Réflexions en cours

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dimanche 26 juillet 2009

Le Tribunal Constitutionnel allemand se méfie des institutions européennes

Alors que l'on pensait que l'Allemagne ratifierait sans problème le Traité de Lisbonne, l'arrêt rendu le 30 juin dernier par le Tribunal Constitutionnel allemand peut surprendre. Les juges de Karlsruhe ont en effet stipulé que si le Traité est compatible avec les institutions allemandes, il faut néanmoins se méfier de la perte de souveraineté qu'il engendre pour le peuple allemand sur des questions qui le concerne totalement. Le passage de compétences de l'échelon national à l'échelon européen est marqué par un contrôle insuffisant de la part de l'Allemagne. Le Tribunal préconise donc qu'une loi renforçant le contrôle des institutions européennes par le Parlement allemand soit votée. Il pourra alors approuver sans réserve le Traité de Lisbonne, ce qui permettra au Président de la République allemande de le ratifier à son tour. Cette étape est importante dans la mesure où le Traité fut contesté par divers groupes minoritaires allemands.

Ce n'est pas la première fois que le Tribunal de Karlsruhe s'immisce dans les affaires européennes. Cela peut paraître contrariant, car l'Allemagne est généralement très pro-européenne, et que la construction européenne n'a pas besoin d'un pays de plus qui y soit réticent. L'argument de la perte de souveraineté est courant. Il néglige généralement le fait qu'il s'agit moins d'une perte de souveraineté que d'une souveraineté partagée : le fait que d'autres pays aient voix au chapitre concernant son propre pays veut aussi dire que l'on a soi-même voix au chapitre sur les affaires des autres. Il faut bien sûr qu'en vertu du principe de subsidiarité l'échelon européen soit le plus pertinent pour le thème en question.

L'arrêt du Tribunal Constitutionnel allemand ne relève pourtant pas de cette sempiternelle objection. La perte de souveraineté s'apparenterait ici moins à un nationalisme systématique qu'à un souci de démocratie. Le problème des institutions européennes est en effet leur caractère insuffisamment démocratique. Malgré ses progrès en la matière, le Traité de Lisbonne ne permet pas un contrôle total de l'ensemble des institutions européennes par le Parlement Européen. Le Conseil Européen est une réunion de dirigeants nationaux qui ne sont contrôlés que par leurs parlements nationaux respectifs. La Commission Européenne n'est encore pas suffisamment contrôlée par le Parlement européen, puisqu'il n'en est pas issu. Il est donc normal que les Parlements nationaux puissent s'associer s'ils le souhaitent au contrôle des institutions européennes. Ils doivent néanmoins garder à l'esprit que ce contrôle ne doit pas se faire sur la défense de l'intérêt national, mais sur la recherche de l'intérêt européen de façon plus globale.

mercredi 22 juillet 2009

Liberté d'expression et subventions

Un rappeur a déclenché la colère d'un certain nombre de personnalités politiques de par sa propension à évoquer de façon insistante sa volonté d'attaquer violemment et physiquement les femmes qui ne lui donneraient pas satisfaction sur le plan sentimental. Le clip d'une chanson en particulier avait attiré l'attention de la secrétaire d'Etat aux solidarités Valérie Letard, qui avait demandé que celui-ci soit retiré des sites l'hébergeant en ligne. L'événement attira les projecteurs sur le chanteur, dont la présence au Printemps de Bourges fut sujet à polémique. Dernièrement, il fut déprogrammé des Francofolies de la Rochelle, l'organisation de ce festival aurait été menacé de se voir retirer les subventions prévues par le conseil régional de Poitou-Charentes dans le cas contraire. Cet événement lança un nouveau débat sur la liberté d'expressions chez les artistes, plusieurs voix, à droite comme à gauche, estimant qu'il s'agissait là d'une censure visant à réprimer la libre expression.

Selon ces personnes, une communauté locale devrait subventionner un festival mais sans avoir droit de regard sur ce qu'il s'y passe. Le danger étant que l'argent public soit utilisé pour faire passer des messages à caractère politique. Mais l'on peut déjà se demander pourquoi un organisme public ne pourrait veiller à ce que les messages diffusés dans les enceintes qu'il soutient soient conformes à l'intérêt général ? Et si ceux qui financent de tels événements ne peuvent contrôler ce qu'il se passe, qui le fera ? A qui l'organisation rend-elle des comptes ?

Cette question des subventions publiques à l'art est de toute façon une question épineuse. L'art est le domaine le plus subjectif qu'il soit, et il est rare qu'une création récente fasse l'unanimité. Cela veut dire que l'argent des contribuables est souvent dépensé pour soutenir quelque chose qui ne plaît pas à une partie d'entre eux, sans que les retombées de cet argent dépensé ne soient manifestes. Le débat est miné, et d'une manière générale, c'est peut être le principe même des subventions publiques à la création artistique qu'il faudrait remettre en cause. La liberté d'expression doit être la plus grande possible pour un artiste. L'Etat, les collectivités locales ou tous les organismes publics ne peuvent se désintéresser de ce qui est fait avec l'argent public, qui manque déjà énormément. La liberté d'expression doit donc se faire en dehors du cadre de l'argent public.

La création artistique est trop abondante et mouvante pour que la puissance publique puisse voir à l'avance ce qui en restera à long terme. Il faudrait en fait définir la culture comme étant ce qui reste après la disparition des contemporains, et cela peut difficilement être anticipé efficacement. Voilà pourquoi les politiques culturelles publiques devraient être réorientées sur une ligne plus patrimoniale, c'est-à-dire la préservation du patrimoine et sa diffusion vers le plus grand nombre. Ses fers de lance naturels doivent en être les bibliothèques et les musées. Pour ce qui est de la création culturelle contemporaine, elle doit davantage dépendre du public directement. L'art doit vivre non pas de subventions arbitraires, mais de sa réception auprès de la population. C'est après tout, le meilleur moyen de lui assurer sa liberté.

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