Demain le nouveau Président des Etats-Unis prononcera son discours d'investiture. La vague marée médiatique constituée par l'événement a déjà commencé. Mais l'on oublie plus facilement que l'arrivée du nouveau Président signifie aussi le départ de l'ancien. Après huit années passées à la Maison Blanche, il est temps pour George Bush de faire le bilan de ses mandats. Il a déjà fait part de sa propre vision des choses lors de plusieurs interviews le mois passé. Il est content de lui. Il le sera probablement jusqu'à sa mort. Mais qu'en est-il vraiment ?

La première fois que les Français ont entendu parler de George W. Bush, il était alors gouverneur du Texas, et les Américains commençaient à parler de lui comme d'un éventuel candidat pour la présidentielle de 2000. La curiosité médiatique se faisait des deux côtés de l'Atlantique sur le fait qu'il dirigeait un grand Etat, et surtout qu'il était le fils de l'avant dernier président, George H.W. Bush. Les histoires de dynastie, si elles laissent songeur sur l'égalité des chances au sein des pays où elles voient le jour, attirent néanmoins journalistes et public dans la mesure où elles sont faciles à raconter et à comprendre, donnant un côté feuilletonnant. Pourtant, George Bush Jr. n'était pas présenté comme la copie exacte de son père. Si celui-ci s'était montré comme un homme d'Etat expérimenté lors de son passage à la vice-présidence et à la présidence, le fils était dès le départ décrit comme quelqu'un de très simple, proche du peuple, facile d'accès, très à droite chez les républicains, et parfois même comme quelqu'un de peu réfléchi voire stupide. Son principal fait d'arme était de signer avec une grande application les nombreuses condamnations prononcées au Texas, refusant toute idée de grâce ou de transformation de peine pourtant utilisées dans d'autres Etats. Lors de sa campagne électorale, il se montra particulièrement peu intéressé par les questions de politique étrangère, préférant proposer des baisses d'impôts et faire valoir ses conceptions évangéliques. Ayant reçu moins de suffrages que son adversaire, Al Gore, il fut élu grâce à la présence d'une majorité de républicains au sein de la cour suprême.

Sa présidence commença avec bien peu d'enthousiasme. Elle se termine avec encore moins d'égards. Jusqu'ici, lorsque l'on évoquait la question de savoir quel était le pire Président des Etats-Unis, on pouvait citer James Buchanan, qui échoua à empêcher la guerre de sécession avant l'arrivée de Lincoln au pouvoir. Il était aussi question de Herbert Hoover, qui ne fit rien contre la crise économique de 1929, la laissant empirer au fil des années. Ou bien également de Richard Nixon, qui fut impliqué dans le scandale du Watergate, et se distingua en faisant démissionner plusieurs figures du système judiciaire pour que les investigations à son encontre prennent fin. Au bout du compte, George W. Bush s'est montré désastreux sur chacun de ces aspects. Il a :

- décidé une guerre sans aucune justification valable. Les preuves de la CIA sur l'existence d'armes de destruction massives en Irak n'existaient pas. Des milliers d'Américains sont morts dans cette volonté, l'Irak a sombré dans le chaos, et la haine contre les Etats-Unis a fortement augmenté au Moyen Orient. Du reste, dans le monde entier le pays est assez mal considéré désormais.

- laissé l'économie de son pays dans un Etat désastreux. La politique de dérégulation systématique montre ses inconvénients. En outre, alors que budget fédéral était excédentaire de sommes colossales à son arrivée, celui-ci est déficitaire dans les mêmes proportions aujourd'hui.

- vu son administration impliquée dans plusieurs scandales judiciaires, tels que l'affaire Valerie Plame, ou bien la mise à l'écart de juges fédéraux sur des bases partisanes. Ce dossier a d'ailleurs entrainé la démission de l'Attorney General, Alberto Gonzales, après une enquête parlementaire où toute l'administration a déclaré ne se rappeler de rien.

George Bush s'est donc montré incompétent dans les domaines militaires, économiques et judiciaires, alors qu'une seule de ces incompétences suffisait jusqu'à présent à discréditer les Présidents précédents les plus mal considérés. Mais la liste des points qui fâche n'est pas terminée pour autant. Il faut également citer la prison d'Abu Ghraib, l'usage de la torture, le camp de Guantanamo, le refus acharné du protocole de Kyoto, la gestion désastreuse de l'ouragan Katrina, ou même le climat excessivement partisan régnant aux Etats-Unis, alors qu'il s'était initialement présenté comme un unificateur.

Au final, parmi les 42 Présidents précédents, on en voit aucun qui ait fait pire que lui. A sa décharge, on peut considérer qu'il a probablement agit avec sincérité tout au long de ces huit années, au contraire de Dick Cheney, son vice-Président à l'influence jusqu'ici jamais vue. Mais être la marionnette de quelqu'un n'excuse rien. L'Histoire juge, plusieurs décennies après. Les chances de George Bush d'apparaître comme un bon Président sont néanmoins très faibles. Evidemment, il doit toujours être possible de faire pire. Cela ne sera pourtant pas évident. Et Barack Obama, sur le point de lui succéder, a toutes les chances de faire mieux. C'est déjà ça.