormais retourner à l'Assemblée Nationale sans repasser par la case "législative partielle", le terme de strapontin pour désigner les secrétariats d'Etat est plus que jamais pertinent. 20 mois sont passés, et le temps presse. Il reste beaucoup à faire.

lundi 19 janvier 2009

Worst President Ever

Demain le nouveau Président des Etats-Unis prononcera son discours d'investiture. La vague marée médiatique constituée par l'événement a déjà commencé. Mais l'on oublie plus facilement que l'arrivée du nouveau Président signifie aussi le départ de l'ancien. Après huit années passées à la Maison Blanche, il est temps pour George Bush de faire le bilan de ses mandats. Il a déjà fait part de sa propre vision des choses lors de plusieurs interviews le mois passé. Il est content de lui. Il le sera probablement jusqu'à sa mort. Mais qu'en est-il vraiment ?

La première fois que les Français ont entendu parler de George W. Bush, il était alors gouverneur du Texas, et les Américains commençaient à parler de lui comme d'un éventuel candidat pour la présidentielle de 2000. La curiosité médiatique se faisait des deux côtés de l'Atlantique sur le fait qu'il dirigeait un grand Etat, et surtout qu'il était le fils de l'avant dernier président, George H.W. Bush. Les histoires de dynastie, si elles laissent songeur sur l'égalité des chances au sein des pays où elles voient le jour, attirent néanmoins journalistes et public dans la mesure où elles sont faciles à raconter et à comprendre, donnant un côté feuilletonnant. Pourtant, George Bush Jr. n'était pas présenté comme la copie exacte de son père. Si celui-ci s'était montré comme un homme d'Etat expérimenté lors de son passage à la vice-présidence et à la présidence, le fils était dès le départ décrit comme quelqu'un de très simple, proche du peuple, facile d'accès, très à droite chez les républicains, et parfois même comme quelqu'un de peu réfléchi voire stupide. Son principal fait d'arme était de signer avec une grande application les nombreuses condamnations prononcées au Texas, refusant toute idée de grâce ou de transformation de peine pourtant utilisées dans d'autres Etats. Lors de sa campagne électorale, il se montra particulièrement peu intéressé par les questions de politique étrangère, préférant proposer des baisses d'impôts et faire valoir ses conceptions évangéliques. Ayant reçu moins de suffrages que son adversaire, Al Gore, il fut élu grâce à la présence d'une majorité de républicains au sein de la cour suprême.

Sa présidence commença avec bien peu d'enthousiasme. Elle se termine avec encore moins d'égards. Jusqu'ici, lorsque l'on évoquait la question de savoir quel était le pire Président des Etats-Unis, on pouvait citer James Buchanan, qui échoua à empêcher la guerre de sécession avant l'arrivée de Lincoln au pouvoir. Il était aussi question de Herbert Hoover, qui ne fit rien contre la crise économique de 1929, la laissant empirer au fil des années. Ou bien également de Richard Nixon, qui fut impliqué dans le scandale du Watergate, et se distingua en faisant démissionner plusieurs figures du système judiciaire pour que les investigations à son encontre prennent fin. Au bout du compte, George W. Bush s'est montré désastreux sur chacun de ces aspects. Il a :

- décidé une guerre sans aucune justification valable. Les preuves de la CIA sur l'existence d'armes de destruction massives en Irak n'existaient pas. Des milliers d'Américains sont morts dans cette volonté, l'Irak a sombré dans le chaos, et la haine contre les Etats-Unis a fortement augmenté au Moyen Orient. Du reste, dans le monde entier le pays est assez mal considéré désormais.

- laissé l'économie de son pays dans un Etat désastreux. La politique de dérégulation systématique montre ses inconvénients. En outre, alors que budget fédéral était excédentaire de sommes colossales à son arrivée, celui-ci est déficitaire dans les mêmes proportions aujourd'hui.

- vu son administration impliquée dans plusieurs scandales judiciaires, tels que l'affaire Valerie Plame, ou bien la mise à l'écart de juges fédéraux sur des bases partisanes. Ce dossier a d'ailleurs entrainé la démission de l'Attorney General, Alberto Gonzales, après une enquête parlementaire où toute l'administration a déclaré ne se rappeler de rien.

George Bush s'est donc montré incompétent dans les domaines militaires, économiques et judiciaires, alors qu'une seule de ces incompétences suffisait jusqu'à présent à discréditer les Présidents précédents les plus mal considérés. Mais la liste des points qui fâche n'est pas terminée pour autant. Il faut également citer la prison d'Abu Ghraib, l'usage de la torture, le camp de Guantanamo, le refus acharné du protocole de Kyoto, la gestion désastreuse de l'ouragan Katrina, ou même le climat excessivement partisan régnant aux Etats-Unis, alors qu'il s'était initialement présenté comme un unificateur.

Au final, parmi les 42 Présidents précédents, on en voit aucun qui ait fait pire que lui. A sa décharge, on peut considérer qu'il a probablement agit avec sincérité tout au long de ces huit années, au contraire de Dick Cheney, son vice-Président à l'influence jusqu'ici jamais vue. Mais être la marionnette de quelqu'un n'excuse rien. L'Histoire juge, plusieurs décennies après. Les chances de George Bush d'apparaître comme un bon Président sont néanmoins très faibles. Evidemment, il doit toujours être possible de faire pire. Cela ne sera pourtant pas évident. Et Barack Obama, sur le point de lui succéder, a toutes les chances de faire mieux. C'est déjà ça.

samedi 17 janvier 2009

Un parti populaire

Le MRP, l'UMP ou même le Parti Populaire espagnol sont autant d'exemples de partis politiques dont un P dans leur acronyme signifie populaire. L'adjectif semble donc assez prisé par les partis, en faisant l'un des mots au centre des concepts politiques, au même point que "démocrate", "républicain" ou "socialiste". Cela peut paraître paradoxal, et même prêter à certaines moqueries, comme si l'organisation faisait un souhait se voulant auto-réalisateur : si le parti a le mot "populaire" dans son intitulé, alors il devrait forcément trouver la faveur des citoyens, et bénéficier d'une forte cote de popularité. Ce n'est évidemment pas la même signification du mot qui est à l'œuvre. En politique, la signification du mot "populaire" est "qui concerne le peuple, qui appartient au peuple".

L'objectif de toute action politique doit être l'intérêt général. Celui-ci consiste en la maximisation du bonheur de la population, et la meilleure façon de concevoir la façon d'y arriver et de s'appuyer sur la démocratie. Une démocratie au centre de laquelle se trouve la population. Celle-ci doit être en mesure de prendre en main sa destinée et de contrôler le pouvoir politique, afin d'éviter les classes politiques vivant en vase clos, ou bien la trop grande force de la bureaucratie technocratique. Vouloir cela est bien souvent considéré comme étant "populiste". C'est surtout une façon de disqualifier un propos qui s'appuie trop sur ce que pense la population, considérée alors avec méfiance. La politique publique doit être menée par le peuple, pour le peuple. Tel est le premier principe de base de l'action. Cela n'exclut pas l'appel à des expertises, ou la représentation politique, mais cette idée doit toujours être gardée à l'esprit.

Et c'est dans cette idée là que se justifie l'appel à l'adjectif "populaire" par des partis politiques. Ceux-ci ont tout intérêt à être le point de rassemblement d'un très grand nombre de personnes, d'être en fait des mouvements constitués par la population en vue d'améliorer l'intérêt de tous, les clivages se faisant sur la manière de procéder. Il ne peut être question d'"avant garde" minoritaire cherchant à faire le bonheur de la majorité sans lui demander son avis. Le vie politique ne peut que y gagner si la population dans son ensemble s'implique sur des questions qui la concerne toujours d'une manière ou d'une autre. Et voilà pourquoi le meilleur agent du changement est un mouvement de masse au sein du peuple, un parti populaire.

vendredi 16 janvier 2009

L'Espagne cherche à revenir sur ses régularisations massives d'immigrés

De par sa position géographique, l'Espagne est un pays facilement atteignable par les migrants d'origine africaine. D'abord par les enclaves de Ceuta et Melilla, puis via les îles Canaries, les flux d'immigration clandestine visant l'Europe ont été forts à destination de l'Espagne. Celle-ci a mis en place des mesures pour les limiter, mais la portée de telles politiques a été limitées par plusieurs régularisations massives qui ont eu pour effet d'encourager davantage l'immigration clandestine. Le gouvernement de José Luis Zapatero estimait, pour sa part, que l'immigration contribuait à la forte croissance de l'économie espagnole. En effet, l'agriculture était alors en pénurie de main d'œuvre, et les immigrés comblait ce manque pour des salaires très faibles. Mais aujourd'hui, la situation économique n'est plus du tout la même. Il s'avère que si l'économie espagnole a connu d'abord une croissance fondée sur le rattrapage des autres pays occidentaux, elle a ensuite été maintenue par un boom de l'immobilier qui a servi de moteur pour l'économie pendant plusieurs années. A tel point que le BTP représentait une part considérable de la population, demandant l'afflux de travailleurs provenant d'autres métiers. C'est de cette façon que de nombreux Espagnols ont quitté le travail agricole pour le bâtiment, un domaine plus rémunérateur comparativement parlant. D'où la pénurie subséquente dans les exploitations agricoles...

L'envol du marché de l'immobilier a eu comme conséquence de générer une bulle, qui a fini par crever avec la crise économique mondiale. Les projets ont alors été stoppés, et les licenciements ont été massifs dans ce secteur, se répercutant sur toute l'économie espagnole. En 2008, le nombre de chômeurs a augmenté d'un million de personnes, une hausse d'environ 50 %. Il n'existait alors plus aucune pénurie, le nombre de travailleurs excédant alors largement les emplois disponibles, et ce de façon d'autant plus grande que les régularisations massives ont alimenté cette augmentation de la main d'œuvre.

Aujourd'hui, le gouvernement espagnol prend conscience des difficultés posées par la situation. Il met en place des politiques incitant les travailleurs immigrés à retourner dans leur pays d'origine, quitte à payer là-bas les indemnités de chômage de ces travailleurs pendant trois ans. Le but étant de diminuer l'offre de travail, et limiter les effets d'un déséquilibre brutal qui déstabilise l'économie espagnole. Le risque étant l'apparition de tensions entre travailleurs... L'Espagne, hier considérée comme un exemple, est aujourd'hui un pays traversant un contrecoup violent, auquel elle n'était pas préparée.

jeudi 15 janvier 2009

Assez de la gréviculture

Guillaume Pépy, président de la SNCF, a parlé de "gréviculture" pour parler de l'état d'esprit régnant dans son entreprise. La culture de la grève, c'est bien à cela qu'assiste les usagers des transports en communs. Ils en sont quotidiennement victime, et ce depuis des années. Ces derniers temps, c'est le syndicat SUD rail qui était à la manœuvre, alternant tous les moyens possibles de nuire à la circulation des trains, en faisant alterner grèves de 59 minutes, peu coûteuses mais effectuées aux pires moments, grèves de confort, pour éviter de travailler pendant les fêtes, et grèves intermittentes, pour être certains que le trafic des voyageurs ne puisse être organisé dans de bonnes conditions. A la gare Saint Lazare, pour une obscure histoire de vengeance pour une grève ratée à l'été, et sur fond de démonstration de puissance afin que les cheminots voient quel est le syndicat le plus jusqu'au-boutiste dans le cadre de prochaines élections, tous les coups sont bons pour nuire au voyageurs. Ceux-ci peuvent être difficilement qualifiés de clients, tant le service fourni est catastrophique en raison de ces grèves. Ni même d'usagers, qui signifierait qu'ils sont pris en considération par un service public. Victimes, voilà le bon mot pour qualifier ceux qui aspirent à voyager dans ces infrastructures largement financées par la collectivités, qui souvent habitent loin, et qui n'ont pas forcément les moyens de prendre la voiture.

Tout le monde en France ne s'imagine pas quelle est la peine traversée par ces voyageurs en souffrance. Faisant face aux même contraintes de travailleurs que les reste des français, les banlieusards doivent en plus passer facilement une heure par trajet pour aller au travail, le même temps pour en revenir. Quand les transports en commun ne fonctionnent plus, et c'est fréquent, le temps double, voire triple dans les pire cas. Les conditions de transport en deviennent alors dégradantes, les wagons étant déjà suffisamment bondés en temps normal. Lundi dernier, pour la première fois longtemps, le trafic était prévu pour être normal le lendemain sur les trains partant de ou arrivant à la gare Saint Lazare. Le coup de grâce fut donc une grève surprise déclenchée mardi, entraînant l'interruption totale du trafic et la fermeture de la gare. Le prétexte utilisé était l'agression d'un conducteur sur un train du RER A, une ligne qui ne passe pas par la gare Saint Lazare. Les syndicalistes ont tout de suite admis que c'était purement utilisé dans le cadre de leur mouvement en cours, et ont en plus obtenus satisfaction auprès de la direction. Celle-ci a de ce fait montré que les comportements les plus inadmissibles étaient récompensés à la SNCF. Ce sont 450 000 personnes qui transitent chaque jour par la gare Saint Lazare. Dans cette affaire, à aucun moment qui que ce soit ne s'est intéressé à elles.

Promis depuis longtemps, le service minimum dans les transports en commun a fait l'objet d'une loi en 2007. Il n'existe pourtant toujours pas, la loi en question s'étant révélé à l'aune de ce conflit comme contenant des vides juridiques pour faciliter les grèves. En outre, d'un point de vue légale, elle n'est tout simplement pas respectée, preuve en est cette grève surprise qui aurait du être déclarée 48 heures à l'avance. L'heure n'est plus au demi-mesures. La SNCF n'a pas vocation à rendre la vie misérable à ceux qui lui payent chaque mois un abonnement au tarif non négligeable. Les grèves dans cette entreprise ne sont tout simplement plus possibles, pour le bien de tous. Les pouvoirs publics doivent mettre en place de façon urgente une interdiction de la grève dans les services publics vitaux tels que la SNCF.

Image : AFP

mardi 13 janvier 2009

La réorganisation des collectivités locales

Une commission travaille actuellement autour de l'ancien Premier ministre Edouard Balladur pour étudier quels changements sont nécessaires dans la structure des collectivités locales. Plusieurs évolutions ont entraîné une telle remise en question. D'abord, le mouvement de décentralisation, avec un rôle de plus en plus grand attribué au régions, a commencé depuis près d'une trentaine d'années, et s'est poursuivi jusqu'aux dernières mesures en ce sens de Jean-Pierre Raffarin. Dans l'autre sens, les nombreuses communes françaises ont été encouragées voire forcées par les lois de Jean-Pierre Chevènement à la fin des années 90 à se regrouper en communautés d'agglomération, pour en théorie assumer à plusieurs les coûts de certaines infrastructures publiques, par exemples des piscines. Enfin, si l'on s'inquiète beaucoup du déficit du budget de l'Etat dans le cadre des critères de convergence du Traité de Maastricht, on oublie souvent que les déficits des collectivités locales rentre aussi en compte dans l'agrégat "déficit public". Et tous ces déficits cumulés ne sont pas minces, laissant présager certains problèmes d'organisation.

Si la démultiplication des échelons administratifs doit permettre qu'un problème soit réglé au niveau le plus approprié (certaines infrastructures de transport en commun concernent toute une région quand un nouveau stade ne concerne que quelques villes), elle ne doit pour autant entrainer un empilement des administrations. C'est malheureusement trop souvent le cas. Les communautés d'agglomérations sont emblématiques de cette évolution : la mise en commun des moyens de commune, une bonne idée en soi, s'est dans bon nombre de cas transformé en une occasion de multiplier les formalités bureaucratiques, d'embaucher des centaines d'agents pour faire vivre cette nouvelle administration, et dans les pire cas de créer un nouveau budget communication pour justifier le travail de la communauté d'agglomération. Dans la mesure où chaque commune, chaque département, chaque région n'oublie déjà jamais de généreusement doter son budget communication, les sommes perdues inutilement sont considérables au bout du compte. D'autre part, pour monter chaque projet d'infrastructure publique, les communes doivent désormais demander des subventions à la communauté d'agglomération, au conseil général, au conseil régional, voire parfois à l'Etat. A chaque fois, ce sont des études supplémentaires, et des votes de subventions parfois très longs à obtenir. On peut alors se demander si tous ces échelons sont bien utiles.

La suppression des conseils généraux est dans l'air du temps. Ce n'est pas une mauvaise idée. Trop petits pour avoir une réelle influence, trop grand pour être suffisamment proche de chaque dossier comme peuvent l'être les communautés d'agglomérations, leur rôle n'est pas assez défini. Ses attributions principales, l'entretien des routes et la gestion des collèges, pourraient être placées sous l'égide du conseil régional. Les Français aiment leur département, comme l'a montré la polémique invraisemblable sur les plaques d'immatriculation, mais le conseil général n'est pas le département, il n'est qu'une entité administrative dimensionné à cette échelle. Les conseillers généraux sont considérés comme proche des préoccupations des populations, une conséquence de leur élection au suffrage uninominal direct. Qu'à cela ne tienne, rien n'empêche les conseillers régionaux d'être élus de cette façon. Ils pourraient d'ailleurs se regrouper en commissions départementales au sein du conseil régional si certaines questions l'exigent vraiment. Au moins cela ferait l'économie d'une administration.

Bien sûr, tous les conseillers généraux sont d'ores et déjà debout contre de telles idées. Il est à craindre que leurs motivations ne soient pas celles de la défense de l'intérêt général, mais bel et bien de leurs mandats. Si le cumul des mandats venait à être supprimé, la question se poserait déjà moins. Mais il est une autre évolution que doit prôner la commission Balladur : la fin de la clause générale de compétences. Celle-ci permet à chaque échelon administratif de se déclarer compétent sur n'importe quel dossier. Ce n'est plus possible, les dépenses entraînées par des dépenses non obligatoires (parfois via des subventions vraiment fantaisistes) ont un coût énorme, à tel point que les missions obligatoires et vraiment nécessaires en voient leur financement menacé. Y mettre fin serait le premier pas vers une gestion plus rigoureuses des collectivités locales.

dimanche 11 janvier 2009

L'Europe par et pour le peuple

En tant que telle, l'idée de construction européenne est plutôt bien accueillie par les différentes populations concernées. Cela se complique néanmoins quant il est fait référence aux institutions européennes existantes, dont l'action est souvent bien peu populaire. Le problème étant que la majorité des gens ne les comprennent pas, les trouvent très éloignées et surtout considèrent que leurs décisions tombent d'en haut, sans concertation ni recours. D'une manière générale, le reproche de technocratisme est fait à l'Union Européenne. Une bureaucratie bruxelloise a obtenu un pouvoir fort au fil des années, mais n'est pas comptable de la façon dont elle l'utilise. Le reproche, systématique, n'est parfois pas sans fondement. La Commission Européenne, notamment, subit dans son action un manque criant de légitimité. Le Conseil Européen est composé des gouvernements des différents pays européens, et chacun de ses gouvernements provient du suffrage populaire. Le Parlement Européen est lui aussi issu de la volonté populaire. La Commission, si puissante, est nommée puis confirmée par ces deux institutions, dont le rôle n'est déjà pas clair dans la tête des citoyens européens. Cela ne suffit pas.

Le projet européen est trop important pour n'être le jouet que des fonctionnaires européens, ou même au mieux, des élites qui arrivent à comprendre comment s'articulent les différents organismes. Dans chaque État, la démocratie permet d'exprimer la volonté populaire dans le but de la recherche de l'intérêt général. Les différents gouvernements sont donc issus du peuple, et doivent travailler pour le bien-être du peuple. Les deux termes sont indissociables, la démocratie permettant évidemment de contrôler l'action publique. Il n'y a pas de raison qu'il en soit autrement pour l'action publique menée au niveau européen. Elle doit elle aussi se faire par le peuple, et pour le peuple.

C'est là la clé de tous les tourments que connaît actuellement la construction européenne. Ce principe essentiel est trop souvent oublié, et les peuples d'Europe doivent être au cœur de tout ce qui est fait par l'Europe en tant que projet collectif. Cela suppose une meilleure couverture médiatique des institutions européennes, mais cela demande surtout davantage de démocratie, de façon plus directe. Le problème de l'Europe, ce n'est pas son côté politique, bien au contraire. C'est le manque de vie politique qui en ronge ses bases. L'Europe a besoin d'être prise en main par le commun des mortels, pour que les peuples d'Europe soit à la fois à l'origine et la destination de son action. Telle est la meilleure réponse à donner aux nombreux doutes.

samedi 10 janvier 2009

Volonté de polémique, polémiques à volonté

Le journal Le Monde a publié vendredi un article stupéfiant, censé être une "analyse" mais se révélant être une attaque personnelle sur la ministre de la Justice. Sous le titre "Le congé maternité est-il un luxe ?", la journaliste Sandrine Blanchard critique Rachida Dati pour avoir repris ses fonctions au sein du gouvernement quelques jours après avoir accouché. Il lui est reproché de ne pas avoir pris de congé maternité, la journaliste s'interrogeant : "Est-ce ainsi qu'on défend la cause des femmes ? Quelle image des femmes et de la naissance renvoie cette maternité express ?" L'argumentation rejoint celle déployée par quelques associations se réclament du féminisme, l'une d'elle parlant de "très mauvais exemple", d'"incitation à s'asseoir sur les conquêtes, les acquis" et même de "scandale".

Mais parmi toutes ces personnes, aucune d'entre elles ne semblent se demander pourquoi il faudrait faire de Rachida Dati un exemple, bon ou mauvais. Celle-ci n'a à aucun moment recherché une quelconque couverture médiatique quant à sa grossesse, ne l'a même jamais annoncé officiellement et tout cela relève purement de sa vie privée. Contrairement à Ségolène Royal, montrée en exemple dans l'article du Monde, elle n'a pas fait venir la presse à son chevet à la maternité pour un coup médiatique. Si Rachida Dati ne se plaint ni ne se vante d'enchaîner accouchement et affaires publiques, pourquoi faudrait-il que la presse s'empare de sa condition de la manière la plus polémique qui soit ? Les lois sur le congé maternité existent, personne ne pense à les modifier, et un cas sur des centaines de milliers chaque année n'a pas à faire changer les mentalités de quiconque. La garde des Sceaux, qui a déjà été largement critiquée sur ses choix vestimentaires, doit-elle devenir la cible de polémiques alimentées par des paparazzades, alors qu'elle ne fait rien qui va à l'encontre des lois et de la morale ?

Il n'y a là nul scandale, car il n'y a pas d'affaire. L'enfant de la ministre de la Justice relève de sa vie privée, et ne concerne ni la presse, ni les associations, ni le reste du peuple. Il n'a pas à être au centre du cirque médiatique et à devenir le personnage central d'un Truman Show grandeur nature. Cette volonté de trouver un exemple lorsqu'il n'y en a pas de donné ne fait que relever la soif de la polémique ainsi qu'une certaine hargne systématique envers les personnalités que la presse n'apprécie pas. Parmi ceux qui assistent à ça, se succèdent l'incompréhension et la stupéfaction.

mercredi 7 janvier 2009

L'an passé

En comparaison avec l'année 2007, qui vit se dérouler une élection présidentielle aux enjeux forts, l'année 2008 aura été plus calme sur le plan de l'actualité française. La côte de popularité de Nicolas Sarkozy a diminué de façon notable aux premiers mois de l'an passé, mais ce fut moins en réaction à la politique de fond qu'il menait qu'à la fin de la période de grâce et à quelques initiatives malheureuses, comme l'invitation du colonel Kadhafi en France ou la surexposition de sa vie privée. Pour preuve, le Premier ministre François Fillon est encore régulièrement au dessus des 50 % d'approbation. Dans le même temps, la gauche ne s'est pas distinguée. La victoire des candidats socialistes au municipales s'explique surtout par la baisse de la mobilisation des électeurs qui avaient voté pour Nicolas Sarkozy en 2007, ce qui se traduisit par une augmentation générale de l'abstention. Dans la mesure où la droite avait profité d'une vague bleue inespérée aux élections municipales de 2001, cela a suffit pour qu'elle perde un certain nombre de villes qu'elle avait conquit par surprise à l'époque. En aucun cas ces victoires de la gauche n'ont traduis un profond mouvement d'adhésion : le peuple se détourne encore largement du Parti Socialiste, et il a pu assister par la suite au stupéfiant spectacle de la division entre une ex-candidate à la présidentielle entourée d'adorateurs aveugles et un front constitué par des personnalités sans cohérence idéologique. En face, l'UMP a évité tout spectacle embarrassant en étant tout simplement mise en sommeil. Un sommeil profond qui risque de lui nuire sur le long terme. Entre les deux, François Bayrou a réussi à créer un parti dédié à sa gloire, et d'où sont promptement exclus tous ceux qui doutent de ses idées, de ses méthodes ou de sa personne.

Tout ce petit monde se retrouvera aux élections européennes de juin prochain. Personne n'en parle actuellement, et il faut craindre qu'elles se dérouleront comme les précédentes : avec un débat parlant bien peu de politique européenne, et des votes décidés sur des critères assez éloignés des enjeux. Cela a été jusqu'à présent la recette parfaite pour l'envoi de délégations de députés souvent absentéistes, au poids faible dans l'hémicycle européen et à la faible notoriété en France. C'est en quelque sorte un cercle vicieux.

L'an passé fut autrement plus chargé au niveau de l'actualité internationale. La Chine et la Russie ont continué de démontrer leur volonté farouche de défendre ce qu'elles considèrent comme être leurs intérêts nationaux, quel que soit le prix à payer. Les puissances occidentales doivent en être prévenues. Le conflit séculaire du Proche Orient demeure à la une des journaux, quand d'autres guerres en Afrique sont passées sous silence. Et évidemment, l'année entière fut rythmée par les primaires puis l'élection nationale du nouveau Président américain, Barack Obama. Considéré comme l'homme de l'année par le magazine Time, et comme le Messie par tant de citoyens du monde reprenant espoir tout d'un coup, il n'a pourtant rien accompli jusqu'à présent. Pour lui, une fois arrivé au pouvoir, le plus dur restera à faire. Et si le monde peut avoir l'audace d'espérer, ce sera bien à lui de satisfaire ces attentes. Car à quoi bon n'être l'homme que d'une élection, si c'est pour ne pas être l'homme d'une action ?

lundi 5 janvier 2009

Le drame du Zimbabwe a un nom : Mugabe

En juillet dernier, la Banque du Zimbabwe émettait un nouveau billet, à la valeur de 100 milliards de dollars zimbabwéens. Le chiffre de 100 milliards est un montant exceptionnel pour une coupure, qui n'a probablement pas été vu depuis la terrible hyperinflation allemande de 1923. Mais même avec 100 milliards, le pouvoir d'achat demeurait faible : quelques oeufs au moment de l'émission du billet. Et dans les jours qui ont suivi, sa valeur réelle a encore diminué, l'hyperinflation continuant de plus belle. Ces derniers temps, elle a été estimé à 10 millions de pourcents en rythme annuel. La Banque du Zimbabwe a alors décidé de retiré 9 zéros à la monnaie, mais même avec cette nouvelle échelle, le cours du dollar zimbabwéen était de 6 euros pour un milliard à l'automne. Depuis, la monnaie n'existe plus vraiment tellement elle n'a plus de valeur. Les monnaies étrangères l'ont remplacé au Zimbabwe. L'économie s'écroule à la même vitesse que la monnaie. Les salaires des agents publics n'étaient déjà pas toujours payés, mais dans la mesure où ce salaire n'a plus de valeur, cela ne fait plus vraiment de différences. En conséquences, les professeurs ou les policiers ne travaillent plus, tout simplement. Comme le reste de la population, leur premier soucis est de trouver de quoi survivre. Les déficiences en alimentation et en hygiène s'aggravent encore plus qu'auparavant. Le choléra a fait son apparition, et a déjà fait plus d'un milliers de mort.

Le choléra ? Le Président du Zimbabwe, Robert Mugabe, a déclaré que la crise était finie, que son gouvernement l'avait stoppée, qu'il n'y avait plus de choléra très peu de temps après son apparition. Ceux qui continuent d'en mourir seront heureux de l'apprendre. Mais à vrai dire, Robert Mugabe ne se donne même plus la peine d'être convaincant. Le monde entier sait comme lui que la situation catastrophique de son pays est de sa faute. Seulement lui ne s'en préoccupe pas. Du moment qu'il reste à la tête de son pays où il a la possibilité de se servir directement tout ce qu'il veut, le reste l'importe peu. Le Zimbabwe a des institutions d'inspirations démocratiques, malheureusement bien peu suivies dans les faits. Président depuis 21 ans, il doit ses réélections à des fraudes électorales massives, des violences, et parfois, cela ne suffit même pas pour remporter les élections. Ainsi, en mars dernier, lors des élections présidentielles et législatives, les résultats n'ont pas été publiés par le pouvoir. Ils sont pourtant connus par la communauté internationale, et indiquaient une défaite de Robert Mugabe et de ses soutiens tant à la présidentielle que dans les assemblées. Il laissa planer la menace de répressions violentes des opposants, et déclara que seul Dieu pouvait lui retirer le pouvoir.

Pour dire les choses clairement, le Zimbabwe est une dictature, Robert Mugabe un tyran motivé par le pouvoir et l'appat du gain, un homme dépourvu de toute considération éthique. Son régime pratique la torture et la violence, et n'a plus montré depuis longtemps de capacité de politiques visant à améliorer le sort de la population. Bien au contraire, il est la cause directe des maux du pays. Le seul soucis montré par le régime, outre le maintien des dirigeants en place, fut de mener une politique hostile aux agriculteurs blancs, pour des motivations purement raciales. L'idéologie nationaliste déployée par le régime n'a comme conséquence que de détourner les forces économiques du pays, et de prolonger la dégradation de l'économie et les pénuries alimentaires.

Si subitement Robert Mugabe retrouvait la raison, il devrait quitter le pouvoir, accompagnant avec lui ses affidés. Une solution pourrait venir des pays africains, pour qu'ils fassent pression sur le régime et le pousser à organiser de nouvelles élections, régulières cette fois, et respectées par tous. Mais même si les voisins du Zimbabwe venaient à montrer suffisamment de volonté pour faire face à Mugabe, il est peu probable que celui-ci écoute qui que ce soit. Avec une économie en ruine et une catastrophe alimentaire et sanitaire, il est difficile de voir comment la situation pourrait s'aggraver. La base de l'armée zimbabwéenne commence actuellement à ne plus répondre aux ordres, n'étant elle-même plus payer. Il reste à voir si cela peut permettre de mettre fin à ce régime, ou si cela ne va qu'amplifier le chaos. Une guerre doit être évitée, mais si l'on trouve des démocrates arrivant à manoeuvrer pour organiser un putsch pacifique (comme cela est prétendu actuellement en Guinée), ce pourrait être éventuellement une bonne chose.

samedi 3 janvier 2009

Le quasi échec du Blu Ray

En janvier dernier, l'industrie cinématographique sortit de sa deuxième guerre de formats. La première avait eu lieu à l'apparition des magnétoscopes, et avait vu s'affronter les cassettes VHS et celles Beta-max, chacune soutenues par des groupements industriels différents. Ces dernières années, c'étaient le HD DVD qui faisait face au disque Blu Ray pour la vente de programmes audiovisuels dans le commerce. Cette guerre de format était considérée comme nuisible au développement des deux offres, pensaient les industriels, tant il était évident qu'il n'y avait de la place que pour un seul format, et qu'en conséquence, investir dans l'un sans avoir la garantie qu'il serait exploité par la suite était risqué. Au final, c'est le Blu Ray qui a prédominé. Mais 2008, contrairement aux attentes de l'industrie, n'a vu aucun boom des achats de lecteurs Blu Ray et des disques associés. Les ventes sont considérées "décevantes", et cela semble étonner tous ceux qui préparaient ce changement technologique depuis plusieurs années. La victoire du Blu Ray s'est accomplie parce que la dernière console de Sony, la Playstation 3, en disposait par défaut. Tous ceux qui ont donc voulu acheter la console ont donc disposé du lecteur de disque avec, garantissant donc une plus grande distribution que le HD DVD. Mais aujourd'hui, il s'avère que si la Playstation 3 est le lecteur de Blu Ray le plus répandu, elle est aussi une console qui a moins de succès que ses concurrentes et que les modèles précédents de Sony. Et ce pour une raison simple : le prix.

Les dirigeants des industries cinématographiques et électroniques s'étaient retrouvés avec une belle unanimité sur l'étape suivant le succès du DVD : l'avenir serait aux programmes en haute définition, cela justifiait une nouvelle technologie, un nouveau format de disque, de nouveaux lecteurs, et un prix plus élevé. Visiblement, personne ne s'est posée la question des véritables attentes des clients en la matière. Il ne s'agissait plus de répondre aux demandes des clients, mais de justifier une augmentation des marges par l'exploitation d'une nouvelle technologie. Or celle-ci a les mêmes arguments de ventes que celle qui la précédait. La transition entre les cassettes VHS et les DVD est encore très récente. Elle date d'une dizaine d'années environ, et l'on trouve encore des appareils lisant les VHS dans le commerce. La technologie DVD s'est imposée en promettant une image et un son parfaits, une bande son et des sous-titres en de nombreuses langues, ainsi que des bonus s'ajoutant à chaque programme.

Or voilà que pour le Blu Ray, l'on explique au consommateur qu'il disposera d'une image et d'un son parfaits, ainsi que des bonus pour chaque programme. Si celui-ci avait bien remarqué la qualité de l'image offerte par le DVD, il n'est pas en revanche pas certain que l'on puisse vraiment faire mieux. L'argument des bonus exclusifs se révèle même miné dans la mesure où la promesse a en fin de compte été assez peu tenue pour les DVD. Quant aux différentes langues, elles ont très vite été réduites au stricte minimum. Il est dès lors facile de penser que les films Blu Ray sépareront eux aussi les éditions collector disposant des bonus promis des éditions normales. Il y a même une incertitude sur la durée de vie du nouveau format : si le DVD devient périmé si vite, combien de temps durera le Blu Ray avant que ce matériel ne soit lui aussi considéré comme obsolète par les industriels ?

Au bout du compte, la valeur ajoutée promise par le Blu Ray apparait bien faible. La grande capacité de stockage du disque peut paraître intéressant pour de l'archivage de données, ou pour mettre par exemple plus d'épisodes d'une série télé par disques, mais la philosophie du "plus que parfait" n'intéresse que les plus exigeants des cinéphiles. Et visiblement, ils ne semblent déjà pas suffisamment attirés pour acheter le nouveau système en masse. S'il n'y a pas d'hostilité franche des consommateurs au principe de la haute définition, l'engouement ne peut se faire aux niveaux de prix actuels. Au final le principal atout des lecteurs Blu Ray est leur rétrocompatibilité : ils lisent les disques DVD, ce qui fait que les consommateurs n'auront pas besoin de racheter ou transformer les disques qu'ils possèdent déjà, comme ils avaient été poussés à le faire au moment du passage de la VHS au DVD. Mais il faut maintenant que le prix des lecteurs Blu Ray descende franchement. Dans deux ans, dans cinq ans ou dans dix ans, les lecteurs Blu Ray auront le même prix que les lecteurs de DVD actuels. Lorsque ceux-ci tomberont en panne, les consommateurs pourront les changer sans que cela ne les handicape au niveau du budget. On peut alors penser que les Blu Ray se généraliseront, mais si c'est avec des lecteurs et des disques au mêmes niveaux de prix que pour les DVD, la valeur ajouté du nouveau système pour les industriels se révèlera quasi-nulle.

Même répandu, le Blu Ray serait alors dans une situation synonyme d'échec. En effet, les nouveaux produits traversent habituellement une première phase où les foyers s'équipent en masse, puis une deuxième phase où ce n'est plus qu'un marché de remplacement. Si le Blu Ray devient directement un produit de remplacement du DVD, les gains escomptés par ses promoteurs ne s'accompliront pas. Et d'ores et déjà, se profile l'idée que la dématérialisation des programmes audiovisuels pourrait à terme remplacer tous types de disques. Les perspectives sont donc sombres pour une nouvelle technologie, coupable au final d'être trop peu utile.

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