Réflexions en cours

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samedi 31 mars 2007

Fin de la glissade à gauche

Certains commentateurs de la vie politique, tel qu'Eric Dupin, considèrent que la campagne présidentielle est marquée par un certain virage à droite de l'ensemble des candidats. Du fait, notamment, que les thématiques d'ordre sont reprises par les socialistes, et sont pleinement assumées par la droite, ce qui n'était pas toujours le cas auparavant. Pourtant, le virage à droite est souvent fantasmé. Car en fait, c'est souvent un procédé d'une partie de la gauche que de vouloir rejeter l'autre partie comme étant à droite, ou bien trop à droite, ce qui dans leur esprit revient au même. Historiquement, il apparaît surtout que le spectre politique glisse à gauche de façon séculaire : chaque formation politique se voit débordée par une nouvelle qui sera plus à gauche qu'elle. Ainsi, aux débuts de la IIIème République, les radicaux avaient gagné ce qualificatif pour leur intransigeance en faveur de la République, de la laïcité et des libertés. En comparaison des royalistes ultras et des royalistes modérés, ils étaient radicaux dans leur opposition frontale à la restauration de la monarchie. Mais au fil des ans, un nouveau corps politique a pris forme : les socialistes sont entrés dans l'Assemblée Nationale pour défendre une plus grande intervention de l'Etat dans la vie économique du pays et pour adopter des lois améliorant les conditions de vie des plus pauvres. Les royalistes ultras quittèrent pour le coup la vie politique française, et même les modérés ne devinrent que des républicains conservateurs. Après la révolution russe, le congrès de Tours marqua l'apparition du parti communiste. Il s'agissait cette fois de fonder la société communiste où l'Etat serait l'ordonnateur de l'ensemble de la vie économique. Cette fois-ci, les radicaux passèrent au centre de la vie politique française, rendant l'adjectif qui les caractérise bien éloigné de la réalité d'aujourd'hui. Et cela continue pendant les années 80 et 90 du XXème siècle : en se frottant au pouvoirs, les communistes ont perdu leur qualificatif d'extrème gauche, ce qui est désormais le domaine des trotskistes. Depuis une trentaine d'année, les radicaux sont désormais une des composantes de la droite.

Ce qui est appelé virage à droite n'est qu'en fait la fin (ou l'arrêt temporaire) de la glissade historique du spectre politique vers la gauche. Il apparaît qu'un parti politique qui est confronté aux responsabilités est poussé à faire usage de pragmatisme, et donc de réformisme, ce qui n'est pas vraiment la caractéristique de la gauche de la gauche. On pourrait se réjouir que les partis extrémistes doivent se soumettre aux réalités et se convertissent, même sans l'avouer, au réformisme. Mais c'est surtout désolant de constater qu'apparaît alors systématiquement une force politique qui prône le dogmatisme pour se donner bonne conscience. C'est ce qu'on voit actuellement, où, en plus du PS, des Verts qui ont perdu leur neutralité pour passer à la gauche soixante-huitarde, du PC, il y a désormais trois partis trostkistes en lice pour la présidentielle (Lutte Ouvrière, la LCR, le Parti des Travailleurs), et même un candidat "anti-libéral", qui n'est qu'un autre nom pour désigner l'extrème gauche. Et personne ne semble s'indigner qu'il y ait autant d'extrémistes dans la vie politique française. Ce n'est pourtant pas vraiment ce dont la France a besoin.

Cela a au moins le mérite de faire relativiser les attaques sur le fait d'être de centre gauche, de centre droit ou de droite. La droite d'aujourd'hui n'a pas de lien direct avec les droites qui se sont succédées par le passé. Par contre, il faudra quand même veiller que les forces de la déraison n'amène pas un jour à faire considérer que le réformisme puisse être d'extrème droite. Car c'est bien à la gauche de la gauche que la bien pensance, qui est une forme terrorisme intellectuel, naît. Les valeurs humanistes sont, quoi que certains puissent dire, bien réparties entre les différents mouvements politiques.

jeudi 29 mars 2007

Le non néerlandais

Pour commencer un tour d'horizon sur les liens entre l'Union Européenne et les pays qui la compose, concentrons-nous sur la situation de l'autre pays qui a refusé le Traité Constitutionnel en 2005, quelques jours après la France, les Pays-Bas. Si le vote négatif de nos deux pays a eu pour effet de bloquer de fait la construction européenne, on est obligé de constater que les raisons invoquées en faveur de ce rejet étaient bien différentes entre la France et les Pays-Bas. Certes, il y a l'impondérable du vote totalement à côté de la question, et que ce soit ici ou du côté des Néerlandais, de nombreuses personnes ont d'abord voté "non" pour montrer leur hostilité à leurs gouvernements, chacun en période d'impopularité, alors que ceux-ci soutenaient l'adoption du traité. Mais à part ça, peu d'éléments semblables.

En effet, là où en France on considère que le rejet a été d'abord entraîné par la gauche et l'extrème gauche, aux Pays-Bas, pays assez libéral, ce fût bien l'euroscepticisme qui poussa au vote négatif. Ainsi, lorsque la gauche française refuse d'être considérée comme hostile à l'Europe et comme preuve, annonce qu'elle préfère une autre Europe, plus sociale (dans le sens où prestations sociales et salaires mimimum seraient garanties par l'Union Européenne), les rares partis néerlandais qui ont combattu le texte l'ont fait sur la base de la peur de l'étranger. Celle-ci reposait en fait sur des mouvements mal compris, voire mal justifiés dans le principe. Par exemple, l'élargissement fait auprès de dix nouveaux pays sans que l'Union Européenne soit vraiment préparée à un tel bouleversement a fait naître des inquiétudes dans l'opinion publique des Pays-Bas, mais pas seulement. Bien plus grave, la volonté des dirigeants européens de faire rentrer la Turquie dans l'Union Européenne sans se soucier du sentiment des peuples européens a poussé ceux-ci à l'affolement, constatant (avec raison), que sur de telles bases, la construction européenne perdait toute signification, et tout contact avec les citoyens des pays d'Europe. En l'occurrence, la question ne portait pas sur ce point précis, mais l'opportunité de l'adhésion de la Turquie méritait largement un débat dès le départ sur le principe même. Ce débat n'ayant pas été fait, montrant de facto que la construction européenne se faisait de façon déconnectée de la population européenne, il était évidemment bien plus difficile de demander un raisonnement serein sur les institutions européennes.

Mais il y a quand même eu un débat sur le poids accordé aux Pays-Bas dans la Constitution Européenne. L'accusation qui fut portée était que les nouvelles institutions que celle-ci apportait étaient défavorables aux Pays-Bas, dans le sens où elles leur donnait moins de poids dans la prises de décision. En toute honnêteté, il faut dire que cela était vrai. C'est en fait le Traité de Nice qui avait le tort de demander une majorité qualifiée très importante pour faire avancer chaque projet, ou une minorité de blocage assez faible. Ainsi, le poids politique des "petits pays" était largement plus que proportionnel à leur nombre d'habitants. En fixant la majorité qualifiée à 55 % des pays et à 65 % de la population dans la prise de décisions sur les dossiers émanant de la Commission Europénne, le Traité Constitutionnel Européen redevenait raisonnable sur ce point là, et aurait ainsi permis d'avancer plus facilement dans la construction européenne. Mais les Pays-Bas n'ont vu que le fait que leur influence diminuerait en conséquence, leur soutien aux réformes engagées ne devenant plus obligatoire. En appeller à l'intérêt général pour résoudre la question devient alors épineux, car faut-il prendre en compte l'intérêt général au niveau de l'intérêt de la population néerlandaise ou bien à celui de l'ensemble de la population européenne ?

C'est toute la question de l'Europe en tant qu'institution politique. Le principe de subsidiarité, appliqué d'une manière générale, dirait que pour un dossier de taille nationale, c'est un Etat particulier qui est compétent, et que pour une question qui se pose à l'échelle de plusieurs pays, c'est l'Union Européenne qui est la première concernée. Si le principe de subsidiarité est rigoureusement appliqué par l'Union Europénne, c'est alors l'intérêt général au niveau européen qui devient le seul légitime. Sur ce principe, les Pays-Bas auraient alors du accepter une diminution de leur capacité d'interférence pour le bien être collectif. Du reste, cette baisse d'influence institutionnelle ne devait pas nécessairement devenir une baisse d'influence réelle, tant c'est la pratique des institutions qui détermine les influences réciproques. Il n'est jamais bon que la construction européenne se fasse via le passage en force, et l'approbation néerlandaise devait rester souhaitable en pratique pour que l'évolution soit vraiment positive.

A l'aune de cette analyse, il apparaît que les électeurs français n'ont eux pas plus voté en prenant compte l'intérêt particulier de leur pays que l'intérêt général européen. En effet, puisque mécaniquement, ce nouveau traité donnait un poids plus important à la France dans la prise de décision. D'une manière générale, si la construction européenne repose toujours d'abord sur les locomotives françaises et allemandes (même si actuellement celle française est bien à la peine), il faut veiller à ce qu'aucun pays ne se sente exclu de la façon dont la construction européenne est menée. Cela peut paraître relever de l'idéalisme naïf, mais il serait souhaitable, dans l'absolu, qu'il y ait une prise en compte de notre intérêt général commun à tous les pays d'Europe, chez chaque citoyen, pour que la suite se passe au mieux.

mercredi 28 mars 2007

Devant l'assaut des délinquants

Dans la journée d'hier, un homme de 32 ans est contrôlé à la gare du Nord, dans l'espace entre les lignes de métro et de RER. Il n'est pas en règle, et agresse les controlleurs. Ceux-ci, appelant des renforts, le maîtrise fermement. Des passant de tous âges et de toutes origines observent la fin de la scène, et s'émeuvent contre la violence faite à l'homme, sans savoir ce qui y a mené. Dans l'agitation, des personnes commencent à agir de façon violente, en dégradant le matériel, en provoquant les forces de police qui arrivent en nombre et en agressant les voyageurs. Très vite, la scène se tranforme en ce qui est qualifié par les agences de presse d'émeutes, et l'occasion fait sortir de la foule tous les délinquants qui s'y fondent, ceux-ci se couvrant parfois de capuches, d'écharpes pour cacher leur visage, ou bien restent à visage découvert, étant sûrs de leur impunité, n'hésitant pas à piller des magasins, ce qui montre le peu de rapport entre la violence utilisée et le mécontentement initial. De leurs faits le chaos s'installe. De nombreux spectateurs y assistent médusés, et témoignent aujourd'hui dans la presse. Ils y accusent la police d'être trop violente, ou de n'avoir rien fait. Les CRS présents ont reçu la consigne de ne pas charger. Comme souvent dans ce type de manifestations violentes, les malfaiteurs sont prompts à se fondre à nouveau dans la foule et à se faire passer pour d'innocentes victimes. Et le risque est réel pour les forces de l'ordre de toucher une vraie personne innocente qui passe par là, ou bien de créer un mouvement de panique. En conséquence, les innocents sont laissés à leur sort face aux délinquants. Seule une douzaine d'entre eux seront d'ailleurs interpellés.

Le fait en rappelle beaucoup d'autres, comme les violences urbaines de l'automne 2005, et l'intervention de bandes violentes lors des manifestations étudiantes contre le CPE. A chaque fois, c'est le même type de personnes qui causent le trouble. Des délinquants qui sont fiers de venir de zones de non droit, et qui en conséquence haïssent la communauté. Ils n'ont aucune pensée politique : lors des émeutes de 2005, on a vu beaucoup de sociologues venir tenter d'expliquer le comportement de ces personnes, de façon plus ou moins convaincante. Mais les premiers concernés n'avaient aucune justification, si ce n'est le goût pour la violence. Un article de Libération.fr d'aujourd'hui nous procure le témoignage d'un "jeune lycéen de passage", ce matin, à la gare du Nord : «Hier, j’étais là. Moi, j’ai participé à la bataille parce que les contrôleurs et les flics prennent trop la confiance. J’ai suivi le mouvement, et je n’ai pas trop cherché à comprendre pourquoi.» Cela ne va jamais chercher plus loin.

Tous ceux qui avaient été arrêtés lors des émeutes de 2005 n'avait rien à dire pendant leur procès pour se défendre, si ce n'est que d'essayer de dire qu'ils n'avaient rien fait, qu'ils étaient venus juste pour regarder. Pas de revendication politique, ou même philosophique. Ce n'est donc ni mai 68, ni la révolution. C'est en fait la réaction de délinquants qui n'aiment pas le fait qu'on leur impose le respect de règles de vie en communauté. "Les flics prennent trop la confiance" se disent-ils, lorsque les forces policières viennent mettre à mal leurs activités illégales.

Il y a un autre problème actuellement, c'est que les délinquants semblent réussir à gagner la sympathie d'une partie de la population qui voient dans leurs méfaits un message, ou bien les considère comme des innocents injustement accusés lorsqu'ils sont arrêtés. Toujours le complexe de Jean Valjean. Il est incroyable aujourd'hui de voir plus d'interrogations sur le rôle qu'ont les policiers ces temps-ci que de condamnation vis-à-vis des malfaiteurs qui ont agit hier. Une partie de l'opinion voit des bavures partout, sans voir les délits. Cela légitime de fait le comportement de ceux qui agissent contre la société. La mort de deux adolescents en novembre 2005 a été considérée comme une bavure policière, dans le sens où les policiers n'ont pas mis tout ce qu'elles auraient pu mettre en oeuvre pour les sauver. Ils sont donc devenus des espèces de martyres commémorés, sans que personne ne s'atarde sur le fait qu'ils fuyaient bien les forces de police après avoir commis un cambriolage dans un local de chantier, comme l'a montré le rapport de l'IGS, et qu'ils se cachaient précisément d'elles en allant jusqu'à s'introduire dans un transformateur électrique, alors que le danger potentiel était clairement signalé. Celui des trois qui a survécu a d'ailleurs été arrêté quelques mois plus tard pour sa participation à de nouvelles violences.

Dans notre société, ce sont bien les policiers qui disposent de la force publique. Les bandes délinquantes ne reculent devant rien aujourd'hui pour préserver leur domination de territoires par la peur et la violence. Elles doivent être combattues, plutôt qu'acceptées. Et au moins faut-il accorder plus de crédits aux fonctionnaires, qui risquent leur vie tous les jours, qui tentent difficilement de ramener l'ordre sans faire de bavure en essayant de trouver le bon équilibre, qu'aux délinquants qui nous agresse collectivement.

Photo : Guillot/AFP

lundi 26 mars 2007

Lutter contre les corporatismes

Gouverner, c'est agir en faveur de l'intérêt général. Voilà le message qui revient ici comme un leitmotiv. Il semble aller de soi, mais il s'avère que trop souvents chacun s'accroche à la défense de son intérêt particulier pour bloquer la société et in fine nuire à tout le monde. Cela se retrouve de plusieurs façons, mais cela a été institutionnalisé par certaines associations mono-thématiques, parfois aussi par des partis poliques, mais surtout par les syndicats. Il s'agit tant des syndicats patronaux que salariés, qui continuent de jouer une caricature de jeu de la corde à tirer, et se transforme en un mauvais remake de la lutte des classes. Or c'est bien par le rassemblement que nous arriverons à surmonter nos problèmes, pas en s'accrochant obstinément à des avantages qui desservent la collectivité par leurs retombées négatives. Il y a bien un problème du dialogue social en France, et cela a été pointé par la plupart des candidats. Chacun le regrette, mais il faut bien constater que c'est une constante des décennies passées. Certaines évolutions sont plus que nécessaires, elles sont obligatoires si l'on veut pouvoir avancer dans le sens d'une meilleure efficacité et d'une France qui puisse aller mieux. Lors de la prochaine législature, il faudra relancer le dialogue social, et avoir comme objectif que chacun oublie ses intérêts catégoriels pour ne prendre en compte que l'intérêt général. Un syndicat comme la CFDT s'était honoré en appliquant ce principe en 1995 et en 2003 lorsque des réformes nécessaires étaient en discussion. D'autres syndicats tels que Sud, FO, la CGT ou provenant de branches particulières ont prouvé par le passé leur vision doctrinale et corporatiste des choses, envisageant toute négociation que sur le rapport de force, en souhaitant démontrer à chaque fois leur pouvoir de nuisance, parfois avant même que la réflexion soit entamée sur une évolution à mener.

Si une nouvelle chance doit donc être donnée au dialogue social, il ne faudra pas accepter de se retrouver bloqué si les parties en présences refusent d'envisager l'intérêt général. En l'occurrance, les syndicats ne représentant que des intérêts corporatistes, il faudra que la force publique agisse de par sa propre initiative, étant elle l'émanation de la volonté du peuple, pour agir précisément en faveur de l'intérêt général. Que cela passe par l'éxecutif, le législatif ou les deux, l'action de l'Etat sera dès lors indispensable pour réaliser les réformes nécessaires. Ainsi, les régimes spéciaux de retraites doivent être réformés, le déficit public doit être fortement réduit, certains avantages catégoriels qui nuisent aux embauches doivent être réétudiés, et les services publics sont si fondamentaux qu'ils doivent fonctionner au mieux quelles que soient les circonstances. Sur chaque dossier, de grosses corporations sont susceptibles d'être dérangées, et donc d'être prises de fureur et de vouloir nuire à la communauté pour conservers leurs avantages propres. Les réformes nécessaires ne sont pas aisées à mettre en oeuvre, et peuvent être très impopulaires. En fin de compte, leur succès est déterminé par la volonté que possède celui qui est à la commande de l'Etat.

Parmi les candidats présents à cette élection présidentielle, Nicolas Sarkozy apparaît comme celui qui possède le plus cette volonté. S'il a un sens de la négociation certain, il n'en reste pas moins ferme sur les objectifs qu'il doit défendre. Son programme est volontariste, et propose des mesures qui ne sont pas souhaitées par tout le monde, loin de là. La CGT appelle déjà à voter contre Nicolas Sarkozy, en ayant bien compris qu'il n'accepterait pas les baronies dans l'Etat instaurées par certains syndicats dans des branches de la fonction publique ou des entreprises publiques. Par exemple, la situation de la SNCF n'est plus acceptable. De même, il est intolérable qu'une grève bloque le port de Marseilles, alors que la revendication est d'obtenir d'un client la délégation d'un service. Pendant ce temps là, l'économie souffre de ces comportements égoïstes, et une pénurie d'essence dans le sud de la France pourrait être la conséquence d'une telle attitude. Pour que la France puisse se relever de décennies passées dans la morphine de l'Etat providence, il faudra une volonté forte, susceptible de ne pas craindre les vagues d'impopularités qui ne manqueraient pas d'arriver. Aujourd'hui, dans cette élection présidentielle, c'est bien l'intérêt général qui est au coeur de la question. Il est temps de faire le choix raisonné d'une grande ambition pour la France, en défendant le bien être de tous au lieu et place de son propre bien être. Car c'est bien dans le corporatisme que s'incarnent l'égoïsme et l'individualisme. La France a besoin de volonté, d'expérience et de compétence. C'est dans ce cadre que la candidature de Nicolas Sarkozy apparait comme la plus opportune, et qu'il faut souhaiter son élection.

Photo : Le Figaro

dimanche 25 mars 2007

50 ans de construction européenne

Nous célébrons aujourd'hui les 50 ans de la signature du Traité de Rome. Si l'Union Européenne est née ce jour-là en s'appelant à l'époque le marché commun, il serait exagéré de faire remonter la construction européenne que depuis cet événement. Le Traité de Rome n'est en effet pas tombé du ciel, et a demandé des années de négociation, il s'appuyait déjà sur un début de coopération inter-étatique à travers la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, ainsi que sur d'autres initiatives qui avaient prises par des visionnaires, ceux qui sont considérés comme les pères fondateurs de l'Europe politique. Parmi ceux-là, La France peut être fière de compter des personnes comme Jean Monnet ou Robert Schuman. Ces cinquante dernières années, de grandes avancées ont été faites en matière de politique commune. L'Union Européenne s'étend désormais sur 27 pays, et possède même sa propre monnaie. La paix est aujourd'hui assurée, ce qui est déjà un succès formidable en soi. Chacune de ces avancées fut difficile, mais l'Europe dans sa globalité avance, petit à petit. Actuellement, il faut bien avouer que nous traversons une période de blocage. Sont incriminés ici les "non" français et néerlandais au projet de Traité Constitutionnel Européen, qui ont bloqué de fait la mise en place d'institutions plus efficaces que le Traité de Nice, et surtout plus adaptées à 27 membres. Il y a bien une crise de l'Europe dans ces deux pays qui ont refusé ce Traité. Mais pas seulement : d'autres pays s'abrittent derrière eux pour ne pas prendre le risque d'un débat sur une éventuelle ratification, comme la Pologne, ou la Grande-Bretagne qui aurait eu très peu de chances d'adopter le Traité via le référendum qui était promis à la population.

Il faut quand même reconnaître que ce Traité avait des défauts. En fin de compte, le plus important était de s'être appelé constitution. L'Europe fédérale est le but à atteindre pour la construction europénne, car c'est le système qui garantira le mieux l'appropriation par les citoyens de décisions communautaires. Néanmoins, c'est un objectif exigeant qui prendra du temps. La politique des petits pas, chère à Jean Monnet, doit toujours être de règle. L'annonce de la rédaction d'une constitution avait créé un espoir parmi les partisans de l'Europe fédérale, celui d'arriver à bon port plus tôt que prévu. Malheureusement, après une négociation difficile, le texte qui fut présenté ne donnait pas un fonctionnement fédéral de l'Union Européenne, c'était très certainement trop tôt pour une évolution aussi décisive. Et le terme de constitution ne pouvait être adopté légitimement que pour décrire le fonctionnement d'un ensemble fédéral. En lieu et place, on trouvait en première parti du Traité de nouvelles règles de fonctionnement pour améliorer effectivement l'organisation de l'Union Européenne, en deuxième partie une charte des droits fondamentaux, en troisième partie un récapitulatif des politiques adoptées par l'Union Européenne dont on pouvait se demander l'utilité de les mettre là, et en quatrième partie les règles de modification du présent traité.

Actuellement, la présidence allemande de l'Union Européenne tente de trouver une sortie de crise. Angela Merkel devra d'abord attendre le résultat des élections présidentielles françaises. Même si elle est peu reprise dans les médias, la plupart des candidats ont réflechi à ce qu'il fallait faire pour l'Europe. Ainsi, Ségolène Royal propose de faire revoter par référendum le Traité Constitutionnel après lui avoir adjoint un protocole social. Il n'est pas certain que cela suffise à faire changer les Français d'avis. Nicolas Sarkozy propose lui d'alléger considérablement le Traité pour en faire un texte qui n'aurait pas la prétention d'être une constitution. En gros, il ne subsisterait probablement plus que les parties I et IV du Traité original. Sans sa qualité de constitution, le Traité n'aurait plus besoin d'être voté par référendum, un passage par le Congrès suffirait. Surtout que c'était sur la partie III que s'étaient cristallisé les mécontentements euro-sceptiques. De plus, un Traité simplifié aurait peut-être davantage de chances d'être accepté par les autres pays qui ne se sont pas encore penchés sur le Traité Constitutionnel. Et ceux qui l'ont déjà ratifié pourraient considérer que "qui peut le plus peut le moins", et que les parties I et IV étant déjà acceptées, le Traité simplifié le serait de facto.

Evidemment, tout cela est à débattre. Il serait en tous cas caricatural que de laisser croire que l'immobilisation de la construction européenne est le fait de la seule France. C'est un sujet qui doit mobiliser chaque pays d'Europe. Pour cela, il apparait opportun de poursuivre la réflexion en se penchant particulièrement sur les problématiques propres à chaque pays, le lien sera plus facile à faire ensuite.

jeudi 22 mars 2007

Des médias moutonniers

La campagne présidentielle de 2007 est très différente de celle de 2002, tant elle semble mobiliser toute la France. Il faut dire qu'il y a cinq ans, le morne affrontement entre Jacques Chirac et Lionel Jospin avait provoqué l'indifférence, puis la stupéfaction lorsque le résultat final fut révélé. Cette fois-ci, on a la chance d'avoir un vrai débat de fond de par les thèmes abordés par les candidats, et par leurs propositions. Mais s'il y a du fond, il n'est pas toujours facile d'y avoir accès, tant le traitement de la campagne réalisé par les médias est de qualité variable. Que ce soient la presse, la radio ou la télévision, les médias ont l'avantage d'avoir la haute main sur le contrôle des informations, ce qui leur permet de répliquer immédiatement à toute attaque faite à leur encontre. A chaque fois que le travail des journalistes est critiqué par quelqu'un d'extérieur, ils se sentent souvent concernés en tant que groupe et répondent de façon corporatiste. Pourtant, ils gagneraient à écouter les critiques que l'on peut leur faire. La principale étant le fait qu'ils s'intéressent souvent beaucoup trop à l'écume des choses, au côté spectaculaire.

Du sang et des larmes, voilà ce dont ils sont friands. La culture auto-entretenue du scoop ou de l'événement les entraine à surmédiatiser des faits sortant de la banalité, mais qui ne touchent pas forcément au coeur des choses. Ainsi les journalistes politiques ont un grand tort, celui de vivre dans le microcosme politicien et d'être presque totalement déconnecté de la réalité du reste de la France. Heureux de pouvoir assister à des scènes qui ne sont pas accessibles à tous, ils se targuent de connaître les dernières rumeurs, les inimités entre personnalités politiques, les affrontements feutrés et en oublient de se pencher sur le travail que eux ne voient pas, dans le bureau de ceux qui agissent. Leurs articles relèvent donc de la chronique du microcosme, sans parler en fin de compte de vraie politique, des décisions prises. De même, ils ne jugent le succès qu'à l'aune des sondages, dont ils sont totalement dépendants pour savoir ce que peut penser le reste des Français. On est dès lors plus loin de la compétition sportive, où les journalistes décrivent les coups donnés et reçus, en regardant les sondages pour savoir qui mène, sans davantage de rigueur sur l'information en elle même. Car c'est bien la rigueur journalistique qui est à la peine.

Le concept d'honnêteté intellectuelle est souvent bien peu pertinent pour décrire les mécanismes de la rédaction d'un article. Trop souvent le journaliste donne son point de vue en même temps que le fait, tant et si bien que l'information devient le fait plus la façon dont il faudrait considérer le fait. Il se trouve que dès que l'on touche à l'"analyse" ou au "décryptage", on se vautre dans la subjectivité. Certes, il est impossible d'atteindre l'objectivité parfaite lorsqu'il faut rendre compte de quelque chose, mais au moins peut-on essayer de mettre des limites à ce degré de subjectivité. Et pour cela, il faut veiller à bien séparer le fait de l'opinion du journaliste. Evidemment, certains journaux ou magazines, tels que Libération, Marianne ou Valeurs Actuelles assument totalement leur subjectivité de traitement de l'information et n'essaient même pas de faire autre chose que d'interpréter des faits à la réalité devenue éloignée pour mieux servir la cause qu'ils défendent. Si le débat d'idées est toujours intéressant, il serait vain néanmoins de vouloir s'informer à propos de quoi que soit en lisant ces revues. Pour les médias qui se veulent soit neutre, soit d'une certaine honnêteté intellectuelle, il est nécessaire de séparer au maximum les faits bruts des commentaires qui peuvent éventuellement l'accompagner.

Même en opérant de la sorte, il n'est pas certain que la qualité de l'information soit suffisante. En effet, le choix des informations publiées est déjà le résultat d'une certaine orientation. Et c'est dans ce traitement différencié des faits que l'on peut chercher un autre degré de subjectivité. Beaucoup parlent de la main-mise de grandes entreprises sur les principaux médias, ce qui profiterait de fait aux patrons concernés dans la promotion de leurs idées. D'autres prennent également en compte que les journalistes sont très majoritairement à gauche, indépendemment de leur rédaction, et sont ainsi influencés par leurs convictions dans leur travail. On peut discuter du poids relatifs de ces deux facteurs, mais il reste que pour les médias qui se veulent neutres, il y a un autre facteur que la partialité de conviction qui entre en compte parmi les biais du traitement de l'information. Résultat de la concurrence entre médias ou effet de l'addiction à l'info "chaude" de la part des journalistes, il se trouve que les médias ont tendance à tous se jeter sur la même information, parfois très secondaire, plutôt que de se consacrer aux sujets fastidieux mais importants.

Ainsi, dans cette campagne, les médias ont pour leur majorité consacré un soin particulier à couvrir polémiques, sondages (parfois bidonnés, comme le montre le cas de l'institut CSA) et petites affaires issues des ragots imprimés par le Canard Enchainé. Pendant ce temps là, les candidats parlaient dans leurs discours de la plupart des grandes thématiques qui compteront pour les cinq prochaines années, et il faut remercier les quelques sources qui permettent d'en prendre connaissance, ainsi que les émissions qui se consacrent aux dossiers de fond, à l'instar de France Europe Express sur France 3. Parfois, il est nécessaire de chercher soi même les informations sur les sites ou les documents réalisés par les candidats. Lorsque ceux-ci sont interrogés par certains interviewers, ils ne peuvent éviter les trop nombreuses questions sur l'orientation des sondages, les petites luttes politiciennes qu'on leur prete, ou la dernière polémique qui agite les agences de presse, seuls thèmes qui intéressent vraiment les journalistes du microcosme, mais dont se moquent la plupart des Français.

Dès lors, ce n'est plus l'image de médias utilisés par tel ou tel groupe pour manipuler la population qui apparait. C'est plutôt l'image d'un troupeau de moutons qui saute aux yeux, tant ils semblent manquer de sang froid et de maîtrise d'eux même, préférant suivre aveuglement et collectivement le dernier fait qu'ils croient spectaculaires. Si l'un des moutons de ce troupeau entend un bruit qui attise sa curiosité, il changera de direction pour voir ce qu'il en est. Tous les autres, le voyant s'éloigner, prendront l'initiative de le suivre, perdant de vue le but où ils voulaient aller. Ils iront donc tous dans la même direction, oubliant rapidement le sens de leur démarche, et changeront à nouveau de direction dès qu'un autre mouton s'éloignera des autres pour une raison ou pour une autre. Mieux vaut ne pas se retrouver sous les pattes de ce troupeau de mouton, car ils écrasent sans finesse tel un rouleau compresseur chaque sujet qu'ils viendraient à aborder. Un troupeau livré à lui même, sans berger, et disposant d'une force terrifante, voilà la réalité du système médiatique actuel. Bien sûr, c'est le lot de la liberté de la presse. Il n'est pas question de vouloir les reprendre en main d'autorité, la liberté de la presse étant la liberté de dire ou d'écrire n'importe quoi, y compris sur des sujets sérieux. On ne peut pas dire que les médias s'en privent. Au moins n'est-ce pas trop que de demander qu'ils respectent ceux qui les lisent, écoutent ou regardent, en faisant un plus grand travail de rigueur vis-à-vis de l'information. Et que par exemple, ils citent davantage les propositions des candidats faites dans leurs discours, plutôt que de ne retenir que les attaques personnelles qui n'occuppent que quelques secondes sur une heure de vision des choses.

mardi 20 mars 2007

Bilan d'une législature

A l'heure où Jacques Chirac fait ses adieux, où Dominique de Villepin pense à l'avenir, et où toute la droite est engagée dans l'élection présidentielle à venir, il est peut-être temps de faire le bilan de la législature passée. Certes, au bout du compte, ce sera bien l'Histoire qui jugera. Mais on peut déjà tenter d'esquisser ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années. Si l'on en juge aux côtes de popularité et aux élections perdues par la droite, c'est peu de dire que les Français n'ont pas entièrement satisfaits de leurs gouvernements. Il faut dire que certaines choses n'ont pas été faites, et que d'autres étaient impopulaires. Par exemple, le CPE, tentative maladroite de remédier au chômage des jeunes, a été rejeté violemment. D'une manière général, tout ce qui a touché à l'éducation, que ce soit au secondaire ou au supérieur, a été l'occasion de grands mouvements de protestations. Même la réforme LMD, qui visait à réorganiser les diplômes pour leur donner une signification au niveau européen, fut à l'origine de manifestations étudiantes.

Pourtant, si certaines réformes furent impopulaires, il faut quand même en mettre une bonne partie au crédit des gouvernements Raffarin et de Villepin. Le meilleur exemple est bien sûr la réforme des retraites, un dossier explosif qui n'a pas manqué de provoquer de l'agitation dans la service public, puisqu'il était question d'allonger la durée de cotisation (pour que les fonctionnaires passent de 37 ans et demi à 40 ans comme tout le monde, puis à 42 comme tout le monde aussi, mais dans l'avenir). Quelques voix s'élèvent parfois pour dire qu'elle n'allait pas assez loin, mais elle avait le mérite de faire une grande avancée. Surtout que lors de la précédente législature Lionel Jospin, qui avait pourtant bien conscience de l'urgence et de la gravité de la situation à régler, n'avait strictement rien fait par pure peur. La lutte contre l'insécurité, et notamment celle routière, a également été l'occasion de mettre en place des mesures impopulaires mais nécessaires. Ainsi, l'installation de radars un peu partout a été mal vécue par bon nombre d'automobilistes, vu les amendes qui tombaient régulièrement voire les permis qui sautaient, mais les résultats sont là en matière de réduction du nombre de morts et d'accidents, et cela grâce à la baisse de la vitesse sur la route.

D'autres dossiers portent moins à la controverse : la politique étrangère de la France a, sous Jacques Chirac, été dans la tradition de celle appliquée par la France depuis de Gaulle pour l'essentiel. Il y a une grosse différence sur l'engagement européen, Jacques Chirac en étant un fervent partisan. Et si la politique étrangère de la France a été plutôt couronnée de succès (comme l'a montré les crises irakiennes ou libanaises), l'échec en matière de politique européenne est tout aussi clair : le non au traité constitutionnel européen a été un échec majeur. En matière de politique sociale, l'action de Jean-Louis Borloo est reconnue. Il a en effet relancé la construction de logements en doublant pratiquement le nombre de mises en chantier en cinq années. De plus, la baisse du chômage enregistrée ces deux dernières années sont également positives, même s'il reste évidemment beaucoup à faire en la matière. Après des résultats mitigés, le déficit budgétaire semble enfin diminuer. Et bien que contesté, Nicolas Sarkozy peut se targuer de résultats positifs en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité : la baisse du nombre des délits a été forte, et même la hausse des violences faites aux personnes est bien moindre que celle enregistrée par Jean-Pierre Chevénement et Daniel Vaillant lorsqu'ils étaient au ministère de l'Intérieur.

D'un autre côté, on peut regretter fortement que Jacques Chirac n'ait pas tenu certaines de ses promesses de 2002, avec en premier lieu la mise en place du service minimum dans les services publics et la hausse de l'effort de recherche à 3 % du PIB qui n'ont pas eu lieu, malgré la nécessité évidente de telles mesures. Conséquence : elles se retrouvent telles quelles dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2007. Ce n'est pas prendre un grand risque non plus que de dire que la fracture sociale n'a pas été résorbée, la situation dans les banlieues pauvres étant toujours très difficile. Mais ce n'est pas que l'échec de cette législature, c'est l'échec de la présidence Chirac depuis 1995.

Il faut tout de même reconnaître également l'action de plusieurs ministres moins importants, qui ont oeuvré de manière plus discrète dans leur domaine. Par exemple, François Baroin a mené une action vis-à-vis des DOM TOM peu spectaculaire vue de la métropole, mais qui fut appréciée dans les territoires concernés. Au final, c'est bien un bilan en contraste qu'il faut voir, avec ses réussites et ses échecs. Une bonne part des regrets qu'il y a avoir viennent notamment que les gouvernements de la législature qui s'achèvent n'ont pas réussi à battre les conservatismes à chaque fois qu'il le fallait et n'ont pas trouvé le moyen de les dépasser. Bien sûr, il est difficile de dire à ceux qui souffrent que l'action publique a été un succès ces cinq dernières années, et on ne peut pas vraiment dire que c'était le cas. Mais on ne peut pas se permettre de dire que ce fut un échec complet. En fin de compte il y a un bilan marqué par ce qui a été fait, et les dossiers où la volonté a manqué pour faire ce qu'il fallait. De toutes les manières, la prochaine législature se devra d'être plus efficace, de ramener sur le devant de la scène les thèmes où il faut agir, et adopter une méthode d'action forte et exigeante, où l'intérêt général devra primer.

lundi 19 mars 2007

L'extradition de Cesare Battisti

Hier, Cesare Battisti a été arrêté au Brésil par la police locale, en vertu de mandat d'arrêt international lancé à son encontre, grâce à des informations provenant de la police française. Son extradition est demandée depuis des années par l'Italie, où il a été condamné il y a une quinzaine d'années pour complicité dans le cadre de plusieurs assassinats dans les années 70. En 2004, la procédure avait été enclanchée à son encontre, et il avait été soutenu de façon surprenante par une certaine partie des intellectuels et des personnalités politiques françaises. Aujourd'hui, on retrouve les mêmes pour le défendre et souhaiter qu'il ne soit pas extradé en Italie. Bernard Henri-Levy, Olivier Besancenot, Bertrand Delanoë ou même François Bayrou en font partie, ce dernier déclarant même en tant que candidat à l'élection présidentielle qu'il voulait que Cesare Battisti ait droit à un nouveau procès. Cesare Battisti a pourtant déjà eu le droit à son procès, et on ne peut pas vraiment dire qu'il ait été empêché d'y aller. Son absence était le résultat de sa propre volonté, de sa fuite permanente par rapport à ses responsabilités, à commencer par son évasion des prisons italiennes en 1981. Comment peut-on dire qu'un procès par contumace est injuste lorsque l'inculpé prend la fuite pour éviter de l'affronter ? Du reste, c'est tout de même de l'Italie dont il est question, un pays démocratique voisin membre de l'Union Européenne. Il n'y a aucun doute sur la légitimité de leur système judiciaire, et ce n'est certainement pas à la France de se mèler des affaires juridiques des pays démocratiques amis.

Il est troublant de constater que quelques Français semblent considérer l'Italie comme un pays qui ne serait pas assez mûr pour prendre ses propres décisions quant à son Histoire, ou de la considérer comme un pays qui serait presque dictatorial lorsqu'elle demande à faire appliquer une peine à ses criminels. Dans le cadre de l'Union Européenne, qui n'est constituée que de pays démocratiques alliés les uns aux autres, les procédures d'extraditions devraient être automatiques. Il était ainsi incompréhensible que la Grande-Bretagne ait refusé à plusieurs reprises l'extradition de Rachid Ramda, accusé d'avoir financé les attentats de 1995 en France, faisant que la procédure a duré une dizaine d'années au bout du compte. Et comment la France aurait-elle réagi si l'Italie avait accueillie Yvan Colonna ou Maurice Papon, les considérant comme des "réfugiés" alors qu'ils ont ou avaient à répondre de leurs actes devant la justice française ? La collaboration des polices et des justices européennes doit être un impératif, et à ce titre on peut aujourd'hui prendre comme exemple celle engagée entre la France et l'Espagne pour lutter contre le terrorisme basque.

Peut être faut-il voir dans les polémiques actuelles une certaine bienveillance de certaines personnes envers le terrorisme d'extrème gauche. La "doctrine Mitterrand", discours stupéfiant de l'ancien Président dénué de valeur juridique visant à protéger les criminels communistes italiens, est ainsi mis en avant pour affirmer que la parole de la France est engagée. C'est surtout lorsque la France refuse que la justice italienne fasse son travail, provoquant l'ahurissement de nos amis transalpins, qu'elle est mise à mal aux yeux du monde. Mais ce sont les mêmes qui défendent les anciens terroristes français d'Action Directe. En fin de compte, ce ne serait qu'une énième émanation du complexe de Jean Val Jean, qui consiste à croire que les criminels sont avant tout des victimes de la société, avec comme conséquence de rejeter la Justice.

Enfin, quelle présomption d'innocence peut on vraiment accorder à quelqu'un qui fuit son procès organisé dans un pays de droits ? La procédure par contumace relève alors de sa propre décision. Le cas est similaire à celui d'Yvan Colonna, qui essaie aujourd'hui de se faire passer pour innocent alors qu'il a soigneusement évité une justice pendant des années, alors qu'il aurait pu démontrer plus tôt sa non-implication dans les faits... s'il croyait vraiment que tel était le cas. L'affaire Battisti laisse en tous cas une certaine amertume, au vu de cette partie de l'"intelligentsia" française qui préfère la défense des criminels en fuite au déroulement de la Justice d'un Etat de droits.

dimanche 18 mars 2007

La Chine découvre la propriété privée

De nos jours, les pays communistes se font rares. Si depuis l'effondrement du bloc soviétique, leur nombre a grandement diminué, ceux qui continuent de se dire héritiers de Karl Marx le sont parfois de moins en moins dans les faits. L'exemple par excellence d'une telle évolution est le cas de la Chine, qui vient de reconnaître la propriété privée. Pour un pays qui continue de s'affirmer communiste et fier d'avoir été dirigé par Mao, il est étonnant d'admettre si franchement le fait que l'économie chinoise repose en grande partie sur des ressorts capitalistes. Certes, du point de vue du système politique, la Chine profite toujours d'un totalitarisme caractéristique des pays communistes pour maintenir la suprématie du parti unique gouvernant aux destinées du pays. Mais si la Chine profite d'un taux de croissance annuel aussi fort, c'est bien parce qu'elle profite de la mise en place des dynamiques compétitives relevant du capitalisme sur une taille gigantesque. En reconnaissant la proprité privée, qui appartient à la sphère capitaliste, la Chine accepte donc de considérer qu'elle en relève.

Evidemment, la concession est assez limitée. Elle s'adresse d'abord à la classe moyenne chinoise en plein essor, qui souhaite disposer d'une certaine sécurité quant aux possessions acquises par les gains de leurs efforts. On peut aussi considérer que la propriété privée facilitera les héritages pour ces nouveaux "nantis" vers leur enfant unique. Or la population chinoise est encore beaucoup constituée de paysans prolétaires, qui ne se sont pas vus accorder la propriété des terres qu'ils exploitent, et dont les revenus ne suffisent pas à acquérir des possessions ayant un minimum de valeur. Eux souffrent toujours du sous développement qu'a entraîné le système communiste chinois, comme le pays entier a été dévasté par le Grand Bond en avant et la Révolution Culturelle. C'est le propre de l'application aveugle d'une doctrine communiste irréaliste : l'Etat n'arrive pas à déterminer efficacement les allocations respectives de ressources, ce qui entraîne de graves pénuries et des baisses de la productivité. Ainsi, en URSS, le communisme de guerre avait été à l'origine de famines terribles. Le système avait fini par se stabiliser autour d'un certain compromis en ce qui concerne l'agriculture : si la propriété privée des terres avait été combattue lors de la lutte des soviets contre les koulaks, et au bout du compte supprimée, les agriculteurs avaient fini par acquérir la possibilité de cultiver quelques terres pour leur intérêt individuel. La production qui en était issue ne dépendait pas des cooperatives agricoles dépendant de l'Etat. Le résultat de la motivation via le gain personnel était éclatant : 25 % des denrées alimentaires étaient produites sur ces terres, qui ne représentaient pourtant que 1 % des surfaces agricoles. Si les pays communistes se condamnent eux-mêmes à un développement économique faible et à une société délabrée, nombre d'entre eux se sont donc appuyés discrètement sur des principes refusés par la doctrine communiste pour garder un minimun d'efficacité économique.

Pour ce qui est de la Chine, il est tout de même réjouissant de voir ce pays s'orienter, même de façon très modeste, vers le capitalisme ou certaines préoccupations de développement telles que l'environnement. Car ce sont autant de petits pas vers une société moins enfoncée dans le délire maoïste. Bien sûr, il reste en fin de compte le nationalisme chinois, que le système communiste peut sembler cacher en surface, comme ce fût le cas pour la Russie. Ainsi, aucun signe positif n'a été enregistré sur la question du Tibet, condamné par son envahisseur à devenir une nouvelle province chinoise. Il reste qu'au fur et à mesure des dirigeants chinois, depuis Deng Xiaoping à Hu Jintao, la Chine ne semble plus exclue de pouvoir être un jour un pays au moins aussi libre que l'est la Russie actuellement. Ce n'est certes pas une situation optimale, mais ce sera déjà un certain progrès.

vendredi 16 mars 2007

L'impossible union nationale

Lui qui se plaignait de ne pas être assez repris par les médias, le voici servi. François Bayrou est depuis plusieurs semaines au centre d'une tempète médiatique comme il y en a souvent, où tous les journaux ne parlent que d'une chose (et sur un ton laudatif). Il y a quelques mois, le phénomène s'observait autour de Ségolène Royal. Actuellement, c'est autour de lui. Il bénéficie ainsi d'un cercle vertueux, où ses apparitions médiatiques omniprésentent favorisent les montées dans les sondages, qui encouragent les journalistes à parler encore de lui. Cela lui permet de trompetter partour qu'il va gagner, ne doutant pas une seule seconde de sa prochaine victoire, et de se montrer méprisant pour ses adversaires directs. Mais que se passera-t-il lorsqu'il sera élu, puisqu'il ne peut pas en être autrement selon lui ? François Bayrou, fort que d'une vingtaine de de députés, devra avant tout trouver une majorité susceptible de soutenir un gouvernement qui lui soit favorable. Lorsqu'on lui pose la question, François Bayrou parie sur un gouvernement d'union nationale qui se ferait autour de lui, ou viendrait les bonnes volontés de la droite comme de la gauche. C'est évidemment plus facile à dire qu'à faire. Par exemple, à gauche : si les modérés de ce bord le rejoignent, ils pourraient être assez nombreux après les élections législatives pour pouvoir n'être responsables que devant eux mêmes, créant une cohabitation de fait. Ou bien François Bayrou deviendrait le chef de file de la gauche (certes refondée) tout simplement. Mais c'est peu probable dans la mesure où Dominique Strauss-Kahn, considéré comme le leader des sociaux-démocrates au sein du PS, sera certainement plus enclin à organiser sa candidature de 2012, plutôt que de se soumettre aveuglement à François Bayrou, qui reste un chrétien démocrate, et donc est du centre-droit. Vouloir unir la droite et la gauche dans le même gouvernement est encore plus risqué. Il faudra bien prendre des décisions claires sur les dossiers importants : que faire pour les régimes de retraites (abrogation de la réforme Fillon ? fin des régimes spéciaux ?), faut-il régulariser les sans-papiers, doit-on s'orienter encore plus vers l'Etat providence, ce sont autant de questions sur lesquelles il n'y a aucun conscensus gauche/droite.

En somme, une telle alliance contre nature signerait cinq années d'immobilisme, alors qu'il est justement nécessaire de donner une direction claire dans cette campagne électorale pour orienter l'action à venir. Le pari de l'union nationale revient en fin de compte à espérer que tous les problèmes se règlent d'eux mêmes, sans rien connaître des pistes de solutions. Surtout qu'en cas d'échec d'un tel gouvernement, l'alternance n'est plus possible. A moins évidemment de donner les clés du pays aux formations extrémistes, comme Lutte Ouvrière ou le Front National. Il faut dire qu'un tel dispositif ne se justifie que dans des situations extrèmement graves, où il ne peut y avoir de divisions, où même le processus démocratique semble suspendu. L'union nationale est le mode de gouvernement des temps de guerre, quand chacun oublie ses convictions sur la gestion du pays pour se regrouper face à une attaque extérieure. Certes, la France n'est pas particulièrement un pays sans problème, mais nous ne sommes pas dans une situation de guerre extérieure, seul moment où l'union nationale est pertinente, vis-à-vis des risques pris avec la démocratie.

Dans le cas proposé par François Bayrou, l'union nationale devient donc un dangereux engagement d'immobilisme. Cela peut paraitre séduisant sur le papier, mais cela ne relève pas du réalisme. Peu importe en fait pour ceux qui comptent voter pour François Bayrou. Il s'agit là d'un vote contestataire, de rejet. Ségolène Royal ne donne pas l'impression d'avoir la stature nécessaire et les compétences requises pour le poste. Beaucoup sont mal à l'aise avec l'énergie affichée par Nicolas Sarkozy et les réformes fortes qu'il propose. François Bayrou n'apparait pas comme directement dangereux, il ne cesse de se proclamer comme venant en dehors du système (alors qu'il en a toujours été au coeur), il apparait donc comme un recours pour ceux qui le connaissent assez mal et pour qui il apparait comme neuf.

Dès lors, il n'est pas étonnant que François Bayrou soit soudainement devenu élogieux vis-à-vis du Président Jacques Chirac, alors qu'il a refusé de l'aider dans son action. On peut en effet reconnaître en lui certains traits de Jacques Chirac, dans la prudence à faire des réformes, ou dans le fait de ne pas assumer l'appartenance à la droite. Au moins, Jacques Chirac avait lui une majorité claire pendant ces cinq dernières années pour avancer sur plusieurs dossiers, comme l'insécurité ou les retraites. François Bayrou dit qu'il aura forcément une majorité, comptant en fait bien plus sur l'émergence d'un grand parti pour sa majorité présientielle, où tout le monde penserait comme lui (c'est à dire qu'il est la bonne personne pour être à la présidence) et qui écraserait les autres formations. Tout ce qu'il a toujours reproché à l'UMP en fait, le seul tort de ce parti étant, au bout du compte, d'être dévoué à quelqu'un d'autre que lui.

mercredi 14 mars 2007

Quelques orientations pour les transports ferroviaires

Plusieurs types de transports sont de grandes sources d'émissions de CO2, comme les voitures ou les avions. Dès lors, il est opportun de favoriser ceux qui n'en émettent pas. De nos jours, les trains fonctionnent à l'électricité, qui, si celle-ci est produite à partir de centrales nucléaires ou d'érnergies propres, n'est pas susceptible de faire augmenter l'effet de serre. Voilà pourquoi le développement des transports ferroviaires est le type de chantier qu'il faut encourager. Plusieurs orientations peuvent lui être données, à commencer par le ferroutage. Chaque jour, des milliers de camions transportent des marchandises à travers l'Europe. Ceux-ci ne peuvent être totalement éradiqués, dans la mesure où un transport individuel comme un camion dispose évidemment de bien plus de souplesse qu'un train dont les destinations sont limitées aux rails posés. Les camions doivent donc se concentrer sur leur mobilité, pour acheminer les marchandises (disposées sous containers standardisés) depuis leur lieu de production (ou de stockage) aux gares de ferroutage, pour que d'autres puissent les emmener depuis les gares d'arrivée à leurs destinations finales. Les distances seraient plus courtes, le nombre de camions nécessaires moins élevé, et donc la pollution moins forte in fine. Les compagnies de transport routier seraient donc plus concentrées sur la desserte de zones géographiques spécifiques (ce qui permet le maintien d'entreprises locales), avec une logique qui reposerait moins sur les économies d'échelles, les chauffeurs routiers pourraient faire des trajets plus courts et donc avoir une meilleure vie de famille. Cela nécessite bien sûr que le réseau ferroviaire soit très dense à travers toute l'Europe, qu'il soit bien entretenu et que les entreprises l'exploitant soient fiables. Le contrôle de l'Etat est ici nécessaire.

D'une manière générale, il faut encourager l'expansion du rail. Il peut être utilisé tant pour les transports en commun de voyageurs que celui de marchandises. Les connexions entre réseaux nationaux doivent être nombreuses pour qu'il soit envisageable d'acheminer un container du Portugal à la Pologne, comme il est possible de le faire par la route. En ce qui concerne le transport de voyageurs, il est avéré que le train domine le marché des transports en commun par rapport à l'avion dès que le temps de trajet devient à peu près équivalent. Là encore, il n'y a pas de secret : les lignes à haute vitesse sont certes coûteuses, mais sont tellement fondamentales dans le cadre d'une politique des transports qu'elles doivent en être la priorité. Une priorité établie au niveau de l'Union Européenne. Cette dernière a un grand rôle à jouer : dans le financement et l'encouragement bien sûr, mais aussi dans l'établissement de normes permettant une certaine unité dans le réseau ferroviaire. Les pays doivent chacun se sentir concerné, car c'est à eux de mener la concertation locale nécessaire pour l'avancement des projets, pour que les régions traversées par les lignes soient bien convaincues par le facteur d'intérêt général qu'elles représentent. Le raccordement à haute vitesse de la France à l'Allemagne via le TGV Est, à l'Espagne à travers les Pyrénées ou à l'Italie via la ligne Lyon/Turin sont aussi essentiels pour l'Europe que le sont déjà Eurostar pour la liaison avec la Grande Bretagne, ou Thalys avec le Bénélux. La place géographique centrale de la France en Europe est souvent vantée, il faut donc l'assumer. Et ce d'autant plus que même en restant sur son territoire, les liaisons entre Paris, Bordeaux, Strasbourg, Rennes voir Nice ou Toulouse restent encore loin d'être achevées. Les technologies doivent également être mises à contribution : pour que le trajet entre deux villes dure moins de trois heures pour un voyageur, il faudra compter sur les performances des locomotives. Voilà un sujet sur lequel l'effort de recherche et de développement doit se révéler utile !

Le rail peut également être important dans les trajets plus courts, à travers le tramway, le métro où les lignes régionales. A cet égard, il faut se rendre compte que pour une ville comme Paris par exemple, plus les lignes de métro sont nombreuses et connectées aux autres transports en communs et centres de vie et d'activité, plus elles arriveront à faciliter la vie des voyageurs et à jouer un rôle dans la région. Certains problèmes d'organisation subsistent : en Ile de France par exemple, le fait que le réseau RER soit géré par la RATP ou la SNCF en fonction des morceaux de lignes force la mise en place d'interconnexions artificielles sur une même ligne (Gare du Nord pour la B, Nanterre Préfecture pour la A), ce qui ne fluidifie pas le trafic, bien au contraire, et même amène une différence de qualité de service. Si les lignes Transilien (celles aux départs des grandes gares nationales) peuvent éventuellement rester du ressort de la SNCF, tout le reste doit passer à la RATP. De tels cas peuvent être également à régler dans d'autres villes de France.

Enfin, et c'est fondamental, les transports en commun doivent être fiables, ce qui exclue les retards, et surtout les interruptions de service lors des grèves. Un tel effort dans la direction du rail n'a de sens que si l'on a la certitude que les trains fonctionnent sans interruption. Outre l'augmentation de la fréquence des passages et la mise en place d'un service de nuit, le service habituel doit être correctement assuré. Car ce qu'il y a actuellement doit déjà être considéré comme un service minimum, on ne peut envisager que le service soit moins important (y compris en temps de grève) sans endommager sévèrement la vie sociale et économique d'une région ou d'un pays. L'exploitation du réseau ferroviaire est fondamentale et doit être assurée en continu, ce qui veut dire qu'il ne faut laisser à personne la possibilité de perturber ce système. Actuellement, c'est l'une des principales faiblesses de ce mode de transport, pour veiller à l'intérêt général, la volonté publique doit faire en sorte que cette nuisance potentielle soit éliminée. Que cela passe par la concertation ou par une loi n'est que le dilemme sur le moyen d'y parvenir, mais il y a en tous cas une obligation de résultat.

lundi 12 mars 2007

La discrimination positive

Le communautarisme est clairement un facteur de division au sein de nos sociétés. En séparant les personnes en fonction de critères ethniques, on empêche la réalisation d'une cohésion entre tous, et fait prédominer les intérêts particuliers plutôt que la recherche de l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle chacun doit n'être considéré qu'en tant que citoyen, et non en tant qu'originaire de telle ou telle origine. Dès lors, la discrimination positive apparait comme inopportune. Tout du moins dans la forme qu'elle a aux Etats-Unis. Là bas, il s'agit de laisser des places dans certaines entreprises ou services aux personnes minoritaires en termes ethniques, avec comme population visée les noirs, qui sont proportionnellement moins représentés dans les élites ou même les classes moyennes que les blancs. Aux Etats-Unis, la population est statistiquement distribué entre les caucasiens, les afro-américains, les latinos, les asiatiques, les amérindiens, etc. Ceux qui sont sous-représentés à un certain niveau se soient réservés des places, via des quotas, comme dans les universités où un effort de recrutement particulier est fait vis-à-vis des afro-américains qui auraient plus de difficultés à y rentrer selon les critères traditionnels, du fait de leurs origines souvent plus modestes qui leur donnent moins de chance d'ascension sociale, car la reproduction sociale existe là-bas comme ici. Un tel principe est difficilement applicable en France : la République reconnaît chacun de ses enfants comme égaux, et refuses toute discrimination, positive comme négative, car une fois la nationalité française acquise il n'est plus question d'ethnie. Tout le monde est Français et tous sont égaux en droits, un point c'est tout. En outre, on peut toujours se poser la question du mérite de ceux qui bénéficient d'un tel système, car cela laisserait un soupçon sur la légitimité de la place trouvée ou du diplôme acquis.

La discrimination positive est donc un concept fâcheux en France. Et pourtant Nicolas Sarkozy ose prononcer le mot en France lors de sa campagne présidentielle. Il y a pourtant une différence : la discrimination positive qu'il prône se fait en fonction d'autres critères que ceux de l'ethnie. Dans son discours de Périgueux du 12 octobre 2006, il explique : "Pour compenser la discrimination négative il faut de la discrimination positive. Je propose un volontarisme républicain qui passe du discours aux actes. Je ne veux pas faire une discrimination positive sur des critères ethniques qui serait la négation de la République. Mais je veux que sur la base de critères économiques, sociaux, éducatifs, on mette tous les moyens nécessaires pour combler des écarts qui sont devenus insupportables et qui mettent en péril la cohésion nationale." Des critères économiques, sociaux et éducatifs, voilà sur quoi serait fait une distinction, et des efforts supplémentaires seraient faits pour ceux qui sont les plus défavorisés en fonction de ces critères. Nulle mention d'ethnie, d'origine ou de couleur de peau. Il s'agit en fin de compte que de redonner des chances supplémentaires à ceux qui n'ont presques pas à l'origine, et par une action volontaire, amoindrir l'inégalité des chances criante qui existe entre les différents Français.

C'est donc bien une certaine équité qu'il s'agit d'améliorer via ce travail sur une égalité plus réelle des chances. Et toute distinction sur les ethnies ou d'autres critères est et doit rester en dehors du débat. S'il n'y a qu'un peuple français, il y a des inégalités entre ses citoyens qu'il faut corriger. Ces efforts doivent être faits au plus tôt, dès la jeunesse, et dans les territoires défavorisés, pour que ce soit dès la naissance que les espoirs d'ascension sociale soient améliorés.

samedi 10 mars 2007

Le Japon face à son histoire

En septembre dernier, Shinzo Abe a succedé à Junichiro Koizumi au poste de Premier ministre du Japon. Ce dernier était très populaire, en sortant son pays de la crisé économique qu'il traversait, en ayant un côté spectaculaire qui faisait son charisme, et en n'hésitant pas à faire des visites annuelles au sanctuaire de Yasukuni. Par contraste, Shinzo Abe est perçu comme un homme politique plutôt terne, mais qui pouvait être plus enclin que son prédécesseur à veiller à des relations aussi bonnes que possible avec les autres pays d'Asie. En effet, Junichiro Koizumi était très controversé en Chine et en Corée du Sud. Le sanctuaire de Yasukuni honore ceux qui sont morts pour le Japon, dont une grande partie de militaires, et parmi eux des personnes qui se trouvent être considérées comme des criminels de guerre par la Chine et la Corée, pays que le Japon a occuppé de façon violente pendant la première moitié du XXème siècle. Là bas, le souvenir des méfaits accomplis par l'armée japonaise y sont fort, et laisse l'image d'un Japon dominateur et totalitaire. Il n'y a pas eu de grandes réconciliations en Asie comme il y en a eu en Europe après la seconde guerre mondiale. Les sentiments nationalistes restent toujours aussi forts au Japon, même si le recours à la guerre est une idée qui a été éradiquée par l'occuppation américaine et une constitution qui l'interdit explicitement. En parallèle, la Chine et la Corée voient dans le Japon un héréditaire ennemi mortel, dont il est nécessaire de se méfier. Le fait que le Japon n'ait pas vraiment fait de mea culpa de ses actions passées n'arrange rien à l'affaire. Dans la vision historique japonaise des anciens événements, une bonne part de ce qui ne peut pas être porté à la gloire de la patrie est tout simplement minoré. Pour les Japonais, reconnaitre des débordements de la part de leur armée serait en une certaine manière porter injure à leurs ancêtres qui ont combattu pour la grandeur du Japon.

En visitant le sanctuaire de Yasukuni, Junichiro Koizumi honorait une promesse électorale visant à flatter le sentiment nationaliste de ses compatriotes. Mais la contrepartie était des relations excécrables avec ses voisins, qui eux enrageaient de voir leur ancien oppresseur sembler proclamer sa fierté de les avoir tenus sous sa domination. L'arrivée d'un nouveau Premier ministre, Shinzo Abe, était donc de nature à favoriser de meilleures relations diplomatiques dans la zone. Celui-ci a d'ailleurs décider de se rendre à Pekin et à Seoul au début de son mandat pour opérer dans ce sens. Mais se révélant de moins en moins populaire, il en a appelé le 1er mars dernier à la corde nationaliste de ses compatriotes en refusant de reconnaître la prostitution forcée de Chinoises et de Coréennes par l'Armée impériale japonaise dans les années trente et quarante, ce qui était pourtant une revendication de la Chine et de la Corée du Sud. Cela a aussitôt déclenché la fureur de ces pays, et remisé pour plus tard les espoirs d'apaisement dans la région.

Il faut déjà remarquer que ces histoires d'interprétation de l'Histoire reposent en bonne partie sur des confrontations de sentiments nationaux, qui pour être devastateurs en matière diplomatique (avec de graves conséquences potentielles), n'en soint pas moins assez irrationels. Ainsi, on peut s'interroger sur les tords réels et supposés du Japon, la Chine n'hésitant pas elle même souvent à faire de son ancien envahisseur un bouc émissaire responsable de tous les maux du passé afin de se refaire une unité nationale. Pour que tout l'extrème-orient puisse travailler ensemble de façon apaisée, il faudrait donc que chacun fasse preuve d'honnêteté, quitte à faire appel à des historiens indépendants pour déterminer la part de chaque organisation dans tel ou tel événement. Pour commencer, il faudrait y mettre de la bonne volonté. Dans un colloque de l'automne dernier, le correspondant japonais de la NHK en Francesoulignait le fait que l'idée d'Union Européenne apparaissait étrange au Japon, vu que cela ne viendrait à l'idée de personne en Asie de chercher les voies d'une cohésion supra-étatique. Ne serait-ce que pour faire une simple zone de libre échange, les négociations sont très difficile. Dès lors, l'idée d'avoir des politiques communes entre plusieurs états représente presque une hérésie.

Cette situation est d'autant plus déplorable qu'il serait justement nécessaire qu'une certaine unité se fasse entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud, à propos de dossiers qui les concernent tous, avec en premier lieu la gestion du cas de la Corée du Nord. Si ces trois pays arrivent à se mettre d'accord sur une ligne claire à opposer à la Corée du Nord, les marges de manoeuvre de celle-ci en seraient d'autant plus faibles. Si la voie pour la paix entrouverte par l'Europe à travers une solution de forte coopération entre Etats n'est pas une solution réaliste à moyen terme en Asie, au moins peut-on espérer que dans les pays démocratiques de la région on puisse voir apparaitre des hommes d'Etat qui auront le courage de maintenir la discussion, quitte à faire leurs inventaires respectifs de leurs tords passés. Actuellement, ce ne serait pas trop demander au Japon que de faire ce premier pas.

Photo : AFP/Yoshikazu Tsuno

vendredi 9 mars 2007

Désobeissance civile

En 1997, 66 cinéastes signaient un appel à la désobéissance civile vis-à-vis de lois sur l'immigration qu'ils n'appréciaient pas. Ces temps-ci, José Bové est candidat à la présidentielle tout en étant condamné à une peine de prison ferme, pour un acte d'arrachage qu'il justifie par la désobéissance civile. Aujourd'hui, des militants hostiles à la publicité pronent également la désobéissance civile pour se permettre de vandaliser le mobilier urbain. Le concept de désobeissance civil est donc utilisé en de multiples occasions pour justifier le non-respect intentionel des lois. Selon ses concepteurs, la désobeissance civile doit être non-violente, être en application de l'intérêt général et se faire de façon publique. Il n'est pas certains que tous les militants anti-pub agissent en accord avec la dernière de ces conditions. En outre, agir en fonction de l'intérêt général est évidemment nécessaire, mais l'intérêt général est justement défini par le débat démocratique : les lois sont l'application de débats et d'élections, ce qui leur donne une légitimité totale dans les régimes démocratiques. Ainsi, il pouvait être nécessaire aux soldats et aux ouvriers du IIIème Reich de lui désobeïr lorsqu'il leur faisait accomplir des tâches inhumaines car le régime avait perdu toute légitimité populaire. Tant que les élections sont tenues de façon régulière et transparente, par une constitution approuvée par la majorité, force doit rester à la loi.

La non-violence doit en outre être fondamentale. Cela vaut aussi pour les violences faites aux biens. Gandhi, qui a utilisé la désobéissance civile pour favoriser l'indépendance de l'Inde, a ainsi annoncé qu'il préférait se faire maltraiter par les forces de l'ordre plutôt que de riposter face à elles. Sit-ins, non coopération ou marches pacifiques étaient ses faits d'arme. Leur puissance symbolique était plus forte que les destructions. Si de nos jours les promoteurs de la désobeissance civile (ou civique) comptent aussi sur la force symbolique, elle est secondaire par rapport à leur satisfaction d'avoir participé à une destruction matérielle et donc bien plus effective que symbolique, et se serve du concept avant tout pour donner un semblant de légitimité à une simple illégalité.

Ils dénaturent ainsi un concept qu'il ne faut utiliser qu'en de graves situations, lorsque tous les autres recours ont été épuisés et que le pouvoir en place n'est plus l'émanation du peuple. Car ceux qui pronent actuellement le non respect des lois sont loin d'avoir épuisés tous les recours. Le fait est qu'ils sont tout simplement en minorité dans l'expression de la volonté populaire, et c'est bien ça qu'ils ne supportent pas. En refusant de se soumettre à l'intérêt général, tel qu'il est énoncé par la majorité de la population, ce sont eux en fait qui bafouent la démocratie. Leur autre tort est de se servir d'une justification aussi malhonnête dans leur cas que celle de la désobéissance civile.

mercredi 7 mars 2007

A la recherche du nouveau président

Dimanche dernier, Jean-Louis Borloo s'est exclamé dans l'émission Ripostes "la présidentielle ce n'est pas la Star Ac'". Il faut dire qu'on pourrait parfois en douter, tant l'événement constitutif de la vie citoyenne peut se transformer en un spectacle où l'on regarde des candidats affronter des épreuves pour en fin de compte en choisir un. Au moins, on ne peut pas se plaindre que les Français ne s'intéressent pas à l'élection présidentielle... Mais visiblement, cette élection a pris une importance considérable, et génère une attention bien supérieure aux précédentes. Chacun semble croire, à tort ou à raison, que le 22 avril et le 6 mai prochain va se jouer l'avenir de la France. Certes, le poste de Président est d'autant plus convoité que ses pouvoirs sont importants. L'élection présidentielle a un effet d'entrainement sur les législatives qui suivront, c'est donc l'orientation tant du pouvoir éxecutif que du pouvoir législatif qui sera décidée à l'issue de ce débat. Néanmoins, si beaucoup de choses peuvent et doivent changer, on peut s'interroger sur l'ampleur et la précision du mandat qui sera donné aux prochains gouvernants. Ainsi, tous les thèmes sont mis sur la table, avec à chaque fois des citoyens qui exigent que les candidats s'engagent en faveur, ou du moins expriment leur position sur tel ou tel point précis. D'un côté, un programme précis et amplement discuté peut être une force pour le candidat élu, car cela lui donne la légitimité de mettre en application ses idées après son élection. D'un autre, cette tendance méconnaît le fait que la vie démocratique d'un pays ne s'arrête pas l'élection présidentielle passée : lors des cinq prochaines années, le parlement devra continuer à peser le pour et le contre des lois, le dialogue social devra s'opérer avec les partenaires sociaux, et il faudra de toutes façons prendre compte de contraintes imprévues qui ne manqueront pas d'arriver. C'est donc chaque jour que le débat doit avoir lieu, et si ces jours-ci il est particulièrement intense, il ne faut pas que tout le monde agisse de façon à croire qu'il cessera dans deux mois.

En outre, on peut parfois se demander si l'intérêt général est au coeur de la préoccupation de tous. Bien sûr, les défenses de l'environnement, des professions de santé ou de l'enseignement relèvent toutes de l'intérêt général. Nicolas Hulot avait eu un rôle utile en voulant mettre en avant l'écologie dans la campagne. Mais le succès de sa démarche a inspiré bon nombre de groupes d'intérêts, aux rôles moins clairs. Par exemple, ce sont les enseignants qui souhaitent que l'on parle d'éducation, les intermittents du spectacle qui veulent que l'on parle de culture, jusqu'à arriver aux chasseurs qui auditionnent les candidats sur la chasse. Sous couvert de parler de thèmes politiques, ce sont des lobbys qui apparaissent en filigrane, voulant défendre en fin de compte des intérêts très particuliers. Cette réflexion sur le mode "comment cette élection présidentielle peut-elle me bénéficier" se traduit également dans les pensées d'un grand nombre d'électeurs. On a pu s'en rendre compte dans l'émission "J'ai une question à vous poser", où l'étudiant posait une question sur les débouchés des études, le petit commerçant sur le rôle des grandes surfaces, la personne venant des DOM sur le prix des billets d'avions entre les Antilles et la métropole, bref, où chacun se soucie du problème en priorité que du problème qui le concerne. Voilà pourquoi les questions ayant trait à la politique étrangère sont rares, même si les Français souhaitent que les candidats aient au minimum une certaine stature.

Et lorsque l'on ne se préoccuppe pas de soi-même dans ce débat, c'est pour le regarder à la manière d'un spectateur. Comme une compétition sportive, où les sondages omniprésents font office de tableau de score, et une presse à l'affut de la moindre polémique en croyant que cela rend l'élection specaculaire. Ou comme une émission de télé-réalité, où l'on est très détaché à la vision de ces candidats dont on se moque volontiers. En tous cas, si la campagne pourrait certes être bien pire, on peut tout de même regretter que le débat ne soit pas plus serein, et exclusivement orienté sur la recherche de la meilleure façon de défendre l'intérêt général.

mardi 6 mars 2007

Une Europe écologique

Jeudi et vendredi se tiendra un sommet européen consacré aux questions énergétiques. Une baisse de 20 % des émissions de CO2 (par rapport à 1990) est d'ores et déjà acquise. Par contre il y a débat sur le fait de savoir si cet objectif doit être contraignant. Normalement, tant qu'à prendre une mesure, autant le faire de telle façon à ce qu'on souhaite vraiment la mettre en oeuvre. Mais la France et l'Allemagne s'opposent sur ce point, car pour accepter la contrainte, la France souhaite que l'énergie nucléaire puisse être compté dans les énergies permettant de réduire les émissions de CO2. L'idée étant de marginaliser encore plus les centrales thermiques qui ont des rejets en dioxyde de carbone. Les Allemands préfèrent que toute diminuation des émissions de CO2 se fasse au profit des énergies renouvelables, avec comme objectif d'arriver à 20 % de renouvelable dans les énergies utilisées en 2020. S'il est en effet souhaitable d'augmenter la part des énergies renouvelables de façon importante, il est étrange de la part de l'Allemagne de vouloir avoir une influence sur la politique nucléaire d'autres pays. L'énergie nucléaire a en effet l'atout de ne pas émettre de gaz nocif, et de voir ses déchets controlés. C'est en fait le résultat de l'influence des Verts allemands, qui à l'instar de ceux français, veulent mettre un tabou sur cette source d'énergie. La première priorité doit pourtant être de diminuer les émissions de CO2. La coalition rouge/verte de Gerhard Schröder et de Joschka Fischer avait décidé de l'abandon du nucléaire en ayant l'intention de le remplacer par les énergies renouvelables. Faire monter en puissance ces énergies est une bonne chose, mais pourquoi le faire au détriment du nucléaire, alors que l'Allemagne produit à 40 % son électricité à partir de centrales thermiques consommant du pétrole, et à plus de 20 % du charbon, combustibles qui émettent beaucoup de CO2 ? Au vu de ces chiffres, la France n'a pas à rougir à produire 80 % de son électricité à base d'énergie nucléaire.

Le fait est que mettre en place ses énergies renouvelables prend du temps et n'est pas forcément simple, ou peu couteux. Si pour la France, le nucléaire doit permettre de faire la liaison le temps qu'il faudra, il ne faut pas moins avoir une forte volonté politique pour cette mise en place. En outre, le nucléaire n'est pas une solution pour l'ensemble des consommations d'énergies, une bonne partie des transports ne pouvant difficilement fonctionner avec la seule électricité. Les biocarburants sont alors indiqués, et pour notre surproduction agricole, un tel débouché est intéressant. Là aussi, l'Union Européenne peut agir, en se servant de la PAC pour orienter la filière agricole à écouler une partie de sa production vers la fabrication de bioéthanol. Les cours du maïs et du blé augmentent déjà du fait de l'augmentation de la production de biocarburant aux Etats-Unis. Peut être faudrait-il aussi veiller à ce que les productions agricoles choisies n'aient pas de défauts vis-à-vis de l'environnement, le maïs par exemple demandant beaucoup d'eau, ce qui est peu recommandé par nos temps de sécheresse périodique.

Et autre motif d'espoir, même la Chine commence à se soucier des enjeux de développement durable. Certes de façon modeste, en voulant mettre des normes contraignantes aux émissions de gaz nocifs, alors que les émissions chinoises de CO2 ne cessent d'augmenter du fait de l'outrageuse croissance économique du pays. Mais le pouvoir chinois indique déjà que le soucis est présent, et ce n'était pas forcément gagné d'avance. Pour le coup, si les pays occidentaux trouvent des moyens d'assurer la croissance sans qu'il y ait croissance de la pollution, il ne faudra pas qu'ils hésitent à faire le transfert de ces technologies là.

lundi 5 mars 2007

De la légitime défense

Ce genre de faits divers revient assez souvent : des voleurs en commettant leur forfait font face à la riposte armée des agressés, et l'affaire tourne mal pour les malfrats. Lorsque ceux-ci viennent à mourir, celui qui a tiré est accusé d'homicide, et est généralement envoyé aux assises pour répondre de ses actes. Tel était le fond de l'affaire (vieille de huit ans) dans un procès qui a eu lieu à Nancy la semaine dernière, où un pharmacien avait tiré sur les deux braqueurs qui lui volaient sa caisse. L'un d'entre eux est mort, l'autre a réussi à fuir plusieurs mois. Le pharmacien avait tiré trois coups de feu, le premier lorsqu'ils étaient encore dans son officine, les autres à l'extérieur, où un passant a d'ailleurs été blessé et le chien de celui-ci tué. L'avocat du pharmacien a plaidé la légitime défense. Il se trouve qu'il faisait du tir sportif, alors que l'arme des malfaiteurs était factice. La semaine suivante, sa pharmacie fut incendiée par des inconnus. Une autre affaire, plus médiatisée, remonte à l'automne dernier. Un homme se fait molester lors du cambriolage de son appartement par trois malfaiteurs cagoulés. En se débattant, il réussit à récupérer l'arme de ses agresseurs, tire dans la direction de l'un d'entre eux qui tombe de la fenêtre en fuyant, et meurt. Lorsqu'il fut placé en détention provisoire, de nombreuses personnes se sont émues du fait qu'il n'est fait que répondre à une agression.

Dans les deux cas, la question de la légitime défense est posée. Celle-ci a une limite : nul ne doit faire justice soit même. On est bien loin des Etats-Unis, où le droit à la détention d'armes permet de répliquer de façon violente à une agression. En France, même lorsque des détenus s'évadent et restent à portée de tir, ou bien dans d'autres situations, il est interdit de se servir d'une arme à feu en direction de quelqu'un à part dans un cas particulier : il faut qu'il y ait une menace évidente et directe sur la vie. Cette doctrine vise déjà à rendre les situations difficiles moins dangereuses : s'il est entendu que personne (y compris chez les forces de l'ordre ou les agressés) ne fera usage de la force, les agresseurs s'en serviront moins eux-mêmes pour se protéger, agresser ou prendre la fuite. Il est vrai qu'avec le foisonnement des armes à feu aux Etats-Unis, les morts par balles y sont incroyablement plus nombreux qu'en France

Mais le principe vaut également dans les situations où aucune arme à feu n'est impliquée : si l'on blesse sérieusement un malfaiteur en tentant de se défendre d'une agression d'une quelconque façon, on ne coupera pas à une enquête appronfondie qui visera à vérifier que l'intégralité physique était bien menacée. Il peut paraitre paradoxal que l'agressé qui essaie de se défendre soit mis au ban des accusés. En l'occurrence, le pharmacien a été reconnu coupable d'homicide volontaire et a été condamné à cinq ans de prisons, dont deux fermes. Cela laisse l'impression que les victimes potentielles n'ont d'autres choix de plier, ce qui les met sur un pied d'inégalité avec leurs agresseurs qui se moquent de toutes façon des lois. Le principe relève en tous cas du droit fil de la doctrine juridique. D'une manière générale, seul l'Etat doit pouvoir user de la force. Voilà pourquoi la Justice ne se sert de son glaive qu'après avoir pesé le cas dans sa balance, selon l'allégorie. Il reste néanmoins une impression étrange, lorsque l'agressé ne peut se défendre, lorsque des émeutes éclates quand quelqu'un meurt en forçant un barrage de police, lorsqu'il y a des représailles à l'encontre de ceux qui dénoncent des activité délictueuses... La légitime défense, tout en restant mesurée, ne doit pas être élevée au rang de nouveau délit, alors que parfois le rapport de force semble si distandu entre victimes et agresseurs.

dimanche 4 mars 2007

Le juste prix d'une consultation

Actuellement, les médecins généralistes sont en grandes négociations avec caisses d'assurance maladie pour que soit revalorisé le prix de leurs consultations. Ils considèrent en effet que la médecine généraliste est désormais considéré comme une spécialité, et que donc le tarif des consultations doit être le même que les autres spécialistes. Ce serait le résultat de la réforme du parcours de soin, qui visait à réduire les dépenses de l'assurance maladie. Il n'y a pas si longtemps, la consultation chez le médecin généraliste coutait 100 francs. Lors de la campagne éléctorale de 2002, les médecins généralistes créaient de l'agitation pour que la consultation passe à 20 euros, ce qu'ils ont obtenu. Aujourd'hui, les scènes de la pièce qui se joue sont troublantes tellement elles sont l'exacte répétition de ce qu'il s'est passé il y a cinq ans. Mais cette fois-ci, c'est pour passer à 23 euros. Le but est explicitement de peser sur la campagne présidentielle, pour que le gouvernement pousse les caisses à revaloriser le montant de la consultation. Celles-ci sont bien évidemment reluctantes à toute augmentation, car c'est autant de dépenses supplémentaires que devra rembourser l'assurance maladie, alors que celle-ci est déjà en déficit depuis bien longtemps.

A l'heure où l'on ne parle que de faire des économies en matière de dépenses de soin, que l'on fait payer aux patients des franchises et qu'il paye de plus en plus de taxes pour tenter de rééquilibrer les comptes, que le remboursement de certains médicaments sont revus à la baisse, le but serait d'augmenter consciemment les dépenses de façon uniforme pour l'ensemble des médecins généralistes ? Il faut certes remarquer que l'ampleur de la revalorisation, si elle parait importante, l'est moins lorsque l'on fait le calcul pour comprendre quelle hausse annuelle moyenne cela représente en fin de compte. Mais il reste que le principe d'augmenter les dépenses de façon conséquente alors qu'il y a déjà un douloureux déficit est mal compris. C'est censé être la contrepartie des efforts faits par les médecins pour réduire justement les dépenses de santé, mais on peut s'interroger sur le besoin de mettre une motivation financière au soucis d'économie. D'une manière plus générale, il peut paraitre surprenant qu'une profession admirée pour ses efforts pour la santé des autres apparaisse très intéressée par sa rémunération. Certains répondent à ce type d'objection en disant que les médecins travaillent énormément, ce qui est vrai, et qu'ils ont fait de très longues études. On peut toutefois imaginer qu'ils savaient ce qui les attendait lorsqu'ils faisaient ces études. En outre, il faut remarquer qu'il n'y a pas vraiment de métier dans lequel neuf années d'études payent davantage que la médecine (même si les spécialistes gagnent davantage évidemment que les généralistes, et motive dans un sens l'actuelle revendication).

Ces négociations peuvent donc laisser un gout étrange dans la bouche des observateurs. Comme chaque question de budget, c'est une affaire de priorité. Les médecins généralistes doivent être valorisés, mais l'augmentation du tarif de leur consultation ne doit pas forcément dépasser l'inflation pour commencer. Ensuite, il serait plus opportun de trouver des façons de différencier la rémunération en fonction de certains critères. Par exemple, certaines localités rurales sont en déficit de médecins généralistes justement, alors qu'ils sont très représentés dans la région parisienne et sur la côte d'azur. Ne pourrait on pas récompenser en priorité ceux qui font le choix de carrières moins enthousiasmantes à première vue ? Vu les efforts demandés aux patients, il ne parait pas innoportun d'en demander également aux praticiens.

jeudi 1 mars 2007

Jean-Louis Borloo, une option radicale

Alors que la campagne électorale commence à être bien entamée désormais, certaines personnalités politiques restent encore en retrait. C'est le cas de Dominique Strauss-Kahn, mal utilisé par Ségolène Royal. C'est le cas des derniers chiraquiens, comme François Baroin, qui attendent que Jacques Chirac annonce sa décision sur une éventuelle candidature. Prétexte aussi utilisé depuis longtemps par Dominique de Villepin pour éviter de prendre position. Il y a également le cas de Jean-Louis Borloo. Le gouvernement doit travailler jusqu'au bout dit Président de la République. Le ministre de la Cohésion sociale lui suit ce mot d'ordre à la lettre, et est l'un des derniers ministres à connaître une activité toujours constante, et peu importe que la session parlementaire se soit achevée. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'a pas sa place dans cette campagne, bien au contraire. A l'automne dernier, au dernier congrès du Parti Radical (qu'il co-préside avec André Rossinot le maire de Nancy), il a refusé de prendre parti en faveur de Nicolas Sarkozy, alors que sa formation politique fait partie de l'UMP. Pendant ce temps-là, François Bayrou répond, lorsqu'on lui pose la question, que Jean-Louis Borloo pourrait faire partie de ces personnalités pouvant travailler avec lui dans le cadre de son gouvernement de la gauche, du centre et de la droite.

Il est pourtant peu probable que Jean-Louis Borloo soutienne avant l'élection présidentielle François Bayrou, même s'il n'a probablement aucune hostilité envers lui, ayant été son porte-parole lors de la campagne de 2002. Mais Jean-Louis Borloo se trouve être ambitieux, par pour viser à long terme la Présidence, mais ambitieux pour son pays, pour amplifier le travail qu'il a accompli ces cinq dernières années. Cette fois-ci, il souhaite donc accéder à Matignon pour avoir les coudées plus franches quant à la mise en place des mesures qui lui sont chères. Actuellement, il dit passer ses soirées à les décrire dans un livre qui doit bientôt sortir. Elles sont la base de sa discussion avec Nicolas Sarkozy pour effectuer son ralliement à la candidature de ce dernier. Le candidat de l'UMP serait bien inspiré de profiter de l'inspiration sociale qu'apporte Jean-Louis Borloo. Et s'il est trop tôt pour penser à se distribuer les postes, Jean-Louis Borloo doit rester un premier ministre potentiel pour celui qui veut être président, en compagnie de François Fillon ou de Michèle Alliot-Marie. Ces trois premier-ministrables ont tous des sensibilités différentes de celles de Nicolas Sarkozy, et donc complémentaires. Il doit en tenir compte dans sa campagne, car le rassemblement qu'il doit opérer passe par là.

En l'occurrence le soutien de Jean-Louis Borloo a un poids politique supérieur à ses propositions, alors qu'elles sont déjà fortes. Il peut être vu comme une possibilité pour Nicolas Sarkzoy d'occupper le centre, alors que François Bayrou semble occupper de plus en plus d'espace dans le paysage politique en reniant son appartenance à la droite. D'une manière générale, Nicolas Sarkozy a plusieurs cartes centristes à jouer, car une bonne partie des membres de l'UMP sont justement d'inspiration centriste, et sont autant démocrates-chrétiens que le candidat de l'UDF. Ils doivent pouvoir s'exprimer fortement pendant cette campagne. Il peut aussi compter sur le soutien de Simone Veil, femme politique estimée de tous, et dont la parole a d'autant plus de poids qu'elle est rare (car elle était soumise au devoir de réserve en étant au Conseil Constitutionnel) et réflechie. Les accomplissements de celle-ci dans les gouvernements et au niveau européen, et sa force de conviction peuvent être très utiles au candidat, pour orienter son propre discours, et pour convaincre des indécis. Et pour le cas particulier de Jean-Louis Borloo, on peut sourire en pensant que le Parti Radical pourrait avoir de nouveau le rôle de faiseur de roi, ou plutôt de majorité, rôle qui lui était dévolu dans les IIIème et IVème République.

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